Point de presse conjoint de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes et de M. Laszlo Kovacs, ministre hongrois des affaires étrangères, et interview de Mme Lenoir à "Nepszabadsag", sur les négociations liées à l'élargissement, l'état de l'opinion publique française sur l'élargissement et l'Europe en général, la question de la réforme de la PAC et les relations franco-hongroises, notamment sur le plan culturel, Budapest le 26 juillet 2002.

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Circonstance : Voyage officiel de Mme Noëlle Lenoir en Hongrie le 26 juillet 2002

Média : Népszabadsag

Texte intégral

Point de presse conjoint :
A mon tour, je voudrais indiquer combien je suis sensible à l'accueil qui m'est ici réservé et confirmer que le choix de la Hongrie comme premier pays de destination n'est pas le fruit du hasard.
C'est une visite extrêmement importante pour le gouvernement français qui relance la coopération franco-hongroise et qui, surtout, marque la foi totale dans le processus d'adhésion. La Hongrie dans le cadre de ce processus se montre tout à fait performante. Nous sommes même, je puis dire, un peu "impressionnés" du rythme de l'intégration des différents chapitres. Ce qui reste encore à l'ordre du jour, non pas pour la Hongrie mais pour tous les pays, ce sont des chapitres un petit peu plus techniques qui ont demandé, non seulement de la part des Etats candidats comme la Hongrie, mais aussi de notre part, un peu plus de discussions ; je veux parler du chapitre agricole et du chapitre financier. Comme vous le savez, ils ont une importance certaine.
Avant l'achèvement de la conclusion des négociations d'adhésion à la fin de cette année il faudra donc régler la question de ce qu'on appelle "le paquet financier" et la France soutient très fortement l'idée que la Hongrie, à la fin de ces négociations et au moment où sa contribution devra être versée à l'Union ne doit pas, si je puis dire, avoir de dépenses additionnelles. Tout au contraire, comme l'a indiqué M. Kovacs, l'adhésion devra se concrétiser par un plus ; du point de vue financier, il y aura donc éventuellement un système de compensation budgétaire qui sera organisé et finalisé à l'automne prochain.
Le chapitre agricole est à la fois plus simple et plus compliqué ; il est plus compliqué parce que, comme vous le savez, la politique agricole commune a été un des axes forts, voire même un des fondements de la construction européenne, et que toute discussion sur cette question a des implications extrêmement importantes.
La France est attachée non seulement au développement du secteur agricole français mais à ce que l'Europe ait une forte identité. Un secteur économique agricole, auquel contribuera fortement la Hongrie, est un point important.
Notre position tient en deux points : d'une part, nous savons que cette politique devra être révisée en 2006 et nous sommes ouverts aux propositions de modifications d'évolution mais, d'autre part, comme cela a été d'ailleurs confirmé par la Présidence danoise du Conseil, nous souhaitons ne pas mélanger le processus d'élargissement avec les réflexions sur une révision de la politique agricole commune. Car nous pensons que cela pourrait, non pas hypothéquer, mais en tout cas altérer le rythme de ce processus.
J'ai indiqué au ministre hongrois des Affaires étrangères, M. Kovacs, que le gouvernement français, comme tous ses partenaires présents, étaient attachés à une vision stratégique de l'Europe et à une vision stratégique de la sécurité et de la défense européenne. Je crois que, à cet égard, nous avons encore des conversations devant nous et nous pensons que l'élargissement ne consiste pas seulement à accueillir de nouveaux pays mais à construire un ensemble, qui de ce point de vue, devrait être renforcé. L'entrée de la Hongrie depuis 1999 dans l'OTAN est une bonne nouvelle pour l'Europe.
Sur les relations bilatérales, nous souhaitons qu'elles soient extrêmement étroites. Elles ne sont pas exclusives. La Hongrie entretient, bien sûr, des relations bilatérales avec d'autres pays. Mais nous souhaitons insister tout particulièrement sur les aspects industriels. Je suis accompagnée par de hauts responsables de deux entreprises phares : Electricité de France et Renault Truck, qui sont deux de nos grandes entreprises européennes. Nous pensons que l'économie, qui accroît le bien-être et qui offre des emplois, est une bonne manière d'entretenir aussi des relations amicales avec un pays.
Nous avons également évoqué les volets culture et éducation. C'est dans le cadre de l'Europe que l'on forme son identité culturelle, son éducation. Et, à cet égard, nous sommes très heureux de la prochaine réouverture du nouveau lycée français de Budapest, une institution à laquelle nous attachons le plus grand prix, qui va être inauguré en septembre. C'est l'une des raisons de la visite ici du sénateur Ferrand, vice-président du groupe d'amitié France-Hongrie et qui est un des artisans.
Nous venons chez vous mais, comme dans l'amitié on est deux, nous attendons que vos étudiants viennent chez nous. Nous souhaitons les accueillir et à cet égard, et Monsieur le Ministre a bien voulu l'accepter, nous voulons un accord bilatéral pour supprimer les visas de long séjour des étudiants hongrois en France, de sorte qu'ils puissent vraiment se sentir chez eux quand ils nous donnent la chance de pouvoir les accueillir dans une université.
Encore merci Monsieur le Ministre de votre accueil qui me touche beaucoup.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2002)
Interview à "Nepszabadsag" :
Q - Quelle est pour vous la plus importante différence entre la politique européenne du gouvernement Raffarin, conservateur, et celle de son prédécesseur, celle du gouvernement Jospin, de gauche ?
R - Je suis convaincue qu'au niveau de la politique européenne de la France, une continuité existe sans égard à la couleur politique des gouvernements. Le gouvernement Raffarin fait preuve d'un engagement très profond à l'égard d'une Europe unie, assumant également un rôle fort sur le plan international. D'ailleurs l'Europe n'a cessé de réaliser des progrès ces dernières années. Si certains ont perçu une pause dans la construction européenne, c'est dû à l'introduction de la monnaie commune qui a forcé l'administration précédente à faire preuve de prudence et de vigilance. L'euro fait partie de la vie quotidienne de chacun et, d'ores et déjà, il faut se concentrer sur les autres tâches de la construction de l'Europe.
Q - La Hongrie est le premier pays candidat que vous visitez. Jusqu'à quel point ce choix peut-il être considéré comme un signe ?
R - En accord avec le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, j'ai sciemment choisi la Hongrie en premier. De nouvelles relations se sont en effet nouées ces dernières années entre les deux pays. Je pense non seulement à la coopération économique, à la présence des grandes sociétés françaises en Hongrie, mais aussi à la Saison culturelle hongroise en France de l'année dernière. Le gouvernement Raffarin considère l'élargissement de l'Union européenne vers l'Est comme une chance assurant de nouvelles possibilités s'agissant du développement des relations politiques, économiques et culturelles, aussi bien bilatérales qu'au sein de l'Union après l'élargissement.
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Q - Il ressort de vos propos que le gouvernement Raffarin considère l'élargissement imminent de l'Union européenne comme une priorité, alors que les sondages d'opinion publique, dont l'eurobaromètre, font état que ce sont les Français qui sont les moins enthousiastes quant à l'arrivée des nouveaux membres.
R - L'interprétation des sondages d'opinion publique mérite toujours une certaine prudence. Avant l'introduction de l'euro, des sondages ont été rendu publics selon lesquels l'acceptation de la monnaie commune atteignait à peine le taux de 40 %. L'ambiance a changé à l'arrivée de l'euro, après le passage réussi à cette monnaie.
Je ne voudrais pas brosser un tableau trop sombre, mais il faut admettre qu'en France, au sein de l'un des Etats membres fondateurs de l'Union européenne, l'opinion publique ne fait pas, pour l'instant, montre d'un enthousiasme exagéré vis-à-vis de la nouvelle intégration élargie. La raison est à rechercher dans l'absence de connaissances. Nous devons expliquer aux Français que, l'intégration allant de pair avec de nouveaux investissements économiques et avec des rapports sociaux-culturels encore plus profonds, sert aussi des intérêts nationaux. Nous voudrions que les citoyens apprécient l'élargissement vers l'Est comme une expérience positive, comme une sorte d'enrichissement.
J'entends consacrer une attention toute particulière à la communication concernant les jeunes. Ces jeunes considèrent tellement l'intégration européenne comme une part naturelle de leur vie qu'ils ne comprennent pas vraiment les changements, les problèmes qui peuvent éventuellement survenir. Le cas de l'axe franco-allemand est un bon exemple à cet égard ; l'environnement géopolitique a radicalement changé entre-temps, les générations grandissantes observent l'arrière-fond historique d'un il tout à fait différent.
Q - Toutefois, il reste toujours un grand écart entre la politique et la société. Récemment, dans son article paru dans "Le Monde", Valéry Giscard d'Estaing s'est plaint du fait que le travail de la Convention qu'il préside était accompagné de l'indifférence la plus totale de la part de l'opinion publique et de la presse.
R - L'opinion publique semble parfois tourner le dos à la politique, et pas seulement s'agissant des affaires européennes en Europe occidentale. A l'occasion des élections, beaucoup plus de personnes restent éloignées des urnes qu'il y a 10 à 20 ans. En France, lors du second tour des présidentielles, les jeunes ont réalisé concrètement le danger de l'extrême-droite, et c'est ce qui a suscité leur mobilisation. On a besoin d'un programme d'enseignement et d'éducation à long terme susceptible d'enseigner l'engagement européen, l'attitude civique responsable et la tolérance.
Q - La France fait partie des Etats membres de l'Union européenne qui s'opposent fermement aux projets de réforme de Bruxelles relatifs à la PAC. Or, la réforme est nécessaire puisque le système actuel ne fonctionnera pas avec 20 à 25 membres.
R - L'agriculture a une dimension européenne mais elle joue un rôle différent dans les Etats membres de l'Union européenne. En France, de même qu'en Hongrie, l'agriculture est un secteur moderne, disposant de grandes traditions. Le Conseil européen de Berlin en 1999 a placé la politique agricole dans des cadres politiques et financiers adéquats jusqu'en 2006. On devrait négocier en 2004 le cadre futur qui s'appliquera à partir de 2006. Selon la position française, une révision avant l'échéance déstabiliserait un système qui fonctionne bien et serait contraire aux accords pris à Berlin.
Q - Mais tôt ou tard, la réforme va être mise à l'ordre du jour, et il va falloir expliquer aux agriculteurs français qu'ils devront se contenter de moins par rapport aux larges subventions agraires de Bruxelles reçues jusqu'ici ?
R - Il a été sage de placer la date de la révision de la politique agricole à 2006, après la première vague d'élargissement vers l'Est. Selon la position française, il n'est pas adéquat de confondre la réforme de la politique agricole avec l'élargissement vers l'Est. Au cours de la modification du système actuel, il faudra trouver un juste équilibre entre les nouveaux points de vue, de nombreuses préoccupations - le développement durable, la préservation de l'environnement, le soutien à la production de qualité - et le rôle du pouvoir agricole de l'Europe. La conservation de ce dernier devient important, surtout lorsqu'une autre puissance agricole mondiale, les Etats-Unis, va accorder durant le cycle législatif actuel une importante subvention à ses propres agriculteurs.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juillet 2002)