Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, sur la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, à l'Assemblée nationale le 20 juin 2000.

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Circonstance : Discussion en dernière lecture de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce à l'Assemblée nationale le 20 juin 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Nous voici au terme du processus législatif de réforme du régime de la prestation compensatoire en matière de divorce.
Une dernière fois devant vous, je souhaite saluer le consensus qui a, depuis le début, guidé cette réforme. La qualité des travaux menés par les rapporteurs de chacune des commissions des lois y est sans aucun doute pour beaucoup. La réussite de la commission mixte paritaire concrétise l'aboutissement de cette réflexion commune. Enrichi au cours des lectures successives, le texte définitif qui vous est soumis permettra de régler, je n'en doute pas, l'essentiel des difficultés dont vos débats se sont fait l'écho.
Des ajustements étaient rendus nécessaires ; la législation était devenue inadaptée aux évolutions sociales - et notamment à la plus grande implication des femmes dans la vie professionnelle - comme à la réalité patrimoniale des débiteurs.
Sans bouleverser totalement le mécanisme de la prestation compensatoire, vous en avez cependant, sous l'impulsion de votre rapporteur, substantiellement modifié le régime.
Désormais, l'attribution de la prestation en capital ne sera plus un vain principe, grâce à l'ensemble des amendements que vous avez adoptés, et que je rappellerai pour mémoire : abandon de biens en propriété, extension des garanties légales, possibilité d'étaler le paiement du capital sur huit annuités, et enfin, aménagements fiscaux. Le gouvernement, a, sur ce point, je le crois, répondu à vos attentes.
L'octroi d'une rente viagère ne sera plus qu'une alternative résiduelle réservée aux cas exceptionnels, lorsque, du fait de son âge ou de son état de santé, le créancier ne peut pas subvenir à ses besoins. L'équité justifie alors pleinement l'octroi d'une rente viagère, qui pourra être révisée si la situation des parties est amenée à changer en profondeur.
C'est encore le respect de l'équité et votre souci de ne pas faire succéder une nouvelle injustice à celle que nous connaissons qui vous a guidé quant aux choix - difficiles - sur la question de la transmissibilité de la prestation aux héritiers du débiteur.
Certains, à l'intérieur de cet hémicycle comme à l'extérieur, auraient souhaité voir affirmé le principe de l'extinction de la prestation au décès du débiteur.
Je pense que le maintien de la transmissibilité, atténué par les nouvelles mesures que vous avez adoptées, constitue la solution la plus respectueuse de l'équilibre entre protection du créancier et intérêts des héritiers du débiteur.
Ces mesures - déduction automatique des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé, possibilité pour les héritiers du débiteur de demander la transformation de la rente en capital ou encore ouverture du droit à la révision de la rente si le décès se traduit par un changement important de la situation des parties - constituent une gamme de solutions souples qui se substitueront à la rigidité actuelle.
Enfin, concernant les rentes en cours, vous leur avez étendu l'ensemble des dispositions nouvelles, à l'exception de la déduction automatique de la pension de réversion. Sur ce dernier point, les deux assemblées se sont ralliées à l'avis du gouvernement et je vous en remercie. Les courriers que m'adressent désormais des créancières, inquiètes des conséquences de la réforme sur leur situation, où une prestation compensatoire d'un montant modeste constitue leur seule source de revenus, après avoir sacrifié leur propre carrière au profit de celle de leur mari me confortent dans le choix de cette solution.
Encore une fois, je remercie tous les acteurs de ce débat, au premier rang desquels le rapporteur de votre commission des lois, Alain Vidalies, pour la qualité et la sagesse de leurs réflexions, dont la manifestation la plus éclatante a résidé, à chaque étape de l'examen de la proposition de loi, dans le vote unanime de chaque assemblée.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 22 juin 2000)