Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de clôturer les travaux de cette journée plénière qui a été très riche sur le plan des idées et des échanges d'expériences. Elle a été, en outre, pour moi l'occasion de rencontrer nombre d'entre-vous peu de temps après ma prise de fonctions au sein du gouvernement.
Mais j'ai conscience, en prenant la parole à cet instant, de la difficulté de l'exercice. Vous avez entendu un nombre élevé de discours et de communications, de grande qualité, mais la saturation menace... J'assume le risque, en m'efforçant toutefois de concentrer mes propos.
Ce qui nous rassemble, dans nos activités respectives - et je m'adresse là à celles et à ceux qui font partie du réseau - c'est la volonté de servir la France, ses valeurs, ses projets. Je veux saluer votre engagement personnel, la passion et aussi la conscience avec laquelle vous représentez notre pays à l'étranger, les compétences qui sont les vôtres et la qualité de votre travail dans des conditions parfois difficiles.
Le thème des journées du réseau me tient particulièrement à coeur : maîtriser la mondialisation.
La mondialisation est comme Janus. Elle a deux visages.
La mondialisation est une promesse : promesse de richesses, promesse d'ouvertures sur les cultures, promesse de création ; mais elle est aussi vécue comme une menace : domination des riches sur les pauvres, arrogance du Nord vis-à-vis du Sud, dérégulation de l'économie et triomphe de la logique implacable du marché et de l'argent.
La France doit tirer avantage des aspects positifs de ce phénomène mondial, en particulier, de cette ouverture accrue. Ce qu'il faut c'est permettre aux autres pays de tirer également bénéfice de la mondialisation, la maîtriser, l'équilibrer, la contrôler, en un mot : l'humaniser.
Les quatre tables rondes auxquelles j'ai assisté aujourd'hui ont décliné certains aspects particuliers de la mondialisation qui appellent une mobilisation totale de notre part : la recherche, la diversité culturelle, le développement durable et les biens publics mondiaux.
Quatre enjeux qui sont au coeur de la politique française en faveur du développement. Je vous parlerai donc des finalités de nos politiques car la nouvelle impulsion donnée à l'Aide publique au développement modifie les perspectives de façon très positive.
Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler dans son discours de politique générale : le président de la République a pris des engagements forts sur ce sujet. Que ce soit au dernier Sommet de Monterrey sur le financement du développement ou dans le débat avec les Français au cours des élections, ou encore tout récemment à la réunion du G8 à Kananaskis, le président Chirac s'est prononcé avec détermination en faveur d'une augmentation de l'APD des pays bailleurs de fonds. Pour ce qui concerne la France, l'augmentation de l'APD compte parmi les cinq priorités fixées par le Premier ministre pour l'élaboration du budget 2003. L'objectif est simple : augmenter notre APD de 50 % en 5 ans. Nous mettrons ainsi un terme à la dramatique érosion de nos flux d'APD : en 1994 celle-ci représentait 0,63 % du PIB, en 2000 elle n'était plus que de 0,32 %.
L'horizon se dégage donc. Saisissons cette chance pour moderniser le cadre d'action et les instruments de notre politique de coopération.
Il faut donc rénover nos partenariats, resserrer nos interventions et déconcentrer nos modes d'action. Tels seront les trois axes de mon intervention.
1er axe : La rénovation de nos partenariats constitue un préalable indispensable
Si nous souhaitons conduire des actions plus efficaces, resserrons nos interventions et évitons toute forme de saupoudrage. Cela suppose la modernisation de nos relations avec nos partenaires, qu'ils soient bénéficiaires, donateurs ou bien encore acteurs issus de la société civile.
S'agissant des bénéficiaires, c'est vers les plus pauvres et les plus proches que doivent en priorité se diriger nos efforts. Les pays d'Afrique demeureront les principaux bénéficiaires de l'aide française et le Nouveau partenariat pour le développement doit être mis à profit pour reconstruire une relation porteuse de croissance, de démocratie et de stabilité, en passant d'une culture de l'assistance à une culture du partenariat. C'est toute la philosophie du NEPAD.
Nous devons en outre porter une attention particulière aux mécanismes de sortie de crises, et, notamment, de crises politiques, afin d'être en mesure d'apporter une assistance aux pays qui en ont ponctuellement besoin. Pour les autres pays en développement, ce sont les programmes d'assistance technique et de formation qui doivent avoir notre préférence.
Pour ce qui concerne les bailleurs de fonds, la France a un rôle d'impulsion à jouer, à l'égard de l'Union européenne d'abord. Elle doit systématiquement privilégier les synergies afin de répartir efficacement les rôles entre opérateurs. Ainsi pour le financement des infrastructures les plus lourdes, elle doit bien articuler les rôles respectifs de l'Agence française de développement, de l'Union européenne et de la Banque mondiale.
En revanche, sur le terrain, là où elle a le plus souvent l'antériorité par rapport aux autres bailleurs de fonds, elle dispose d'un avantage comparatif qui justifie qu'elle privilégie l'approche bilatérale. Il nous faut, de manière volontariste et pragmatique, restaurer notre présence auprès de nos partenaires privilégiés, même s'il n'est, bien entendu, pas question de remettre en cause nos engagements européens.
Nous devons en outre nous efforcer de peser sur les orientations stratégiques des institutions de Bretton Woods afin de les gagner à nos analyses.
Enfin, il faut aussi compter avec nos partenaires : associations caritatives, fondations, collectivités locales, entreprises. Ils doivent être encouragés à intervenir comme opérateurs. La mise en place de ces partenariats suppose toutefois une professionnalisation accrue des ONG. Il en va de même des coopérations décentralisées.
2e axe : Notre effort de rationalisation doit également viser à concentrer nos interventions sur les secteurs que nous jugeons prioritaires.
Rationaliser, derrière ce mot technocratique qui renvoie souvent à rigueur budgétaire, il y a une idée simple : faire appel à la raison.
Et la raison nous pousse à définir trois priorités :
- la promotion de la culture et de l'éducation ;
- le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit ;
- le développement durable.
Je voudrais insister sur le rôle de la culture. Dominique de Villepin l'a rappelé ce matin : la pluralité des cultures est la clef d'un monde fraternel.
Le mépris, la conviction fausse qu'une culture puisse en dominer d'autres est la plus forte source de conflits, le prologue aux tragédies.
Le dialogue des cultures est gage de paix. En favorisant la promotion de notre culture, de notre langue, nous entrerons dans un dialogue enrichissant et stimulant avec les autres cultures. C'est ici que sont les sources de compréhension mutuelle. Beyrouth en fait d'ailleurs le thème du prochain sommet de la Francophonie : le dialogue des cultures.
Le président de la République a souhaité que la charte pour la diversité culturelle adoptée par l'UNESCO devienne la base d'un nouvel instrument de droit international. C'est essentiel et nous y travaillons.
Nous y parviendrons - dans un monde où les tentations à l'uniformisation sont les voies les plus faciles - en affirmant l'importance d'un espace francophone.
Il m'arrive, lorsque je parle de francophonie, d'apercevoir quelques moues dubitatives comme s'il n'était pas bon d'aimer sa langue... Pourtant, elle reste le socle de toute éducation, le premier accès à la culture, l'ouverture sur le monde extérieur de nos enfants.
Le Français est la langue de la première encyclopédie, il est porteur de valeurs de civilisation, issues de la philosophie des lumières. Mais le Français est aussi un patrimoine que tous les pays qui le parlent ont enrichi de leurs nuances nationales et de leurs sensibilités. Il leur appartient autant qu'à nous.
Vous le savez, la diversité linguistique et culturelle constitue pour la France un enjeu fondamental des relations internationales.
A Hanoï, le président de la République française a voulu le renforcement de la Francophonie institutionnelle. Elle a désormais un visage, des structures plus efficaces et des institutions rénovées.
Nous ne devons pas perdre de vue les missions fondamentales qui sont dévolues à l'Organisation internationale de la Francophonie, à commencer par la langue et la culture.
Quant à notre action bilatérale, l'éducation doit demeurer une de nos priorités.
L'éducation est en effet le corollaire indispensable de toute action en faveur de la culture. L'éducation de base joue un rôle essentiel. Un sujet me tient particulièrement à cur, c'est notre réseau scolaire car il représente le socle de notre présence à l'étranger. Nous avons travaillé cet après-midi sur la bataille des savoirs. C'est à partir de notre réseau scolaire que la politique de promotion des universités françaises peut se déployer. C'est pour cette raison que notre appui à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger représente près d'un cinquième des crédits de la DGCID.
A cet égard, réfléchissons à de nouvelles formes de partage des responsabilités avec le ministère de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche. Je reste très attaché à la double mission historique de nos établissements : scolariser les jeunes Français expatriés et accueillir leurs camarades étrangers.
La France ne saurait se désintéresser de la formation des élites. Pour l'enseignement supérieur, nous devons développer une politique d'excellence au niveau du bac puis de l'université et augmenter le nombre des bourses d'étude en France.
Il s'agit en quelques mots de mettre au coeur de notre politique de coopération et de développement une culture humaniste, des principes qui affirment que les lois du marchés ne sont pas les seules, qu'il y a d'autres valeurs que les biens matériels, que l'être humain est la finalité de l'action politique.
Dans cette logique, le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit correspond au deuxième axe de notre politique.
La France n'a pas peur d'affirmer qu'elle est porteuse d'un modèle fondé sur les principes démocratiques.
Nos principes d'organisation politique, juridique et administrative que nous partageons avec beaucoup de pays demeurent un de nos meilleurs vecteurs d'influence.
Ils ont inspiré l'adoption de la déclaration de Bamako sur le bilan des pratiques de la démocratie et des droits dans l'espace francophone. Ce sont encore eux qui nous animent lorsque nous appuyons la constitution de systèmes judiciaires et l'organisation de forces de l'ordre respectueux de l'Etat de droit, les processus de décentralisation, l'intégration régionale du droit des affaires...
Après la culture et l'éducation, la démocratie et l'Etat de droit, le développement durable entendu dans ses dimensions économique, sociale et environnementale constitue le troisième volet de notre politique.
Voilà 15 ans que le thème est apparu sous la plume de Gro Harlem Brundtland. Nous sommes aujourd'hui tous convaincus qu'il nous faut un développement qui réponde aux besoins du présent sans hypothéquer le capital des générations futures. Au cours des derniers mois, le ministère des Affaires étrangères et ses partenaires ont lancé une réflexion sur les biens publics mondiaux. Nous avons créé avec le PNUD et nos amis suédois un groupe de travail international.
De la même manière, la perspective du sommet de la Terre à Johannesburg appelle une mobilisation de notre part. Les travaux sont d'ores et déjà avancés, comme a pu le constater le Premier ministre lors des récentes journées d'information qui se sont tenues à Rennes. Je compte sur vous pour maintenir vos efforts une fois que l'effervescence médiatique sera retombée. La crédibilité de notre action en dépend.
Le développement économique n'est pas séparable du développement social. Nous devons nous employer à créer des conditions propices à l'émergence d'un tissu productif de base (artisanat, petites entreprises, etc.) adapté aux besoins des populations.
L'accès aux soins représente un autre des besoins essentiels des populations. Il est, à cet égard, de notre devoir de poursuivre l'offensive contre le sida en concentrant nos efforts sur les régions les plus sinistrées. L'Afrique compte aujourd'hui 70% des victimes du sida dans le monde. Nous avons lancé le Fonds mondial santé ; il faudra en tirer parti en aidant les pays francophones à présenter des projets.
3ème et dernier axe : la mise en oeuvre progressive d'une réelle déconcentration des moyens d'action, de façon à répondre rapidement et efficacement aux demandes du terrain.
En termes d'instruments et de procédures, l'effort doit surtout porter sur l'architecture des responsabilités et des fonctionnements publics. Les réformes entreprises vont dans le bon sens, mais méritent d'être consolidées et dynamisées.
Notre effort de déconcentration vise à renforcer la marge d'initiative et de décision des responsables de terrain, c'est-à-dire au premier chef des ambassadeurs appuyés par les conseillers de coopération et d'action culturelle. Parallèlement, il convient de faire des organes centraux, qu'il s'agisse de la DGCID ou des autres directions du ministère, des structures d'expertise et d'impulsion plus que de gestion directe.
Bien sûr, cette mutation sera possible à condition que nous modernisions nos outils de gestion.
Il s'agit, en amont, de réfléchir dans un esprit partenarial au fonctionnement de nos accords de coopération, d'alléger la procédure des commissions mixtes et de préciser et renforcer le rôle des "documents stratégiques pays". Mais notre effort devra également viser à simplifier les procédures budgétaires et de gestion interne. A cette fin, les pivots essentiels de la coopération française que constituent l'assistance technique, d'une part, et l'Agence française de développement, d'autre part, doivent également voir leur rôle évoluer.
L'assistance technique a fait l'objet d'une réforme importante qui doit se poursuivre : l'aide de substitution a fait son temps, une nouvelle politique de recrutement a été mise en place et l'assistance technique a été étendue aux pays émergents. Il lui reste encore à prendre davantage pied dans la compétition internationale que se livrent les bailleurs. Le groupement d'intérêt public (GIP) "France coopération internationale" qui vient d'être créé ouvre des perspectives sans concurrencer les opérateurs existants.
L'AFD demeurera notre opérateur pivot. Un projet d'orientation stratégique ambitieux a été approuvé. Il s'inscrit dans les priorités arrêtées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Deux points me paraissent devoir faire l'objet de notre attention : d'abord, je souhaite que l'Agence diversifie et assouplisse ses instruments financiers afin d'augmenter ses activités de prêts. Ensuite, l'Agence ne doit pas réduire la contribution positive qu'elle apporte actuellement aux grands travaux d'infrastructure. A l'heure du NEPAD, l'AFD doit continuer de financer, à côté de la Banque mondiale et de l'Union européenne, les infrastructures régionales indispensables au développement.
Un mot enfin sur le traitement de la dette, préalable indispensable au décollage économique. Les contrats de désendettement-développement (C2D), volet bilatéral de l'annulation de la dette, sont le premier instrument d'une politique lancée par le président de la République dès 1996. Ils dégageront des moyens financiers importants qui s'ajouteront à l'aide publique existante. C'est en outre un mécanisme qui permet de financer des pratiques innovantes telles que l'appui à la décentralisation et à la société civile et de mettre en oeuvre des politiques sectorielles dans les Etats qui en bénéficieront.
Resserrement, déconcentration, efficacité, partenariat sont les maîtres mots de nos lignes d'action. Si nous les menons à leur terme de concert, nous pouvons en escompter des avantages multiples tant sur le plan culturel, qu'économique et politique. La restauration de notre relation directe avec beaucoup de pays en développement offre un potentiel remarquable d'influence, de réceptivité, de dialogue dont les retombées peuvent, en outre, être positives pour la maîtrise de nos flux migratoires.
Vous êtes les femmes et les hommes de la politique étrangère de la France. Un travail important vous attend.
J'ai entendu au cours de cette journée, un appel à une relance de la politique française de coopération et de développement.
C'est une ambition pour la France, c'est ensemble que nous relèverons ce défi.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2002)
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de clôturer les travaux de cette journée plénière qui a été très riche sur le plan des idées et des échanges d'expériences. Elle a été, en outre, pour moi l'occasion de rencontrer nombre d'entre-vous peu de temps après ma prise de fonctions au sein du gouvernement.
Mais j'ai conscience, en prenant la parole à cet instant, de la difficulté de l'exercice. Vous avez entendu un nombre élevé de discours et de communications, de grande qualité, mais la saturation menace... J'assume le risque, en m'efforçant toutefois de concentrer mes propos.
Ce qui nous rassemble, dans nos activités respectives - et je m'adresse là à celles et à ceux qui font partie du réseau - c'est la volonté de servir la France, ses valeurs, ses projets. Je veux saluer votre engagement personnel, la passion et aussi la conscience avec laquelle vous représentez notre pays à l'étranger, les compétences qui sont les vôtres et la qualité de votre travail dans des conditions parfois difficiles.
Le thème des journées du réseau me tient particulièrement à coeur : maîtriser la mondialisation.
La mondialisation est comme Janus. Elle a deux visages.
La mondialisation est une promesse : promesse de richesses, promesse d'ouvertures sur les cultures, promesse de création ; mais elle est aussi vécue comme une menace : domination des riches sur les pauvres, arrogance du Nord vis-à-vis du Sud, dérégulation de l'économie et triomphe de la logique implacable du marché et de l'argent.
La France doit tirer avantage des aspects positifs de ce phénomène mondial, en particulier, de cette ouverture accrue. Ce qu'il faut c'est permettre aux autres pays de tirer également bénéfice de la mondialisation, la maîtriser, l'équilibrer, la contrôler, en un mot : l'humaniser.
Les quatre tables rondes auxquelles j'ai assisté aujourd'hui ont décliné certains aspects particuliers de la mondialisation qui appellent une mobilisation totale de notre part : la recherche, la diversité culturelle, le développement durable et les biens publics mondiaux.
Quatre enjeux qui sont au coeur de la politique française en faveur du développement. Je vous parlerai donc des finalités de nos politiques car la nouvelle impulsion donnée à l'Aide publique au développement modifie les perspectives de façon très positive.
Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler dans son discours de politique générale : le président de la République a pris des engagements forts sur ce sujet. Que ce soit au dernier Sommet de Monterrey sur le financement du développement ou dans le débat avec les Français au cours des élections, ou encore tout récemment à la réunion du G8 à Kananaskis, le président Chirac s'est prononcé avec détermination en faveur d'une augmentation de l'APD des pays bailleurs de fonds. Pour ce qui concerne la France, l'augmentation de l'APD compte parmi les cinq priorités fixées par le Premier ministre pour l'élaboration du budget 2003. L'objectif est simple : augmenter notre APD de 50 % en 5 ans. Nous mettrons ainsi un terme à la dramatique érosion de nos flux d'APD : en 1994 celle-ci représentait 0,63 % du PIB, en 2000 elle n'était plus que de 0,32 %.
L'horizon se dégage donc. Saisissons cette chance pour moderniser le cadre d'action et les instruments de notre politique de coopération.
Il faut donc rénover nos partenariats, resserrer nos interventions et déconcentrer nos modes d'action. Tels seront les trois axes de mon intervention.
1er axe : La rénovation de nos partenariats constitue un préalable indispensable
Si nous souhaitons conduire des actions plus efficaces, resserrons nos interventions et évitons toute forme de saupoudrage. Cela suppose la modernisation de nos relations avec nos partenaires, qu'ils soient bénéficiaires, donateurs ou bien encore acteurs issus de la société civile.
S'agissant des bénéficiaires, c'est vers les plus pauvres et les plus proches que doivent en priorité se diriger nos efforts. Les pays d'Afrique demeureront les principaux bénéficiaires de l'aide française et le Nouveau partenariat pour le développement doit être mis à profit pour reconstruire une relation porteuse de croissance, de démocratie et de stabilité, en passant d'une culture de l'assistance à une culture du partenariat. C'est toute la philosophie du NEPAD.
Nous devons en outre porter une attention particulière aux mécanismes de sortie de crises, et, notamment, de crises politiques, afin d'être en mesure d'apporter une assistance aux pays qui en ont ponctuellement besoin. Pour les autres pays en développement, ce sont les programmes d'assistance technique et de formation qui doivent avoir notre préférence.
Pour ce qui concerne les bailleurs de fonds, la France a un rôle d'impulsion à jouer, à l'égard de l'Union européenne d'abord. Elle doit systématiquement privilégier les synergies afin de répartir efficacement les rôles entre opérateurs. Ainsi pour le financement des infrastructures les plus lourdes, elle doit bien articuler les rôles respectifs de l'Agence française de développement, de l'Union européenne et de la Banque mondiale.
En revanche, sur le terrain, là où elle a le plus souvent l'antériorité par rapport aux autres bailleurs de fonds, elle dispose d'un avantage comparatif qui justifie qu'elle privilégie l'approche bilatérale. Il nous faut, de manière volontariste et pragmatique, restaurer notre présence auprès de nos partenaires privilégiés, même s'il n'est, bien entendu, pas question de remettre en cause nos engagements européens.
Nous devons en outre nous efforcer de peser sur les orientations stratégiques des institutions de Bretton Woods afin de les gagner à nos analyses.
Enfin, il faut aussi compter avec nos partenaires : associations caritatives, fondations, collectivités locales, entreprises. Ils doivent être encouragés à intervenir comme opérateurs. La mise en place de ces partenariats suppose toutefois une professionnalisation accrue des ONG. Il en va de même des coopérations décentralisées.
2e axe : Notre effort de rationalisation doit également viser à concentrer nos interventions sur les secteurs que nous jugeons prioritaires.
Rationaliser, derrière ce mot technocratique qui renvoie souvent à rigueur budgétaire, il y a une idée simple : faire appel à la raison.
Et la raison nous pousse à définir trois priorités :
- la promotion de la culture et de l'éducation ;
- le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit ;
- le développement durable.
Je voudrais insister sur le rôle de la culture. Dominique de Villepin l'a rappelé ce matin : la pluralité des cultures est la clef d'un monde fraternel.
Le mépris, la conviction fausse qu'une culture puisse en dominer d'autres est la plus forte source de conflits, le prologue aux tragédies.
Le dialogue des cultures est gage de paix. En favorisant la promotion de notre culture, de notre langue, nous entrerons dans un dialogue enrichissant et stimulant avec les autres cultures. C'est ici que sont les sources de compréhension mutuelle. Beyrouth en fait d'ailleurs le thème du prochain sommet de la Francophonie : le dialogue des cultures.
Le président de la République a souhaité que la charte pour la diversité culturelle adoptée par l'UNESCO devienne la base d'un nouvel instrument de droit international. C'est essentiel et nous y travaillons.
Nous y parviendrons - dans un monde où les tentations à l'uniformisation sont les voies les plus faciles - en affirmant l'importance d'un espace francophone.
Il m'arrive, lorsque je parle de francophonie, d'apercevoir quelques moues dubitatives comme s'il n'était pas bon d'aimer sa langue... Pourtant, elle reste le socle de toute éducation, le premier accès à la culture, l'ouverture sur le monde extérieur de nos enfants.
Le Français est la langue de la première encyclopédie, il est porteur de valeurs de civilisation, issues de la philosophie des lumières. Mais le Français est aussi un patrimoine que tous les pays qui le parlent ont enrichi de leurs nuances nationales et de leurs sensibilités. Il leur appartient autant qu'à nous.
Vous le savez, la diversité linguistique et culturelle constitue pour la France un enjeu fondamental des relations internationales.
A Hanoï, le président de la République française a voulu le renforcement de la Francophonie institutionnelle. Elle a désormais un visage, des structures plus efficaces et des institutions rénovées.
Nous ne devons pas perdre de vue les missions fondamentales qui sont dévolues à l'Organisation internationale de la Francophonie, à commencer par la langue et la culture.
Quant à notre action bilatérale, l'éducation doit demeurer une de nos priorités.
L'éducation est en effet le corollaire indispensable de toute action en faveur de la culture. L'éducation de base joue un rôle essentiel. Un sujet me tient particulièrement à cur, c'est notre réseau scolaire car il représente le socle de notre présence à l'étranger. Nous avons travaillé cet après-midi sur la bataille des savoirs. C'est à partir de notre réseau scolaire que la politique de promotion des universités françaises peut se déployer. C'est pour cette raison que notre appui à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger représente près d'un cinquième des crédits de la DGCID.
A cet égard, réfléchissons à de nouvelles formes de partage des responsabilités avec le ministère de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche. Je reste très attaché à la double mission historique de nos établissements : scolariser les jeunes Français expatriés et accueillir leurs camarades étrangers.
La France ne saurait se désintéresser de la formation des élites. Pour l'enseignement supérieur, nous devons développer une politique d'excellence au niveau du bac puis de l'université et augmenter le nombre des bourses d'étude en France.
Il s'agit en quelques mots de mettre au coeur de notre politique de coopération et de développement une culture humaniste, des principes qui affirment que les lois du marchés ne sont pas les seules, qu'il y a d'autres valeurs que les biens matériels, que l'être humain est la finalité de l'action politique.
Dans cette logique, le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit correspond au deuxième axe de notre politique.
La France n'a pas peur d'affirmer qu'elle est porteuse d'un modèle fondé sur les principes démocratiques.
Nos principes d'organisation politique, juridique et administrative que nous partageons avec beaucoup de pays demeurent un de nos meilleurs vecteurs d'influence.
Ils ont inspiré l'adoption de la déclaration de Bamako sur le bilan des pratiques de la démocratie et des droits dans l'espace francophone. Ce sont encore eux qui nous animent lorsque nous appuyons la constitution de systèmes judiciaires et l'organisation de forces de l'ordre respectueux de l'Etat de droit, les processus de décentralisation, l'intégration régionale du droit des affaires...
Après la culture et l'éducation, la démocratie et l'Etat de droit, le développement durable entendu dans ses dimensions économique, sociale et environnementale constitue le troisième volet de notre politique.
Voilà 15 ans que le thème est apparu sous la plume de Gro Harlem Brundtland. Nous sommes aujourd'hui tous convaincus qu'il nous faut un développement qui réponde aux besoins du présent sans hypothéquer le capital des générations futures. Au cours des derniers mois, le ministère des Affaires étrangères et ses partenaires ont lancé une réflexion sur les biens publics mondiaux. Nous avons créé avec le PNUD et nos amis suédois un groupe de travail international.
De la même manière, la perspective du sommet de la Terre à Johannesburg appelle une mobilisation de notre part. Les travaux sont d'ores et déjà avancés, comme a pu le constater le Premier ministre lors des récentes journées d'information qui se sont tenues à Rennes. Je compte sur vous pour maintenir vos efforts une fois que l'effervescence médiatique sera retombée. La crédibilité de notre action en dépend.
Le développement économique n'est pas séparable du développement social. Nous devons nous employer à créer des conditions propices à l'émergence d'un tissu productif de base (artisanat, petites entreprises, etc.) adapté aux besoins des populations.
L'accès aux soins représente un autre des besoins essentiels des populations. Il est, à cet égard, de notre devoir de poursuivre l'offensive contre le sida en concentrant nos efforts sur les régions les plus sinistrées. L'Afrique compte aujourd'hui 70% des victimes du sida dans le monde. Nous avons lancé le Fonds mondial santé ; il faudra en tirer parti en aidant les pays francophones à présenter des projets.
3ème et dernier axe : la mise en oeuvre progressive d'une réelle déconcentration des moyens d'action, de façon à répondre rapidement et efficacement aux demandes du terrain.
En termes d'instruments et de procédures, l'effort doit surtout porter sur l'architecture des responsabilités et des fonctionnements publics. Les réformes entreprises vont dans le bon sens, mais méritent d'être consolidées et dynamisées.
Notre effort de déconcentration vise à renforcer la marge d'initiative et de décision des responsables de terrain, c'est-à-dire au premier chef des ambassadeurs appuyés par les conseillers de coopération et d'action culturelle. Parallèlement, il convient de faire des organes centraux, qu'il s'agisse de la DGCID ou des autres directions du ministère, des structures d'expertise et d'impulsion plus que de gestion directe.
Bien sûr, cette mutation sera possible à condition que nous modernisions nos outils de gestion.
Il s'agit, en amont, de réfléchir dans un esprit partenarial au fonctionnement de nos accords de coopération, d'alléger la procédure des commissions mixtes et de préciser et renforcer le rôle des "documents stratégiques pays". Mais notre effort devra également viser à simplifier les procédures budgétaires et de gestion interne. A cette fin, les pivots essentiels de la coopération française que constituent l'assistance technique, d'une part, et l'Agence française de développement, d'autre part, doivent également voir leur rôle évoluer.
L'assistance technique a fait l'objet d'une réforme importante qui doit se poursuivre : l'aide de substitution a fait son temps, une nouvelle politique de recrutement a été mise en place et l'assistance technique a été étendue aux pays émergents. Il lui reste encore à prendre davantage pied dans la compétition internationale que se livrent les bailleurs. Le groupement d'intérêt public (GIP) "France coopération internationale" qui vient d'être créé ouvre des perspectives sans concurrencer les opérateurs existants.
L'AFD demeurera notre opérateur pivot. Un projet d'orientation stratégique ambitieux a été approuvé. Il s'inscrit dans les priorités arrêtées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Deux points me paraissent devoir faire l'objet de notre attention : d'abord, je souhaite que l'Agence diversifie et assouplisse ses instruments financiers afin d'augmenter ses activités de prêts. Ensuite, l'Agence ne doit pas réduire la contribution positive qu'elle apporte actuellement aux grands travaux d'infrastructure. A l'heure du NEPAD, l'AFD doit continuer de financer, à côté de la Banque mondiale et de l'Union européenne, les infrastructures régionales indispensables au développement.
Un mot enfin sur le traitement de la dette, préalable indispensable au décollage économique. Les contrats de désendettement-développement (C2D), volet bilatéral de l'annulation de la dette, sont le premier instrument d'une politique lancée par le président de la République dès 1996. Ils dégageront des moyens financiers importants qui s'ajouteront à l'aide publique existante. C'est en outre un mécanisme qui permet de financer des pratiques innovantes telles que l'appui à la décentralisation et à la société civile et de mettre en oeuvre des politiques sectorielles dans les Etats qui en bénéficieront.
Resserrement, déconcentration, efficacité, partenariat sont les maîtres mots de nos lignes d'action. Si nous les menons à leur terme de concert, nous pouvons en escompter des avantages multiples tant sur le plan culturel, qu'économique et politique. La restauration de notre relation directe avec beaucoup de pays en développement offre un potentiel remarquable d'influence, de réceptivité, de dialogue dont les retombées peuvent, en outre, être positives pour la maîtrise de nos flux migratoires.
Vous êtes les femmes et les hommes de la politique étrangère de la France. Un travail important vous attend.
J'ai entendu au cours de cette journée, un appel à une relance de la politique française de coopération et de développement.
C'est une ambition pour la France, c'est ensemble que nous relèverons ce défi.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 juillet 2002)