Texte intégral
R. Elkrief - On vous a vu hier aux côtés de F. Mer, à la conférence de presse à Bercy. Vous vouliez rectifier un "canard" comme on dit, une rumeur. Et vous avez répété, en stéréo : "La baisse des impôts, des 5 %, sera reconduite en 2003 - celle que nous pouvons annoncer pour 2002 -, mais il n'y a pas encore de décision pour une nouvelle baisse". Question simple : quand allez-vous prendre cette décision ? Parce que le budget 2003, c'est en septembre, très vite ?
- "Le président de la République a promis une baisse d'impôts pour 2002 ; cette promesse est tenue. Les Français bénéficieront d'une baisse d'impôts de 5 % pour 2002. La question qui a fait l'objet de débats incompréhensibles, est de savoir si cette baisse d'impôts serait reconduite. Oui, elle sera reconduite. Le budget se prépare pendant l'été et c'est en septembre que l'annonce sera faite pour 2003."
C'est pendant cet été que vous prendrez cette décision, mais c'est bientôt, on est début juillet...
- "Le principe de la reconduction est pris. Il y a des modalités à définir. Est-ce que c'est en intégrant dans le barème ? Est-ce que c'est sous forme de rabais sur facture, encore une fois, ce sera décidé pendant l'été. Mais les Français doivent savoir qu'ils vont avoir leur réduction en 2002, au cours de la présente année. Ils auront à nouveau cette réduction en 2003."
On vous a vu donc aux côtés de F. Mer, c'est un vrai numéro de duettistes. Cela se passe bien entre vous ?
- "Nous avons de très bonnes relations. C'est presque surprenant qu'on suppose le contraire. Nous avons sans doute des caractères différents, mais ça n'a en rien gêné notre action commune. Je veux vous dire que j'ai beaucoup d'admiration pour la personne qu'il est, pour l'expérience qui est la sienne. Je crois que je suis un peu complémentaire ; je connais bien le monde politique alors qu'il ne le connaît pas..."
Vous étiez président de la commission des Finances au Sénat...
- "J'ai l'expérience du Parlement, je crois que ça lui est utile. Et donc, je pense que c'est une bonne équipe."
Parlons de ce collectif budgétaire 2002 et quand même de ce budget 2003 qui se prépare. On vous entend parler de dépenses nouvelles, on voit de nouveaux crédits importants - sécurité, justice -, il y a les baisses d'impôts dont on vient de parler. Mais on n'entend pas parler d'économies, de réduction des dépenses ?
- "Mais qui se plaint d'avoir une meilleure sécurité en France ? Les Français ont demandé beaucoup plus de sécurité. Qui se plaint d'avoir une justice qui puisse traiter des délits beaucoup plus rapidement ? Qui se plaint d'avoir une défense qui soit au niveau dont on a besoin pour assurer la sécurité des Français ?"
Vous avez aussi promis un équilibre budgétaire et un changement des pratiques ?
- "Nous avons dit que, nous serons, à la fin de 2002, au moins au déficit budgétaire que nous avons reçu du précédent gouvernement. C'est un engagement que nous avons pris. Nous avons pris aussi un certain nombre de mesures que nous appelons "mise en réserve des crédits", afin de sécuriser ce que nous appelons "l'exécution budgétaire", c'est-à-dire la consommation des crédits budgétaires qui ont été adoptés en début d'année. Et le rôle du ministre du Budget est de faire qu'il ne soit pas dépensé trop pour que nous soyons au niveau du déficit budgétaire qui a été indiqué par le rapport de messieurs Nasse et Bonnet."
Au-delà de ce collectif budgétaire 2002, il y a aussi le budget 2003, un certain nombre de promesses électorales et surtout une sorte de nouvelle philosophie. Vous nous avez dit pendant la campagne électorale que la culture de la dépense, ce serait fini, qu'il y aurait des réductions. Et vous-même, avez dit très précisément qu'il y aurait une baisse nette des fonctionnaires en 2003. Alors, est-ce là-dessus que vous allez réduire la dépense structurelle de l'Etat, et où puisqu'on voit beaucoup plus de policiers, de juges ? Où allez-vous baisser les fonctionnaires ?
- "Nous sommes vraisemblablement le seul pays au monde qui considère qu'on ne puisse pas ne pas renouveler des fonctionnaires qui partent à la retraite, lorsque leur métier ne correspond plus aux besoins d'aujourd'hui. Aujourd'hui, nous avons besoin de davantage de policiers, de davantage de gendarmes, d'infirmières, de médecins. Tout le monde est d'accord là-dessus. Mais, entre nous, il y a des métiers qui, parce que, nous bénéficions..."
Lesquels ?
- "Mais dans les administrations, vous ne pensez pas que les technologies de l'information, vous ne pensez pas que l'informatique a révolutionné complètement l'exercice des métiers ? Et que naturellement il y a des gains de productivité ? Il y a des économies d'emplois à faire qui doivent, non pas aboutir à des suppressions, mais aboutir à des redéploiements, dans des activités nouvelles qui sont tout à fait nécessaires."
Par exemple, à Bercy, chez vous ?
- "Nous vous donnerons en 2003... Vous harcelez un Gouvernement qui a été nommé il y a deux mois !"
Nous faisons notre métier, monsieur le ministre, de recherche de l'information...
- "Vous avez bien raison de le faire, mais permettez-moi de faire le mien. Et faire mon métier, c'est de ne pas aller dans la précipitation, c'est de ne pas procéder à des coupes qui sont immédiates, aveugles. C'est de faire en sorte que le secteur public soit le mieux organisé possible. Et nous prenons des engagements. Cet engagement, c'est en effet de ne pas aggraver les déficits. Notre engagement également, c'est de rendre un meilleur service aux Français avec un bon rapport coût-efficacité. Ce que les Français veulent savoir, ce n'est pas le nombre des fonctionnaires..."
Les syndicats de fonctionnaires voudraient le savoir et c'est normal !
- "Entre les syndicats de fonctionnaires et les Français, admettez qu'il puisse y avoir des intérêts qui ne sont pas totalement convergents. Ce que les Français veulent savoir, c'est le service qui leur est rendu. Et ils ont confiance aussi dans leurs fonctionnaires pour que ce service qui leur est rendu soit le meilleur possible, en tout cas, soit au meilleur rapport coût-efficacité. Et je fais confiance pour ma part aux fonctionnaires de ce pays, nous avons une belle administration. Il faut qu'on l'enthousiasme. Il ne faut pas qu'elle soit, en quelque sorte, en débat en permanence. Il faut qu'elle se sente invitée à se moderniser pour répondre au mieux aux attentes du pays."
Bercy, l'Education nationale ? Dans quelles administrations précisément ?
- "Je voudrais que nous travaillions sur une idée - mais J.-P. Delevoye en parlerait beaucoup mieux que moi -, c'est de savoir combien nous avons de fonctionnaires dans notre pays qui sont face au public, face aux Français, à leur service ? Et puis peut-être voir ce qu'il y a comme fonctionnaires dans les administrations centrales ? Là où on invente de belles usines à gaz, vous savez, qui compliquent la vie des Français. Et donc, je crois que si nous travaillons sur des critères simples - pardonnez-moi mais ils sont provinciaux, c'est que, au fond, nous, on pense qu'un fonctionnaire qui répond aux besoins des Français, c'est celui qui est à leur service, immédiatement à leur contact..."
Vous disiez : "On n'aggravera pas les déficits". Mais l'objectif de l'Europe, ce n'est pas seulement de ne pas les aggraver : c'est carrément d'arriver à l'équilibre en 2004. Et déjà le commissaire européen aux Affaires économiques s'inquiète et met la France un peu sous surveillance. Et des experts économiques disent qu'après tout, on n'y arrivera pas avant même 2007.
- "Nous, ce qui nous rend optimistes, c'est que la croissance est tout de même au rendez-vous. Elle doit générer des recettes fiscales spontanées. Nous avons une baisse de recettes fiscales de 6 milliards d'euros. Imaginez que cette baisse de recettes fiscales ne s'était pas produite : 6 milliards d'euros, ça vous donne un oxygène extraordinaire et ça vous permet en effet d'aller vite dans la réduction des déficits. Il faut que les Français soient confiants. Une partie du succès de cet assainissement de leurs finances publiques est lié à leur comportement. S'ils croient en leur avenir, s'ils consomment, eh bien, je suis sûr que l'assainissement se fera tout seul."
La baisse de la Bourse ne montre pas une grande confiance...
- "La baisse de la Bourse actuellement ? La Bourse est en pleine effervescence, il faudrait qu'elle se calme."
(Source :premier-ministre, Service du gouvernement, le 11 juillet 2002)