Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication et porte-parole du gouvernement, sur la déconcentration culturelle et le rôle des DRAC dans la politique de décentralisation culturelle du territoire, Orléans le 11 décembre 1997.

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Circonstance : Inauguration de la DRAC de la région Centre à Orléans le 11 décembre 1997

Texte intégral

XXème anniversaire de la création des DRAC
Orléans le 11 décembre 1997
L'inauguration des locaux de la direction régionale des affaires culturelles du Centre est l'occasion pour moi d'indiquer ce que sont mes perspectives en matière de déconcentration.
Je voudrais tout d'abord saluer le travail considérable qui a été effectué par les services régionaux du ministère de la culture, les directions régionales des affaires culturelles, depuis leur création il y a 20 ans en 1977. C'est en grande partie à l'action persévérante et novatrice de ces services que nous devons le formidable développement de la vie culturelle dans les régions.
Le jugement porté sur la décentralisation culturelle est souvent biaisé ou erroné. On semble parfois croire que la vie culturelle dans notre pays se résume aux grands établissements publics culturels nationaux situés à Paris, qui ont effectivement bénéficié, depuis une quinzaine d'années, d'un important effort budgétaire. Je pense bien entendu à l'Opéra national de Paris, à la Bibliothèque nationale de France, au Grand Louvre, au Centre Georges Pompidou, à la Cité de la musique. Ces établissements sont nécessaires car ils participent au rayonnement de la France et concourent de manière déterminante à la démocratisation culturelle.
Pour autant, ils ne doivent pas masquer une réalité très profonde de notre pays, qui est la richesse, la diversité et la créativité de la vie culturelle dans l'ensemble des régions.
Des bibliothèques, des musées, des centres d'art, des lieux de spectacle, des écoles d'art et de musique, des fonds régionaux d'art contemporain irriguent l'ensemble du territoire national; le patrimoine monumental historique restauré et mis en valeur contribue au développement local par son pouvoir d'attraction touristique en créant une image valorisante des villes et villages; la vie culturelle des métropoles régionales est active, dynamique, elle invente de nouveaux langages et concerne une population de plus en plus large, notamment parmi les jeunes. La vie festivalière est riche et permet souvent d'apporter la culture en milieu rural. L'inventaire du patrimoine, les chantiers de fouilles archéologiques sur l'ensemble du territoire permettent à un nombre de plus en plus grand de Français de connaître et de s'approprier l'histoire de notre pays. J'ajoute que l'existence de services publics culturels est un facteur de plus en plus déterminant du maintien et de l'implantation d'activités économiques.
Cet effort d'irrigation du territoire, beaucoup y ont contribué, notamment les collectivités territoriales dont il faut rappeler qu'elles dépensent près de 30 milliards de francs par an pour la culture alors que le budget du ministère est de l'ordre de 15 milliards de francs.
Mais je crois que le ministère de la culture et en particulier ses directions régionales des affaires culturelles ont joué un rôle tout à fait décisif. Ils sont engagés depuis 20 ans dans une stratégie de développement et d'aménagement du territoire qui vise de manière constante à remédier aux inégalités d'accès à la culture. En particulier, la réallocation des ressources budgétaires au profit des régions susceptibles de connaître un retard sur le plan culturel constitue une préoccupation permanente. Sait-on ainsi que si les dépenses déconcentrées du ministère de la culture sont de l'ordre de 25 francs par habitant par an, elles sont de 16 francs pour l'Ile-de-France et de 53 francs pour le Limousin ? Ces chiffres illustrent l'effort de rééquilibrage auquel nous procédons en permanence et que j'entends bien poursuivre.
Je voudrais profiter de cette réunion pour adresser le témoignage de ma reconnaissance à l'ensemble des agents des directions régionales des affaires culturelles. Je pense aux directeurs régionaux, dont certains ont été de véritables pionniers, à l'image de Monsieur Alain Marais, directeur régional des affaires culturelles du Centre, qui nous reçoit aujourd'hui et qui a été successivement en poste à Besançon, Metz, Caen, Châlons en Champagne et aujourd'hui à Orléans.
Infatigable, audacieux, imaginatif, négociateur redoutable, comme le sont tous les pionniers, Alain Marais - nous le savons tous - a rendu à ce ministère d'éminents services : je tiens ici à l'en remercier.
Cette génération de hauts fonctionnaires, venant d'horizons forts divers, a su faire preuve d'imagination, de créativité, de conviction et d'ardeur et nous lui devons énormément. Elle a été suivie par une génération d'administrateurs rompus aux techniques modernes de gestion et de partenariat. Ce dernier mouvement doit très certainement se renforcer car les directions régionales des affaires culturelles sont devenues, à l'échelle régionale, des administrations de tout premier plan, dont les décisions engagent la responsabilité de l'Etat sur le plan budgétaire, juridique et de la gestion du personnel. Je souhaite à cet égard revaloriser le statut des directeurs régionaux des affaires culturelles. Le projet de loi de finances pour 1998 en offre une première occasion avec une sensible revalorisation des indemnités.
Je voudrais saluer également l'ensemble des collaborateurs des directeurs régionaux des affaires culturelles, fonctionnaires des corps de recherche, de documentation, conservateurs du patrimoine, architectes et urbanistes de l'Etat, conseillers sectoriels, fonctionnaires administratifs et techniciens, qui oeuvrent avec constance et détermination pour renforcer la démocratisation culturelle dans notre pays. L'apport des services départementaux de l'architecture et du patrimoine constitue à cet égard un atout qu'il faut valoriser pour que la préoccupation de la qualité architecturale soit présente dans toutes les réalisations. Je connais l'importance des efforts qui sont demandés à tous les collaborateurs des DRAC. C'est leur capacité d'expertise, de gestion, d'écoute, de conseil, leur connaissance du terrain qui fondent la crédibilité des directions régionales à l'égard de l'ensemble de nos partenaires, élus et professionnels de la culture.
Ces acquis me paraissent incontestables. Pourtant, j'entends parfois des jugements sévères portés sur la mise en uvre de la politique de déconcentration du ministère de la culture.
Il va de soi que beaucoup reste à faire dans un ministère de création récente pour améliorer les procédures et répartir clairement les missions d'administration culturelle entre les services centraux et déconcentrés.
Je suis néanmoins convaincue que les efforts de déconcentration d'ores et déjà traduits dans les faits sont tout à fait considérables : les directions régionales des affaires culturelles ont aujourd'hui acquis à l'échelle de l'administration régionale de l'Etat une légitimité certaine et une réelle capacité de mise en uvre, sous l'autorité des préfets, de la politique culturelle de l'Etat.
Je souhaite rappeler certains de ces efforts. Ainsi, le taux global de déconcentration des crédits se situe en 1997 à 50 % du montant des crédits déconcentrables et a progressé de 22 points par rapport à 1990. Les effectifs des directions régionales des affaires culturelles ont progressé de manière constante depuis 1985. La hausse est de 35 % par rapport à l'effectif du début de la période; parallèlement les effectifs de l'administration centrale ont régulièrement diminué. Cet effort de redéploiement doit être souligné car il a été effectué dans un contexte de forte restriction des emplois d'administration, les créations d'emplois de l'Etat obtenues dans les lois de finances initiales de la période ayant servi pour l'essentiel à satisfaire aux besoins des grands établissements culturels comme la Bibliothèque nationale de France et le musée du Louvre.
Les cadres des directions régionales sont aujourd'hui d'un haut niveau aussi bien sur le plan scientifique que sur le plan administratif et le développement de la capacité scientifique des équipes constituées auprès des directeurs régionaux des affaires culturelles a toujours été et demeure une réelle priorité du ministère.
La plupart des locaux des directions régionales ont été réhabilités, la fonction d'accueil du public, de documentation et d'information étant placée au cur de ces opérations de rénovation. La qualité architecturale de ces travaux est le plus souvent indéniable et les réalisations de Bordeaux, Lyon, Orléans, Strasbourg, Clermont-Ferrand, bientôt Caen, Toulouse et - j'y travaille - Paris, me paraissent exemplaires.
Un effort de simplification de la nomenclature budgétaire et de regroupement des crédits sur des chapitres globalisés et déconcentrés, qui trouve son achèvement dans le projet de loi de finances pour 1998 par la création d'un chapitre déconcentré sur le titre IV, correspond à la volonté d'accroître la capacité de décision des services déconcentrés dans le cadre des instructions générales données par le ministre.
Beaucoup reste à faire dans tous ces domaines, j'en suis intimement convaincue, et ma volonté constamment affirmée depuis juin dernier est de poursuivre et d'amplifier le mouvement de déconcentration administrative du ministère de la culture. Ainsi, les crédits déconcentrés augmenteront fortement en 1998, de l'ordre de 400 millions de francs pour le seul titre IV, représentant le budget d'intervention du ministère de la culture; les directeurs régionaux des affaires culturelles auront à instruire et à prendre la responsabilité d'un certain nombre de décisions administratives individuelles. Il reviendra aux directions régionales d'assumer ces responsabilités nouvelles, au besoin en reconsidérant l'utilisation des moyens qui leur sont affectés de manière à répondre aux priorités. En parallèle, le mouvement de déconcentration des emplois se poursuivra.
Ces perspectives de développement de la déconcentration ont troublé un certain nombre de milieux culturels, notamment certains responsables du secteur du spectacle vivant.
Je peux comprendre ces inquiétudes mais je voudrais y répondre, en regrettant la forme parfois excessive qu'elles ont revêtue. Tout d'abord, un ministre ne peut tolérer que des fonctionnaires de l'Etat, exerçant leur mission pour le bien public, fassent l'objet d'une mise en cause collective. On a pu lire en effet, ici ou là, que les nouvelles mesures de déconcentration que j'ai décidées pour 1998 équivalaient à un abandon, et que la soumission aux intérêts locaux, à l'opinion majoritaire, voire aux idéologies extrémistes, mettraient en péril la capacité de création et d'innovation de nos institutions artistiques.
Cet amalgame n'est pas tolérable. Je fais pleine confiance aux préfets, aux directeurs régionaux des affaires culturelles et à leurs collaborateurs pour mettre en uvre une politique culturelle nationale exigeante et tournée vers l'avenir.
Je rappelle que les services déconcentrés inscrivent leur action dans le cadre de politiques définies par le Gouvernement et par chacun des ministres. En matière culturelle, ces principes s'appliquent totalement et la déconcentration n'est qu'une modalité d'organisation permettant la mise en uvre, au plus près des citoyens, d'une politique culturelle unique de l'Etat.
La déconcentration ne signifie donc pas l'autonomie ou l'indépendance. Il ne s'agit pas de définir des politiques culturelles régionales au gré des circonstances, des offres de partenariat ou d'un supposé arbitraire local. Il s'agit tout au contraire pour l'Etat de définir des objectifs ambitieux et exigeants de soutien à la création, de démocratisation culturelle, de formation, de mise en valeur du patrimoine, qui doivent s'appliquer de la même manière sur l'ensemble du territoire.
Pourquoi dès lors, déconcentrer ?
La déconcentration pour moi signifie la proximité, la connaissance, la mémoire, la capacité de nouer des relations personnelles pour inciter, convaincre et trouver les solutions les plus adaptées. Je souhaite par exemple que les organismes du spectacle vivant s'investissent davantage dans la recherche de publics, dans la sensibilisation des jeunes, dans la lutte contre l'exclusion. C'est un devoir national, il s'impose à tous et l'on sait, par expérience, les résultats exceptionnels qui peuvent être attendus lorsque des artistes, des professionnels de la culture, avec leur générosité, leur passion, s'engagent dans cette voie.
De telles initiatives ne peuvent à l'évidence être pilotées depuis l'administration centrale. Elles ne peuvent être conduites efficacement que si elles sont confiées aux services déconcentrés, qui sont les seuls capable de trouver les partenaires, de mesurer les enjeux au plus près des besoins, de réaliser et d'évaluer.
Je souhaite donc que les réticences exprimées par des professionnels de la culture à l'égard de la déconcentration soient levées et que s'instaure un véritable climat de confiance, absolument nécessaire, tant nous avons à faire.
Cette confiance retrouvée sera la meilleure manière de célébrer le 20ème anniversaire des directions régionales des affaires culturelles. J'envisage de prendre l'initiative d'organiser un colloque au printemps prochain, pour définir, à l'occasion de cet anniversaire, les enjeux du développement culturel dans les régions à l'orée du vingt et unième siècle.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 24 janvier 2002)