Interviews de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, à LCI et dans "Le Figaro" le 5 juillet 2002, sur les textes prioritaires de la session parlementaire extraordinaire de juillet.

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Texte intégral

A. Hausser Les Français partent en vacances et les députés et sénateurs, eux, rentrent. Ils vont travailler jusqu'à quand ?
- "Normalement, cette session extraordinaire est prévue pour l'ensemble du mois de juillet."
Elle peut déborder sur le mois d'août ?
- "Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Si le Parlement considère qu'il lui faut un peu plus de temps pour examiner des textes, on est susceptibles d'aller un peu plus loin dans le mois d'août. Mais je crois qu'il est possible, en tout cas techniquement, d'examiner les textes très importants qui sont prévus, d'ici la fin du mois de juillet ou le tout début du mois d'août."
C'est déjà une forme d'avertissement aux députés pour qu'ils ne traînent pas trop ?
-" Non, bien sûr que non..."
...Pour qu'ils ne "pinaillent" pas comme on dit ?
- "Il ne s'agit pas de "pinailler", ce sont des textes essentiels ! Ce qu'on va examiner au mois de juillet, ce sont les premiers grands engagements pris par le président de la République devant les Français : il s'agit d'une grande loi sur la sécurité, d'une loi sur la justice, d'un collectif budgétaire pour intégrer la baisse de l'impôt sur le revenu, d'un plan de baisse de charges sociales pour les jeunes, présenté par F. Fillon, il y a la loi d'amnistie également. Bref, cela fait des textes essentiels sur lesquels il faut passer tout le temps nécessaire, à l'Assemblée comme au Sénat."
Et notamment, la modification de l'ordonnance de 1945 pour l'incarcération des mineurs, la mise en détention disons.
- "Oui, les mots sont très importants dans ce domaine. Cela fait partie des points sur lesquels le président de la République, mais aussi les candidats de l'UMP, se sont engagés devant les Français. On a un objectif : c'est de lutter contre la délinquance, en particulier la délinquance des mineurs, qui est aujourd'hui l'obsession numéro 1, si on veut reconquérir la considération de nos concitoyens. Il faut y mettre les moyens mais aussi modifier les lois qui aujourd'hui n'apportent plus les résultats nécessaires."
On dit aussi que la délinquance, la violence ne sont pas seulement une question de moyens ; c'est une question de volonté, de travail pédagogique...
- "Vous avez tout à fait raison, c'est en fait au-delà des moyens. Il y a besoin, effectivement, de moyens supplémentaires et c'est une priorité mais c'est aussi la réorganisation complète du dispositif, de faire en sorte que les acteurs travaillent mieux ensemble, aussi bien sur la sanction que sur la prévention. L'élu d'une ville qui connaît ces difficultés de délinquance des mineurs, en l'occurrence la ville de Meaux, peut témoigner combien sur tous ces sujets, tout est à réorganiser parce qu'aujourd'hui, le dispositif tel qu'il existe n'est plus en situation de lutter contre cette délinquance. C'est devenu l'obsession de beaucoup de nos concitoyens."
Quelle serait la mesure numéro 1 ? Parce que la mise en détention, en général, n'arrange rien sur le fond.
- "Non, c'est tout un ensemble de mesures, c'est ça l'originalité du dispositif de D. Perben ; il aura l'occasion de le présenter plus en détail - vous savez que ça passe au Conseil des ministres du 17 juillet. C'est évidemment aussi en articulation avec la loi de N. Sarkozy sur la sécurité. Ces deux textes sont absolument essentiels, ils sont équilibrés l'un par rapport à l'autre. C'est aussi bien dans le domaine de la sécurité - puisque c'est police et gendarmerie -, que dans le domaine de la justice qu'il faut réorganiser l'Etat. C'est une priorité de J.-P. Raffarin. Il faut bien que vous voyez que nous sommes au coeur de cette première mission : rétablir l'autorité. Et dans ce domaine, la France est un peu à l'envers. C'est bien là-dessus qu'il faut qu'on travaille dès à présent."
Le Premier ministre a obtenu la confiance de l'Assemblée, massivement, du Sénat, hier, également. Hier, il a révélé que la baisse des impôts, pour cette année, oui, c'est acquis, mais qu'après cela se fera "au rythme de la croissance"... Qu'est-ce que ça veut dire ?
- "Cela veut dire que la croissance suit un rythme qui n'est pas inscrit dans le marbre. Mais que la stratégie économique que nous avons élaborée est une stratégie par laquelle nous indiquons très clairement que la baisse des impôts et la baisse des prélèvements obligatoires, la baisse de toutes les charges administratives qui pèsent sur les entreprises comme sur les ménages, c'est la clé pour stimuler la croissance."
Mais la croissance ne se décrète pas.
- "Tout à fait."
Or, pendant la campagne électorale, le président de la République, vous avez fait campagne sur une baisse massive des impôts !
- "La baisse des impôts, comme la baisse des charges sociales, comme la baisse de toutes les charges, c'est la priorité numéro 1. C'est là-dessus que nous nous appuyons pour stimuler la croissance. Bien sûr qu'elle ne se décrète pas ; bien sûr qu'il y a effectivement un environnement économique international. Mais notre conviction est que tout ce qui peut être fait en France pour stimuler les conditions économiques de l'investissement, de l'emploi, de la consommation, de tout ce qui permet de s'appuyer sur l'économie française, ça, ça va dans le bon sens. Il faut donc baisser les impôts. C'est pour cela que c'est la priorité numéro 1."
Cette année, la croissance est inférieure à 2 % et les impôts sur le revenu vont baisser de 5 %. A l'avenir, quelle sera la proportion ?
- "Il est un peu tôt pour le dire. Ce que je peux vous dire, en revanche, c'est que J. Chirac s'est engagé devant les Français à ce que l'impôt sur le revenu soit baissé d'un tiers. Et tout sera fait dans la manière dont on organise le fonctionnement de l'Etat et les dépenses publiques en général pour que cet objectif soit tenu, tout en assurant l'efficacité de l'Etat. Et ça, c'est un enjeu majeur pour nous."
Parce que vous avez un projet : une grande décentralisation. Cela veut dire qu'il y a des pouvoirs qui appartenaient à l'Etat qui vont partir dans les régions. Et donc cela veut dire, plus de fonctionnaires dans les régions et plus d'impôts locaux plus d'impôts régionaux ?
- "Le sentiment que nous avons, après cinq années de travail, c'est que l'opposition c'est un stimulant puissant pour travailler sur le terrain. Notre sentiment, aux uns comme aux autres, c'est que l'un des grands projets de ce quinquennat, la décentralisation, est une manière d'améliorer l'efficacité publique. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il faut réorganiser l'efficacité dans les missions telles qu'elles sont exercées. Par exemple, le droit à l'expérimentation, auquel J.-P. Raffarin tient beaucoup, cette idée qu'on puisse stimuler..."
Il faut donner du contenu.
- "Oui, bien sûr. Mais ça veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on demande aux acteurs locaux qui sont au plus proche du terrain, de prendre en main, sur leurs initiatives, un certain nombre de missions, bien entendu, compatibles avec le cadre constitutionnel. Et c'est là-dessus qu'on va travailler tout l'automne. Ce que je peux vous dire, c'est que sur des sujets comme ceux-là, on est persuadés - le passé l'a montré, comme les exemples étrangers l'ont montré - que l'on est capables de gérer mieux dans un certain nombre de domaines en utilisant moins de deniers publics. Donc, en réalité, au bout du compte, la France s'y retrouvera, en termes de modernisation et d'efficacité publique."
Est-ce que les questions hospitalières seront gérées au niveau local ou
régional ?
- "C'est un peu tôt pour rentrer dans ce détail-là. Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui..."
Je pose la question parce qu'on a un gros problème...
- "Absolument. Aujourd'hui, ce que l'on voit, c'est que la mise en oeuvre complètement brouillonne, désorganisée des 35 heures, conduit à une situation, en particulier dans les hôpitaux, extrêmement inquiétante. Et ça, nous le vivons tous au quotidien, dans toutes nos régions respectives. Et nous voyons des Français de plus en plus inquiets sur l'avenir de la santé."
On ferme des services.
- "Pour nous aussi, ça c'est une priorité. Il ne s'agit pas, bien sûr, de remettre en cause le principe des 35 heures à l'hôpital, sinon on est repartis pour une nouvelle désorganisation. En revanche, il va de soi que tout ce que l'on pourra faire pour moduler les choses en attendant d'avoir les personnels correspondants, devra être fait. Car aujourd'hui, le vrai problème, c'est que le gouvernement précédent a fait ce travail sans tenir compte de la réalité d'aujourd'hui. On manque de personnels et la désorganisation qui en découle a de quoi inquiéter pour la qualité des soins de demain. Donc, c'est là-dessus que J.-F. Mattei, par exemple, travaille activement."
On va payer beaucoup d'heures supplémentaires ?
- "Tous les systèmes qu'on pourra utiliser, on les utilisera ! Le compte épargne-temps, les heures supplémentaires le cas échéant, et puis enfin, de manière générale, on fera confiance aux acteurs internes au sein de l'hôpital. Et le dialogue social, là aussi, est capital, plutôt que ces lois venues d'en haut, imposées sans discussion, pour essayer de faire en sorte que la qualité des soins qui est la priorité absolue, puisse être préservée."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 juillet 2002)