Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, à BFM le 4 juillet 2002, sur les engagements du gouvernement et les grands axes de la politique gouvernementale.

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Circonstance : Déclaration de politique générale de M. Raffarin, Premier ministre, à l'Assemblée nationale le 3 juillet 2002

Média : BFM

Texte intégral

C. Barbier 374 voix pour la confiance à J.-P. Raffarin ; il en a manqué quelques unes dans la majorité, où étaient-elles ?
- "Non, le plein des voix a été fait. D'autant que l'on doit compter qu'il y a une vingtaine de suppléants qui n'ont pas voté puisque, comme vous le savez, lorsqu'on entre au Gouvernement on n'a pas le droit de voter - ce qui est normal - à l'Assemblée. C'est ce qui explique la vingtaine de voix de différence."
Est-ce que le Premier ministre n'a pas manqué un peu de souffle dans son discours, de lyrisme ?
- "Ce n'était pas tout à fait comme ça qu'il fallait écouter ou lire ce texte. C'était un discours de politique générale au sens noble du terme : J.-P. Raffarin a présenté pour les 5 années à venir les grands piliers de cette société de confiance que les Français appellent de leur voeux et pour lesquels ils nous ont choisi."
C'était un peu un immense catalogue ! On a l'impression que si vous faites la moitié de cela, vous aurez déjà bien travaillé en 5 ans !
- "Je vous remercie de nous y encourager. Oui, effectivement c'était bien de cela dont il s'agissait : la liste des engagements que nous avons l'obsession de tenir devant les Français."
Vous pourrez tout faire ?
- "On verra bien. Ce qui est vrai, c'est que vous retrouvez dans ce discours des mots-clés : la détermination à faire les réformes difficiles, c'est-à-dire la définition du courage politique ; l'obligation de résultats sur un certain nombre de sujets sur lesquels l'Etat a montré son impuissance depuis des années ; l'autorité publique ; la décentralisation, c'est-à-dire une véritable démocratie locale ; le rétablissement du dialogue social sur les sujets sensibles comme les retraites, l'assouplissement des 35 heures. Vous avez là-dedans, tout ce sur quoi J. Chirac s'est engagé devant les Français. C'est comme cela que l'on veut reconquérir la considération des Français vis-à-vis de la politique."
A quand un vrai discours sur les moyens, notamment financiers, qui seront mis au regard de toutes ces réformes ?
- "Ne vous y trompez pas : ce plan sur 5 ans est financièrement équilibré. Nous avons, durant toute la campagne présidentielle, essayé de démontrer - je crois que nous y sommes parvenus - qu'en réalité, il y avait une stratégie économique par la baisse des impôts et des charges sociales pour stimuler la croissance, et ainsi récupérer des recettes supplémentaires. Qui peut penser un instant, que dans un pays moderne, on peut continuer d'augmenter les impôts comme nous l'avons fait depuis 5 ans en France ? Nous sommes le leader dans le domaine de l'alourdissement des charges fiscales et sociales. Voilà pourquoi les entreprises se délocalisent, voilà pourquoi beaucoup d'entre elles sont amenées à licencier, à fermer parce qu'elles perdent de la compétitivité. Il faut avoir les yeux rivés sur ce qui se passe en Europe et dans le monde."
Que répondez-vous à J. Glavany qui a dénoncé "l'inspiration un peu réactionnaire" de ce discours ?
- "Je regrette ces termes parce que ce sont des termes d'un autre siècle. C'est terminé l'époque de la lutte des classes, du combat des gentils contre les méchants, de ce discours politique qui consiste à opposer les uns ou autres, comme l'a fait Jospin pendant les 5 années où il était à Matignon. Tout cela est un peu révolu. Aujourd'hui, ce qui intéresse, c'est d'aller bien au-delà des clivages politiques traditionnels, de rassembler les Français autour de ce qui est nécessaire de faire pour ce pays."
Il y a d'autres clivages, par exemple sur l'économie, les 35 heures, la modernisation sociale. On a l'impression que votre politique est clonée, dictée par les exigences du patronat ?
- "Vous n'êtes pas obligé de reprendre systématiquement à votre propre compte tout ce qui dit la gauche ! Vous n'avez pas remarqué qu'avant même que l'un ou l'autre d'entre nous, au Gouvernement, on commence à ouvrir la bouche, on se fait déjà taxer d'être le complice du grand patronat, du grand capital... G. Marchais est de retour en permanence dans le discours de la gauche d'aujourd'hui ! Le vrai sujet n'est plus là. La meilleure preuve, c'est que des propositions très concrètes, comme celles relatives à l'assouplissement des 35 heures, la réforme des retraites, la réforme de la loi de modernisation sociale, c'est d'abord l'idée que pendant des années, les partenaires sociaux représentant des salariés comme les représentants des entreprises, ont été écartés de toutes les discussions relatives à la vie de l'entreprise. C'est ce qui doit changer aujourd'hui. Et notre engagement est clair : aucun texte touchant la vie de l'entreprise, au droit du travail ou au droit social ne sera soumis à l'examen du Parlement avant d'avoir fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. C'est cela qui est moderne."
Primes aux régions dans la décentralisation : avec quel transfert de recettes fiscales pour les aider ?
- "Le principe est clair et intangible - la décision du Conseil constitutionnel du début des années 1980 avait été parfaitement claire - : aucun transferts de compétences sans transferts de ressources correspondantes. Il y a eu peut-être quelques abus ces derniers temps - je pense en particulier à la manière dont le gouvernement s'est approprié l'Allocation de prestation autonomie, alors qu'il l'a fait payer par les départements ; c'est tout à fait scandaleux. Nous nous engageons à ce que ces transferts de compétence soient un élément de modernisation et d'efficacité publique. Il y a des domaines qui ne peuvent pas être traités physiquement par l'Etat - je pense particulièrement à la formation professionnelle mais aussi aux logements. Il y a des tas de domaines dans lesquels il faut être au plus prêt du terrain. C'est ce que J.-P. Raffarin appelle "la République des proximités"."
Il y aura un référendum pour ratifier ce qui sera le changement de la carte française et le changement de la décentralisation ?
- "Cette piste n'a pas été évoquée pour l'instant ; je ne crois pas qu'elle soit d'actualité aujourd'hui. Ce qui compte, c'est de mettre en oeuvre les réformes. S'il y a des éléments de blocage, il sera toujours temps de voir comment les surmonter."
Parfois il y a des blocages politiques : il faudra peut-être changer le mode de scrutin des régionales ? C'est à l'étude ?
- "C'est un des points qui est à l'étude. Pour l'instant, diverses pistes sont étudiées. De manière générale, il y a quelques sujets sur lesquels il faut que l'on travaille, de même pour ce qui concerne par exemple la réforme du scrutin législatif. Cette idée des triangulaires qui pervertissent beaucoup les résultats des scrutins, est une idée qu'il faudra probablement réaménager."
13 500 emplois dans la police et la gendarmerie, 10 000 dans la justice, pas de remplacement de tous les fonctionnaires : c'est une addition un peu magique... C'est l'ardoise magique de J.-P. Raffarin ?
- "Là-dessus, le discours de J.-P. Raffarin a l'avantage d'être pragmatique ; là aussi, on sort des idéologies. L'idée est de dire qu'il y a des domaines dans lesquels les administrations manquent cruellement d'effectifs, d'autres où elles en ont probablement trop. Il faudra l'assumer courageusement. Le cas de la police et de la justice est typique : ce sont deux administrations dans lesquelles il y a un sous-effectif chronique et un sous-équipement chronique. Il faut donc, dans ce domaine-là, investir pour moderniser l'Etat et gagner en efficacité sur 5 ans. Il y a d'autres secteurs où il y aura probablement des réformes à faire dans l'autre sens en termes de modernisation."
Réformer le droit d'asile ? C'est une formule polie pour dire que "France, terre d'accueil", c'est terminé ?
- "En tout état de cause, le problème n'est pas de savoir si "France terre d'accueil" est terminé ou pas. Le problème est de savoir comment nous pouvons concilier la tradition humaniste qui est celle de notre pays depuis toujours, avec l'idée que la France ne peut pas accepter sur son sol des gens qui viendraient de manière irrégulière et clandestine par la voie de toutes les filières mafieuses. Or, aujourd'hui, il faut bien l'admettre, le dispositif tel qu'il existe n'est pas efficace. L'immigration clandestine - l'élu d'une ville qui a des quartiers difficiles peut en témoigner - est un problème absolument majeur et on ne peut pas tolérer cela éternellement."
Dans les villes, il y aussi des hôpitaux - je continue le déroulé des mesures : "Hôpital 2007" : c'est un plan de fermeture des établissements trop peu utilisés ?
- "C'est surtout un plan de modernisation de l'hôpital. L'hôpital fait partie de ces grandes administrations victimes d'un sous-investissement chronique depuis des années, parce qu'on a privilégié les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement. C'est un des effets pervers des 35 heures."
Là aussi, il faudra fermer quelques établissements ?
- "En tout cas, il faudra surtout travailler à la modernisation de leurs équipements. Qu'ensuite cela se traduise par une nouvelle répartition des services, pour éviter qu'il y ait trois fois le même service dans trois hôpitaux dont le périmètre est extrêmement restreint : voilà le genre de choses qu'il faut imaginer de faire. Une meilleure répartition, une meilleure complémentarité : c'est cela la modernisation."
Lancer la retraite par capitalisation, les fonds de pension en quelque sorte, alors que la Bourse est au plus bas, ce n'est peut-être pas très adroit ?
- "Pardon, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Il vaut mieux lancer des fonds de pension quand la Bourse est basse que quand la Bourse est haute."
C'est un raisonnement de spéculateur mais pour les gens, cela n'incite pas à la confiance de voir que tout peut s'effondrer.
- "Ce n'est pas comme ça qu'il faut raisonner. Les fonds de pension, c'est tout sauf des fonds spéculatifs. Je vous rappelle qu'il s'agit de mettre en place des fonds de pension à la française, avec tous les garde-fous qu'il convient d'intégrer, et que ces fonds de pension, c'est pour inscrire de l'épargne par capitalisation dans la durée, en complément de la retraite par répartition. C'est un plus volontaire pour ceux qui le souhaitent et c'est défiscalisé - il y aura une aide fiscale importante. Voilà de quoi faire enfin un alignement de la France sur tous les grands pays modernes dans le domaine des retraites."
J.-R. Fourtou à la tête de Vivendi : c'est le choix de la droite, comme l'a suggéré N. Fontaine l'autre jour ?
- "N. Fontaine ne l'a absolument pas suggéré. Je veux redire ici que le principe de ce qu'on appelle "la gouvernance d'entreprise" est quelque chose qui relève des entreprises et des conseils d'administration et certainement pas du Gouvernement ou des acteurs publics. D'autant plus qu'il s'agit là d'entreprises totalement privées."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 juillet 2002)