Interviews de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à Europe 1 le 12, TF1 et France 2 le 14 juillet 2002, sur la préparation du défilé du 14 juillet et la participation de troupes américaines, l'effort en faveur de la défense dans le cadre du collectif budgétaire, la préparation de la loi de programmation militaire 2003 - 2008, l'enquête sur l'attentat de Karachi et le projet de deuxième porte avions.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1 - France 2 - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

Interview à Europe 1 le 12 juillet :
En ce 14 juillet, est-ce que le fait d'être la première femme qui occupe, finalement, cette position et cette responsabilité, est-ce que vous avez senti qu'au fond, les officiers qui sont autour de vous, vous le faisaient sentir ou pas du tout ?
Non, pas du tout. J'ai senti leur surprise, je les ai sentis même probablement un peu interloqués, pendant les premières heures. Et puis, je crois que les choses se sont rétablies très vite. Vous savez, les militaires sont des gens pragmatiques et positifs. Ils ont, je pense, attendu de savoir ce que j'avais à dire, comment je me comportais et ils attendent de savoir, aussi, si je suis capable d'apporter les moyens dont notre défense a besoin.
C'est la grande bataille budgétaire
C'est la grande bataille budgétaire, absolument.
Est-ce que vous avez le sentiment, justement, que les arbitrages qui vont être pris seront au bénéfice des armées ?
Le président de la République a exprimé, très fortement, sa volonté que nos armées retrouvent les moyens de tenir leur rang, c'est-à-dire d'abord d'assurer la protection des Français dans un monde qui est un monde dangereux, disons-le. On avait cru, certains ont cru qu'après la chute du mur de Berlin, on allait entrer dans une période de paix. Nous nous apercevons au contraire, que nous sommes dans une période où des conflits éclatent un peu partout dans le monde, certains de ces conflits peuvent menacer même des pays très lointains, peuvent menacer l'Europe. Et puis, bien entendu, depuis le 11 septembre, il y a toute la problématique du terrorisme qui concerne chacune et chacun d'entre nous. Nous l'avons vu avec l'attentat dramatique de Karachi où ce sont plusieurs de nos compatriotes qui ont été tués, ou qui ont été blessés. Mais, il est évident que le terrorisme, aujourd'hui, cette nouvelle forme de terrorisme de masse, peut frapper n'importe où et n'importe qui. Il faut donc effectivement que nous ayons des armées qui soient à même de réagir, qui soient à même, aussi, d'anticiper pour essayer de prévenir parce que c'est encore la meilleure protection contre cela.
D'où le rôle des services secrets, par exemple
D'où le rôle de tout ce que l'on peut faire, en matière d'information, en matière de renseignement, en matière également de recherche, parce qu'il y a les formes de terrorisme que nous avons vues, il y a également le terrorisme qui est très inquiétant, qui est celui à partir d'armes chimiques, bactériologiques ou nucléaires. Donc, face à tout cela, le président de la République a dit, très fortement, qu'il voulait que l'armée française trouve les moyens, retrouve les moyens de faire face à cela et également, bien entendu, de construire aussi l'Europe de la Défense parce que, si nous devons pouvoir être autonome, nous ne devons pas être solitaire. C'est également avec nos partenaires, et en premier lieu nos partenaires européens, et avec l'OTAN aussi, bien entendu, que nous pouvons agir de la façon la plus efficace.
Est-ce qu'on peut avoir un chiffre ? Vous savez qu'on aime bien ça, les journalistes et les gens, Nicolas Sarkozy et la justice, c'est 9 milliards d'euros, est-ce qu'on peut avoir une estimation de ce que pourrait être le budget de la Défense ?
La première des choses dont on peut avoir une estimation, c'est le collectif budgétaire puisque le Gouvernement, au dernier Conseil des ministres, a indiqué quel collectif budgétaire il allait proposer au Parlement la semaine prochaine. Dans ce collectif budgétaire, le ministère de la Défense est l'un des mieux traités, je crois d'ailleurs que c'est la première fois depuis très longtemps, avec une somme qui approche un milliard d'euros, dont une partie, 100 millions d'euros, qui sont consacrés à la remise en état d'un certain nombre de nos instruments de défense. Pratiquement, sur les cinq dernières années, on a perdu une année de loi de programmation militaire, quasiment 20 %. Cela avait entraîné comme résultat que des bâtiments de marine, des avions, et des chars se trouvaient sans les pièces détachées qui leur permettaient de fonctionner. Cela a aussi porté d'ailleurs atteinte au moral des troupes. Nous avons un ministère avec des militaires ou des civils, qui sont des gens tout à fait remarquables, je dois dire que je l'ai découvert aussi en arrivant, et dont l'envie principale, c'est de bien pouvoir accomplir leur mission. Pour cela, ils ont besoin d'instruments qui fonctionnent.
Vous savez que les Français sont très gourmands du défilé du 14 juillet. Evidemment, il y a ceux qui peuvent aller sur place, mais il y a surtout ceux qui regardent cela à la télévision, inutile de dire que la DGSE ne va pas défiler, ce n'est pas vraiment sa mission, mais est-ce que parmi celles que vous voulez privilégier, on va voir cette année des choses un peu différentes de ce qu'on a vu les autres années, enfin à quoi peut-il ressembler, dans les grandes lignes parce qu'on ne va pas trop raconter évidemment ?
Ce défilé va être d'abord la première manifestation de la modernisation des armées, réalisée à partir de la volonté exprimée par le président de la République en 1996, de professionnaliser les armées. Ceux qui vont défiler sont des armées professionnelles, c'est-à-dire des armées, dont les hommes et les femmes sont au plus haut niveau et qui disposent des technologies les plus en pointe qui leur ont permis, notamment, d'être présents et très actifs sur tous les théâtres d'opérations extérieures de ces dernières années : la Bosnie, le Kosovo, l'Afghanistan. Je suis allée les voir dans ces trois cas, et j'ai constaté comment justement, ce niveau était reconnu, y compris par les autres armées, notamment par les Américains, que ce soit dans le domaine maritime, ou dans le domaine de l'aviation. Et c'est quelque chose d'important.
Est-ce qu'il y a une vedette, par exemple ? Vous, ministre, est-ce que vous allez observer particulièrement quelque chose ?
Je crois que la vedette, c'est chacun des hommes et chacune des femmes qui va défiler parce que chacun a une haute idée de sa mission et chacun a participé à cette mission. Il va y avoir des gens qui ont participé aux missions en Afghanistan, aux missions au Kosovo et en Bosnie et qui, ainsi, ont porté haut le drapeau de la France et ont défendu les valeurs qui sont les nôtres.
Deux petites questions, évidemment pour terminer cet entretien, l'une personnelle, l'autre qui est un petit peu l'ambiance politique du 14 juillet puisqu'on sait qu'après le défilé, c'est la garden-party et l'intervention du président de la République. Celle qui est personnelle, c'est ce petit tour dans un avion, dont on a beaucoup parlé, quel effet cela fait-il tout d'un coup, de partir dans les airs, dans un avion de chasse ?
C'était une envie qui datait de plusieurs années puisque, depuis que je suis maire de Saint-Jean-de-Luz, j'ai fait venir la Patrouille de France tous les ans et, en discutant avec les pilotes, qui sont des gens d'une compétence professionnelle et également d'une qualité humaine remarquable, je leur avais dit "j'ai très envie, un jour, de monter avec la Patrouille de France." Et ils m'avaient dit qu'ils en étaient d'accord, ils m'ont dit qu'il faut juste demander l'autorisation au ministre de la Défense. Cette année, j'ai demandé l'autorisation au ministre de la Défense !
Qui vous l'a donnée.
Qui me l'a donnée !
Quel effet ça fait ?
C'est, effectivement, assez impressionnant
Vous êtes partie d'où d'abord ?
Je suis partie de Salon-de-Provence qui est leur base. Je suis partie dans leur équipe, en deuxième position, dans ce qu'on appelle le " charognard ", c'est-à-dire celui qui va devenir le leader dans la Patrouille
Vous aviez un peu le pouls palpitant ?
Non, d'abord, parce que j'avais totalement confiance en eux justement parce que ce sont des pilotes remarquables. J'ai participé à la séance préparatoire qu'ils font avant chacun des vols où ils simulent le vol, et je suis sortie de là totalement sereine. Quand je suis montée dans l'avion, c'était avec une grande confiance, une grande sérénité. Et puis, ensuite, les choses sont tellement fortes et vont tellement vite que je n'ai pas eu du tout peur non plus. Simplement
On n'a pas le cur à la place de la tête ?
Il y a des moments effectivement, dans les grandes accélérations
Ce n'est pas de l'hélicoptère quand même !
Non, ce n'est pas de l'hélicoptère, même si l'hélicoptère est parfois très intéressant en sensations. Mais, c'est vrai que dans les grandes accélérations, on sent cette protection anti-G. Je dois dire que la seule fois où j'ai eu une sensation tout à fait étrange, c'est finalement à la sortie de la dernière courbe, où on a " pris ", comme ils disent, 4G, c'est-à-dire quatre fois son poids. Et moi, j'étais en train de regarder un avion à l'extérieur, donc j'étais un peu penchée et notamment la tête penchée. Ce qui a été extraordinaire c'est que pendant, je ne sais pas combien de secondes, peut-être trente secondes, j'étais incapable de redresser la tête ou de bouger le plus petit doigt parce qu'il y a une espèce de poids qui pèse sur vous et sur tout votre corps et qui vous quasi-paralyse. Je me demande d'ailleurs comment ils pilotent ! Enfin il faut aussi un entraînement formidable et je sais qu'ils l'ont.
On les verra d'ailleurs, pour l'essentiel d'entre eux, et d'autres avions d'ailleurs dans le ciel de France, dimanche matin. L'interview du président de la République, on ne peut pas savoir à l'avance évidemment ce qu'il va dire, mais vous lisez la presse comme moi, beaucoup de gens se disent au fond, dans ce gouvernement Raffarin, il y a une bonne image au début, et puis maintenant, ils s'interrogent un peu entre, disons, ceux qui ont l'intention de dépenser un peu de l'argent et d'autres comme Francis Mer qui, visiblement, explique que si la conjoncture économique n'est pas plus florissante, il va falloir serrer un peu les boulons du budget. Est-ce qu'il y a effectivement, non pas des batailles, mais en tout cas des explications ou des dents qui grincent, actuellement, dans l'équipe ?
Non, je crois qu'il y a des priorités affichées. Nous connaissons tous bien entendu les contraintes budgétaires, notamment parce que nous avons trouvé une situation budgétaire qui n'était pas du tout celle qui nous avait été annoncée. Il y a eu beaucoup de dérapages par rapport au budget voté du temps de l'ancien gouvernement. C'est vrai que la situation budgétaire est une situation tendue. Une situation tendue veut dire qu'il faut faire un certain nombre d'arbitrages. Le Premier ministre a fait ces arbitrages en disant que dans un premier temps, on insisterait sur toutes les actions nécessaires au redressement de l'autorité de l'Etat parce que c'est aussi ce qu'attendent les Français. Les Français attendent d'être mieux protégés, que leur sécurité soit mieux assurée...
C'est-à-dire que les autres vont se serrer la ceinture, étant donné que la sécurité, la défense
Il y a la sécurité, il y a également ce qui a été présenté par François Fillon sur les emplois-jeunes, il y a la diminution d'impôt de 5 % qui correspond à un engagement du président de la République et qui est destiné aussi à relancer, je dirai, à la fois l'activité et l'optimisme indispensable à la relance de l'activité. Tout cela, ce sont des actions qui sont menées dans ce début du mois de juillet et qui vont, ensuite, se concrétiser. Et puis, à l'automne, le Premier ministre a annoncé qu'il y aurait un certain nombre d'autres grands textes qui vont transformer, en quelque sorte, la façon de fonctionner de l'Etat pour la moderniser et nous permettre tout simplement d'être à un niveau de concurrence équivalent à celui de nos partenaires européens. Cela se fera notamment, à travers la loi de décentralisation et un certain nombre d'autres lois destinées, à " booster ", destinées à redonner de l'énergie, de la créativité à toutes nos entreprises et d'une façon plus générale, à tous les Français.
Vous parlez de priorités comme le Gouvernement, c'est normal, l'opposition parle de promesses et commence à dire que toutes ne pourront pas être tenues. Est-ce que vous avez l'impression que le 14 juillet, le président de la République va s'expliquer sur ce thème, c'est-à-dire à la fois les contraintes budgétaires et puis on sort de deux élections, il faut bien promettre des choses aux gens, c'est tout à fait normal ?
Le président de la République est le maître de son discours, donc je ne vais pas vous dire ce qu'il y a dedans, parce que je ne le sais pas, et même si je le savais, je ne vous le dirais pas. Mais simplement, ce que je dis, c'est que le président de la République a toujours insisté auprès de nous sur le fait que les promesses faites, les engagements pris plus exactement à l'égard des Français, devaient être tenus et seraient tenus. Alors, bien entendu, tout ne va pas être fait immédiatement. En même temps, ce sont des engagements qui ont été pris sur cinq ans et qui seront faits sur cinq ans. Je vous ferai remarquer qu'il y en a déjà beaucoup en l'espace d'un mois qui ont été tenus. Encore une fois, sur la sécurité, on a créé à la fois le Conseil supérieur de la sécurité intérieure, présidé par le président de la République, Nicolas Sarkozy a créé les Groupements d'intervention avec, déjà, un certain nombre d'actions. Il y a la loi d'orientation sur la sécurité avec les chiffres que vous citiez tout à l'heure, se traduisant en créations de postes, en réorganisation et également en matériels donnés aux policiers et aux gendarmes. Il y a le projet de loi sur la justice, qui est déjà rédigé, et je crois que c'est un record d'arriver, en si peu de temps, à faire cela. Il y a l'engagement sur la réduction de 5 % des impôts dont certains nous disaient déjà, dans l'opposition, il y a quelques semaines, que jamais, ce ne serait fait, qu'on allait y revenir. Non, les Français ont la preuve que c'est fait. Et en matière de défense nationale, c'est la même chose puisque déjà, ce collectif budgétaire montre d'une façon concrète, que l'orientation donnée par le président de la République, ce ne sont pas des mots, mais ce sont des réalités qui vont se manifester au fur et à mesure.
Merci, Michèle Alliot-Marie. En souhaitant que le 14, donc dimanche, il fasse beau parce que l'année dernière, c'était un temps atroce à la fois pour le défilé et la garden-party. Merci mille fois. Bon vol, si l'on peut dire.
(source http://www.defense.gouv.fe, le 19 août 2002)
Interview à TF1 le 14 juillet :
Avez-vous trouvé que les militaires ont bien défilé ?
J'ai trouvé qu'ils avaient, effectivement, très bien défilé. J'étais allée les voir à l'entraînement, Jean-Claude Narcy y était aussi
Oui mais c'est la première fois qu'un ministre de la Défense va au moment de la répétition.
Je ne le savais pas. Mais en tous les cas, c'est à la fois intéressant et j'ai été heureuse de voir que ces répétitions donnaient un très bon résultat.
Ils étaient sous le charme vos militaires, ils étaient sous le charme, ils le sont toujours. Vous les avez impressionnés en même temps à bord des Alphajet, mais maintenant vous êtes revenue sur terre, parce que ce qu'ils attendent ce sont des choses concrètes aujourd'hui.
Ils attendent de l'argent pour avoir les moyens de mettre en uvre l'excellence qui est celle de leur formation et de leur dévouement.
Et vous allez leur donner ?
Cela a commencé dès le collectif budgétaire puisque, la semaine dernière, le Gouvernement a accepté de faire un effort tout particulier en ce qui concerne le ministère de la Défense, en attribuant 908 millions d'euros ; et c'est très important pour la première fois dans un collectif budgétaire, on a mis de l'argent pour des équipements, pour permettre de remettre en état de marche un certain nombre de nos matériels, de racheter des pièces de rechange. Nous avions, du fait de la baisse de l'engagement financier au cours de ces dernières années, un grand nombre d'avions qui n'étaient pas en état de voler, il fallait parfois prendre des pièces sur un avion pour pouvoir permettre à un autre de voler
On n'a vu aujourd'hui que les hélicoptères de combat, d'ailleurs.
Alors il y a des hélicoptères de combat, heureusement que nous en avons encore qui fonctionnent
Ils ne sont pas tous à terre, quand même.
Je suis allée au Kosovo, en Afghanistan et c'est vrai que nos hommes font là-bas un travail tout à fait remarquable de maintien de la paix ou de lutte contre le terrorisme. Mais c'est vrai qu'on est très, très tendu parce que les matériels, surtout en opération, s'usent beaucoup plus vite.
Alors, effort pour les équipements, et effort pour les hommes aussi, pour les soldes ?
Tout à fait, c'est quelque chose qui a été fait dès ce collectif budgétaire, puisqu'il y avait eu des promesses qui avaient été faites, mais pas budgétées, c'est-à-dire que le risque, c'était d'avoir un trou
Vous devez passer à la caisse aujourd'hui, quand même.
Le Parlement va voter la semaine prochaine le collectif budgétaire. Compte tenu des contacts que j'ai eus avec la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale et les responsables de la Commission de la Défense du Sénat, je pense que ceci sera voté. Effectivement, dans ce collectif, il y a à la fois de quoi faire des efforts en ce qui concerne les hommes, et également comme je vous le disais à l'instant, en ce qui concerne les matériels.
Prenant vos fonctions, vous êtes partie très rapidement à Karachi après l'attentat qui a coûté la vie à onze techniciens français. Est-ce qu'on a des nouvelles de cette enquête ?
Cette enquête progresse dans des conditions extrêmement difficiles, puisque là-bas, vous savez, les réseaux sont disséminés. Nous avons envoyé d'ailleurs dès mon déplacement là-bas, le jour même j'avais fait venir avec moi un certain nombre d'enquêteurs français qui travaillent avec les Pakistanais. Compte tenu des circonstances dans lesquelles cet attentat s'est passé, ce sont des éléments aussi, je dirais presque de hasard qui, de temps en temps, permettent de trouver des solutions. C'est ainsi, par exemple, que l'on vient de retrouver, semble-t-il, certains des éléments qui ont participé à des attentats contre les Américains. Aujourd'hui, nous avons eu un certain nombre d'informations. Il y a d'ailleurs un grand nombre de personnes qui ont été arrêtées à Karachi, les vérifications sont en train de se faire. Ce que nous pouvons espérer, c'est effectivement que dans les prochains mois, on puisse avec précision déterminer quel est à la fois le groupe, puisqu'on n'a pas de certitude aujourd'hui sur le groupe précis qui a produit cet horrible attentat, et bien entendu pouvoir prendre les sanctions nécessaires.
Pour revenir aux équipements militaires, j'ai lu que vous étiez en faveur d'un deuxième porte-avions, nucléaire ou à propulsion classique ?
Le président de la République a souligné toute l'importance du groupe aéronaval en France, et il a fait remarquer qu'il fallait que ce groupe voit sa permanence assurée. La permanence, quand il y a un seul porte-avions, ce n'est pas quelque chose de possible, puisqu'un porte-avions, comme n'importe quel bâtiment, a besoin régulièrement de révisions, il a besoin d'entretien. En ce qui concerne le Charles de Gaulle , il a fait un travail remarquable, une mission remarquable
Sans aucun pépin, cette fois-ci.
Et sans aucun " pépin ", exactement. Il est resté plus de sept mois en mer, alors que même les porte-avions américains se sont relayés. Il y en a eu trois pendant la durée où le Charles de Gaulle est resté. Bien entendu, il est neuf, il y aura donc des révisions longues, mais dans un certain temps. Le président de la République, effectivement, a souhaité que, à ce moment-là, nous ayons un deuxième porte-avions qui nous permette effectivement, d'assurer cette permanence. On est donc en train d'y réfléchir aujourd'hui
D'y réfléchir.
De toute façon, les arbitrages ne sont pas faits. Quelle forme aura-t-il ? Nucléaire ou classique ? Nous le verrons. Sera-t-il simplement notre initiative ou en liaison avec les Britanniques, qui est aussi une voie que nous explorons ? Si vous le permettez, je vous répondrai dans quelques semaines.
Sur le nucléaire justement, est-ce que c'est bien raisonnable de garder pour la seule France la dissuasion nucléaire, cela coûte cher, on ne pourrait pas partager avec les autres Européens ?
D'abord ce n'est pas pour la seule France, puisque je vous ferais remarquer que les Britanniques ont également un élément de dissuasion.
Mais sous clé américaine
Pour l'instant, c'est vrai, effectivement, ils ont des liens avec les Américains qui sont plus étroits. Nous avons toujours beaucoup tenu à notre autonomie, ce qui ne veut pas dire que nous soyons solitaires. Mais il est important que nous puissions décider de ce que nous faisons ou de ce que nous ne faisons pas. Et de ce point de vue, il est important d'avoir, effectivement pour nous aussi, la dissuasion nucléaire qui nous permet d'être parmi les " grands " et de faire entendre notre voix. En ce qui concerne les autres Européens, ce qui est vrai aussi, même si nous essayons de construire l'Europe de la Défense, c'est que ceux-ci ne sont pas forcément aujourd'hui encore convaincus de faire les efforts nécessaires pour participer à une telle opération.
Et vous avez envie de les convaincre ?
Il est indispensable de les convaincre de faire une Europe de la Défense, parce que je crois que cela va dans le sens du mouvement, dans le sens de la construction européenne. C'est un élément très important. Je travaille avec eux, à la fois en bilatéral et en réunion. Et je crois que, aujourd'hui finalement, beaucoup de choses dépendent de l'expression de la volonté de la France. Depuis que les Européens sentent que la France a décidé de redresser son effort militaire, je crois que nous sommes beaucoup plus crédibles. Il faudra avancer, c'est ce que je vais essayer de faire.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 19 août 2002)
Interview à France 2 le 14 juillet :
C'est votre premier défilé, non pas en tant que ministre, mais en tant que ministre de la Défense, vous avez déjà été dans la tribune gouvernementale à un autre moment avec un autre portefeuille ministériel, quel est votre avis sur le défilé ? Je disais que le chef de l'Etat avait l'air satisfait, je pense que vous aussi ?
Oui, tout à fait. J'étais allée voir l'entraînement notamment à Villacoublay, il y a deux jours, et je trouve que ce défilé était à la fois très réussi, je dirai très professionnel, ils avaient beaucoup répété
Normal, avec la professionnalisation de l'armée.
Bien sûr. Mais effectivement, j'ai trouvé que celui-ci était tout particulièrement chaleureux et quand même parfaitement réglé.
Au fil des années, on a l'impression que ce défilé du 14 juillet, cette revue se modifie et qu'elle s'internationalise. On avait eu il y a deux ans les troupes du roi du Maroc, du roi HASSAN II à l'époque, l'année dernière, les troupes espagnoles, là, des troupes américaines. Vous voulez continuer ce style, je sais que c'est le chef de l'Etat qui choisit, mais vous voulez continuer ce style d'intervention extérieure ?
Je crois que c'est une très bonne chose pour deux raisons : à la fois parce que cela permet, comme cette année avec les Américains et avec également le camion des pompiers américains, de marquer les liens d'amitié qui peuvent exister entre deux nations. Et puis, en même temps, je crois que ça correspond à une réalité qui est celle du travail sur le travail ( ?) puisque dans de nombreux conflits, il y a ce que l'on appelle une interopérabilité, c'est-à-dire qu'il y a une réunion des équipes, des armées de plusieurs pays qui se retrouvent, qui travaillent ensemble. C'est une façon de montrer cette unité qui existe au Kosovo que j'ai constatée, en Afghanistan et que j'ai constatée en Bosnie.
Oui, on a vraiment l'impression qu'en moins de dix ans, enfin, c'est un petit peu plus de dix ans, depuis la chute du mur de Berlin, la stratégie mondiale a complètement changé. Nous étions à l'époque sur une stratégie d'affrontement Est-Ouest, de dissuasion, on est passé sur une stratégie presque de gendarmerie dans le monde. Est-ce que ce changement de concept stratégique ne doit pas vous obliger à un changement de concept stratégique pour l'armée française ?
En ce qui concerne l'armée française, elle s'est toujours adaptée. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a de nouveaux types de conflits, à la fois des conflits qui sont plus dispersées dans le monde
Plus régionaux.
Plus régionaux. Mais en même temps, le terrorisme, depuis le 11 septembre, depuis l'attentat également de Karachi qui a frappé nos compatriotes, nous oblige à nous mettre dans une posture qui permette à la fois de lutter contre le terrorisme, c'est notre priorité, mais également d'essayer d'éviter des conflits qui peuvent servir soit de prétexte, soit d'appui à des actions terroristes. Donc, nous prenons cela en compte, c'est vrai, à la fois dans la façon dont l'armée se comporte, nous le prenons en compte également en ce qui concerne nos matériels, nos capacités et les priorités qui sont accordées à tel ou tel secteur.
Pendant quarante ans, je dirai que la dissuasion, ça a été l'alpha et l'oméga de l'armée française, est-ce que ça le reste ?
C'est un élément important, c'est un élément de défense
Ce n'est plus un élément primordial ?
Je dirai que c'est un élément très important de notre défense, le président de la République l'a rappelé récemment. Parce qu'encore une fois, il y a des types de conflits qui sont extrêmement variés. Il faut être à même de se défendre par rapport à tout type de conflit.
Le président de la République et le Premier ministre ont rappelé qu'il y avait des problèmes dans l'armée et que la loi de programmation militaire n'avait pas été respectée. Vous êtes chargée, je crois, de réécrire une loi de programmation militaire, ça va être votre travail dans les quelques mois qui viennent.
C'est un travail qui a déjà commencé, pratiquement depuis le lendemain de mon arrivée au ministère parce que c'est un très lourd travail.
Dans quel axe allez-vous aller justement ?
Il s'agit de donner des moyens à nos armées qui sont, sur le plan des hommes, tout à fait remarquables et admirés dans le monde entier. Ces hommes ont besoin d'avoir les moyens et les matériels nécessaires. L'une des priorités, je dirai que la première priorité, le collectif budgétaire vient de le marquer déjà, c'est de faire en sorte que nos matériels actuels soient en état de marche. Pour cela, il faut donner des crédits d'entretien, des crédits qui permettent de renouveler les pièces et qui fassent en sorte que nos avions ne restent pas cloués au sol ou que les véhicules blindés que nous avons vus ne soient pas immobilisés.
Le président de la Commission de Défense a eu des propos très durs d'ailleurs sur l'entretien et sur l'équipement de l'armée de Terre.
C'est vrai qu'il y a eu d'énormes problèmes au cours de ces dernières années, je l'ai constaté sur place.
C'est vrai qu'il y a beaucoup de chars qui ne peuvent pas rouler ?
Il y en a beaucoup qui ne peuvent pas rouler, absolument. Alors, si vous voulez, ça, c'est la première priorité. La deuxième priorité, c'est de moderniser nos capacités, de lancer les programmes qui nous permettront de continuer à être parmi les plus performants au monde sinon les plus performants dans certains secteurs. Nous le sommes dans un certain nombre de secteurs aujourd'hui, là aussi, je l'ai constaté sur les différents théâtres d'opérations. Mais bien entendu, tout ceci évolue très vite et il faut que nous continuions à l'être. Et enfin, la troisième priorité de la loi de programmation militaire sera d'accompagner la professionnalisation et notamment d'insister sur la condition militaire, je crois que nos militaires le méritent bien.
.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 19 août 2002)