Texte intégral
R. Arzt - Une baisse de 5 % sur l'impôt sur le revenu a été votée cette nuit par la majorité à l'Assemblée nationale. En tant que président de la CGC, vous approuvez ?
- "Je me réjouis. Pour une fois qu'on se décide à penser à ceux qui - bien sûr minoritaires malheureusement, en France - payent l'impôt et qu'on réduit d'une façon uniforme et pas uniquement sur les bas revenus et les très hauts revenus, l'impôt payé par ceux qui en payent le plus, je suis extrêmement satisfait de cette mesure."
Cela profite aux cadres ?
- "Tout à fait, cela profite aux catégories moyennes. On parle beaucoup de "la France d'en haut", de "la France d'en bas" ; j'aimerais bien qu'on pense de temps en temps à la France du milieu également."
La gauche a martelé que la politique fiscale du gouvernement Raffarin est injuste, clientéliste. Justement, parce que ce sont les Français qui peuvent payer l'impôt qui en profitent.
- "Si on essaye de mettre un terme à une exception française qui fait qu'au niveau de l'Europe on est le seul pays où moins de la moitié de la population paye l'impôt, je trouve quand même que c'est une excellente chose."
On a vu que parmi ceux qui touchent la Prime pour l'emploi, il y en a qui par ailleurs vont bénéficier cette réduction de 5 % sur l'impôt sur le revenu. Mais ceux qui ne paient pas cet impôt ne verront pas pour autant leur prime augmenter, contrairement à ce qu'avait dit dans un premier temps et sans doute par erreur, le ministre du Budget, A. Lambert.
- "Si on met côte à côte le fait qu'il n'y a pas eu de coup de pouce sur le Smic et le fait que la Prime pour l'emploi n'est pas améliorée à l'occasion de cette baisse fiscale, c'est vrai que ça fait deux mesures qui paraissent un peu négatives vis-à-vis des Français les plus démunis."
Donc, vous auriez plutôt compris qu'A. Lambert reste sur sa première définition ?
- "Tout à fait, on aurait pu le souhaiter. La déclaration d'A. Lambert, je l'avais trouvée très encourageante pour ces populations."
Vous êtes amené ces temps-ci à rencontrer tous ces nouveaux ministres. Cela vous surprend ce genre de couac ?
- "Cela me surprend pour certains d'entre eux. Je comprends que F. Mer qui n'était pas habitué aux arcanes de la politique et au langage feutré, qui avait plutôt un langage de grand patron se laisser aller de temps en temps. Je suis un peu plus surpris qu'A. Lambert, qui est quand même un routier des affaires financières, puisse avoir quelques couacs de cette nature. Mais il faut qu'ils se rôdent."
A la rentrée, il y a pas mal de questions auxquelles vous, les syndicats, serez sans doute associés. Sur les 35 heures par exemple, vous estimez que vous avez votre mot à dire sur l'assouplissement qui est annoncé ?
- "Les 35 heures, si on veut réussir l'assouplissement et conformément aux engagements sur la relance du dialogue social, il ne faut surtout pas que cela soit une loi. C'est-à-dire qu'il faut redonner la parole. Après tout, après la première loi Aubry, on avait négocié dans les branches professionnelles 122 accords de branche. Cela montre bien que les organisations syndicales et patronales peuvent parfaitement discuter de ce thème. Je souhaite que l'on redonne la main aux branches professionnelles parce que la situation n'est pas la même dans la grande distribution, dans la sidérurgie ou dans la construction navale. Et que dans chaque branche professionnelle, on puisse négocier les aménagements à apporter à la loi sur les 35 heures, que ce soit sur le quota d'heures supplémentaires, sur le fonctionnement des comptes épargne-temps. Il y a un tas de mesures de souplesse qui peuvent être amenées."
Qu'est-ce que vous dites de ce dispositif de prévention et de coordination avant les plans sociaux, qui a été annoncé, précisé, à la fois par J. Chirac et par F. Fillon ?
- "Dans l'idée, c'est très bien. On a toujours dit que c'était quand même un comble. On discute pendant très longtemps des plans sociaux dans les entreprises en cas de restructuration ; on met les gens au chômage - ce qui est toujours psychologiquement un drame - et au bout de quelques mois, on les prend dans le cadre du Plan d'aide au retour à l'emploi, on leur donne de la formation, etc. Si on peut commencer, avant que les gens ne quittent l'entreprise, à envisager tout de suite les actions de formation, si on commence tout de suite à regarder les possibilités de reclassement local avant même que cela ne se produise, on gagnerait du temps."
Vous pensez que c'est cela le dispositif envisagé ?
- "J'espère, parce que si c'est une usine à gaz concoctée uniquement dans les ministères au niveau national à Paris... Moi, je compte beaucoup sur des actions de terrain avec les représentants de l'Etat et sur le terrain, bien sûr, les préfets, mais également avec les élus locaux, avec les entreprises publiques et para-publiques, avec les organisations syndicales et d'employeurs pour essayer de trouver, au plan local, les moyens de refaire une réindustrialisation, de reclasser les gens. Pas forcément dans la même entreprise mais dans un site voisin."
Sur ce genre de dossier, vous avez l'impression que ce Gouvernement est habité par l'esprit de dialogue social ? Vous êtes optimiste ?
- "Sur la forme, incontestablement - comme le disait A. Duhamel tout à l'heure - il y a quelque chose de changé. On n'a jamais eu autant de contacts avec les ministres et le Premier ministre depuis des années. Maintenant, il va falloir voir si cela suit sur le fond, si on ne se contente pas simplement de nous écouter, mais si on nous entend également lorsque nous faisons quelques propositions."
A propos de propositions, vous en faîtes une dans votre journal syndical : vous demandez que les cadres entrent dans les conseils d'administration. Est-ce que parce que vous avez à redire sur la façon dont sont gérées les entreprises ?
- "Quand je regarde ce qui se passe, que ce soit aux Etats-Unis avec Enron ou WorldCom, ou en France avec Vivendi ou Moulinex, le fonctionnement des conseils d'administration n'est pas satisfaisant. C'est plutôt du copinage, du style : "passe-moi la rhubarbe, j'te passe le séné". Mais les conseils d'administration ne jouent pas leur rôle de contrôle et d'orientation des politiques et de décisions de l'entreprise. S'il y avait des représentants, des salariés, et en particulier et des cadres dans ces conseils, ils pourraient au moins attirer l'attention. On fait des sondages trois fois par an sur le baromètre d'état d'esprit des cadres ; ce qui me choque le plus, c'est que plus des deux tiers des cadres expliquent aujourd'hui qu'ils ne connaissent pas la stratégie de leur entreprise. Comment peut-on faire gagner des entreprises lorsque les cadres ne connaissent pas leur stratégie ?"
Que feraient-ils dans le conseil d'administration ? Ils auraient un statut différent des actionnaires, ils seraient là pour tirer la sonnette d'alarme ?
- "Il seraient là pour tirer la sonnette d'alarme, avoir ce droit d'alerte lorsque c'est nécessaire, informer les autres administrateurs d'un certain nombre de choses qu'ils ne voient pas parce qu'on ne les leur dit pas. Et puis contrôler, vérifier qu'il y a bien des contrôles et plusieurs audits, par exemple. Parce qu'on a bien vu les problèmes lorsqu'on est lié à [une entreprise] d'audit qui fait, par ailleurs, un certain nombre de tâches rémunérées pour l'entreprise."
Comment est-ce que vous pensez que les patrons vont apprécier votre idée ?
- "Je ne pense pas qu'ils vont sauter de joie demain à l'idée d'avoir des représentants de leurs salariés et de leurs cadres dans les conseils d'administration. Mais si les patrons veulent vraiment entraîner leur entreprise, il faut au moins que les cadres puissent participer à l'élaboration des décisions qui sont prises."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 juillet 2002)
- "Je me réjouis. Pour une fois qu'on se décide à penser à ceux qui - bien sûr minoritaires malheureusement, en France - payent l'impôt et qu'on réduit d'une façon uniforme et pas uniquement sur les bas revenus et les très hauts revenus, l'impôt payé par ceux qui en payent le plus, je suis extrêmement satisfait de cette mesure."
Cela profite aux cadres ?
- "Tout à fait, cela profite aux catégories moyennes. On parle beaucoup de "la France d'en haut", de "la France d'en bas" ; j'aimerais bien qu'on pense de temps en temps à la France du milieu également."
La gauche a martelé que la politique fiscale du gouvernement Raffarin est injuste, clientéliste. Justement, parce que ce sont les Français qui peuvent payer l'impôt qui en profitent.
- "Si on essaye de mettre un terme à une exception française qui fait qu'au niveau de l'Europe on est le seul pays où moins de la moitié de la population paye l'impôt, je trouve quand même que c'est une excellente chose."
On a vu que parmi ceux qui touchent la Prime pour l'emploi, il y en a qui par ailleurs vont bénéficier cette réduction de 5 % sur l'impôt sur le revenu. Mais ceux qui ne paient pas cet impôt ne verront pas pour autant leur prime augmenter, contrairement à ce qu'avait dit dans un premier temps et sans doute par erreur, le ministre du Budget, A. Lambert.
- "Si on met côte à côte le fait qu'il n'y a pas eu de coup de pouce sur le Smic et le fait que la Prime pour l'emploi n'est pas améliorée à l'occasion de cette baisse fiscale, c'est vrai que ça fait deux mesures qui paraissent un peu négatives vis-à-vis des Français les plus démunis."
Donc, vous auriez plutôt compris qu'A. Lambert reste sur sa première définition ?
- "Tout à fait, on aurait pu le souhaiter. La déclaration d'A. Lambert, je l'avais trouvée très encourageante pour ces populations."
Vous êtes amené ces temps-ci à rencontrer tous ces nouveaux ministres. Cela vous surprend ce genre de couac ?
- "Cela me surprend pour certains d'entre eux. Je comprends que F. Mer qui n'était pas habitué aux arcanes de la politique et au langage feutré, qui avait plutôt un langage de grand patron se laisser aller de temps en temps. Je suis un peu plus surpris qu'A. Lambert, qui est quand même un routier des affaires financières, puisse avoir quelques couacs de cette nature. Mais il faut qu'ils se rôdent."
A la rentrée, il y a pas mal de questions auxquelles vous, les syndicats, serez sans doute associés. Sur les 35 heures par exemple, vous estimez que vous avez votre mot à dire sur l'assouplissement qui est annoncé ?
- "Les 35 heures, si on veut réussir l'assouplissement et conformément aux engagements sur la relance du dialogue social, il ne faut surtout pas que cela soit une loi. C'est-à-dire qu'il faut redonner la parole. Après tout, après la première loi Aubry, on avait négocié dans les branches professionnelles 122 accords de branche. Cela montre bien que les organisations syndicales et patronales peuvent parfaitement discuter de ce thème. Je souhaite que l'on redonne la main aux branches professionnelles parce que la situation n'est pas la même dans la grande distribution, dans la sidérurgie ou dans la construction navale. Et que dans chaque branche professionnelle, on puisse négocier les aménagements à apporter à la loi sur les 35 heures, que ce soit sur le quota d'heures supplémentaires, sur le fonctionnement des comptes épargne-temps. Il y a un tas de mesures de souplesse qui peuvent être amenées."
Qu'est-ce que vous dites de ce dispositif de prévention et de coordination avant les plans sociaux, qui a été annoncé, précisé, à la fois par J. Chirac et par F. Fillon ?
- "Dans l'idée, c'est très bien. On a toujours dit que c'était quand même un comble. On discute pendant très longtemps des plans sociaux dans les entreprises en cas de restructuration ; on met les gens au chômage - ce qui est toujours psychologiquement un drame - et au bout de quelques mois, on les prend dans le cadre du Plan d'aide au retour à l'emploi, on leur donne de la formation, etc. Si on peut commencer, avant que les gens ne quittent l'entreprise, à envisager tout de suite les actions de formation, si on commence tout de suite à regarder les possibilités de reclassement local avant même que cela ne se produise, on gagnerait du temps."
Vous pensez que c'est cela le dispositif envisagé ?
- "J'espère, parce que si c'est une usine à gaz concoctée uniquement dans les ministères au niveau national à Paris... Moi, je compte beaucoup sur des actions de terrain avec les représentants de l'Etat et sur le terrain, bien sûr, les préfets, mais également avec les élus locaux, avec les entreprises publiques et para-publiques, avec les organisations syndicales et d'employeurs pour essayer de trouver, au plan local, les moyens de refaire une réindustrialisation, de reclasser les gens. Pas forcément dans la même entreprise mais dans un site voisin."
Sur ce genre de dossier, vous avez l'impression que ce Gouvernement est habité par l'esprit de dialogue social ? Vous êtes optimiste ?
- "Sur la forme, incontestablement - comme le disait A. Duhamel tout à l'heure - il y a quelque chose de changé. On n'a jamais eu autant de contacts avec les ministres et le Premier ministre depuis des années. Maintenant, il va falloir voir si cela suit sur le fond, si on ne se contente pas simplement de nous écouter, mais si on nous entend également lorsque nous faisons quelques propositions."
A propos de propositions, vous en faîtes une dans votre journal syndical : vous demandez que les cadres entrent dans les conseils d'administration. Est-ce que parce que vous avez à redire sur la façon dont sont gérées les entreprises ?
- "Quand je regarde ce qui se passe, que ce soit aux Etats-Unis avec Enron ou WorldCom, ou en France avec Vivendi ou Moulinex, le fonctionnement des conseils d'administration n'est pas satisfaisant. C'est plutôt du copinage, du style : "passe-moi la rhubarbe, j'te passe le séné". Mais les conseils d'administration ne jouent pas leur rôle de contrôle et d'orientation des politiques et de décisions de l'entreprise. S'il y avait des représentants, des salariés, et en particulier et des cadres dans ces conseils, ils pourraient au moins attirer l'attention. On fait des sondages trois fois par an sur le baromètre d'état d'esprit des cadres ; ce qui me choque le plus, c'est que plus des deux tiers des cadres expliquent aujourd'hui qu'ils ne connaissent pas la stratégie de leur entreprise. Comment peut-on faire gagner des entreprises lorsque les cadres ne connaissent pas leur stratégie ?"
Que feraient-ils dans le conseil d'administration ? Ils auraient un statut différent des actionnaires, ils seraient là pour tirer la sonnette d'alarme ?
- "Il seraient là pour tirer la sonnette d'alarme, avoir ce droit d'alerte lorsque c'est nécessaire, informer les autres administrateurs d'un certain nombre de choses qu'ils ne voient pas parce qu'on ne les leur dit pas. Et puis contrôler, vérifier qu'il y a bien des contrôles et plusieurs audits, par exemple. Parce qu'on a bien vu les problèmes lorsqu'on est lié à [une entreprise] d'audit qui fait, par ailleurs, un certain nombre de tâches rémunérées pour l'entreprise."
Comment est-ce que vous pensez que les patrons vont apprécier votre idée ?
- "Je ne pense pas qu'ils vont sauter de joie demain à l'idée d'avoir des représentants de leurs salariés et de leurs cadres dans les conseils d'administration. Mais si les patrons veulent vraiment entraîner leur entreprise, il faut au moins que les cadres puissent participer à l'élaboration des décisions qui sont prises."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 juillet 2002)