Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le redressement des comptes de la Sécurité sociale pour 1999, les priorités de la politique de la santé pour 2000, notamment la politique familiale, le renforcement de la protection sociale, la CMU et les politiques structurelles en matière de santé, Paris le 22 mai 2000.

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Circonstance : Réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale pour 1999 et 2000 à Paris le 22 mai 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Le Secrétaire général vient de vous présenter la situation des comptes pour 1999 et pour 2000. François MONIER, que je remercie pour le travail accompli cette année, a annoncé que le régime général a atteint l'équilibre en 1999, en le dépassant même très légèrement.
Les perspectives pour 2000 sont celles d'un excédent de plusieurs milliards de francs. Après l'équilibre en 1999, le résultat prévisionnel de la Sécurité sociale pour 2000 atteint
13,5 MdsF, ramené à 5 MdsF après affectation de 8,5 MdsF au fonds de réserve.
I. Le retour à l'équilibre dès 1999
La Sécurité sociale va mieux. En quatre ans, nous sommes passés d'un déficit de 54 MdsF en 1996 à un excédent qui devrait atteindre 13,5 MdsF en 2000.
Le retour à l'équilibre a été notre objectif dès notre arrivée en 1997. Nous n'avons jamais cessé de l'avoir en tête. Les déficits permanents sapaient la confiance dans notre système de sécurité sociale. Ils faisaient le jeu de tous ceux qui souhaitent un affaiblissement de la solidarité dans notre pays. On ne parlait plus de la Sécurité sociale sans évoquer " le trou de la Sécu ".
Depuis 1985, sur quatorze ans, le régime général n'a jamais été à l'équilibre. Aujourd'hui, la Sécurité sociale n'est plus synonyme de gouffre financier, c'est le meilleur gage de sa pérennité.
Je me réjouis que l'équilibre ait pu être atteint dès1999. Cela correspond à ce qui vous avait été annoncé, dans cette salle, le 22 septembre 1998.
Il est vrai qu'en mai et septembre 1999, nous avons cru que cet objectif ne serait pas atteint. En septembre, nous avons été pessimistes sur les dépenses. L'amélioration vient en effet exclusivement des dépenses.
Le passage à l'an 2000 a conduit l'assurance maladie, comme de nombreux opérateurs - les banques par exemple -, à s'abstenir de toute opération de paiement le 31 décembre.
Si nous tenons compte des dépenses du 31 décembre reportées sur l'exercice 2000 mais aussi du surcroît de recettes du 31 décembre, le véritable résultat pour 1999 du régime général pour 1999 atteint 1,1 MdsF.
Cette question ne se posera plus l'année prochaine. Des progrès sont accomplis tous les ans dans la présentation des comptes ; nous franchirons une étape importante à la fin 2000 puisque, comme vous le savez, nous passerons sous le régime des droits constatés. Nous abandonnerons ainsi la comptabilité en encaissements - décaissements, qui traduit très imparfaitement la réalité des opérations de dépenses et de recettes.
Ce redressement de la Sécurité sociale, dès 1999, se confirme en 2000 où les prévisions actuelles font état d'un excédent d'environ 13,5 MdsF, ramené à 5MdsF après dotation du fonds de réserve. Cet excédent doit se comparer à celui prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, soit 1,4MdsF.
La Sécurité sociale dégage des ressources pour préparer l'avenir, en alimentant le fonds de réserve des retraites. C'est ainsi que l'excédent de 5 MdsF est atteint après prise en compte d'un versement de 2,9 MdsF de la CNAVTS au fonds de réserve, et après un transfert de 5,6 MdsF de ressources vers ce même fonds (49 % du prélèvements sur capitaux affecté antérieurement à la CNAF et à la CNAMTS).
Aussi, non seulement, le régime général est en excédent mais il commence à engranger des réserves pour assurer la pérennité des régimes par répartition. Et, c'est important à souligner, ce redressement a été obtenu sans affaiblir la protection de nos concitoyens, au contraire.
Au cours de ces trois ans, nous avons mis en uvre des améliorations sensibles des prestations accidents du travail et des prestations familiales, une revalorisation des pensions et de la BMAF supérieure à l'inflation et nous n'avons procédé à aucune diminution des remboursements de l'assurance maladie
Quel enseignement tirer de ces résultats ?
Tout d'abord, ils constituent un démenti aux Cassandre, toujours nombreux à prédire le pire et parfois avec une certaine jubilation tant et si bien que l'on serait porté à croire - mais croire seulement - que ceux qui pleurent en public se réjouissent en secret.
Rappelez-vous ce que nous avions entendu fin 1998 sur les hypothèses de croissance des recettes ou au cours de l'année passée sur l'assurance maladie, qui allait terminer 1999 avec un déficit de 18 à 20 MdsF. On en est loin : la Caisse nationale d'assurance maladie a terminé l'année 1999 avec un déficit inférieur à 10 MdsF, soit moins que les 12 MdsF annoncés en septembre.
Défendre la Sécurité sociale, c'est dire la vérité aux Français - qu'elle soit désagréable ou agréable à entendre - et lui donner les moyens de ses ambitions. Ce n'est certainement pas en criant au loup sans raison. Le sujet mérite plus de sérieux.
Car la Sécurité sociale est notre bien commun. Un bien sur lequel le suffrage universel nous a chargé de veiller. Parce que la Sécurité sociale est toujours, plus d'un demi siècle après sa création, l'instrument d'une solidarité entre les bien-portants et les malades ou les accidentés, entre les actifs et les retraités, entre la société et les jeunes de nos familles.
Si je suis heureuse que les prévisions catastrophiques aient été démenties, je ne tire pas de ces résultats un optimisme béat. Je le dis clairement. Le retour à l'équilibre ne signifie pas, pour moi, la fin des efforts. Nous devons maintenir la plus grande vigilance.
Que la Sécurité sociale soit en déficit ou en excédent, il nous appartient toujours de veiller à ce que les dépenses soient justifiées et utiles. Sur ce point, l'excédent ne change rien. Des dépenses qui ne correspondent pas à un réel besoin restent de l'argent public gaspillé. Ce sont des cotisations prélevées en trop ou une dépense justifiée en moins.
La maîtrise des dépenses de santé est une nécessité, dans le cadre global de la maîtrise de la dépense publique. C'est elle aussi qui nous donnera les marges de manuvre pour financer de nouveaux besoins et améliorer le niveau de la protection de nos concitoyens.
Car nous avons de grandes ambitions pour la Sécurité sociale. Nous devons être capables, au cours des prochaines années, de consolider l'équilibre et simultanément d'assurer le financement des progrès médicaux et des dépenses liée au vieillissement de la population et de permettre un meilleur remboursement.
Il y a en effet de nombreux domaines où les prestations sont insuffisantes et où se rencontrent de réels problèmes d'accès aux soins. Avec la CMU, nous avons réglé le problème des plus modestes - c'était l'urgence et un impératif éthique - ; nous ne sommes par pour autant au bout du chemin. J'en suis bien consciente.
Je pense aux soins dentaires. Il nous faut améliorer la prévention et la prise en charge des soins prothétiques. J'ai demandé à un membre de l'IGAS, M. YAHIEL, d'engager une mission sur ces sujets en lien avec les professionnels, les caisses et les organismes complémentaires. Il devra s'appuyer sur les travaux déjà conduits par la CNAMTS avec des représentants de la profession.
Je pense également à la prise en charge des soins et biens médicaux souvent très mal remboursés notamment les lunettes et les audioprothèses. Par ailleurs, nous finalisons des discussions avec les industriels pour fixer un prix opposable pour les stérilets et les rembourser enfin correctement. Je suis consciente que d'autres progrès sont nécessaires.
En un mot, je crois que nous pouvons tous nous réjouir qu'après les déficits abyssaux de la période 1993 - 1997, 53 MdsF par an en moyenne, la Sécurité sociale soit aujourd'hui renforcée. Elle n'est plus minée par la perspective d'un déficit permanent. S'il faut rester prudent et vigilant, nous pouvons envisager aujourd'hui l'avenir de la protection sociale avec plus de sérénité.
II. Les raisons du retour à l'équilibre
Nous ne sommes pas restés à attendre que l'équilibre revienne tout seul. Bien au contraire. Le retour à l'équilibre s'explique et s'explique même très bien. Il n'y a pas de fatalité au déficit. Mais il n'y a pas non plus de miracle de l'équilibre.
1. Le choix de la croissance
Le rétablissement des comptes est bien sûr, pour une bonne part, le fruit de la croissance, suscitée, accompagnée et amplifiée par une politique économique et une politique de l'emploi dynamiques et saluées comme telle par nos partenaires.
Le Gouvernement a su remettre la France sur le sentier de la croissance retrouvée en améliorant de manière spectaculaire la situation de l'emploi dans notre pays. La baisse du chômage et la bonne santé de l'économie font sentir bien évidemment leurs effets bénéfiques sur la Sécurité sociale.
2. La réforme du financement
Toutefois, si la Sécurité sociale a retrouvé l'équilibre, c'est aussi parce que nous en avons réformé le financement.
Je rappellerai que le transfert des cotisations maladie vers la CSG et l'élargissement des prélèvements sur le patrimoine ont affermi les bases du financement de la Sécurité sociale. Ces mesures, prises dès la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1998, ont amélioré les comptes de 20 MdsF.
Nous avons, ce faisant, construit pour l'avenir une maison aux fondations renforcées. Nous l'avons fait dans un souci de juste répartition de l'effort, au nom d'une solidarité partagée par l'ensemble de nos concitoyens.
3. Les politiques structurelles
Le régime général est aussi sorti du rouge parce que les politiques structurelles produisent des résultats. Car sans maîtrise des dépenses, le régime général aurait été déficitaire à fin 1999. Si les dépenses d'assurance maladie avaient progressé comme durant la période 1990-1996, les dépenses du régime général seraient 9MdsF au dessus du niveau atteint fin 1999.
Soyons clairs. A ceux qui pensent que l'équilibre est le fruit de la croissance retrouvée, et risquerait donc d'être non pérenne, je rappellerai que, même avec la croissance, sans mesures de redressement et sans maîtrise des dépenses, le régime général serait encore déficitaire en 1999 de près de 30MdsF.
Avant d'entrer dans le détail des politiques structurelles conduites dans le domaine de l'assurance maladie, qui sont des politiques de longue haleine, dont les effets se font sentir très progressivement, je voudrais vous exposer brièvement les grandes lignes des comptes de l'assurance maladie.
Un dépassement supplémentaire limité en 1999
Le dépassement supplémentaire au titre de 1999 enregistré pour les dépenses d'assurance maladie est extrêmement limité. Nous avons " traîné " le boulet des 9,8Mds F du dépassement 1998. Le dépassement 1999, de 10,4 Mds F, s'explique ainsi pour sa plus grande part par le dépassement 1998. Le dépassement supplémentaire au titre de l'exercice 1999 se réduit ainsi à 600 MF.
Ce très léger dépassement supplémentaire est à majorer des dépenses du 31 décembre. Une partie des dépenses de 2000 - 1,1 Mds F pour le régime général et 1,3 tous régimes - est à rattacher, d'un point de vue économique, à l'exercice 1999. Cette correction porte le dépassement supplémentaire à 1,1 Mds pour le régime général et à 1,9MdsF tous régimes.
Vous remarquerez que cette correction n'affecte pas le solde de la CNAMTS, qui se calcule encore en encaissements - décaissements. Mais nous devons à la vérité des comptes et à la crédibilité du suivi de l'ONDAM de rattacher à 1999 les dépenses qui ont été reportées sur 2000 pour des raisons techniques.
Après correction de l'effet du 31 décembre, les dépenses d'assurance maladie du champ de l'ONDAM ont progressé en 1999 de 2,9 % en tous régimes, pour un objectif voté par le Parlement à + 2,6 %.
L'année 1999 est donc une année où les dépenses ont crû environ comme l'objectif, en dépit d'une forte croissance économique. Les effets de la croissance sur les dépenses sont connus : en période de reprise et de baisse du chômage, certains postes - comme les indemnités journalières - enregistrent une croissance mécanique tandis que la consommation médicale augmente comme la consommation des ménages.
Et pourtant, en 1999, la progression des dépenses maladie aura été inférieure à celle du PIB en valeur : 2,9 % contre 3,3 %. En 1998 déjà, les dépenses avaient crû moins que le PIB : 3,9 % contre 4,0 %. De 1990 à 1996 en revanche, les dépenses maladie, en moyenne, ont augmenté de 4,6 % par an contre 3,1 % pour le PIB. Nous avons donc obtenu de bons résultats et ceci en période de forte croissance économique.
Si l'on regarde maintenant poste par poste l'année 1999, on se rend compte, comme nous l'avions souligné l'année dernière, que la progression moyenne des dépenses masque des évolutions très différentes.
Les soins de ville ont encore progressé trop vite en 1999. L'hôpital a respecté ses objectifs en 1999 tandis que les cliniques et les établissements médico-sociaux ont enregistré un léger dépassement.
La croissance des dépenses de ville s'est ralentie en 1999 (4,5 % pour le régime général en 1999 contre 6,2 % en 1998). C'est notamment parce que les honoraires ont progressé en 1999 de manière limitée : 0,7 % (pour le régime général) contre 3,7 % en 1998.
Néanmoins, il convient de demeurer vigilants, en raison de la croissance de certains postes : le médicament à +6,3 % (pour le régime général), les indemnités journalières à + 6 %, les dispositifs médicaux inscrits au TIPS à 17,9 %. Sur 2000, cette croissance continue à un rythme soutenu.
Pour 2000
La présentation antérieure de l'ONDAM nuisait à une bonne appréhension de la réalité de la croissance des dépenses. Nous en avions parlé en septembre. Désormais, l'ONDAM est établi à partir du niveau des dépenses réalisées. Pour 2000, il a été fixé en progression de 2,5 % par rapport aux dépenses de 1999.
Le début de l'année 2000 est marqué par une progression des dépenses soutenue. Les chiffres de trois mois ne sont pas significatifs quand il s'agit de prévoir des résultats sur une année. En témoignent les chiffres de progression données pour les soins de ville en mars 1999, qui se sont avérés supérieurs à ceux qui ont été constatés sur l'ensemble de 1999.
Sur les trois premiers mois, pour avoir une appréciation juste de la tendance, il faudrait déduire les dépenses reportées pour cause de 31 décembre ainsi que les dépenses supplémentaires liées à la résorption d'une partie des retards de liquidation.
Pour 2000, et par prudence, nous prévoyons un dépassement de 3,5 MdsF pour le régime général, desquels il convient de défalquer les dépenses du 31 décembre.
Les politiques structurelles
Les soins de ville
C'est dans le domaine des soins de ville que nous avons conduit des politiques fortement structurelles. En sachant que c'est uvre de longue haleine et que les difficultés compliquent particulièrement la tâche.
Le résultat obtenu sur les honoraires médicaux ne nous est pas tombé du ciel. Nous l'avons atteint grâce aux efforts déployés au cours de ces deux dernières années.
Faute de convention médicale pour les médecins spécialistes et en application de la loi, c'est au Gouvernement qu'est revenue la responsabilité de faire respecter directement les objectifs de dépenses.
Vous connaissez le travail accompli, profession par profession. Un travail qui n'a pas toujours rencontré le soutien que l'on aurait pu attendre. Ce travail, nous l'avons accompli avec courage et nous n'avons pas hésité à baisser le tarif d'une lettre-clé, ce qui ne s'était jamais fait auparavant. Je me souviens de ceux qui me disaient : " vous n'oserez jamais ".
C'est grâce aux accords passés ou aux mesures décidées avec les radiologues, les cardiologues, les ophtalmologues ou encore les biologistes ou les dentistes que les dépenses sont restées sur une tendance modérée. Et ce sont ces dépenses qui entrent aujourd'hui dans le champ de l'objectif délégué à la CNAMTS.
Car la CNAMTS dispose aujourd'hui de prérogatives élargies ; responsable d'un objectif de dépenses déléguées comprenant les honoraires des professionnels de santé exerçant en ville, elle a conclu avec la quasi-totalité des professions un accord pour 2000.
Nous avons légué à la CNAMTS une situation assainie. Le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts en 1999. Il revient désormais de par la loi à la CNAMTS d'intervenir si besoins tous les quatre mois. Elle devra le faire en juin prochain si les hypothèses optimistes qu'elle a choisies se trouvent infirmées dans les faits.
Les partenaires sociaux ont demandé de larges prérogatives pour gérer les dépenses ; ils en sont dotés. Je ne doute pas qu'ils les exerceront. J'ai fait connaître mon sentiment à la CNAMTS sur ce point.
Les cliniques
Nous avons réformé également le dispositif de régulation des cliniques en ménageant une large place à la négociation, au niveau national mais surtout au niveau régional.
L'année 2000 est la première année d'application du nouveau dispositif ; je suis particulièrement heureuse que nous soyons parvenus à un accord avec les trois fédérations représentant ces établissements.
Je connais les difficultés rencontrées par certains établissements privés parce que leurs représentants sont venus les exposer tout récemment ; je peux assurer que le Gouvernement uvre pour les résoudre.
Le décret adaptant les normes de personnel, qui datent de 1956, sera publié très prochainement . De même, pour ne pas entraver le développement de la dynamique régionale, j'ai demandé aux caisses de ne pas procéder au rappel des sommes versées l'an dernier sur le fonds d'aide aux contrats.
J'ai par ailleurs demandé à mon cabinet de travailler avec les fédérations de cliniques pour étudier avec elles les moyens de faire face aux difficultés de recrutement. Il importe également que le personnel des cliniques bénéficie d'avancées en matière de formation, comme le personnel des hôpitaux.
Je veux ainsi assurer les cliniques qu'elles ont raison de jouer le jeu de la transparence et de la confiance et que l'affrontement ne sert ni la Sécurité sociale, ni les établissements eux-mêmes. Nous avons montré, en modifiant profondément la loi, et nous montrerons encore que les réformes nécessaires se font mieux dans un dialogue exigeant avec des professionnels responsables.
Les indemnités journalières, les dispositifs médicaux et le médicament
J'en viens maintenant aux prescriptions que sont les indemnités journalières, les dispositifs médicaux et le médicament. Ces trois postes sont ma principale préoccupation aujourd'hui et je considère que leur évolution appelle une vigilance accrue.
*les indemnités journalières
La hausse des indemnités journalières demeure préoccupante. Elle est structurellement liée à la croissance de la masse salariale, qui croit à un rythme nettement supérieur à celui de l'ONDAM. L'évolution très favorable de la masse salariale explique mécaniquement en partie le dynamisme de la dépense.
Mais il faut infléchir les comportements. Nous avons mis en uvre ce que nous vous avions annoncé en septembre dernier ; la loi désormais impose la motivation des frais de transport et des prescriptions d'arrêts de travail.
Je m'interroge pourtant sur les moyens complémentaires permettant de mieux faire. J'ai alerté la CNAMTS à plusieurs reprises sur ce sujet l'année dernière ; j'attends encore des réponses.
*les dispositifs médicaux
Dans le domaine des dispositifs médicaux, c'est également par la loi que nous sommes intervenus. Un nouveau système d'admission au remboursement a été décidé, qui se fonde sur le service rendu. Placé sous la responsabilité du comité économique du médicament, il permet d'étendre aux dispositifs médicaux la technique de la réévaluation du service rendu et des conventions entre les fabricants et les pouvoirs publics.
Désormais compétent pour les médicaments et pour les dispositifs médicaux, le comité a changé son nom en comité économique des produits de santé. Les textes organisant les nouvelles procédures sont actuellement soumis à la concertation des professionnels.
*le médicament
J'en viens au médicament, dont la croissance est encore nettement trop forte, même si elle reste inférieure en France à ce qui est observé dans l'Union européenne et aux Etats-Unis.
Sur le médicament, notre politique s'est déployée au cours de l'année 1999. Le conventionnement avec les laboratoires s'est déroulé dans de bonnes conditions puisque la quasi-totalité d'entre eux ont signé une convention avec le comité économique. Le rendement de la clause de sauvegarde s'est élevé à 1,2MdsF en 1999 et s'élèvera à 900 MF en 2000.
La montée en puissance des génériques a réellement commencé en 1999, grâce à la politique active que nous avons lancée avec l'aide des pharmaciens. Ce sujet n'avait guère progressé ces dernières années, laissant la France accuser un important retard par rapport aux grands pays occidentaux.
La substitution par les pharmaciens se diffuse ; les résultats au bout de six mois sont encourageants. Je suis heureuse de voir que les pharmaciens, après les accords que nous avons signés, jouent vraiment leur rôle d'acteur de santé publique.
Les évolutions sur le poste du médicament n'en demeurent pas moins beaucoup trop élevées. Je le dis clairement, il faut absolument rendre ces évolutions compatibles avec nos objectifs.
Et notamment en tirant les conséquences de l'opération de réévaluation des médicaments. Sur la base des conclusions de la commission de la transparence, des consultations ont été conduites, comme je m'y étais engagée, avec les représentants des médecins et des pharmaciens.
Il était important sur un sujet qui pourrait avoir des répercussions importantes sur les habitudes de prescription et de consommation de recueillir l'avis des prescripteurs et des dispensateurs. Leurs avis conduisent à adopter une démarche très pédagogique à l'égard de nos concitoyens d'une part et des professionnels de santé de terrain d'autre part.
Les décisions, classe par classe, seront rendues publiques avant la fin du mois de juin. Je souhaite auparavant rencontrer à nouveau l'industrie pour lui présenter le détail des mesures et leur échéancier. Je serai en mesure de vous faire connaître les décisions du Gouvernement une fois ce dernier contact réalisé.
Je vous le redis, le Gouvernement en la matière prendra ses responsabilités.
Agir sur l'offre ne suffit pas, et je compte initier très prochainement une réflexion visant à agir sur les prescripteurs. En effet, il existe encore trop de prescriptions injustifiées dans notre pays, alors même que certains malades ne sont pas pris en charge comme ils le devraient.
Certaines molécules décrochent en peu de temps des parts de marché importantes ; ces percées correspondent parfois plus à l'effet d'une politique commerciale agressive vis-à-vis des médecins qu'à des avancées en termes de santé publique.
La CNAMTS, de ce point de vue, dispose des nombreux outils que la loi a créés, comme les accords de bon usage des soins ou les contrats de bonne pratique. Je n'ai encore rien vu venir. J'invite donc instamment les caisses à se mobiliser sur ce sujet. C'est leur rôle ; elles doivent le jouer pleinement.
L'information sur les médicaments arrive dans les cabinets par les laboratoires et uniquement par eux. Je ne critique pas l'industrie. Elle fait son travail, qui est de vendre et vendre toujours plus.
Je compte bien mettre en place un dispositif pour apporter aux prescripteurs une autre information, comme d'autres pays ont commencé à le faire : une information neutre, validée scientifiquement, sur le bon usage du médicament.
Je ne veux plus qu'on laisse les médecins seuls face à l'industrie. J'envisage d'ailleurs de faire le bilan de l'application de la loi anti-cadeaux. Nous en reparlerons bientôt.
Nos politiques structurelles sont nombreuses ; je ne les ai pas toute citées. J'aurais pu parler de l'informatisation, qui va mieux que prévu, de la réforme de la nomenclature, dont la mise en uvre fait l'objet d'une expertise conduite en ce moment par le Professeur ESCAT, ou encore de la réforme des études médicales et de la formation continue, que nous poursuivons en loi de modernisation sociale et dans notre projet de loi de modernisation du système de santé.
Ces politiques structurelles nous ont permis un retour à l'équilibre. Un retour atteint tout en renforçant la protection de nos concitoyens.
III. Un retour à l'équilibre atteint tout en renforçant la protection de nos concitoyens
Renforcer la protection de nos concitoyens, c'est ce que nous avons fait avec la CMU, la famille ou encore l'hôpital.
1. La CMU
Entrée en vigueur au 1er janvier, la couverture maladie universelle est une réforme fondamentale de la protection sociale. Elle traduit l'attachement du Gouvernement à améliorer la couverture des Français là où les besoins existent.
C'est vrai en matière de couverture maladie, c'est vrai aussi pour la PSD. Nous avons montré qu'une telle avancée, souhaitable, était possible. Sa mise en uvre sur le terrain progresse.
Etendre la couverture sociale d'un côté, ramener la Sécurité sociale à l'équilibre de l'autre : voilà deux façons complémentaires de faire progresser la solidarité. Car la maîtrise des équilibres n'est pas une fin en soi : c'est une garantie pour l'avenir et c'est un gage de progrès aujourd'hui et demain.
2. La famille
Nous avons trouvé la branche famille en déficit de 14,5 MdsF en 1997. Des mesures de redressement courageuses ont été prises. Fondées sur la solidarité, elles nous ont permis de redresser significativement le compte de la branche.
Ce redressement va permettre de poursuivre et de développer la politique familiale ambitieuse conduite par le Gouvernement. En cohérence avec ce que nous avons fait depuis trois ans, nous allons continuer, avec Ségolène ROYAL, à rénover la politique familiale pour mieux répondre aux besoins des familles tout en assurant une meilleure justice sociale.
La Conférence de la famille du 15 juin marquera une nouvelle étape dans cette rénovation progressive de la politique familiale, en concertation avec le mouvement familial. Comme le Premier ministre l'a annoncé l'année dernière, et comme l'a confirmé tout récemment Ségolène ROYAL, cette conférence sera principalement consacrée à la petite enfance et aux aides au logement.
3. L'hôpital
La recomposition hospitalière continue de se dérouler dans les régions à un rythme soutenu. Comme prévu, la révision générale des schémas régionaux d'organisation sanitaire s'est achevée par l'adoption dans toutes les régions de ces nouveaux schémas qui fixent les orientations stratégiques jusqu'en 2004.
Nous avons beaucoup demandé à l'hôpital et à ses personnels ces dernières années. Il est possible aujourd'hui d'amplifier le soutien aux établissements par l'apport d'outils et de moyens nouveaux, à même de les aider à se moderniser. Je ne prendrai qu'un exemple : celui des urgences.
Les protocoles du 13 mars pour les praticiens hospitaliers et du 14 mars pour les personnels de la fonction publique hospitalière représentent ainsi le début d'une nouvelle étape pour le service public hospitalier.
Les moyens mis en uvre immédiatement assurent aux établissements l'amélioration de leur fonctionnement et leur donnent la marge de manuvre leur permettant de relancer une politique de promotion professionnelle et d'amélioration des conditions de travail. Structurellement, c'est par le renforcement du dialogue social que la modernisation du service public hospitalier se réalisera.
Pour cela, le gouvernement, dans le cadre de la loi de modernisation sociale, crée le bilan de compétences pour les personnels hospitaliers, inscrit le projet social dans le projet d'établissement et substitue à l'actuel FASMO un fonds de modernisation sociale des établissements de santé. Ce fonds participera au financement de mesures d'amélioration des conditions de travail, de modernisation sociale et d'aides individuelles présentées par les établissements à l'agence régionale de l'hospitalisation.
Par ailleurs, la reconnaissance des métiers et l'incitation forte au développement de la formation professionnelle, se concrétisent par des crédits fléchés pour les remplacements, une augmentation des places dans les écoles de formation, la création de voies qualifiantes et l'ouverture de travaux sur les filières professionnelles à l'hôpital.
La réduction du temps de travail est le prochain chantier. Sa réussite sera conditionnée par la qualité du dialogue social aux niveaux national et local. Les nouvelles organisations du travail qui, à cette occasion seront mises en place comme les créations d'emplois qui en découleront devront répondre à l'objectif d'efficience.
4. Les chantiers engagés
D'autres chantiers ont été engagés : les retraites, l'autonomie des personnes âgées et la modernisation du système de santé.
*Les retraites
La volonté du Gouvernement est de garantir l'avenir des retraites des Français, en consolidant les régimes par répartition. Le Premier ministre, le 21 mars dernier, dans sa déclaration sur l'avenir des retraites, a défini les orientations que nous mettrons en uvre pour atteindre cet objectif.
La répartition est un choix de solidarité. Elle matérialise le lien qui unit, dans notre pays, les générations. La répartition est un choix démocratique. La part de la richesse nationale consacrée aux personnes âgées n'est pas renvoyée aux aléas des marchés financiers mais se discute dans les régimes et au Parlement. La répartition est le choix de l'efficacité. Le niveau de vie des retraites est aujourd'hui égal à celui des actifs, alors même que l'espérance de vie augmente de manière continue.
Nos régimes devront assumer à la fois l'arrivée à l'âge de la retraite à partir de 2005 des générations nombreuses de l'après guerre et l'allongement constant de l'espérance de vie. La baisse massive du chômage permet aujourd'hui d'envisager sérieusement un retour à terme au plein emploi. Mais nous ne sommes pas de ceux qui prétendent qu'elle règle à elle seule tous les problèmes.
Trois actions immédiates ont été décidées :
-nous allons engager des négociations dans chacun des régimes ;
-nous avons créé et nous allons renforcer le fonds de réserve pour les retraites ; il atteindra 1000 MdsF en 2020 ;
-nous avons créé un conseil d'orientation des retraites, pour assurer une vigilance permanente sur l'évolution de nos systèmes de retraite, dont la présidence a été confiée à Yannick MOREAU.
*L'autonomie des personnes âgées
Les Français s'inquiètent aussi de leurs conditions de vie dans le cas où ils perdraient leur autonomie. A cet égard, la prestation spécifique dépendance n'est manifestement pas à la hauteur de l'enjeu.
Nous avons l'ambition de construire un vrai droit égal sur tout le territoire, d'ouvrir la prestation à toutes les personnes vraiment dépendantes, c'est-à-dire à partir du GIR 4, et d'élargir les conditions de ressources pour accéder à la prestation.
Jean Pierre SUEUR m'a remis son rapport. Nous engageons, comme je l'ai indiqué la semaine dernière, les discussions avec l'ensemble des partenaires concernés et notamment les caisses de sécurité sociale et les départements.
Nous discuterons notamment de la répartition de l'effort financier à consentir. Le Premier ministre l'a indiqué, l'Etat prendra sa part dans cet effort de solidarité nationale.
D'ores et déjà, nous avons décidé des mesures d'accompagnement très importantes: en particulier, un plan de médicalisation des établissements sur 5 ans, d'un montant de 6 MdsF. Par ailleurs, nous finançons un plan de développement des services des soins infirmiers à domicile.
Enfin nous aidons l'installation des comités locaux d'information et de coordination gérontologique (Clic). Il faut que les personnes âgées trouvent, dans un même lieu, l'ensemble des services qui peuvent leur être offerts (associations d'aide à domicile, infirmières ), ainsi que tous ceux susceptibles de les financer (départements, caisse de retraite, Etat). Nous comptons installer 1 000 Clic en 5 ans, partout en France, dans les villes, dans les bassins de vies.
Je prépare donc un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance, que je soumettrai au Parlement avant la fin de l'année. Nous apporterons ainsi, au-delà de la question des retraites, une réponse globale aux problème des personnes âgées.
*La modernisation du système de santé et des droits des malades
J'en terminerai par la modernisation du système de santé. Dominique GILLOT et moi-même travaillons, vous le savez, à un important projet de loi.
Il nous permettra de faire progresser la démocratie sanitaire, de renforcer la qualité des soins, de développer la prévention, et d'améliorer la réparation des risques sanitaires.
Conclusion
Mesdames, Messieurs, la décennie 1990 se clôt sur un retour de la Sécurité sociale à l'équilibre. Nous en sommes bien évidemment satisfaits et pour tout dire assez fiers. Mais nous devons rester modestes. Cette situation ne doit pas nous conduire à relâcher nos efforts dans les mois et les années qui viennent.
Nous les abordons tout aussi vigilants ; nous souhaitons ne jamais voir revenir le spectre de la faillite d'un modèle social construit sur la solidarité. Nous pouvons désormais regarder devant nous et relever de nouveaux défis, ensemble, au service de nos concitoyens.


(source http://www.social.gouv.fr, le 6 juin 2000)