Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie et interviews à Radio France et "TVE" à Madrid le 17 octobre 2002, sur les relations franco-espagnoles et l’Irak.

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Circonstance : XIXème Séminaire franco-espagnol à Madrid le 17 octobre 2002 réunissant MM. de Villepin, Perben et de Robien avec leurs homologues espagnols

Média : Emission Face à Radio France - Presse étrangère - Radio France - RTVE - Télévision - TVE

Texte intégral

(Conférence de presse conjointe, Madrid le 17 octobre 2002) :
Je voudrais d'abord remercier la ministre des Affaires étrangères espagnole Ana Palacio, pour l'accueil qu'elle nous a réservé et je le fais évidemment au nom de MM. Dominique Perben et Gilles de Robien. Je voudrais remercier aussi l'ensemble des ministres espagnols et des secrétaires d'Etat qui ont participé à ce Séminaire.
C'est pour nous un moment très fort et je voudrais le souligner aujourd'hui, un moment très original, car nous n'avons avec aucun autre partenaire un tel séminaire préparatoire à un Sommet. C'est la marque de la spécificité et de l'importance de cette relation franco-espagnole qui nous permet de pousser loin la réflexion dans des domaines de coopération très variés qui intéressent évidemment l'ensemble de nos peuples, le peuple français et le peuple espagnol.
La deuxième réflexion générale que je voudrais faire, c'est justement pour marquer aussi à quel point cette relation franco-espagnole atteint aujourd'hui un stade de maturité. Nous abordons l'ensemble des sujets d'intérêt commun qui plongent dans la vie des gens, Ana Palacio l'a dit, les questions de terrorisme, les coopérations dans le domaine judiciaire, les coopérations dans le domaine policier, les coopérations dans le domaine des transports qui touchent directement la vie entre deux grands pays voisins. Mais ce n'est pas exclusif, Ana Palacio l'a mentionné, cela concerne également l'immigration, les problèmes culturels, par exemple ; il y a là évidemment des questions d'importance pour les relations entre nos deux pays. Et puis, l'histoire de la construction européenne le montre bien, plus l'Europe avance, plus nous éprouvons le besoin entre Français et Espagnols d'approfondir, de développer notre relation bilatérale. Et c'est évidemment là un signal très fort de l'importance que nous attachons aux relations entre nos deux pays, et dans ce contexte évidemment le tour d'horizon qu'a précisé Ana Palacio sur la préparation de ce Sommet de Malaga, qui sera un moment fort dans la vie entre nos deux pays, a constitué le coeur de ce Séminaire.
Je voudrais dire encore un mot sur les questions européennes qui ont constitué, en ce qui concerne la ministre des Affaires étrangères espagnole et moi-même, l'essentiel de nos travaux bilatéraux, pour justement dire à quel point nous sommes aujourd'hui sur la même longueur d'onde sur les questions qui touchent à l'élargissement. Nous sommes tous les deux convaincus qu'il y a là un grand enjeu pour l'Europe, un choix politique fort qui doit être assumé dans un esprit de responsabilité mais qui est aussi une chance pour l'avenir de l'Europe. J'étais il y a quelques jours en Pologne et en Hongrie et j'ai pu constater à quel point il y avait une attente d'Europe et combien cette réconciliation entre les deux parties de l'Europe était un enjeu de grande envergure.
Le deuxième point concerne la Convention sur l'avenir de l'Europe et les Institutions. Je suis heureux de voir à quel point aussi nous partageons des approches très similaires sur ces grandes questions institutionnelles, et c'est évidemment là encore un grand enjeu puisque cela conditionne, à la fois la légitimité, la transparence, la démocratie mais aussi l'efficacité de la future Europe. Il est important que Français et Espagnols continuent d'approfondir leurs approches communes de cette Convention pour nous assurer que cette Europe de demain fonctionnera efficacement et conformément à l'idée que nous nous faisons de l'ensemble européen.
Q - (A propos de l'Iraq)
R - Oui, je souscris pleinement à ce que vient de dire Ana Palacio, nous avons en commun une approche qui est d'ailleurs partagée aujourd'hui par l'ensemble des Européens. Tout d'abord, la même détermination à lutter contre le risque de prolifération et le désir et la volonté d'obtenir l'élimination des armes de destruction massive. Le deuxième élément, évidemment très important, sur lequel nous nous entendons, c'est de donner la responsabilité dans la gestion de cette crise au Conseil de sécurité des Nations unies. Vous savez que la France estime et considère qu'une démarche en deux temps est la plus appropriée parce qu'elle permet véritablement au Conseil de sécurité, à chaque étape, de prendre ses responsabilités dans une situation particulièrement difficile et nous sommes soucieux de préserver à chaque étape l'unité du Conseil de sécurité. Nous pensons que la première résolution qui devrait être votée, devrait l'être, autant que faire se peut, à l'unanimité pour envoyer un message très fort et très clair à Saddam Hussein. Le deuxième principe que nous recherchons, c'est celui de la légitimité, et nous pensons que quand nous sommes unis, le message que nous adressons, les décisions que nous prenons, n'en ont que plus de force. Le troisième objectif est celui de l'efficacité. C'est un principe indispensable, car nous sommes devant une crise qui peut durer et nous devons donc faire en sorte, qu'à chaque étape, nous soyons capables d'agir ensemble. Il y a là les fondements de la position française, et vous savez que depuis plusieurs semaines, les négociations se poursuivent, le dialogue se poursuit et s'est intensifié considérablement au cours des derniers jours. Je crois que nous pourrons trouver sur ces bases une approche commune.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2002)
(Interview à Radio France à Madrid, le 17 octobre 2002) :
Q.- Est-ce que les négociations se poursuivent sur l'Iraq à New York ? La France parvient-elle à faire progresser ses vues ?
R - Nous poursuivons le dialogue à New York, les contacts se sont multipliés au cours des derniers jours. Aujourd'hui j'ai eu au téléphone Colin Powell, mon collègue russe Ivanov, mon collègue britannique Jack Straw. Nous sommes en contact avec l'ensemble des partenaires du Conseil de sécurité car notre souci est d'arriver à une position commune. Nous sommes convaincus que l'unité de la communauté internationale face à l'Iraq pourra adresser un message très fort, c'est la condition de l'efficacité. Nous sommes dans une crise qui peut durer et il est important qu'à tous les stades de cette crise, le Conseil de sécurité puisse être véritablement en situation de responsabilité. La position française vise à défendre deux étapes : une première résolution qui aurait pour but de fixer les arrangements techniques, permettant le retour des inspecteurs, puis une deuxième étape, si l'Iraq n'accepte pas le retour de ces inspecteurs ou s'il ne joue pas le jeu, qui permettrait alors à chacun des membres du Conseil de sécurité de prendre ses responsabilités, d'examiner l'ensemble des options possibles. Cela nous paraît répondre aujourd'hui aux exigences de la communauté internationale et nous notons que cette démarche en deux temps a fait des considérables progrès au cours des dernières semaines. Il y a aujourd'hui une très large partie de la communauté internationale, pour pas dire une majorité de la communauté internationale, qui pense qu'effectivement, il s'agit là de la meilleure façon d'adresser un signal fort à l'Iraq.
Q - La France a-t-elle eu raison d'être ferme ?
R - Je crois que la France privilégie le dialogue et la concertation. Nous n'avons pas d'autre but aujourd'hui que le retour des inspecteurs et l'élimination des armes de destruction massive. C'est notre priorité. Nous faisons preuve de la plus grande détermination vis-à-vis de l'Iraq mais en même temps nous sommes soucieux de prendre en compte la nécessaire légitimité de toute action, de toute décision internationale, parce que cela conditionne, une fois de plus, l'efficacité de ce que nous pourrons faire.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2002)
(Interview à la chaîne de télévision espagnole TVE à Madrid le 17 octobre 2002) :
Q - Monsieur le ministre, vous venez de participer à un Séminaire entre les ministres des Affaires étrangères, de la Justice et des Transports. Quel bilan en faites-vous?
R - Il s'agit d'un bilan très positif car il démontre que les relations entre la France et l'Espagne sont excellentes. Comme vous le savez, nous préparons le sommet qui se tiendra à Malaga au mois de novembre et cette coopération est très importante dans tous les domaines. Bien sûr, il existe des domaines plus importants que d'autres, comme c'est le cas du domaine du terrorisme. Nous souhaitons vraiment unir nos efforts pour être plus efficaces, ce qui explique l'étroite coopération en matière de police, de justice et d'autres secteurs tels que les transports, notamment le transport ferroviaire et les projets d'autoroutes des deux côtés des Pyrénées. Cette coopération, qui touche aussi au domaine culturel, démontre la force des relations bilatérales. Mais nous souhaitons aussi avoir une vision commune de l'avenir, de l'avenir de l'Europe. Nous partageons une même approche sur l'élargissement de l'Europe. Nul n'ignore qu'il s'agit du plus grand défi pour l'Europe dans les années à venir. C'est un défi très important et, naturellement, nous voulons allier nos forces. La préparation de la Convention et la réforme des institutions européennes sont aussi des défis majeurs puisque l'efficacité de l'Europe ainsi que la légitimité et la démocratie en Europe en dépendent. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une réflexion en commun.
Q - Et tout cela, en pleine crise avec l'Iraq. Quelle est la position de la France ? Que peut-elle faire, elle qui affirme qu'il faut éviter la guerre à tout prix ?
R - Nous pensons que la guerre ne peut être que le dernier recours, ce qui explique que nous défendons l'idée d'une démarche en deux temps au sein du Conseil de sécurité. Nous considérons qu'il importe de maintenir l'unité de la communauté internationale parce que nous sommes plus forts quand nous sommes unis. Saddam Hussein a très bien compris le message de l'Assemblée générale car c'était un message qui lui était adressé par l'ensemble de la communauté internationale. La France considère que toutes les décisions doivent être légitimes et que le Conseil de sécurité doit pouvoir, à chaque étape, être sûr de pouvoir s'exprimer et apporter sa réponse. Le dernier impératif pour nous est celui de l'efficacité car nous nous trouvons face à une crise qui peut encore durer et il est important que l'ensemble des pays puissent s'unir pour prendre des décisions en commun. Voilà pourquoi j'estime qu'entre la vision américaine et la française on observe des progrès. Nous considérons que nous pouvons atteindre une position commune par la discussion, par le dialogue.
Q - Les Etats-Unis parlent de renverser Saddam Hussein. Vous, vous ne parlez que de le désarmer. Quelle position finira par s'imposer ?
R- C'est la position commune de toute l'Europe. C'est vraiment notre priorité. Nous souhaitons que les inspecteurs puissent retourner en Iraq. Nous voulons pouvoir éliminer les armes de destruction massive. Et nous souhaitons que le Conseil de sécurité, les Nations unies, soient l'enceinte où se prenne la décision qu'il faut adopter pour décider vraiment ce qu'il faut faire durant la crise.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 octobre 2002)