Entretiens de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, avec "Arabies Press Club - Paris" et avec la presse française le 8 novembre 1999, sur la politique française pour le Proche Orient et les pays arabes, la relance du processus de paix au Proche Orient, la question d'une levée de l'embargo sur l'Irak et la relance de la coopération euro - méditerranéenne.

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Circonstance : Voyage de M. Hubert Védrine du 11 au 13 novembre 1999 en Syrie, au Liban et en Egypte

Média : Arabies Press Club-Paris

Texte intégral

ENTRETIEN AVEC "ARABIES PRESS CLUB-PARIS" à Paris, 8 novembre 1999
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord vous remercier de ces mots de bienvenue.
Pour ma part, je crois que la création de ce club de presse à votre initiative est une très bonne chose. En quelque sorte, cela comble un vide et cela vient compléter de façon très opportune l'ensemble des institutions qui incarnent la présence arabe à Paris. C'est important, sur le plan du journalisme, de l'information, de la communication, du dialogue qu'une structure comme celle-ci soit présente. La vitalité de la presse arabe est un fait. Sur le plan de la politique étrangère de la France, je dois dire que nous sommes très attentifs à ce que vous écrivez, à vos analyses. Et notre responsabilité première est d'entretenir des relations avec des pays, avec des gouvernements et d'analyser leurs positions, de perfectionner nos relations de coopération, et le travail en commun, de déterminer nos objectifs communs etc. A propos du monde arabe comme à propos de toutes les parties du monde, nous sommes dans un monde très ouvert, nous ne pouvons pas travailler qu'à partir de ce que font les gouvernements et de ce que pensent les opinions, les sociétés civiles, le monde médiatique, les journalistes. C'est très important, c'est un élément d'analyse qui est constamment présent dans ce que nous faisons et dans la façon dont nous cherchons à ajuster notre politique au mieux.
Pour dire les choses en termes simples, je trouve que c'est une bonne idée et je suis sûr que vous aurez ici des activités extrêmement intéressantes et j'ai été touché que vous m'invitiez ce matin dans cet esprit.
Je ne peux pas vous faire un exposé formel mais je vais essayer de profiter de l'occasion de notre réunion pour me livrer devant vous à un certain nombre de réflexions sur des sujets qui peuvent vous intéresser plus directement.
Je vais vous parler de façon plus précise de notre politique à l'égard des pays arabes, soit globalement, soit par zones ou pays par pays, mais je pense que dans le monde arabe, comme dans le monde européen, aujourd'hui nous n'avons pas le sentiment d'être compartimentés ou cloisonnés dans un morceau du monde en particulier. Nous sommes dans un monde global, vous l'êtes ; il n'y a donc pas de séparation, chacun étant dans son domaine particulier, avec ses problèmes particuliers auxquels les autres ne comprennent rien et sans interconnexion. Nous sommes dans une situation globale, plus que jamais, qui s'impose à nous, avec les aspects positifs et les aspects compliqués, et nous vivons ensemble cette aventure de la mondialisation qui s'est accrue et étendue à la vitesse de l'éclair ces dernières années. Je pense que cela change la donne sur un certain nombre de points. Il n'empêche que dans ce contexte de mondialisation sans précédent, depuis les années 1990, la France s'adapte, répond, anticipe sur les évolutions, elle a des projets, des idées ; elle les a pour elle-même toujours, bien sûr, pour l'Europe, qui est un relais très souvent de ce que nous voulons faire par rapport à un certain nombre de problèmes du monde et il y a toujours, précisément, une vision que nous avons, et qui le plus souvent est partagée, sur les rapports entre le monde arabe et le monde européen ainsi que les différentes parties du monde. Cette vision s'inscrit dans la vision plus générale que nous avons de ce monde global.
Ce sera ma première remarque, la mondialisation ne met pas par terre les données de base des relations anciennes entre la France et le monde arabe. Lorsque nous disons que nous préférons un monde multipolaire à un monde unipolaire, quand nous disons que nous préférons un monde qui respecte des règles multilatérales de relations entre les Etats plutôt qu'un monde dans lequel s'imposent DES règles unilatérales de la part du plus fort, lorsque nous parlons du monde de la diversité plutôt que d'un monde de l'uniformité, je crois que nous exprimons, en réaction à la globalisation, un message qui va bien au-delà de l'Europe et bien au-delà de la France. C'est un message qui, me semble-t-il, est très bien compris, relayé par tous les leaders que je connais dans le monde arabe et tous les leaders d'opinions, tous les intellectuels les journalistes. Ce besoin de diversité est très fort.
C'est le premier élément dans lequel nous sommes dans une position assez comparable. Nous sommes de fait dans un monde presque unipolaire depuis quelques années: nous ne trouvons pas cela satisfaisant, c'est d'abord quelque chose d'abusif ou d'injuste, nous savons bien que tout cela n'est pas le résultat d'un plan américain pour faire en sorte que les autres n'existent pas. L'hyperpuissance américaine se nourrit aussi de l'hyperfaiblesse des autres. Nous sommes donc obligés de réfléchir sur cette question. Mais, nous devons réfléchir ensemble et pousser plus loin cette idée d'un monde multipolaire que nous, Français, nous mettons souvent en avant parce que nous pensons aussi que, pour que ce monde multipolaire soit un progrès par rapport à ce que nous connaissons, il faut qu'il y ait entre les pôles du monde de demain, une coopération et non pas un affrontement. Il ne faudrait pas que l'on retrouve, avec les différents pôles que l'on peut énumérer, des situations où ils seraient les uns contre les autres, avec de nouvelles distorsions, de nouvelles tensions. Le monde multipolaire oui, mais à condition qu'il soit coopératif. Je suis convaincu et je sais que le monde arabe réagit positivement à cette idée.
Ensuite, il y a une question d'organisation qui se pose à chacun. Nous-mêmes, lorsque nous parlons de l'Europe, lorsque nous disons que nous souhaitons que l'Europe soit un des pôles exemplaires du monde de demain, nous savons très bien que nous avons des problèmes très compliqués à résoudre pour cela et nous voyons mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années que, par exemple, il y a une antinomie possible entre l'élargissement de l'Europe et son approfondissement. Si nous voulons que l'Europe soit ce pôle d'équilibre, il faut que nous arrivions à surmonter cette contradiction.
Pour le monde arabe, me semble-t-il, c'est la même chose. Pour qu'il pèse de tout le poids qui lui revient, de tout son poids légitime, historique, culturel et politique, il faut aussi qu'il trouve une façon de surmonter les différences pour exprimer un point de vue, une vision des relations internationales, une vision des rapports entre les différents pôles de puissance. C'est une problématique qui nous est commune, et sur laquelle nous avons intérêt à réfléchir davantage ensemble.
Sur la question de la diversité, la France s'est battue efficacement pour préserver ce que l'on a appelé jusqu'à maintenant, son "exception culturelle". Nous avons fait en sorte, dans les accords GATT avant qu'il ne se transforme en Organisation mondiale du commerce, dans la négociation de 1993, que nous préservions notre capacité à avoir notre propre politique culturelle, audiovisuelle, de cinéma et que ces politiques ne soient pas interdites par une sorte d'application mécanique et générale de règles de libéralisation du commerce dont nous pensons qu'elles ne peuvent pas s'appliquer sans dégâts graves à la question culturelle. Mais c'était, jusqu'à lors, très défensif - défense justifiée, mais défense quand même - et fondé sur ce mot qui ne fait rêver personne qui est "exception". Cela voulait que nous allions faire exception dans ce domaine par rapport aux règles générales. Si nous avons changé de mot et si nous employons aujourd'hui le mot "diversité", c'est parce que nous voulons mettre en avant un concept qui parle à toutes les autres cultures et par rapport aux négociations OMC qui vont démarrer l'an prochain et dont la conférence de Seattle doit, si cela se passe bien, fixer l'agenda, nous ne sommes pas simplement en train de défendre, le pré carré des producteurs français de feuilletons de télévision. Ce que nous faisons est beaucoup plus vaste que cela. Si nous voulons un monde multiforme, c'est parce que nous sommes préoccupés par un monde dans lequel, à peu près 80 % des images qui circulent sont originaires du même pays. C'est une situation qui n'est pas bonne, mais malsaine. Nous voulons rééquilibrer les choses mais nous ne pensons pas qu'à l'Europe, ni à la culture française ou à sa langue, nous pensons à la culture arabe et à sa langue, nous pensons à l'Inde qui est un monde en soit, à la Chine, à l'Afrique, à l'Amérique latine, à la Russie, à toutes les cultures du monde. Nous voulons un monde demain dans lequel, malgré la globalisation, ces cultures puissent dialoguer, c'est-à-dire que nous tirerions parti des bons côtés de la globalisation: le dialogue, une créativité collective etc..
Je vais venir à des questions qui touchent plus directement le monde arabe mais je voulais vous dire cela : ne pensez pas que, dans la politique étrangère de la France, il y a, d'un côté une politique arabe, forte, traditionnelle que vous connaissez par coeur, que vous scrutez à la loupe tous les jours pour voir les éventuels minuscules changements, qui serait un peu routinière, et en même temps, des grands problèmes dont on parle dans les grands colloques aujourd'hui. Nous sommes dans le même bateau et chacun des grands sujets sur l'organisation du monde de demain concerne à mon avis le monde arabe au premier chef et sur tous les plans. Il y a ceux que j'ai cités mais on pourrait parlé de l'avenir de l'ONU, de sa réforme, de la réforme du Conseil de sécurité, du grand débat relancé par le Secrétaire général des Nations unies sur le nouvel équilibre à trouver entre souveraineté, ingérence et intervention.
Sur tous ces points, nous avons des réflexions à mener ensemble, nous avons à échanger, à réfléchir en commun.
Dans ce contexte, la France poursuit sa politique arabe, celle que vous connaissez bien.
Encore un mot sur un point dont je sais qu'il est l'objet d'une interrogation constante : c'est la combinaison entre la politique française sur ce sujet et la question européenne. J'ai personnellement beaucoup d'amis de différents pays arabes, des gens que je connais pour certains depuis 30 ans, je parle avec eux et je me suis rendu compte qu'ils vivaient souvent avec un mélange de déception et d'inquiétude, cette orientation européenne de la France, comme si c'était une sorte d'aiguillage conduisant la France à autre chose, à un autre type d'intérêt. Il est vrai que ces dernières années, l'Union européenne a eu tellement de problèmes à résoudre en ce qui la concerne, notamment internes - elle a eu à digérer la réunification de l'Allemagne - que l'on peut avoir l'impression, lorsque l'on se trouve sur la rive sud de la Méditerranée ou au sud-est de la Méditerranée, que les Européens ne pensent plus qu'à eux-mêmes et se sont coupés du sud. Si vous regarder la France en particulier, vous savez bien que ce n'est pas vrai. Mais, je note, que chez beaucoup de nos interlocuteurs arabes, on pense que les choses sérieuses maintenant se passent en Europe. Je voudrais vous dire ici, puisque l'occasion m'en est donnée, qu'il n'est pas question de choisir entre ces deux choses, il n'est pas question d'imaginer une situation dans laquelle la France, pour se fondre dans une sorte de moyenne européenne renoncerait à cet élément essentiel pour elle, historique, politique, culturel, économique, stratégique qui est la relation avec les pays arabes, dans leur diversité et leur unité en même temps. Il n'est pas question que nous renoncions à cela, nous n'y avons jamais pensé une seconde, pas plus aujourd'hui qu'avant. Et lorsque nous parlons de politique étrangère commune européenne qui est l'un de nos objectifs inscrit dans les traités, que nous voulons faire progresser, laissez-moi vous dire qu'il n'est pas question que nous acceptions une harmonisation par le bas. C'est une expression que l'on emploie en général à propos des questions sociales, moi je l'emploie à propos de la politique étrangère. Il n'est pas question que nous participions à une politique étrangère européenne qui se substituerait peu à peu à notre politique et qui serait simplement le plus petit commun dénominateur à travers les Quinze aujourd'hui peut-être 25 ou 30 demain. Ce que nous voulons pour la politique étrangère commune et non pas unique de l'Europe de demain, c'est une harmonisation par le haut et nous avons bien l'intention de continuer à faire ce que nous faisons, comme nous l'avons fait sur le Proche-Orient depuis une quinzaine d'années, nous avons l'intention d'être un ferment, un moteur, d'être entraînant, d'essayer de faire évoluer les choses, les esprits, les idées, les démarches et c'est ainsi que nous concevons les choses.
Abandonnez vos inquiétudes sur ce point et vos craintes concernant une politique française qui serait, progressivement, absorbée, normalisée, rapetissée par une sorte de mise à la moyenne. Ce n'est pas comme cela que les choses se passeront.
Sur le monde arabe, je crois avoir donné une partie de la réponse globale en disant quelques mots sur le monde multipolaire, la diversité et l'Europe. Nous pensons que ce monde arabe doit jouer un grand rôle dans le monde de demain, rôle qui ne peut pas être que l'addition d'ailleurs de la position de chacun des pays arabes de la politique de chacun des pays, mais qui doit s'exprimer dans sa globalité. Nous souhaitons que le monde arabe trouve une façon, plus forte encore qu'aujourd'hui, d'être présent dans les débats du monde de demain que j'ai cité, parce que c'est légitime, il a des intérêts à défendre, des idées à faire valoir, des projets, sa vision des choses et c'est pour nous une composante tout à fait indispensable de cette diversité. Nous y sommes plus sensibles que d'autres pays européens - nous ne sommes pas les seuls tout de même, trois ou quatre autres y sont sensibles aussi - mais nous y sommes sensibles par notre histoire commune et nous ressentons ce besoin. Et c'est un appel que je lance sur ce plan.
Je ne peux pas tout énumérer, mais je vous dirai que nous avons, comme tout pays, le désir d'avoir les relations bilatérales les meilleures, les plus fécondes possibles, au car par cas ; pays par pays, nous examinerons comment on peut améliorer les relations de toutes sortes, c'est un travail considérable, qui est fait tous les jours, vous connaissez tous les personnes compétentes et responsables du Quai d'Orsay sur ce point, vous connaissez notre réseau diplomatique, et vous savez à quel point nous sommes présents, actifs, intéressés, attentifs. C'est plus ou moins facile selon les cas : il y a des contextes dans lesquels il est facile de développer des relations bilatérales et des contextes où il y a des problèmes que nous essayons de surmonter. Mais, au-delà de cette addition des relations bilatérales, il y a quelques grands enjeux.
Le Maghreb en est un. Notre politique est très simple. Nous voulons avoir les meilleurs rapports simultanés possibles avec les pays du Maghreb, nous le souhaitons pour nous-mêmes, nous le souhaitons par rapport à la présence en France de personnes d'origine maghrébine, qu'elles aient gardé ou non leur nationalité, nous le souhaitons pour l'avenir du Maghreb lui-même et ce qui fait que, chaque fois que nous pouvons faire servir nos relations bilatérales à la création d'un climat régional, ou à la solution de problèmes régionaux qui aillent dans le sens - si on nous le demande bien entendu - nous sommes heureux de pouvoir le faire. Nous voyons le Maghreb comme une zone stratégiquement placée, qui a entre l'Afrique, l'Europe, une position particulière. C'est une zone qui peut être souvent médiatrice entre l'Europe ou le monde euro-atlantique et le reste du monde arabe. Cette zone a un grand avenir sur ce plan. Il y a un certain nombre de problèmes qui se posent encore. Nous ne pouvons pas régler les problèmes à la place des principaux intéressés, mais, notre politique n'a jamais d'autre objectif que de faciliter les choses. C'est très important et à mon avis, c'est plus important qu'on ne l'a pensé ces dernières années. Pour ma part, je considère que la politique étrangère française, la diplomatie française doit être plus attentive encore et personnellement, je me passionne et je m'intéresse depuis toujours à la question du processus de paix au Proche-Orient, mais malgré tout, nous devons avoir une vision globale. Cela veut dire que nous ne devons pas être que sur le processus de paix. Au sein de l'Union européenne, nous sommes particulièrement écoutés sur ce plan, nous sommes considérés comme des sortes experts, c'est parfois à double tranchant, et les autres Européens sont particulièrement attentifs à ce que nous disons et à la grille de lecture que nous proposons, au type de coopérations que nous proposons. Comme vous le savez, une très grande partie des procédures institutionnelles de coopérations et de rencontres dans ce domaine sont à l'origine des idées françaises.
Sur le processus de paix, la France est dans une position paradoxale. C'est le premier grand pays occidental à avoir dit des choses justes sur le sujet, sur tous les plans, sur le plan de l'équité et sur le plan politique. La France est le premier pays qui a dit, il y a maintenant plus de 15 ans, ce qu'il fallait dire sur la reconnaissance mutuelle, sur le droit à la sécurité des uns et des autres, les droits légitimes des uns et des autres, sur le dialogue, sur l'Etat palestinien comme solution et non pas comme problème, etc.. Nous l'avons dit au début des années 1980, cela a été extrêmement difficile parce que durant très longtemps, il y a eu une réaction très violente et du côté arabo-proche-oriental et du côté israélien, mais on voit bien avec le recul que la France a eu raison et à quel point sa vision des choses a été prémonitoire, utile à préparer les esprits et a fait évoluer les choses.
Etant donné que nous avons préconisé depuis le dialogue direct des protagonistes qui se sont enfin reconnus comme partenaires indispensables, nous n'allons pas regretter quand ce dialogue direct s'est noué et depuis ces dernières années, nous sommes dans une situation où nous voyons ce dialogue, lorsqu'il a lieu nous le soutenons, nous applaudissons ; lorsqu'il est bloqué comme lorsque M. Netanyahou l'avait bloqué, nous le déplorons, nous essayons de préparer des relances, et avec l'Egypte, nous avons eu un dialogue constant très intéressant pour aiguillonner les uns et les autres et pour préparer les relances, et ce que nous avons fait entre la France et l'Egypte a eu, à mon sens une influence tout à fait directe sur la façon dont les Etats-Unis eux-mêmes se sont remobilisés par rapport à cette affaire, après une phase initiale de passivité et je vois chez une partie des commentateurs, une sorte de désarroi parce qu'ensuite, il y a des éléments clefs du dialogue qui ont lieu sans nous. Mais, c'est ce que nous avons recommandé, nous n'avons jamais eu une vision paternaliste du processus de paix au Proche-Orient. Nous avons mis en avant des principes qui nous paraissaient fondamentalement justes et à partir du moment où le dialogue s'établit, il appartient quand même d'abord et avant tout aux protagonistes de parler, de négocier, de conclure, nous le souhaitons. Ce qui ne veut pas dire, et c'est là une petite subtilité, ce qui ne veut pas dire que l'on se désintéresse des choses. Au contraire, nous sommes plus intéressés que jamais par un bon aboutissement, nous ne sommes pas désengagés au contraire et je crois que lorsque vous regardez les activités et les initiatives du président, du gouvernement, lorsque vous regardez les contacts à Paris qui sont incessants, les voyages sur place qui sont fréquents, j'y retourne encore, j'y étais il n'y a pas longtemps, lorsque vous voyez tout cela, vous ne voyez pas une France spectatrice, une France actrice des choses et qui est un acteur dans le respect de la responsabilité des protagonistes. C'est à eux de parler, nous avons notre opinion, nous le disons, animés par un principe d'utilité c'est-à-dire que lorsqu'il est inutile de dire les choses trop forts publiquement, nous les disons dans les contacts multiples que nous avons, lorsqu'il y a des choses qui doivent être dites publiquement parce que nous avons des inquiétudes ou parce que c'est plus constructif, nous le disons publiquement, nous ne sommes pas guidés simplement par le fait d'attirer l'attention particulièrement mais par l'analyse que nous faisons de ce qui permet d'avancer ou non.
Nous sommes dans une phase de ce type. La situation est évidemment tout à fait différente depuis l'arrivée au pouvoir de M. Barak puisque M. Netanyahou bloquait les processus, ne voulait pas appliquer les engagements pris - il le disait d'ailleurs - il avait été élu pour cela, il était clair et il a appliqué son programme tant qu'il était au pouvoir. Mais nous sommes dans une phase différente que nous avons vu arriver avec beaucoup d'espoir et beaucoup de sympathie. Ce qui ne veut pas dire que nous soyons aveugles sur les difficultés considérables. Elles le sont encore, c'est l'impression que j'ai eu lorsque je suis allé en Israël et dans les territoires palestiniens il y a quelques semaines, impression confirmée par tout ce que nous savons depuis, mais je dirai que la difficulté n'est pas la même selon que l'on pense à la question israélo-palestinienne ou selon que l'on pense à la question israélo-syro-libanaise.
Du côté israélo-palestinien, c'était assez facile de recommencer à discuter, parce que les uns et les autres ne demandaient que cela et cela n'avait été bloqué que par M. Netanyahou, appliquant sa politique. Le dialogue a donc repris de suite et il a commencé par la discussion sur la mise en oeuvre des engagements passés auparavant qui n'étaient pas appliqués, il a abouti à un résultat satisfaisant, mis en oeuvre à peu près, il y a des petits retards mais au regard de l'Histoire et du conflit de cent ans comme dit M. Barak, les retards de quelques semaines ne comptent pas, l'essentiel c'est la tendance, la direction.
Maintenant, nous voyons que nous nous acheminons vers le début de la discussion sur ce que pourrait être l'accord intérimaire par rapport à un statut final. C'était facile de reprendre les négociations mais notre pronostic est que cela va être extraordinairement compliqué après, parce que la dynamique de la négociation fait que les Israéliens et les Palestiniens sont au pied du mur, devant les vrais problèmes. On voit bien aujourd'hui que sur la question des colonies de peuplement, sur les réfugiés, sur les frontières, sur Jérusalem, sur la question des attributions du futur Etat palestinien, l'écart est tout à fait considérable entre les positions des uns et des autres. En tout cas, la discussion reprend et c'est l'essentiel. Il était donc facile de redémarrer, il sera extrêmement difficile d'aboutir, mais il faut aboutir car toutes les autres solutions seraient tragiques. Il y a donc une sorte de nécessité historique, en même temps nous serons là, présents, disponibles, dans un dialogue constant avec les uns et les autres, pour faciliter les choses autant que nous le pourrons.
Du côté israélo-syro-libanais, je dirais que c'est l'inverse, la principale difficulté réside dans le fait de reprendre les négociations. J'ai tendance à penser qu'une fois que les conditions d'un redémarrage seront réunies, ce qui n'est pas encore le cas, ce sera moins difficile à conclure que sur l'autre volet.
Je ne pense pas qu'il y ait à choisir entre les deux. Je pense que, du point de vue des Israéliens, ils sont arrivés à la conclusion qu'ils avaient intérêt à une solution, sous la conduite de M. Barak, les deux parties ont intérêt à une solution pas seulement l'une ou l'autre des parties. A cet égard, l'inquiétude exprimée parfois par les Palestiniens ne me paraît pas fondée. Je ne pense pas qu'ils aient à craindre quoique ce soit d'une relance des négociations israélo-syriennes et je ne pense pas qu'ils aient à craindre un accord par rapport à cela ; l'un ne remplace pas l'autre et même si la situation était réglée du côté israélo-syrien, la nécessité de trouver une solution sérieuse du côté israélo-palestinien serait aussi forte. Cela forme donc un tout. C'est notre conviction et je crois que les protagonistes réagissent de cette façon. Mais, il est clair maintenant, du côté israélo-palestinien, que les deux parties souhaitent une solution - mais ce n'est pas encore la même - et, du côté israélo-syrien, il est clair aussi que nous n'en sommes pas tout à fait là, encore, mais, évidemment, j'en saurai plus dans quelques jours.
La France cherche à être utile parce qu'elle est le pays occidental et européen le plus passionné, le plus motivé depuis longtemps par rapport à tout cela, mais il y a le rôle des Etats-Unis qui est évidemment considérable et vers lequel se tournent les uns et les autres, mais ils savent bien que l'Europe est à leurs côtés, que demain, dans un Proche-Orient en paix, auquel nous pouvons commencer à rêver, ils auront tous énormément besoin de l'Europe pour ce qui se passera après, c'est-à-dire la construction progressive d'un Proche-Orient différent, où l'on passera de la coexistence à la coopération, en édifiant d'abord un espace économique commun et d'autres choses. Tous les protagonistes savent qu'ils auront un besoin absolu de l'Europe. L'Europe est déjà présente aujourd'hui, à travers l'anticipation qu'ils font de cette situation et pas uniquement en termes d'aides économiques. Il y a une relation politique, culturelle à avoir.
Du point de vue français, j'estime qu'il n'y a pas à manifester le moindre trouble lorsque l'on voit les Etats-Unis jouer un rôle central et important au Proche-Orient. D'abord par réalisme, nous sommes dans un monde où les Etats-Unis jouent un rôle important partout, et l'essentiel est que l'on progresse vers la paix. Nous ne sommes pas dans une compétition sportive pour savoir qui fait le plus ou le mieux. Ce serait mesquin d'appliquer ce type de mentalité à quelque chose d'aussi grave que la recherche de la paix. Toute contribution à la paix au Proche-Orient est bonne à prendre. Il nous appartient de nous coordonner le mieux possible pour être le plus utile possible, c'est à nous, Français, de collaborer avec les Européens pour que les Quinze expriment une ligne politique qui soit la bonne pour la suite, pour porter une aide qui corresponde vraiment à ce qui est demandé, et c'est à nous d'établir la coordination, la synergie, la complémentarité avec les efforts américains. J'estime que, globalement, les choses marchent bien sur ce plan, l'information entre les ministres des Affaires étrangères occidentaux est très intense à ce sujet, l'échange d'analyses aussi, l'analyse est à peu près convergente. Il y a, ensuite, des nuances dans les solutions préconisées, notamment cette façon qu'a la France d'être toujours un peu en avance. La France, historiquement, a toujours eu une action pour rééquilibrer les visions européennes et même, un peu, la vision américaine. Nous allons continuer cela. Mais, ne voyez pas cela de façon purement compétitive ou en terme de rivalité, ce serait une analyse en partie erronée. Il peut y avoir des éléments, des phases tactiques, des micros-initiatives où c'est plutôt l'un que l'autre, mais si vous raisonnez en termes historiques et dans la durée, les pays occidentaux sont quand même tous engagés maintenant dans une politique de soutien à la recherche de la paix qui soit quand même une vraie solution dans laquelle il y ait un véritable Etat palestinien. Nous y sommes pour beaucoup.
Concernant l'Iraq, notre position est très simple, nous jugeons que le statu quo est tout à fait intolérable et il est en même temps mauvais même sur le plan de la sécurité. Il n'est pas satisfaisant sur le plan de la sécurité régionale du point de vue des voisins de l'Iraq, il n'est pas satisfaisant sur le plan social et humain, c'est même une situation qui est détestable car la logique de la sanction est en train de déstructurer la société iraquienne et de préparer une génération entière élevée dans les privations, sans éducation, sans parler du sentiment d'ostracisme et d'humiliation, tout cela est extrêmement néfaste, c'est une politique vraiment absurde et dangereuse à terme. Nous avons donc toutes sortes de raisons de proposer autre chose, nous l'avons fait à l'ONU, en janvier dernier, et nous avons réussi, par nos idées, par nos propositions, nous avons réussi à faire bouger un peu les choses. Une discussion a lieu depuis des mois sur ce que pourrait être un nouveau système de contrôle qui est indispensable concernant l'Iraq, qui soit satisfaisant, clair et net, ce qui permettrait de nous passer de l'embargo. L'embargo apparaît comme un procédé dont je dis souvent qu'il est primitif et un peu barbare et qu'il ne sert à rien en termes de sécurité. Il est d'ailleurs contourné. Si nous arrivons à reconstituer un système de contrôle efficace, nous n'avons vraiment plus aucune espèce de motif pour le maintenir. Quel système de contrôle ? C'est là-dessus que la discussion a lieu. Elle a lieu au Conseil de sécurité puisque c'est le Conseil qui émet les normes qui s'imposent à tous et c'est lui qui a adopté les résolutions au début des années 1990 qui ont abouti à la situation actuelle. Ce furent des résolutions qui pouvaient avoir un sens juste après l'invasion du Koweït, ou dans l'immédiat après-guerre mais plusieurs années après et il est clair pour nous qu'il faut évoluer. Les discussions ne sont pas arrêtées, les points de vues entre les membres permanents se sont rapprochés, mais pour vous parler franchement ce matin, nous n'avons pas atteint la solution, nous ne sommes pas encore capables de rédiger la résolution commune. Nous ne voulons pas non plus participer à la rédaction d'une résolution commune qui poserait à nouveau de telles conditions à la suspension éventuelle de l'embargo que nous serions renvoyés à la case départ. Là, vous avez l'exemple d'une politique spécifiquement française, ce n'est pas une politique européenne, nos partenaires ont même une approche différente. Mais, nous avons nos convictions, notre rôle à jouer et nous le jouons.
Q - Vous vous apprêtez, dans quelques jours à effectuer une visite au Moyen-Orient qui sera probablement la dernière visite de ministre des Affaires étrangères français au vingtième siècle. Il y a une effervescence diplomatique proche-orientale actuellement à Paris, le président Moubarak, le Premier ministre Barak, M. Arafat et d'autres s'y trouvent, quel est le rôle que joue Paris actuellement dans les négociations et peut-on s'attendre à ce que nous soyons vraiment très proches d'une solution et que l'an 2000 soit l'année de la paix au Proche-Orient ?
R - Il est certain qu'il y a une sorte d'excitation. Il n'y a donc pas de commentaires particuliers à faire par rapport à l'époque, à la date et d'autre part, les voyages doivent être vus à l'intérieur d'un processus continu, ce n'est pas un voyage qui brusquement intervient alors que nous n'avons pas d'activité sur le sujet. Nous sommes en permanence et notamment, nous, Français, au contact des protagonistes de la question du Proche-Orient, en contact à Paris, à New York, chez eux... cela n'arrête pas et un voyage est simplement un temps fort dans un processus de ce type ; c'est d'abord une marque de courtoisie, nous sommes très heureux quand différents visiteurs viennent à Paris et nous les accueillons toujours le mieux possible et nous éprouvons le besoin, que ce soit le président ou moi, d'aller régulièrement dans les pays, mais c'est un phénomène continu, ce n'est pas une séquence particulière.
Il y a aujourd'hui une activité diplomatique intense, en France, autour de la présidence européenne, aux Etats-Unis, tout simplement parce que, depuis l'arrivée au pouvoir de M. Barak, on se dit que les choses peuvent redémarrer. C'était Israël qui bloquait, à partir du moment où c'est terminé, il y a une espérance que cela bouge. Mais, cela ne suffit pas à régler les problèmes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut bien distinguer entre l'espérance que nous avons aujourd'hui de voir ces négociations aboutir enfin à des solutions durables et justes et la difficulté rencontrée.
Nous sommes dans cette phase et c'est précisément parce qu'il y a ce mélange d'espérance, de préoccupations, d'inquiétude et d'intérêts qu'il y a tellement de contacts. Dans les derniers mois, il n'y avait pas grand chose à se dire, sauf à échanger la consternation. Maintenant, cela bouge. Nous faisons notre travail politique et diplomatique, nous essayons de suivre point par point les évolutions, à Oslo ou à New York, nous essayons de voir si cela apporte des éléments nouveaux et notre travail de politique étrangère française quotidiennement est de soutenir et de consolider les éléments nouveaux et positifs et de trouver des idées pour surmonter les blocages. Encore une fois, il faut toujours se rappeler que nous ne négocions pas à la place des protagonistes. On ne peut pas se substituer à eux, le jour venu, il appartiendra à M. Barak et M. Arafat de s'engager ou pas sur la solution qu'ils auront trouvée, et non pas aux Européens, même pas aux Américains. Personne ne pourra le faire à leur place, ils ont une responsabilité historique devant leurs peuples. Entre temps, nous aurons essayé, par un très grand nombre de conversations de les aider, de leur donner des idées. Nous sommes loin d'être tous des facilitateurs et la France est, je crois, un des facilitateurs importants dans cette affaire.
Q - Le Roi vient en visite d'Etat la semaine prochaine et dans le cadre de la coordination franco-jordanienne, estimez-vous que sa majesté le Roi Abdallah a un rôle spécifique à jouer dans le processus de paix ?
R - La réponse est évidemment oui, mais la Jordanie n'est pas dans notre position, c'est un protagoniste direct. Il ne peut pas y avoir à notre sens d'accord véritable sur la question israélo-palestimenne s'il n'y a pas un accord complet avec la Jordanie et si ce pays n'est pas d'accord avec le type de solution trouvée. La Jordanie est un acteur de premier plan dans cette affaire et nous nous sentons en très grande sympathie politique et d'esprit avec le Roi Abdallah qui nous paraît vraiment, lui aussi, rechercher la solution constructive. Il est à la fois coopératif, clair et net en même temps sur les droits et les demandes légitimes des Palestiniens. Il est un élément fort et solide. Et les relations se sont confirmées, elles étaient très fortes et très bonnes avec le Roi Hussein, mais dès l'arrivée au pouvoir du Roi Abdallah, vous avez vu que les relations franco-jordaniennes se sont confirmées tout de suite très fortement et nous nous sentons vraiment dans une très grande convergence de démarches. On le verra très bien lors de son très prochain séjour en France.
Q - Etant donné que vous combinez les deux volets syrien et libanais, la visite de Bachar el Assad hier consacre-t-elle le rôle éminent de ce monsieur dans l'avenir politique de son pays et avez-vous un message à adresser au président libanais Emile Lahoud pour une éventuelle invitation à Paris ?
R - Concernant la rencontre du président Chirac avec le fils du président Assad, c'est une rencontre qui était envisagée depuis plusieurs mois mais qui, pour des raisons de calendrier, n'a pu avoir lieu que maintenant. Il faut la voir comme étant la marque de la volonté de la France de bien connaître tous les dirigeants, tout ceux qui peuvent avoir un rôle à jouer dans la région. Il ne faut pas se singulariser sur le seul cas de la Syrie.
Si vous regardez les autres pays de la région, nous ne sommes pas en contact qu'avec les présidents, nous avons des contacts beaucoup plus diversifiés. Donc, cela fait partie de notre volonté d'avoir la vision la plus large possible des positions des uns et des autres. Mais il n'appartient pas à la France de déterminer ce qui se passera en Syrie.
En revanche il est légitime que nous soyons intéressés par des contacts avec tout le monde pour avoir la vision la plus complète toujours concernant le sujet qui nous occupe ce matin. La question d'aujourd'hui sur la Syrie et Israël, c'est quand et comment vont-ils réussir à relancer la négociation sur l'affaire du Golan. Nous sommes convaincus qu'ils y arriveront, ce n'est pas fait pour le moment. Toute indication est utile pour nous et intéressante.
Et nous lions les choses et nous ne pensons pas que nous puissions aboutir à une solution purement syrienne sans solution libanaise et réciproquement. Nous ne pensons pas non plus que l'on puisse régler la question israélo-libanaise de façon stable et durable si ce n'est dans le cadre d'un arrangement. Je crois que c'est également l'analyse à laquelle M. Barak est parvenue. Je sais que c'est ce que pensent aussi les Américains. Il y a donc un consensus logique. Je me rendrai avec beaucoup de plaisir au Liban, comme chaque fois que j'y vais, et je serai reçu par le président Lahoud. Le principe du voyage est admis, une invitation a été lancée, mais jusqu'ici, nous n'avons pas arrêté de date précise et lorsque je dis nous, c'est une discussion qui a lieu directement entre les deux présidences. Mais je sais que cela a été abordé dans l'entretien long et sympathique qu'ont eu les présidents Chirac et Lahoud à Moncton.
Q - Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez des inquiétudes à propos du processus de paix, qu'est-ce qui vous inquiète le plus actuellement ?
Vous allez présider la semaine prochaine avec M. Amr Moussa, le groupe de travail franco-égyptien, ce groupe qui suit de plus près le processus de paix, qu'attendez-vous de cette réunion et que peut-on en sortir surtout ?
R - Mes inquiétudes tiennent tout simplement à l'extraordinaire difficulté des problèmes qui restent à résoudre, c'est pour cela que nous ne pouvons pas faire preuve d'un optimisme facile. Je vous l'ai dit, j'ai en même temps la conviction que les uns et les autres veulent une solution mais que la solution n'est pas encore la même. Mais c'est déjà bien de vouloir une solution que les autres refusaient. C'est l'élément positif. Les inquiétudes ne concernent pas telle ou telle personne, c'est par rapport à la complexité des problèmes. Je regarde les questions dont nous parlions tout à l'heure, Jérusalem, les réfugiés, les colonies, les frontières et nous voyons que sur chacun de ces points, les positions annoncées sont extrêmement éloignées. Nous avons donc une préoccupation parce qu'il ne faudrait pas qu'après cette grande espérance depuis cet été, nous arrivions à un blocage qui, à nouveau découragerait tout ceux qui cherchent la paix au Proche-Orient.
Ce n'est pas une inquiétude plus précise que cela, c'est la complexité des problèmes et vraiment, pour les Israéliens, pour les Palestiniens, plus encore à mon avis que pour les Israéliens, les Syriens et les Libanais, il y aura vraiment des choix historiques à faire et nous n'arriverons pas à une solution juste et durable sans des compromis à un moment donné sur quelque chose. Lesquels ? Dans quelles conditions ? Seront-ils acceptables par les Israéliens, par les Palestiniens ? Je dis cela simplement pour que l'on prenne la mesure de la difficulté et qu'il n'y ait pas une sorte d'optimisme de commande qui ferait que nous ne verrions pas les problèmes qui s'annoncent et que nous attendrions la paix tranquillement. Cela ne peut pas être ainsi et il faut que tous les amis de la paix se serrent les coudes dans cette phase.
Le groupe de travail franco-égyptien à un très grand intérêt à mes yeux. J'ai eu, avec M. Moussa, depuis que je suis ministre, des échanges très instructifs pour moi. M. Moussa a une très grande connaissance et expérience des problèmes de la région. Il les suit au jour le jour et nous avons constaté que nous étions toujours très proches dans nos analyses et pendant toute la période de blocage par M. Netanyahou, nous avons constamment échangé nos avis et nous avons élaboré une stratégie de relance de la recherche de la paix au Proche-Orient. C'était difficile puisque c'était le premier ministre israélien qui, lui-même, ne voulait pas de la solution. Mais, nous n'avons jamais baissé les bras et nous avons constamment cherché entre nous, comment nous pouvions, malgré tout relancer les choses. Je le disais tout à l'heure et je le redis, je pense que l'activité franco-égyptienne, les projets franco-égyptiens notamment d'une conférence que nous aurions réuni dans l'hypothèse où il y aurait eu un blocage définitif et complet, sont des éléments qui ont motivé la diplomatie américaine, qui, à un moment donné, s'abstenait par rapport à la situation au Proche-Orient et petit à petit, vous l'avez vu, à partir de 1998 notamment, s'est réinvestie dans cette affaire. Cette diplomatie a développé sa relation avec les Palestiniens qui était extrêmement faible auparavant, elle s'est rééquilibrée. Je suis convaincu que c'est un des résultats indirects, mais un résultat quand même du travail franco-égyptien. En même temps, ce travail nous a permis d'approfondir notre expertise, en regardant, point par point, les problèmes du statut final, et nous avons pu affiner notre analyse pour mieux voir quelles étaient les solutions et quelles étaient les fausses solutions.
Je crois que nous sommes renforcés par ce travail franco-égyptien. Nous Français, nous connaissons encore mieux la situation, nous sommes plus pointus dans le sujet et les Egyptiens, grâce à ce contact, ont une connaissance plus intime et plus constante de la façon dont les Européens raisonnent et sur ce qu'ils peuvent faire. Cela n'a que de bonnes conséquences, pour les Egyptiens et pour nous.
Q - Que propose la France concrètement pour relancer le processus euro-méditerranéen ?
R - Pour savoir comment le relancer, il faut voir quels étaient les éléments de blocage : Je crois d'abord que c'est une bonne idée, lorsqu'il n'y avait pas de structure de dialogue global entre l'Europe et la Méditerranée. Manifestement, il y avait un manque. Evidemment, il y a toujours eu quelques pays arabes, quelques pays européens engagés dans un dialogue bilatéral très intense, notamment la France et quelques autres aussi, mais ce n'était pas global. L'existence donc d'un processus global euro-méditerranéen est une bonne chose, et c'est aussi une bonne chose pour l'Europe; Cela rééquilibre l'importance des problèmes que l'Europe doit régler, qui concernent l'Europe de l'est, centrale orientale, la Russie, et cela réintroduit constamment dans l'approche européenne un facteur sud qui est, stratégiquement indispensable. Sur quoi y a-t-il eu des problèmes au niveau de ce processus ? Il y a eu des problèmes administratifs et financiers de mise en route et il y a eu un problème politique. Les problèmes de mise en route concernent la difficulté à monter le programme "MEDA", à le faire fonctionner, à se mettre d'accord sur le type de projet finançable, les procédures pour le faire instruire... Cela a été long pour des raisons qui ne sont pas politiques du tout, pour des raisons bureaucratiques qui sont liées à la lourdeur de la machinerie de Bruxelles. Mais, nous avons dépassé cette étape, maintenant.
D'autre part, il y a eu un autre problème qui est l'interférence avec le blocage du processus de paix. Ce processus euro-méditerranéen a été lancé dans un contexte optimiste, avec l'idée que nous allions avancer vers des négociations, vers la paix, que nous allions progresser. Il y a eu ensuite cette phase de blocage qui a pris en otage tout le processus. Plusieurs des réunions euro-méditerranéennes auxquelles j'ai participé, mais mon prédécesseur également a connu cela dans quelques unes des réunions, ont été complètement bloquées par le fait qu'il y avait une résurgence aiguë de la question israélo-arabe. Nous pouvons espérer que, dans le contexte dans lequel nous sommes maintenant, nous puissions faire redémarrer ce processus globalement. J'ajoute que l'Union européenne a décidé en septembre 1999 d'inviter la Libye à devenir membre à part entière du partenariat euro-méditerranéen, dès qu'elle aura accepté l'ensemble de l'acquis de Barcelone. Ceci était exprimé par une lettre de la présidence allemande.
Q - Les Syriens parlent d'une promesse de M. Ytzhak Rabin concernant un retrait jusqu'à la frontière du 4 juin 1967, avez-vous connaissance de cette promesse ? Si oui, que contient-elle exactement ? Et pensez-vous qu'il est envisageable de normaliser les relations israélo-arabes tout en gardant l'embargo contre l'Iraq ?
R - Sur le premier point, je ne peux pas trancher parce que, s'il y a eu une promesse, nous n'en avons pas été dépositaires. La France n'a donc pas les moyens de trancher. Nous savons très bien que la question de la relance de la négociation israélo-syrienne dont je parlais tout à l'heure butte sur ce point, mais nous ne pouvons pas nous substituer aux protagonistes pour tirer cela au clair. Je crois qu'il n'y a pas de façon définitive de répondre à la question, sinon, elle serait déjà surmontée et clarifiée. Ce que je voudrais dire sur ce plan, c'est que, si les Syriens et les Israéliens considèrent qu'il est maintenant de leur intérêt de régler ce problème pour des tas de raisons, de le régler dans des conditions qui respectent les droits des uns et des autres, s'ils considèrent que c'est leur intérêt de trouver une solution, ils la trouverons, y compris sur ce préalable. C'est ce que nous espérons, ce que nous souhaitons et ce que nous recommandons. Nous pensons que cette affaire est trop importante pour la laisser être bloquée uniquement par un problème de préalable. Cela fait partie des questions qui doivent être clarifiées par la négociation, mais il nous semble que c'est l'intérêt des parties. Nous croyons savoir que les responsables des deux pays pensent en ces termes, ils cherchent une solution, ils voudraient la trouver, mais ils n'ont pas encore surmonté cette question du préalable, mais ce sera à eux de le faire, cela ne peut pas être fait par d'autres à leur place.
Sur la seconde question, il n'y a pas de liens directs entre les deux. S'agissant de l'embargo contre l'Iraq, même si nous le jugeons aujourd'hui inutile, humainement cruel, même si nous pensons qu'il peut être remplacé par un autre dispositif, il faut quand même se rappeler que tout n'aurait pas eu lieu si l'Iraq n'avait pas envahi le Koweït, il y a quand même une origine aux choses : ce n'est pas une invention des autres. Il nous semble qu'il y a la question de l'Iraq et de l'embargo et la question israélo-arabe. Et nous ne pouvons pas trouver choquant qu'il y ait un processus de normalisation israélo-arabe qui avance au rythme du processus de paix. C'est une question en soi, même si les pays arabes par ailleurs considèrent qu'il faut trouver une solution différente maintenant pour l'Iraq, compte tenues des souffrances du peuple iraquien. Ce sont deux préoccupations qu'il faut avoir simultanément à l'esprit mais sans les lier l'une à l'autre, ce ne serait pas une bonne politique, c'est déjà suffisamment compliqué comme cela.
Q - La présence palestinienne au Liban semble obséder aujourd'hui les dirigeants libanais et l'autorité palestinienne voudrait bien en parler avec les Libanais mais les Libanais le refusent. la France pourrait-elle éventuellement jouer le rôle d'intermédiaire ? Allez-vous en parler au président syrien ?
Vous avez dit que le Maghreb est un enjeu très important pour la France. Or, on remarque aujourd'hui qu'avec l'Algérie, cela s'est très bien passé entre vous et le président Bouteflika, mais le règlement des questions n'a pas suivi, il semble que les choses aillent très lentement. Pour la Libye, on ne sait pas très bien ce qui se passe entre vous, pour la Tunisie aussi il y a un froid avec la France. Pourriez-vous apporter vos commentaire ?
R - Sur la question de la présence palestinienne au Liban, c'est évidemment l'un des problèmes qui sera à résoudre et lorsque j'énumère les réfugiés comme faisant partie des questions sensibles, j'englobe cette dimension. Et de même que je disais tout à l'heure que nous ne croyons pas que l'on puisse faire un règlement israélo-syrien sans traiter les questions libanaises ou israélo-libanaises, sans traiter les questions syriennes, je ne crois pas que l'on puisse faire un règlement israélo-syro-libanais en faisant l'impasse sur la question des réfugiés palestiniens au Liban. Nous ne pouvons pas non plus faire un accord israélo-palestinien au détriment des Libanais. Mais, si nous voulons aboutir à un vrai accord d'ensemble, une vraie solution juste et durable, si nous voulons se rapprocher de ce Proche-Orient en paix dont je parlais, il ne faut pas laisser de bombe à retardement, il faut tout traiter et à un moment donné, il est clair que dans la phase la plus intense et la plus décisive des négociations, les différents protagonistes seront amenés d'eux-mêmes à établir le lien et à trouver des solutions car, ils se diront qu'au point où nous sommes, nous prenons des risques historiques et politiques, il vaut mieux tout régler sinon ce serait absurde. Nous sommes tout à fait prêts à les aider en réfléchissant avec eux, en cherchant des idées, et dans l'immédiat, il est tout à fait clair que je vais poser cette question, j'ai l'intention d'en parler aussi bien à Damas qu'à Beyrouth.
Concernant le Maghreb, ce que je dis sur l'enjeu que cela représente pour nous est je crois évident pour des raisons globales multiples, ce qui ne veut pas dire que nous n'ayons pas quelques problèmes à régler avec tel ou tel pays du Maghreb et inversement. Mais c'est notre vision, je dis que je vois le rôle du Maghreb dans l'avenir comme un élément d'intermédiation en quelque sorte. C'est une zone du monde arabe qui, par ses contacts historiques avec l'Europe peut être un élément de dialogue, d'échange tout à fait exceptionnel et utile à tout le monde. C'est la vision à long terme.
Concernant l'Algérie, vous dites que le règlement des questions concrètes avance très lentement, je dirai moi que cela avance, c'est le point principal et sur les différents sujets issus du passé car ce que nous voulons avec l'Algérie, c'est développer une coopération d'avenir, mais il y a un certain nombre de questions issues du passé concernant les consulats, les centres culturels, les visas, les entreprises françaises, tout cela avance. A chaque fois, il y a des difficultés particulières. Sur l'affaire Air France, il y a de vrais problèmes de sécurité, il faut les résoudre complètement, il y a eu plusieurs missions techniques et en tout cas, il y a une volonté politique de trouver une solution et je suis convaincu que nous la trouverons ; cependant, c'est compliqué, il faut faire les choses sérieusement. La réouverture des consulats, nous allons le voir, est prévue, notamment pour Annaba, puis pour les autres, nous y travaillons, cela suppose de régler des problèmes immobiliers, de réfection des bâtiments, nous voulons accueillir les gens dans de bonnes conditions. Vous savez que, par ailleurs, j'ai lancé un programme d'amélioration de l'accueil des demandeurs de visas dans les consulats, celui de Tunis a été remarquablement refait, celui d'Alger est tout à fait remarquable maintenant et nous ne voulons pas non plus "ravaler" n'importe quel local pour accueillir des gens dans de mauvaises conditions, nous voulons faire les choses correctement en terme humain, en terme d'accueil, en terme de sécurité. Quelques mois sont nécessaires pour mener à bien ces projets. Mais, ne partez pas de l'idée que cela n'avance pas.
Avec la Libye, c'est très simple, depuis que le Conseil de sécurité a suspendu les différentes sanctions à l'unanimité, rien ne s'oppose au développement des relations avec la Libye et ce n'est pas un problème spécifiquement français. C'est le point de vue de tous les pays occidentaux et, plus largement, de tous les pays qui inscrivent leur politique à l'intérieur des règles fixées par le Conseil de sécurité. Quand à la Tunisie, vous parlez d'un coup de froid avec la France, je crois que c'est un coup de froid plus localisé qui ne concerne peut-être pas toute la France en général.
Q - J'ai bien suivi et lu votre discours devant l'IFRI, je lui accorde beaucoup d'importance car vous avez très bien fait de critiquer les Etats-Unis, mais vous aboutissez à un seul résultat, c'est qu'il faut que les Etats-Unis admettent l'existence de l'Europe pour avoir une relation directe avec l'Europe pour faire face aux autres pôles dans le monde.
Le monde arabe existe-t-il dans les prochaines stratégies franco-américaines ? Pouvez-vous définir aujourd'hui la vraie position française concernant Jérusalem ? Etes-vous pour le partage de Jérusalem entre les deux Etats palestinien et israélien ? Etes-vous pour le retour de tous les réfugiés Palestiniens ou bien les Libanais doivent-ils admettre l'existence d'une partie de ces réfugiés ? Et, concernant la promesse dont parlait mon collègue tout à l'heure, vous n'avez jamais posé la question aux Américains s'il y a oui ou non une promesse et M. Barak a-t-il évoqué avec vous un éventuel retrait unilatéral du Sud-Liban ? Ce risque existe-t-il vraiment avec M. Barak ?
R - Un mot sur l'IFRI, je ne cherche pas à critiquer les Etats-Unis, je n'en fais pas un fonds de commerce simplement, je pense que l'on ne fait pas de bonnes politiques étrangères si on ne commence pas par une analyse véritable du monde tel qu'il est. Et quand je parle de l'hyperpuissance américaine pour expliquer à quel point cette puissance est globale et impressionnante, c'est aussi pour souligner l'hyperfaiblesse des autres. Il y a une dialectique que je mets en avant car je pense qu'elle est stimulante. Mais je ne les attaque pas spécialement et d'ailleurs, lorsque les Américains sont énervés par ce terme, je leur dis que ce n'est pas du tout un terme critique, c'est une terme descriptif.
Par contre, lorsque l'on parle de l'unilatéralisme du Sénat, ça c'est une critique.
Q - L'arrogance ?
R - Je ne vais pas parler d'arrogance car malheureusement, il y en a partout, et pas seulement aux Etats-Unis.
Ensuite, j'ai parlé d'un problème très important très sensible qui est la dialectique entre valeurs occidentales et valeurs universelles et la façon dont cela est perçu aux Etats-Unis, dans le monde arabe, en Asie ou en Afrique. C'est un sujet délicat à aborder mais je pense qu'il faut avoir le courage de l'aborder. Ce n'était donc pas construit uniquement pour attaquer les Etats-Unis, ce n'est même pas l'objet central.
Sur la concertation franco-américaine sur le monde arabe, il y a une concertation très forte sur le Proche-Orient. Il y a une concertation très forte sur le Proche-Orient avec une sorte d'objectif commun qui est la paix avec des approches sensiblement différentes. C'est une concertation sérieuse qui a lieu entre les présidents, les ministres, les directeurs compétents, et qui est assez enrichissante de part et d'autre et je crois que nous avons d'ailleurs une influence à travers cela. Nous avons une discussion sur l'Iraq, et là, c'est plus compliqué car évidemment, nous n'avons pas la même approche.
Sur la question du Liban, M. Barak m'a dit comme il l'a dit aux autres, qu'il voulait, en effet, se retirer du Liban début juillet. Il faut lire cette détermination à travers une volonté plus large de trouver une solution également plus large car il a dit à d'autres moments qu'il était conscient que les problèmes étaient liés.
Sur la question des réfugiés, nous pensons qu'il n'y aura d'accord juste et durable et stable que si l'ensemble des problèmes ont été réglés de façon correcte, y compris les réfugiés au Liban. Cela fait partie du sujet mais là aussi, nous ne pouvons pas trancher à la place des protagonistes. Nous pouvons être proches d'eux, les entourer, faciliter les choses, leur donner des idées, apporter des garanties, faire toutes sortes de choses, mais on ne peut pas prendre la responsabilité historique à leur place. Il viendra un moment où ce sont eux qui signeront ou pas. Mais cela fait partie du sujet, je le disais tout à l'heure, j'en parlerai aussi.
Sur Jérusalem, la question de la souveraineté doit être négociée, cela fait partie de la négociation entre les protagonistes, on dit bien qu'elle doit être négociée, nous ne considérons pas qu'elle soit tranchée et aucun pays au monde, en terme de légalité internationale n'a admis l'idée que ce soit déjà tranché. Cela doit être négocié. mais, j'ajoute que la négociation sur la souveraineté entre les deux protagonistes principaux n'épuise pas le sujet et que la communauté internationale ne pourra pas se désintéresser de la solution qui sera trouvée pour Jérusalem puisqu'il y a toute une série d'autres dimensions, religieuses culturelles et autres qui font qu'à un moment donné, il y aura nécessairement un élargissement de la discussion pour que d'autres auront à faire valoir leur position.
Q - J'en reviens à la visite du colonel Bachar el Assad, dans la même semaine, on a bien vu la curiosité et l'intérêt de rencontrer toutes les parties, l'entourage du président de la République syrienne, mais dans la même semaine on a vu votre prédécesseur, M. de Charette et le président de la République s'entretenir avec le colonel. Comme vous vous rendez en Syrie, partagez-vous leur curiosité ? Allez-vous aussi le rencontrer ?
R - Non, je n'ai pas prévu de le rencontrer et ces différentes dates sont le résultat de coïncidences. La visite de M. de Charette était liée à une invitation qu'il avait eu au Liban à une date précise, la rencontre avec le président Chirac était dans l'air depuis des semaines et des problèmes d'agenda ont fait que cela n'a pas pu se faire plutôt, et de toute façon, nous sommes toujours dans un moment de contacts intenses. A Paris, le contact est constant entre Libanais, Palestiniens, Israéliens. Et je suis même toujours étonné par le fait qu'à certains moments, on mette le projecteur sur une ou deux rencontres comme si c'était quelque chose de spécial, alors que ce qui caractérise à mon avis notre activité diplomatique, c'est son intensité et sa continuité.
Nous sommes, toujours, en tout cas depuis la relance d'avant l'été, dans une phase intense globalement. C'est dans cet esprit que j'y vais moi aussi.
DECLARATIONS A DES RADIOS ET DES TELEVISIONS A L'ISSUE DE L'ENTRETIEN
AVEC "ARABIES PRESS CLUB-PARIS" Paris, 8 novembre 1999
Q - Il y a aujourd'hui une attente et une espérance : le Proche-Orient attend la paix. Que pouvez-vous faire ?
R - Cette espérance s'accompagne d'un peu d'impatience et s'accompagne d'un certain nombre de questions parce que les problèmes restent très difficiles ; dans cette phase la France veut agir comme un ami et un facilitateur. Nous avons des contacts intenses avec les uns et les autres. Ces contacts ont eu lieu à Paris et nous sommes très heureux quand ces personnalités s'arrêtent à Paris, ce qui est très fréquent. Aujourd'hui par exemple, il y a la réunion de l'Internationale Socialiste et, autour de M. Jospin, il y aura M. Barak, le président Arafat et beaucoup d'autres personnalités dont M. Chirac qui a déjeuné avec M. Ehud Barak. Celui-ci a vu également le Premier ministre. Le contact est intense mais il faut que ce contact à Paris soit complété par de nombreux contact à New York, c'est toujours le cas et, des contacts sur place. C'est pour cela que nous estimons qu'il revient au ministre des Affaires étrangères, en particulier, d'aller régulièrement dans la région, c'est différent d'être reçu par les gens, chez eux, d'avoir tout le temps, d'avoir un dialogue de fond. D'autant plus que, dans le cas franco-égyptien, nous avons eu une coopération quand même particulière, pendant toute la période Netanyahou nous avons travaillé ensemble pour essayer de débloquer cette situation. Ce qui nous a permis, nous français, à travers l'Egypte d'avoir une meilleure appréciation des questions du Proche-Orient. Les Egyptiens, à travers nous, avaient une meilleure appréciation du point de vue européen. Nous avons joué, ensemble, un rôle, manifestement, en ce qui concerne la relance de la politique américaine relative au processus de paix. Donc, cela a été très utile. Il nous importe d'avoir ce travail régulier, parfois à Paris, parfois au Caire comme je vais le faire avec mon ami M. Moussa, pour faire la liste détaillée des problèmes de la région pour confronter nos informations et nos analyses. Donc, c'est une politique de présence, de diplomatie française qui doit être continue et qui doit être marquée très régulièrement par des visites dans la région.
Q - Est-ce que l'initiative franco-égyptienne est toujours valable, quel peut être le futur en cas de problème pour la sortie finale des Palestiniens ?
L'initiative à laquelle nous avions travaillé, c'est le déblocage de la situation par M. Neytanyahou. Aujourd'hui, ce n'est pas la même situation donc ce que nous faisons dans notre échange franco-égyptien, c'est de voir quelle est la forme la plus utile pour intervenir auprès des Palestiniens, les Israéliens, les Syriens et les Libanais pour faciliter l'avancée de la négociation. Mais la question aujourd'hui n'est pas celle du déblocage ; par contre si dans l'avenir les négociations se bloquent à nouveau, la France et l'Egypte qui seront toujours restés en dialogue constant se réservent la possibilité de prendre toute initiative utile pour débloquer les choses mais nous n'en sommes pas là aujourd'hui.
Q - Monsieur le Ministre, vous vous rendez en Syrie et au Liban dans les prochains jours, la France oeuvre pour faire redémarrer les négociations syro-israéliennes et israélo-libanaises. Quelles formes vont revêtir les efforts français à l'occasion de votre voyage en Syrie et au Liban ?
R - Nous avons eu des contacts à Paris, à New York et sur le terrain. J'étais, il y a quelques semaines, en Israël et dans les territoires palestiniens, où j'ai poursuivi logiquement cette présence sur le terrain, en Syrie, au Liban et en Egypte. Nous souhaitons apporter de l'aide et agir comme facilitateur pour la relance du processus de paix. Le dialogue a repris entre Israéliens et Palestiniens mais va être extrêmement difficile parce que les problèmes de fond à résoudre sont très très complexes et les discussions évoluent pour le moment. Nous parlons aux uns et aux autres, nous essayons de les rapprocher des positions qui permettront au moins des discussions. Nous encourageons les parties à surmonter ces problèmes préalables parce qu'il me semble qu'ils sont convaincus de part et d'autre. Elles ne peuvent pas rester trop longtemps préoccupées par des questions préalables. Cet accord devra exiger des garanties et là la France a un rôle à jouer mais nous voyons bien que dans ce cas particulier, ce sont les questions préalables qui sont importantes. Nous agissons avec les moyens que nous avons pour faire en sorte que ce préalable ne crée pas un blocage.
Q - En ce qui concerne le volet syro-israélien, pensez-vous qu'il y aurait une relance, parce qu'on a noté depuis plusieurs mois qu'un certain optimisme s'est maintenant évaporé ? Alors, y a-t-il des signaux comme quoi il y a une relance sur ce volet ?
R - Il ne faut pas passer d'un extrême à l'autre. L'arrivé de M. Barak a provoqué une espérance, c'est tout à fait normal, mais il ne faut pas justement être complètement découragé parce que quelques mois après son élection aucune solution n'a été trouvée. Ce sont des conflits anciens, très anciens qui ont coïncidé avec de tensions psychologiques, des problèmes de sécurité, etc. Il faut persévérer. Il me semble que les Israéliens et les Syriens n'ont pas renoncé à trouver une solution. Aucun d'entre eux n'a dit : on n'y arrive pas, on baisse les bras, on laisse tomber, personne ne parle en ces termes. Nous, Français, nous sommes des facilitateurs. Cette négociation israélo-libanaise est aussi importante qu'une autre. La question du préalable, de savoir sur quel point reprendre la négociation, est une question difficile à trancher. Mais le règlement de cette question préalable n'est pas suffisant même si nous espérons la conclusion d'un accord./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr. le 15 novembre 1999)