Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, dut tourisme et de la mer, à "RMC" le 29 octobre 2002, sur les mesures que compte prendre le gouvernement pour renforcer la sécurité routière, notamment la réforme du permis de conduire.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Vous êtes ministre de l'Equipement, du Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer : cela fait un secteur pour chaque jour de la semaine ou presque !
- "Si vous le permettez, j'ai la chance d'avoir deux secrétaires d'Etat qui sont très compétents, D. Bussereau et L. Bertrand, l'un pour les Transports et la Mer, l'autre pour le Tourisme."
"C'était un avertissement. Des actions plus dures seront engagées si personne ne nous répond", ont dit, hier, les chauffeurs routiers. Que leur dites-vous ?
- "Je leur dis qu'ils ont à négocier dans un esprit de dialogue social avec leur employeur. L'Etat n'est pas l'employeur des chauffeurs routiers mais néanmoins si nous pouvons être utiles dans le cadre de cette négociation, dans une attitude d'intermédiation, nous sommes toujours à la disposition des uns et des autres. On est plutôt des facilitateurs. Mais entre salariés et employeurs, cela se négocie d'abord au sein de l'entreprise."
Revendiquer un treizième mois, n'est-ce pas normal ? Cela ne vous choque pas ?
- "Cela ne me choque pas du tout."
Bien, le message est peut-être envoyé aux employeurs. Nous verrons jeudi. Deuxième sujet d'actualité : les inspecteurs du permis de conduire manifestent ; vous avez été assez sévères avec eux, hier matin ?
- "Ce n'est pas que j'ai été sévère particulièrement mais je crois qu'au moment où on parle beaucoup de sécurité routière, l'image ou le message qu'ils envoient en faisant grève est exactement contre-productif par rapport à ce qu'eux-mêmes d'ailleurs recherchent, c'est-à-dire qu'il y ait des conducteurs de mieux en mieux formés, des conducteurs qui, lorsqu'ils ont le permis de conduite, ont déjà un petit peu de pratique ou en tout cas possèdent bien la théorie. Nous cherchons à avoir - on en parlera peut-être tout à l'heure - des permis plus progressifs et plus complets et, au moment où nous allons annoncer, dans les semaines qui viennent, toute une série de mesures qui intéressent fortement les inspecteurs de permis, ils se mettent en grève. Je pense que c'est un mauvais signal par rapport à la sécurité routière."
Ils ne veulent pas de la départementalisation du service des examens du permis. Est-ce que vous allez rallonger la durée de l'examen ?
- "Il y a deux choses différentes : la départementalisation est quelque chose qui me paraît et aller dans leur sens et dans leur intérêt, et aller dans le sens aussi de la qualité des permis de conduire. En fait, être rattaché à l'échelon local ou départemental - quand je dis local, c'est sur le terrain : ce sont des hommes de terrain, des gens qui ont la pratique des routes et du réseau local -, à la Direction de l'Equipement ne me paraît pas être un contresens. Au contraire, cela doit être bien pour eux d'avoir des responsables prêts d'eux plutôt que d'avoir un Etat distant. Moi, je préférerais, si j'étais dépendant de quelqu'un, de l'avoir plutôt à portée de la main ou à portée de bureaux, plutôt que d'avoir affaire à l'Etat central, c'est-à-dire à mon ministère directement. C'est la première réponse : c'est leur intérêt d'être rattachés à l'échelon local. Deuxièmement, sur le permis de conduire : aujourd'hui, il est ce qu'il est. Il est insuffisant surtout au niveau de la pratique de cet examen. On ne peut pas dire que l'on a une pratique de conduite même avec plusieurs leçons, lorsqu'on on a passé 20, 22, 23 minutes d'examens pratiques."
Allez-vous rallonger...
- "...La réponse est oui. Il faut rallonger et il faut faire entrer les candidats au permis de conduire dans un cycle d'apprentissage."
Rallonger la durée de l'examen ?
- "Il doit passer au moins à 35 minutes d'ici à la fin de l'année."
Cela sera contenu dans votre plan du 12 décembre ?
- "Cela sera bien contenu dedans et il y aura les modalités pratiques du passage du permis de conduire. Deuxièmement, ce permis de conduire ne sera pas définitif."
Pas définitif ? Cela veut dire quoi ?
- "Lorsqu'on a le fameux petit papier rose, on entre dans un cycle d'apprentissage. C'est-à-dire que l'on a le droit de conduire mais c'est un permis probatoire. Il faut faire ses preuves pendant un an au moins - ou deux ans, on verra - pendant lequel il ne faudra pas avoir d'infractions au code de la route. Il faudra peut-être faire valider cela au bout d'un an ou de deux ans, pour montrer que l'on a acquis la pratique."
Et si on a une infraction pendant cette année ou ces deux ans probatoires ?
- "On verra. Cela coûtera ce que cela coûtera mais ce sera une épreuve supplémentaire pour celui qui a un permis tout neuf. Vous savez très bien que lorsque l'on a le permis, on n'a pas toujours le sens de l'équilibre sur la route, des distances de freinage sur la route, on se laisse embarquer par la vitesse, on ne sait pas que l'on est à 100 kilomètres/heure au lieu d'être 90 ou à 70 en ville au lieu d'être à 50. Tout cela s'acquiert par la pratique et donc, du jour au lendemain on n'a pas cette pratique. Donc, il est intéressant de valider cela un an après."
Quelques questions pratiques sur le permis : est-ce qu'il y aura une remise à niveau du permis tous les dix ans ?
- "Vous me posez des questions trop précises. Je ne suis pas en mesure de vous répondre parce que je n'ai pas fait valider toutes les propositions."
C'est une idée ?
- "Ce n'est pas validé par l'interministériel, c'est-à-dire le Premier ministre et par le président de la République qui, je vous rappelle, a lancé cette grande campagne pour la sécurité routière."
C'est pour cela que je vous interroge sur ces questions-là.
- "Si je comprends bien, je suis dans l'état de celui qui passe le permis de conduire ! Vous me demandez : "doit-on s'arrêter quand il y a un stop ?", je vous réponds "oui". Mais si vous me demandez quelles mesures je vais prendre le 12 décembre, je les réserve au Premier ministre."
On peut aussi imaginer un examen médical complet et régulier ?
- "On peut l'imaginer."
Un contrôle de la vue tous les dix ans ? Parce qu'un conducteur sur trois voit mal. C'est ce que j'ai entendu durant le Mondial de l'Automobile. On peut aussi l'imaginer ?
- "On peut aussi l'imaginer. Vous avez d'excellentes idées. Je ne sais d'où vous les tirez, peut-être du ministère ?"
Je les tire de nos auditeurs.
- "Ils sont donc plein de bon sens, vos auditeurs."
Parlons de la route encore quelques minutes. Brider les moteurs ? Limitateurs de vitesse ?
- "J'ai l'impression que brider les moteurs n'est pas très réaliste. D'abord, parce que les moteurs sont dans des voitures qui peuvent venir de l'étranger et comment voulez-vous brider la personne de passage ? Par contre, la notion de limiteur de vitesse, de régulateur de vitesse, oui. C'est un appareil qui, par exemple, sur autoroute, vous empêche d'aller au-delà de 130 ou lorsque vous avez une accélération à faire, très exceptionnellement pour doubler, il y a une petite sonnerie qui se met en route et si vous laissez la vitesse au-delà de 130 ou de 140, il y a quelque chose qui devient désagréable dans les oreilles - cette sonnerie devient un peu plus stridente. Ca, c'est un avertisseur."
Vous aimeriez que ce soit généralisé sur tous les modèles ?
- "Il y a des expériences à faire sur des flottes de voitures. Peut-être, d'ailleurs, sur la flotte de mon administration ou sur des flottes d'entreprises privées. Cela existe déjà dans d'autres pays : en Allemagne, la police municipale de Berlin a la moitié de ses véhicules qui sont équipés du limitateur de vitesse, de puces qui donnent la mémoire en cas d'accident. On dit que la partie de la flotte qui a cette mémoire en cas d'accident, a 37 % d'accidents en moins. Cela veut probablement que l'on fait plus attention quand on sait que l'on saura ce qui s'est passé."
L'alcoolémie zéro c'est aussi un objectif ? Pas de réponse ?
- "L'alcoolémie zéro, c'est parfait, vraiment parfait ! Pour vous répondre sérieusement : faisons bien respecter, aujourd'hui, les textes qui existent en termes de limitation de vitesse ou de limitation du taux d'alcoolémie. Il faut les faire bien respecter. Cela veut dire que quelqu'un qui part avec 0,60 ou 0,70, il faut qu'il se dise qu'il a une chance sur deux, une chance sur trois, une chance sur quatre d'être inspecté et contrôlé. Et s'il est contrôlé à 0,6 ou à 0,80, il est sûr d'être sanctionné. C'est important : c'est le respect de la règle, le respect du droit et surtout le respect des autres."
Un nouveau permis à points pour les jeunes qui accumuleraient des points à chaque période sans infraction jusqu'à arriver aux douze points ?
- "C'est un peu l'esprit que je vous ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire celui du permis probatoire."
Dans les Yvelines, un motard banalisé roule et repère les chauffards et les signale aux motards en uniforme chargés ensuite de verbaliser : c'est une bonne idée ?
- "La police nationale a déjà des véhicules maintenant banalisés qui ne sont plus aussi visibles et qui dressent des contraventions. Donc, je crois que tous les automobilistes aujourd'hui doivent se méfier. D'abord [il faut] respecter les textes et ensuite s'ils sentent qu'ils sont en infraction, ils feraient bien de faire attention."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 octobre 2002)