Texte intégral
Monsieur le médiateur de l'éducation nationale,
Mesdames et messieurs les médiateurs académiques.
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Je me réjouis de revoir beaucoup d'entre vous et de constater que l'heure de la retraite venue, votre intérêt pour la chose éducative et son avenir reste entier.
Je souhaite tout d'abord vous dire brièvement combien j'apprécie votre démarche. En effet, le dispositif mis en place en 1998, après quelques tentatives, me paraît essentiel pour rendre notre système éducatif plus clair à nos concitoyens.
Je note d'ailleurs que dans les quelque 5000 réclamations reçues en 2001 la réponse la plus courante et qui s'est avérée la plus appropriée concerne l'explication. Vous êtes des pédagogues de l'action publique et je sais que vous assumez cette tâche avec la nuance et la délicatesse nécessaires.
Sans être des " redresseurs de tort ", du moins vous pointez des erreurs. Mais, surtout, par votre capacité de persuasion ainsi que votre expérience reconnue, vous invitez ceux qui ont parfois des difficultés à reconnaître leurs erreurs, à franchir le pas. Plus largement, vous êtes des incitateurs à l'exercice de la responsabilité. Parfois il vous arrive d'inviter vos interlocuteurs tout simplement "à prendre leurs responsabilités" c'est-à-dire aussi à prendre un risque...
Car, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de mettre notre système éducatif, dans un pays où l'école est une affaire d'Etat, à la portée de tous. Cette vaste ambition toujours présente suppose que les moins bien armés, en ce qui concerne notamment la compréhension des règles du jeu, soient épaulés, par l'institution en priorité mais aussi au-delà. Vous pouvez être et vous êtes cet appui. Je ne peux que vous encourager à jouer ce rôle d'intercesseur extérieur, neutre mais compréhensif et évidemment compétent. Rapprocher des points de vue n'est pas violer la légalité ou une norme quelconque. C'est parfois et souvent mieux comprendre la règle et donc mieux l'accepter, surtout si elle est juste voire équitable.
Ceci est vrai dans tous les domaines de votre action, de la maternelle à l'université, mais j'insisterai particulièrement sur les rapports des parents avec les enseignants.
On met volontiers l'accent sur les relations des parents avec l'institution scolaire, mais on craint parfois d'aller au-delà. Comme vous le savez, j'attache un soin particulier au respect mutuel qui doit exister entre les parents et les enseignants. Ces derniers ont une tâche délicate qui doit être confortée, tant dans le domaine de la formation que de la considération qu'on leur doit. Mais les parents ont eux aussi une tâche particulièrement lourde et nous devons, sans se substituer à eux, les aider à jouer leur rôle. Nous pouvons notamment le faire en facilitant la compréhension de notre système, mais plus largement en cherchant à créer les conditions d'un dialogue franc, respectueux entre le parent et l'enseignant.
L'idée de charte avancée par le médiateur de l'éducation nationale, sous réserve de ne pas déboucher sur un code juridique normatif supplémentaire, mais sur un " code de bonne conduite, de bonne pratique " mérite assurément d'être creusée. Je souhaite qu'en liaison avec toutes les personnes concernées Jacky Simon et certains d'entre vous exploriez ce domaine.
La deuxième observation que je voudrais faire est que le travail que vous avez entrepris avec passion et désintéressement, relèverait du travail de Sysiphe, s'il n'avait l'ambition de faire changer les comportements.
Le travail des médiateurs doit être, dans son domaine, une sorte de levier de la modernisation et entraîner des modifications dans le comportement quotidien à tous les niveaux. Je suis frappé, comme vous, des récriminations portant sur l'absence de réponses, la désinvolture avec laquelle sont traitées un certain nombre de demandes et du non respect de nos concitoyens, alors même que notre institution, compte tenu de sa mission, devrait être exemplaire.
Je ne sous-estime pas les progrès qui ont été faits, mais dans ce domaine le niveau d'exigence doit être très élevé, il y va de l'image du service public.
Là aussi, vous avez un rôle d'alerte et vous pointez sans concession nos défaillances et nos manques. Luc FERRY et moi rappellerons prochainement à nouveau ce devoir de dialogue, d'explication, tout simplement de réponse qui doit s'imposer à tout moment et à tous les niveaux de notre système éducatif.
De la même façon, je veillerai à ce que les suggestions faites dans le dernier rapport du médiateur, produit de vos constatations, soient étudiées avec une grande attention par les responsables auxquelles elles s'adressent et, si elles sont retenues, qu'elles soient effectivement mises en oeuvre.
Jacky Simon s'est fait votre interprète en me signalant un certain agacement de sa part et de la vôtre quant à la difficulté à faire mettre en oeuvre des mesures acceptées.
J'en relèverais quelques-unes particulièrement significatives, pour vous dire que je souhaite qu'elles soient étudiées et menées à bien dans les meilleurs délais. La réunion prochaine du comité de suivi, dans lequel siégeront quelques médiateurs académiques, devra y veiller.
Il s'agit en particulier de:
· la mise au point d'une charte de la qualité
· la charte du dialogue élève-parent-professeur, déjà citée
· la mise au point d'un dispositif de mesure de la satisfaction des usagers du service public de l'éducation.
· la réforme du décret de 1951 sur les reclassements de personnels
· la simplification du contenu du RLR, un bon exemple de ce "harcèlement " textuel que nous dénonçons vous et moi, travail qui vient d'être lancé mais qui doit aussi être poursuivi avec ténacité
· Enfin, je ne peux passer sous silence la question centrale de l'accueil en milieu scolaire ou universitaire des élèves et étudiants atteints de handicap. Le dernier rapport très riche sur ce point avance des propositions assez audacieuses qu'il convient d'étudier attentivement alors même qu'une réflexion sur l'aménagement de la loi de 1975 est engagée
Enfin, au moment où le gouvernement lance une deuxième étape de la décentralisation, il me paraît important de veiller à rendre chaque acte plus accessible à chacun.
La décentralisation, quels que soient le périmètre et l'architecture retenus, n'a de sens pour nos concitoyens que si la puissance publique est exemplaire et respectueuse des citoyens.
Les mesures relevant du quotidien ne sont pas les plus spectaculaires, mais elles donnent le plus de sens à notre vie de chaque jour. L'éducation, la civilité... occupent une place importante dans ce paysage.
Ainsi la démarche de décentralisation n'a de sens que si elle permet d'améliorer le fonctionnement du système éducatif, la réussite des élèves, de tous les élèves...
Un système efficace, efficient, n'est-il pas aussi celui qu'on comprend, que tout le monde comprend ?
A cet égard, ce que vous faites n'est peut être pas de nature à tout régler mais je vous sais gré de développer votre rôle de conciliateur, d'intercesseur autant que de médiateur.
Merci pour votre engagement et votre pugnacité.
Je souhaite aussi remercier le Médiateur d'avoir imaginé une structure souple, qui ne soit en aucune façon une administration parallèle et qui démontre qu'il n'est pas nécessaire d'être de grande taille pour réussir, si la conviction est là.
Je sais que vous en êtes tout-à-fait convaincus.
Sachez que nous serons à vos côtés pour aller dans le sens d'une école plus efficace et plus attentive à la situation de chacun dans le cadre d'un service public qui doit s'adapter en permanence et traiter la situation de tous les élèves. Pour ma part, je ne peux que vous engager à rester un levier non négligeable de la modernisation continue et nécessaire de notre service public d'éducation.
(source http://www.education.gouv.fr, le 7 novembre 2002)