Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la forme des aides découlant de la réforme de la PAC, l'OMC et les mesures de soutien à la filière porcine et à l'aviculture, Rennes, le 15 septembre 1999.

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Circonstance : Inauguration du 13 ème Salon des productions animales, à Rennes, le 15 septembre 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'inaugurer aujourd'hui la 13ème édition de SPACE, le " salon des productions animales - carrefour européen ".
Cette nouvelle édition confirme le succès de cette manifestation, dont le nombre d'exposants ne cesse de croître et qui attire de plus en plus d'exposants étrangers. Je tiens à vous féliciter, Monsieur LEMETAYER, ainsi que toute l'équipe qui vous entoure, pour ce succès.
La visite que nous venons de faire, l'éventail et la qualité des produits qui ont été sélectionnés par le jury, dans le cadre d'INNOV'SPACE 99, et que j'aurais le plaisir de récompenser tout à l'heure, illustrent parfaitement le dynamisme de notre agriculture et de votre secteur en particulier.
Ce dynamisme, dont je me réjouis, il nous faut l'encourager et l'accompagner.
La politique du Gouvernement, dans ce sens, depuis son arrivée en juin 1997 repose sur des objectifs clairs et précis : défendre la diversité de notre agriculture, refuser le modèle unique de développement, favoriser la qualité, la valorisation de chacune des activités, défendre la compétitivité plutôt que la productivité.
Ces orientations, déjà affichées par Louis Le Pensec avant moi, j'ai eu l'occasion de les défendre et de les mettre en avant lors de chacun des grands rendez-vous qui ont marqué ces derniers mois.
Je veux parler, bien entendu, en premier lieu, de l'élaboration et du vote de la loi d'orientation agricole.
Cette loi, vous le savez, est basée sur la reconnaissance des fonctions multiples de l'agriculture : production, certes, mais également emploi, qualité, environnement, entretien des paysages. Cette multifonctionnalité doit être non seulement reconnue mais soutenue au travers des contrats territoriaux d'exploitation. Les premiers contrats territoriaux d'exploitation pourront être signés dans les prochaines semaines. Je souhaite que ceux-ci soient exemplaires et particulièrement représentatifs des priorités que nous devons nous fixer pour ces contrats. Je ne doute pas que, parmi les premiers signataires, figure un nombre très important d'éleveurs.
Cette vision de l'agriculture, c'est également celle que j'ai défendue dans le cadre des négociations qui ont conduit à l'accord de Berlin.
C'est dans cet état d'esprit que j'ai combattu la proposition de la commission de réforme laitière qui, associant baisse des prix et suppression à terme des quotas laitiers, ne pouvait conduire qu'à une course à la productivité. Je suis persuadé, comme vous l'êtes également, que la préservation du revenu des éleveurs et la survie des plus fragiles passent par le maintien d'un mécanisme de maîtrise de la production au niveau communautaire.
Dans le domaine de la viande bovine, face à un dispositif de compensation qui avantageait les élevages intensifs de nos partenaires, nous n'avons eu de cesse de corriger la proposition initiale de la commission. Avec succès, puisque, dans ce domaine, le bilan des accords de Berlin est globalement favorable à l'élevage français.
Enfin, cet accord a ouvert la voie du rééquilibrage des aides en faveur du développement rural et de soutiens prenant en compte l'installation des jeunes, la création d'emplois, le soutien aux zones défavorisées, la préservation de l'environnement. C'est donc en parfaite logique avec la politique agricole que conduit le gouvernement que j'ai décidé d'exploiter ces ouvertures en ayant recours au dispositif de modulation des aides.
Le troisième rendez-vous marquant de cette année sera l'ouverture du nouveau cycle de négociations commerciales en novembre prochain à Seatlle, aux Etats-Unis. L'agriculture en sera l'une des composantes, évidemment majeure pour la France. Nul ne sait combien de temps elle durera. L'Europe parie sur trois ans. Mais l'expérience incite à la prudence.
Parce que la négociation sera rude, je pars avec quelques principes simples.
- en premier lieu, personne ne veut revenir sur la libéralisation du commerce mondial. Cela est inscrit dans les Accords de Marrakech. Il est même prévu d'approfondir cette tendance. C'est ce que nous ferons avec ce nouveau cycle. Mais la spécificité de l'agriculture doit être reconnue. Elle l'est déjà en partie avec ce que l'on appelle les " considérations autres que commerciales ". Elle devra l'être plus encore à travers la reconnaissance par tous de la multifonctionnalité de l'agriculture.
- en second lieu, lorsque l'on parle de cette négociation, il faut immédiatement rappeler que l'Europe a, elle, appliqué ses engagements de Marrakech. Vous en vivez vous même souvent les conséquences à Bruxelles lorsqu'il s'agit d'exporter. Aux autres de nous montrer leur bilan.
- troisièmement, l'Europe a un mandat en matière agricole : c'est la réforme de la PAC. Je ne laisserai pas balayer d'un revers de la main les efforts auxquels vous consentez à travers la réforme de la PAC.
- enfin, nous ne ferons notre travail dans cette négociation qu'en répondant aux attentes de la société à l'égard de l'agriculture. C'est notre grande force. Le bien être animal, les biotechnologies, les questions de sécurité alimentaire ou bien encore la protection de l'environnement, devront être abordés de façon à ce que les disciplines pèsent sur tous et à ce que les consommateurs trouvent des solutions satisfaisantes à leurs attentes.
Mais ce dynamisme, que j'évoquais tout à l'heure, ne doit pas nous faire oublier que de nombreuses filières traversent aujourd'hui des passages difficiles.
Je pense que vous ne m'en voudrez pas si je commence par le secteur laitier, Monsieur le Président.
La conjoncture internationale s'est fortement dégradée depuis plusieurs mois nécessitant de recourir, à nouveau, aux mécanismes d'intervention publics qui n'avaient plus été activés depuis de très nombreuses années. Cette situation pèse fortement sur le prix du lait payé aux producteurs.
Mais ce prix à la production est également soumis à d'autres facteurs, dont la situation du marché des produits de grande consommation, comme le prévoit l'accord interprofessionnel que vous avez signé en 1997.
Des discussions et des négociations sont en cours avec vos partenaires sur cette question. Je souhaite qu'elles se poursuivent dans un climat constructif et permettent de déboucher rapidement sur des accords équilibrés.
Pour ma part, vous le savez, je me suis fixé deux devoirs vis à vis de vous. D'une part, d'intervenir auprès de la commission européenne pour que le maximum de moyens d'intervention soient mobilisés pour soutenir le marché des produits laitiers. J'ai écrit, dans ce sens, au commissaire Fischler le 3 septembre et j'ai eu l'occasion de m'entretenir directement avec lui ces derniers jours en Finlande. D'autre part, je me suis engagé à être le médiateur entre le monde de la production, de l'industrie et de la distribution. C'est l'objet de la table ronde, que nous présiderons, Marylise LEBRANCHU et moi, la semaine prochaine, et à l'ordre du jour de laquelle nous avons inscrit, plus particulièrement, les fruits et légumes et les produits laitiers.
Deux autres secteurs ont connu et connaissent une année 1999 difficile. Je veux parler de la filière porcine et de l'aviculture, deux productions particulièrement importantes pour l'agriculture bretonne.
La filière porcine sort à peine d'une crise exceptionnellement dure et longue. Des moyens particulièrement importants ont été mobilisés, vous le savez, au cours de ces derniers mois pour tenter d'en atténuer les effets. Mais mon souci prioritaire demeure de mettre en place les moyens qui permettent de remédier aux causes de ces crises.
Il est fondamental que les efforts qui ont été réalisés au cours de ces derniers mois pour faire avancer des dossiers tels que la maîtrise de la production ou l'organisation interprofessionnelle soient poursuivis. L'expérience passée montre en effet que trop souvent, de tels projets d'avenir sont oubliés dès que les cours commencent à remonter.
L'aviculture connaît également des difficultés. Celles-ci ont fait l'objet d'une analyse par Monsieur Daniel PERRIN, pour ce qui concerne la filière volaille de chair, et d'un audit en cours, que j'ai confié à Monsieur Jean Luc EVETTE pour la filière uf.
Des décisions sur l'orientation que nous souhaitons donner à ces filières devront être prises. Ces décisions nous devrons les prendre ensemble, avec les représentants des différents acteurs professionnels. J'ai donc souhaité que la concertation soit engagée avec les organisations professionnelles concernées, sur la base de l'analyse du rapport Perrin. La première réunion de travail se tiendra dans les tous prochains jours à l'OFIVAL.
Par ailleurs, vous l'avez rappelé, ces productions ont été fortement touchés par les conséquences de l'affaire de la dioxine.
Je ne referai pas l'historique de cette crise. Je me contenterai de tirer quelques enseignements.
Premièrement, cette crise et l'ampleur qu 'elle a prise confirment le caractère indispensable des démarches de traçabilité à tous les stades de la filière.
Deuxièmement, sur le principe de précaution, l'application de celui-ci paraît forcément disproportionné puisqu'il s'agit d'anticiper sur un risque que l'on ne connaît pas. Ce qui est essentiel pour sa gestion c'est, d'une part, de disposer d'une expertise scientifique sur laquelle s'appuyer et l'AFSSA nous a démontré qu'elle assurait parfaitement ce rôle, d'autre part, la réactivité pour sortir des mesures de crise, dès que l'on en est en mesure de le faire.
Enfin, je soulignerai l'importance de la communication, en période de crise, pour répondre aux besoins de transparence , mais aussi et surtout en dehors de situations de crise pour développer la confiance du consommateur dans le dispositif de maîtrise de la sécurité sanitaire mis en uvre tout au long de l'année.
Je suis conscient des conséquences économiques qu'ont pu avoir ces mesures sur la situation de certains éleveurs dont certains étaient déjà en situation difficile. C'est la raison pour laquelle, au delà de mesures ponctuelles qui ont pu être mises en place et de l'intervention que j'ai faîte lors du Conseil Agricole à Luxembourg, j'ai décidé en juillet de renforcer les moyens délégués dans les départements pour venir en aide aux agriculteurs en difficultés et pour l'allégement des charges financières.
Enfin, je ne veux pas conclure sans évoquer les éleveurs de moutons ou de lapins qui connaissent également des difficultés. Des réflexions sont en cours, notamment dans le cadre du travail mené actuellement par Messieurs THOMAS et LAUNAY, sur les moyens à mettre en uvre pour soutenir ces productions.
Mon objectif étant, vous l'aurez compris, de maintenir une agriculture diversifiée, source d'emplois, sur l'ensemble du territoire.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 4 octobre 1999)