Texte intégral
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
La construction européenne a de plus en plus de conséquences directes sur la vie quotidienne des citoyens de l'Union - sur leur emploi, sur leur épargne, sur leurs achats, sur leur mode de vie. La mise en place de la monnaie unique va accentuer cette tendance, notamment parce qu'elle va renforcer la nécessité de coordonner les politiques nationales, voire, dans certains cas, dans de nombreux cas, la nécessité de développer des politiques communes. J'ai la conviction qu'avec l'euro, avec l'avènement de l'euro en mai - personne dans le groupe, ce matin, n'a mis en doute le fait que cela se ferait - j'ai la conviction que nous allons passer des problèmes idéologiques ou des problèmes macroéconomiques, à des problèmes qui sont plus concrets, que nous allons passer, au fond, des prises de décisions à la discussion de mécaniques, de stratégies. Et donc, les problèmes ne seront plus, très vite, de savoir si l'euro va se faire, mais comment il va se faire, comment il peut réussir, comment convaincre de cette réussite. Si l'on a cette approche, on ne peut pas concevoir que les acteurs sociaux ne soient pas étroitement associés aux décisions qui vont être prises dans ce cadre. C'est une exigence de démocratie ; c'est aussi une exigence d'efficacité. Seule la concertation entre partenaires sociaux peut permettre de dégager des solutions adaptées, acceptables et applicables par tous les intéressés.
En fait, il y a un problème qui est posé indirectement, dans cette affaire, c'est la construction des modalités d'une Europe sociale à partir du bilan de l'existant, mais sans s'en tenir à la seule notion de subsidiarité, qui demeure toutefois une dimension importante des politiques sociales. Nous sommes loin d'un schéma idéal dans lequel il y aurait un dialogue social, lui-même fondateur d'un modèle social européen.
D'un côté, on observe qu'il y a des problèmes économiques et sociaux, qui sont de plus en plus européens, et de l'autre côté, il y a une concertation sociale, quand elle existe, qui reste très largement cantonnée à l'échelon national et à des enjeux nationaux. Et l'exemple de la fermeture de Renault Vilvoorde a contribué à la prise en compte, à la conscience, d'un tel hiatus, même si encore une fois on ne peut pas, on ne doit pas, dire que l'Europe sociale n'existe pas.
De façon plus générale, on a le sentiment très net que les acteurs sociaux ne maîtrisent pas la construction européenne dans les deux sens du terme : c'est-à-dire qu'ils ne la connaissent pas tout à fait et qu'ils ne la contrôlent pas suffisamment. D'où peut-être parfois des réticences, alors même qu'ils sont de plus en plus nombreux à reconnaître la portée et la justification d'une Europe sociale.
En prenant l'initiative d'une conférence européenne extraordinaire sur l'emploi, qui s'est tenue en novembre dernier avec les résultats positifs que l'on sait, la France a été l'origine d'un rééquilibrage de la construction européenne au profit des préoccupations sociales. Une plus grande participation des acteurs sociaux est justement une composante et une condition de ce rééquilibrage. Et je pense tout d'abord, bien sûr, à l'association des partenaires sociaux à la préparation du plan d'action national pour l'emploi qui doit être présenté à Cardiff. Ce n'est pas l'objet de la mission mais, c'est bien sûr, une application immédiate de la concertation sociale.
Pour toutes ces raisons, qui tiennent à la fois au passage à la monnaie unique, au besoin de mieux affirmer le dialogue social, à des réticences qui demeurent, à un changement de nature avec le Sommet sur l'emploi, j'ai souhaité confier une mission d'étude et de réflexion à Philippe Herzog, député au Parlement européen, qui s'intéresse depuis longtemps à la question de la participation des acteurs sociaux, à la construction européenne et à sa mise en place, la mise en formes de nouvelles régulations.
Cette mission fera d'une part le point sur la situation actuelle de ce qui existe en matière sociale, en se penchant sur le cas de 5 pays de l'Union. La France ne figure pas nécessairement au meilleur rang - il faut bien le dire - et ce sera une source de questionnement. Il est clair, -c'est un des sujets qui a été abordé ce matin -, que nous avons besoin de la définition, ou de la redéfinition, d'un système de concertation en France, sur les choix européens. D'autre part, la mission présentera des propositions sur les instruments d'un renforcement du dialogue social européen.
Comme il se doit, cette réflexion sera elle-même le fruit de la concertation entre acteurs sociaux. A cette fin, Philippe Herzog, à ma demande, a constitué auprès de lui un groupe de travail qui réunit des représentants de toutes les forces vives de la société : syndicalistes, dirigeants de banques et d'entreprises, représentants du monde associatif, universitaires et experts du secteur privé, élus locaux et nationaux, hauts fonctionnaires. L'intérêt, la bonne volonté et même l'enthousiasme avec lequel ils ont répondu à la proposition de travailler sur ces sujets témoignent d'une véritable attente, j'en suis sûr, et d'une bonne collaboration. Et je veux remercier tous les membres de ce groupe.
J'en termine là, en disant que le gouvernement a pour politique d'entamer un rééquilibrage de la construction européenne. Si je devais définir cette politique, je dirais : premièrement, faire l'euro et le maîtriser politiquement. Cela a été le sens de tout notre combat, pour mettre en place le Conseil de l'euro.
Deuxièmement, faire en sorte que l'euro serve à la croissance et à l'emploi, non pas seulement par lui-même mais, également, par une politique plus active dans cette direction. Cela a été l'objet du Sommet du Luxembourg.
Troisièmement, permettre les réformes institutionnelles et la relance de l'Europe politique qui doit permettre un changement de dimension.
Mais dans tout cela, il manque justement une dimension. Cette dimension, c'est le citoyen ou l'acteur social. Il faut trouver les finalités, les modalités pour que ceux-ci puissent s'impliquer - nous sommes sous présidence britannique et Tony Blair a une définition de sa politique, il appelle cela "People's Europe" - j'avais, avant lui, pensé à l'Europe populaire, ce qui n'est pas exactement la même chose, même si cela lui ressemble. Pour que l'Europe soit populaire, il faut que les acteurs sociaux se sentent impliqués, et j'espère que les propositions que la Mission Herzog sera amenée à faire pourront y contribuer.
J'ajoute le grand plaisir que j'ai à travailler avec Philippe Herzog ; nous nous connaissons bien et nous échangeons depuis longtemps sur ces questions et sur beaucoup d'autres ; et il n'est pas une mauvaise chose que sur un sujet comme cela, ce soit un homme de son profil avec ses qualités de réflexion, son parcours politique, son expérience de député européen qui s'en charge. Cela donnera à la fois une très large palette et le bon angle de vue.
Je vais donner un exemple supplémentaire, emprunté à l'actualité récente, sur le Sommet de Luxembourg et ses suites. Nous nous sommes efforcés à Luxembourg de combiner deux principes : les objectifs communs et les plans d'action nationaux. Mais pour que cela prenne vraiment son sens, il faudra qu'à Cardiff, nous ne nous contentions pas de juxtaposer des exposés de politique nationale, mais que nous arrivions à en faire des emprunts croisés et faire progresser le travail commun. On jugera Cardiff à cette double dimension : d'une part, la pertinence des plans d'actions nationaux et d'autre part, leur composition européenne et leur capacité à faire progresser l'Europe.
Nous avons donc posé des premières pierres. Il y a un début de solidarité, et beaucoup de subsidiarité. Mais pour que cela marche vraiment il faudrait qu'il y ait un peu plus de solidarité et peut-être un tout petit peu moins de subsidiarité, à Cardiff. C'est comme cela que l'Europe avance, sinon elle recule.
Sur le report de l'euro et l'attitude du Parti communiste ?
Je crois qu'il y a quand même une évolution très nette, très claire du Parti communiste qui est en train de se produire. Le Parti communiste, selon la formule de Pierre Blottin, a pu paraître "eurorébarbatif", il est maintenant devenu "euroconstructif". Et donc il ne s'oppose pas à la construction européenne et demander de retarder l'euro, n'est pas demander de ne pas le faire.
Je pense que, là-dessus, il y a une dimension fondamentale que nous devons prendre en compte, c'est que nous ne sommes pas seuls. C'est une décision qui sera prise à Quinze, qui a été actée par un traité, un traité qui a été voté par le peuple français. Et retarder l'euro, je le dis depuis le départ, c'est y renoncer. Or, la France, comme l'Europe, a besoin de l'euro. Moi je ne suis pas de ceux qui disent que l'euro va créer, par un coup de baguette magique des millions d'emplois. Ce n'est pas vrai. Mais l'euro va permettre d'amoindrir les phénomènes spéculatifs internes à la zone monétaire européenne, il permettra une baisse des taux d'intérêts, il permettra de faire de l'Europe une zone de stabilité, de croissance, d'attractivité, pour les capitaux, et il sera un instrument de recomposition du Système monétaire international. Bref, il sera l'élément de ce que nous appelons une "Europe puissance" dans la mondialisation. Pour toutes ces raisons là, il faut faire l'euro, il faut le faire à temps, car la décision en a été prise. Et je ne crois pas, par ailleurs, que le relâchement des disciplines budgétaires dans la période où nous nous trouvons, offre une solution durable au problème du chômage. Il faut voir que nous avons une dette publique qui est tout de même très conséquente et que tout déficit budgétaire supplémentaire correspond avant tout à une charge de la dette pour les années suivantes, et des marges de manoeuvres budgétaires, y compris pour l'éducation, pour l'emploi, en moins.
Donc voilà, il faut faire l'euro. Je me mets plutôt dans la perspective que cela va se faire, sortons du débat trop macro-économique ou un peu idéologique, essayons de voir comment vivre avec l'euro et comment vivre mieux avec l'euro. Il est certain qu'il y a deux dimensions qui sont fondamentales. Il y a celle que nous abordons aujourd'hui, celle du dialogue social. Les Français vont se poser très vite toute une série de questions concrètes par rapport à l'euro : comment fait-on ? Quelles vont en être les conséquences ? C'est la deuxième question. Je ne suis pas de ceux qui nient qu'il peut y avoir des effets pervers dans une certaine façon de faire l'euro. Et c'est là-dessus aussi que nous avons besoin d'une implication des acteurs sociaux pour, justement, faire que les aspects positifs soient maximisés, et les aspects potentiellement négatifs soient minimisés. La réponse n'est pas dans le recul, moins encore dans le refus, mais elle n'est pas non plus dans une fuite aveugle en avant. Elle est dans ce rééquilibrage que nous tentons de faire.
J'aime la formule du "choc". Je ne suis pas un partisan "béni oui oui" de l'euro. Je pense que c'est une façon de présenter les choses qui a fait son temps et qui ne convainc pas, parce qu'elle n'est pas juste. Il y aura choc, mais ce choc sera à la fois salutaire et menaçant. La responsabilité des politiques - il aura lieu, l'euro va se faire - est sur ce socle-là, arriver à articuler une construction sociale avec une implication des acteurs sociaux, une construction politique, avec une réforme des institutions, et une construction économique, avec une Europe pour la croissance et l'emploi, qui soit substantiellement différente du modèle initial, que je ne qualifierai pas de libéral parce que c'est un mot qui n'a pas uniquement des connotations négatives, mais qui est un modèle fondé sur la seule compétition, la seule concurrence. Il faut une régulation./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2001)
La construction européenne a de plus en plus de conséquences directes sur la vie quotidienne des citoyens de l'Union - sur leur emploi, sur leur épargne, sur leurs achats, sur leur mode de vie. La mise en place de la monnaie unique va accentuer cette tendance, notamment parce qu'elle va renforcer la nécessité de coordonner les politiques nationales, voire, dans certains cas, dans de nombreux cas, la nécessité de développer des politiques communes. J'ai la conviction qu'avec l'euro, avec l'avènement de l'euro en mai - personne dans le groupe, ce matin, n'a mis en doute le fait que cela se ferait - j'ai la conviction que nous allons passer des problèmes idéologiques ou des problèmes macroéconomiques, à des problèmes qui sont plus concrets, que nous allons passer, au fond, des prises de décisions à la discussion de mécaniques, de stratégies. Et donc, les problèmes ne seront plus, très vite, de savoir si l'euro va se faire, mais comment il va se faire, comment il peut réussir, comment convaincre de cette réussite. Si l'on a cette approche, on ne peut pas concevoir que les acteurs sociaux ne soient pas étroitement associés aux décisions qui vont être prises dans ce cadre. C'est une exigence de démocratie ; c'est aussi une exigence d'efficacité. Seule la concertation entre partenaires sociaux peut permettre de dégager des solutions adaptées, acceptables et applicables par tous les intéressés.
En fait, il y a un problème qui est posé indirectement, dans cette affaire, c'est la construction des modalités d'une Europe sociale à partir du bilan de l'existant, mais sans s'en tenir à la seule notion de subsidiarité, qui demeure toutefois une dimension importante des politiques sociales. Nous sommes loin d'un schéma idéal dans lequel il y aurait un dialogue social, lui-même fondateur d'un modèle social européen.
D'un côté, on observe qu'il y a des problèmes économiques et sociaux, qui sont de plus en plus européens, et de l'autre côté, il y a une concertation sociale, quand elle existe, qui reste très largement cantonnée à l'échelon national et à des enjeux nationaux. Et l'exemple de la fermeture de Renault Vilvoorde a contribué à la prise en compte, à la conscience, d'un tel hiatus, même si encore une fois on ne peut pas, on ne doit pas, dire que l'Europe sociale n'existe pas.
De façon plus générale, on a le sentiment très net que les acteurs sociaux ne maîtrisent pas la construction européenne dans les deux sens du terme : c'est-à-dire qu'ils ne la connaissent pas tout à fait et qu'ils ne la contrôlent pas suffisamment. D'où peut-être parfois des réticences, alors même qu'ils sont de plus en plus nombreux à reconnaître la portée et la justification d'une Europe sociale.
En prenant l'initiative d'une conférence européenne extraordinaire sur l'emploi, qui s'est tenue en novembre dernier avec les résultats positifs que l'on sait, la France a été l'origine d'un rééquilibrage de la construction européenne au profit des préoccupations sociales. Une plus grande participation des acteurs sociaux est justement une composante et une condition de ce rééquilibrage. Et je pense tout d'abord, bien sûr, à l'association des partenaires sociaux à la préparation du plan d'action national pour l'emploi qui doit être présenté à Cardiff. Ce n'est pas l'objet de la mission mais, c'est bien sûr, une application immédiate de la concertation sociale.
Pour toutes ces raisons, qui tiennent à la fois au passage à la monnaie unique, au besoin de mieux affirmer le dialogue social, à des réticences qui demeurent, à un changement de nature avec le Sommet sur l'emploi, j'ai souhaité confier une mission d'étude et de réflexion à Philippe Herzog, député au Parlement européen, qui s'intéresse depuis longtemps à la question de la participation des acteurs sociaux, à la construction européenne et à sa mise en place, la mise en formes de nouvelles régulations.
Cette mission fera d'une part le point sur la situation actuelle de ce qui existe en matière sociale, en se penchant sur le cas de 5 pays de l'Union. La France ne figure pas nécessairement au meilleur rang - il faut bien le dire - et ce sera une source de questionnement. Il est clair, -c'est un des sujets qui a été abordé ce matin -, que nous avons besoin de la définition, ou de la redéfinition, d'un système de concertation en France, sur les choix européens. D'autre part, la mission présentera des propositions sur les instruments d'un renforcement du dialogue social européen.
Comme il se doit, cette réflexion sera elle-même le fruit de la concertation entre acteurs sociaux. A cette fin, Philippe Herzog, à ma demande, a constitué auprès de lui un groupe de travail qui réunit des représentants de toutes les forces vives de la société : syndicalistes, dirigeants de banques et d'entreprises, représentants du monde associatif, universitaires et experts du secteur privé, élus locaux et nationaux, hauts fonctionnaires. L'intérêt, la bonne volonté et même l'enthousiasme avec lequel ils ont répondu à la proposition de travailler sur ces sujets témoignent d'une véritable attente, j'en suis sûr, et d'une bonne collaboration. Et je veux remercier tous les membres de ce groupe.
J'en termine là, en disant que le gouvernement a pour politique d'entamer un rééquilibrage de la construction européenne. Si je devais définir cette politique, je dirais : premièrement, faire l'euro et le maîtriser politiquement. Cela a été le sens de tout notre combat, pour mettre en place le Conseil de l'euro.
Deuxièmement, faire en sorte que l'euro serve à la croissance et à l'emploi, non pas seulement par lui-même mais, également, par une politique plus active dans cette direction. Cela a été l'objet du Sommet du Luxembourg.
Troisièmement, permettre les réformes institutionnelles et la relance de l'Europe politique qui doit permettre un changement de dimension.
Mais dans tout cela, il manque justement une dimension. Cette dimension, c'est le citoyen ou l'acteur social. Il faut trouver les finalités, les modalités pour que ceux-ci puissent s'impliquer - nous sommes sous présidence britannique et Tony Blair a une définition de sa politique, il appelle cela "People's Europe" - j'avais, avant lui, pensé à l'Europe populaire, ce qui n'est pas exactement la même chose, même si cela lui ressemble. Pour que l'Europe soit populaire, il faut que les acteurs sociaux se sentent impliqués, et j'espère que les propositions que la Mission Herzog sera amenée à faire pourront y contribuer.
J'ajoute le grand plaisir que j'ai à travailler avec Philippe Herzog ; nous nous connaissons bien et nous échangeons depuis longtemps sur ces questions et sur beaucoup d'autres ; et il n'est pas une mauvaise chose que sur un sujet comme cela, ce soit un homme de son profil avec ses qualités de réflexion, son parcours politique, son expérience de député européen qui s'en charge. Cela donnera à la fois une très large palette et le bon angle de vue.
Je vais donner un exemple supplémentaire, emprunté à l'actualité récente, sur le Sommet de Luxembourg et ses suites. Nous nous sommes efforcés à Luxembourg de combiner deux principes : les objectifs communs et les plans d'action nationaux. Mais pour que cela prenne vraiment son sens, il faudra qu'à Cardiff, nous ne nous contentions pas de juxtaposer des exposés de politique nationale, mais que nous arrivions à en faire des emprunts croisés et faire progresser le travail commun. On jugera Cardiff à cette double dimension : d'une part, la pertinence des plans d'actions nationaux et d'autre part, leur composition européenne et leur capacité à faire progresser l'Europe.
Nous avons donc posé des premières pierres. Il y a un début de solidarité, et beaucoup de subsidiarité. Mais pour que cela marche vraiment il faudrait qu'il y ait un peu plus de solidarité et peut-être un tout petit peu moins de subsidiarité, à Cardiff. C'est comme cela que l'Europe avance, sinon elle recule.
Sur le report de l'euro et l'attitude du Parti communiste ?
Je crois qu'il y a quand même une évolution très nette, très claire du Parti communiste qui est en train de se produire. Le Parti communiste, selon la formule de Pierre Blottin, a pu paraître "eurorébarbatif", il est maintenant devenu "euroconstructif". Et donc il ne s'oppose pas à la construction européenne et demander de retarder l'euro, n'est pas demander de ne pas le faire.
Je pense que, là-dessus, il y a une dimension fondamentale que nous devons prendre en compte, c'est que nous ne sommes pas seuls. C'est une décision qui sera prise à Quinze, qui a été actée par un traité, un traité qui a été voté par le peuple français. Et retarder l'euro, je le dis depuis le départ, c'est y renoncer. Or, la France, comme l'Europe, a besoin de l'euro. Moi je ne suis pas de ceux qui disent que l'euro va créer, par un coup de baguette magique des millions d'emplois. Ce n'est pas vrai. Mais l'euro va permettre d'amoindrir les phénomènes spéculatifs internes à la zone monétaire européenne, il permettra une baisse des taux d'intérêts, il permettra de faire de l'Europe une zone de stabilité, de croissance, d'attractivité, pour les capitaux, et il sera un instrument de recomposition du Système monétaire international. Bref, il sera l'élément de ce que nous appelons une "Europe puissance" dans la mondialisation. Pour toutes ces raisons là, il faut faire l'euro, il faut le faire à temps, car la décision en a été prise. Et je ne crois pas, par ailleurs, que le relâchement des disciplines budgétaires dans la période où nous nous trouvons, offre une solution durable au problème du chômage. Il faut voir que nous avons une dette publique qui est tout de même très conséquente et que tout déficit budgétaire supplémentaire correspond avant tout à une charge de la dette pour les années suivantes, et des marges de manoeuvres budgétaires, y compris pour l'éducation, pour l'emploi, en moins.
Donc voilà, il faut faire l'euro. Je me mets plutôt dans la perspective que cela va se faire, sortons du débat trop macro-économique ou un peu idéologique, essayons de voir comment vivre avec l'euro et comment vivre mieux avec l'euro. Il est certain qu'il y a deux dimensions qui sont fondamentales. Il y a celle que nous abordons aujourd'hui, celle du dialogue social. Les Français vont se poser très vite toute une série de questions concrètes par rapport à l'euro : comment fait-on ? Quelles vont en être les conséquences ? C'est la deuxième question. Je ne suis pas de ceux qui nient qu'il peut y avoir des effets pervers dans une certaine façon de faire l'euro. Et c'est là-dessus aussi que nous avons besoin d'une implication des acteurs sociaux pour, justement, faire que les aspects positifs soient maximisés, et les aspects potentiellement négatifs soient minimisés. La réponse n'est pas dans le recul, moins encore dans le refus, mais elle n'est pas non plus dans une fuite aveugle en avant. Elle est dans ce rééquilibrage que nous tentons de faire.
J'aime la formule du "choc". Je ne suis pas un partisan "béni oui oui" de l'euro. Je pense que c'est une façon de présenter les choses qui a fait son temps et qui ne convainc pas, parce qu'elle n'est pas juste. Il y aura choc, mais ce choc sera à la fois salutaire et menaçant. La responsabilité des politiques - il aura lieu, l'euro va se faire - est sur ce socle-là, arriver à articuler une construction sociale avec une implication des acteurs sociaux, une construction politique, avec une réforme des institutions, et une construction économique, avec une Europe pour la croissance et l'emploi, qui soit substantiellement différente du modèle initial, que je ne qualifierai pas de libéral parce que c'est un mot qui n'a pas uniquement des connotations négatives, mais qui est un modèle fondé sur la seule compétition, la seule concurrence. Il faut une régulation./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2001)