Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur la réhabilitation du parc immobilier de la gendarmerie nationale, la réorganisation territoriale des effectifs de la gendarmerie et de la police et la réforme des conditions d'emploi des forces mobiles, à Méru le 11 septembre 2002.

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Circonstance : Inauguration par Nicolas Sarkozy de la caserne de gendarmerie de Méru (Oise) le 11 septembre 2002

Texte intégral

Monsieur le Député, Président du conseil général,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je souhaiterais, avant tout, que chacun mesure combien l'inauguration de la caserne de gendarmerie de MERU n'est pas un moment anodin.
Nous ne sommes pas réunis pour un simple événement protocolaire et convenu. Et je veux, très sincèrement, remercier le président MANCEL pour son invitation.
Vous remercier d'abord et surtout, car vous m'offrez une belle occasion de rencontrer les hommes et les femmes qui vivent chaque jour la lutte contre la délinquance.
Je suis convaincu qu'un ministre de l'intérieur et de la sécurité intérieure ne peut être efficace sans prendre conscience, très concrètement, du travail et de la vie des gendarmes et des policiers. Ce n'est pas seulement un plaisir mais un devoir de dialoguer avec vous, non pas dans les réunions officielles mais là où vous travaillez et vivez.
Je ne peux pas exiger de vous un engagement sans précédent dans lutte contre la délinquance et vous ignorer en restant à Paris. Ce serait un manque de considération qui ne manquerait pas de se traduire par un déficit de mobilisation.
Je vous remercie également, Monsieur le Président, car vous m'offrez une utile occasion de montrer combien le gouvernement est déterminé à donner tous les moyens aux services de sécurité intérieure pour éradiquer la délinquance. Or, ces moyens, ce sont aussi des logements et des lieux de travail adaptés.
Je sais que sur ce point, je n'ai pas besoin de convaincre les élus du Département de l'Oise. Voilà plus de quinze ans que le Conseil général se montre très actif et soucieux de la qualité des casernes de gendarmerie dans le département.
Vous êtes un précurseur et un exemple de la collaboration que nous voulons développer avec les collectivités. Un exemple car votre soutien ne s'arrêtera pas après l'inauguration de la caserne de MERU. Encore une vingtaine de projets sont à l'étude ou en cours de réalisation dans le département.
Un exemple car vous avez eu le souci de réaliser un édifice conciliant les exigences opérationnelles de la gendarmerie et les conditions de vie des familles. Permettez-moi, à ce propos, de féliciter l'architecte, Monsieur Brière, qui a très habilement surmonté cette difficulté.
J'ai pu constater à l'instant que nous sommes loin de la "caserne" d'antan. Les logements sont spacieux, bien agencés et agréables.
Il est essentiel, et je m'y suis engagé, que votre exemple soit généralisé. Le logement des gendarmes n'est pas un avantage mais une contrepartie à la disponibilité qui vous est demandée.
Chaque citoyen peut bien imaginer combien il serait contradictoire d'exiger plus de vous, d'affirmer que votre mission est prioritaire, et de ne pas vous traiter dignement en vous refusant des conditions de vie tout simplement décentes.
C'est pourquoi, dès ma prise de fonction et en liaison avec madame ALLIOT MARIE, j'ai fait de la réhabilitation des casernements une priorité. Mon objectif est simple : doubler le rythme actuel de logements réhabilités et construits.
La loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure nous permet maintenant d'agir et je voudrais insister sur deux mesures.
Tout d'abord, son article 3 qui concerne tout particulièrement la participation des collectivités locales. Ces dispositions, a priori très techniques, permettent concrètement de simplifier et d'accélérer l'exécution des opérations immobilières.
Les procédures classiques de la maîtrise d'ouvrage publique n'étaient plus adaptées à l'urgence des besoins. Dorénavant, il est possible de confier la maîtrise d'ouvrage à des collectivités locales, mais également à des entreprises du secteur privé ou encore de recourir au crédit bail. De même, un opérateur unique pourra assurer toute la chaîne allant de la conception, à la réalisation et à l'aménagement des casernes.
La loi prévoit également des moyens financiers supplémentaires très significatifs : 475 millions d'euros sur cinq ans qui s'ajoutent aux crédits prévus par la loi de programmation militaire 2003-2008.
L'ampleur de ce chiffre est à l'image des besoins. Il nous faut engager un véritable plan de sauvetage pour mettre un terme au délabrement du parc immobilier de la gendarmerie. Ces crédits permettront non seulement de réhabiliter 3500 logements, mais également d'en construire 4000 nouveaux d'ici à 2007.
Vous pouvez constater aujourd'hui, sur le terrain, toute l'importance de ces dispositions. La construction d'une nouvelle brigade à Méru permet de doubler la capacité de logements en caserne. Au lieu de 13, ce seront désormais 27 militaires de la gendarmerie qui seront logés sur place.
De nouveaux travaux sont déjà prévus pour que les autres militaires, logés actuellement hors caserne, puissent se rapprocher de leur unité. Ils permettront la construction de 10 nouveaux logements sur un terrain voisin de la nouvelle caserne, acquis par la municipalité.
La réhabilitation et la construction de nouveaux logements de qualité répond à une exigence très opérationnelle.
La question est d'autant plus importante à MERU que la région PICARDIE n'est pas un vivier traditionnel de recrutement. N'étant pas de la région, beaucoup de gendarmes ont des projets personnels pour rejoindre leurs familles. C'est tout à fait compréhensible.
Malheureusement, ceci se traduit par des difficultés opérationnelles très concrètes. Dans l'Oise en 2001, 10 % des postes de gendarmes n'ont pu être pourvus. C'est une situation inacceptable. Rien ne sert d'annoncer la création de 7000 emplois de gendarmes dans la LOPSI, si nous n'avons pas préalablement pourvu tous les emplois existants.
Le logement n'est pas la seule solution. Mais, il est certain qu'un casernement accueillant et agréable sera plus attractif que des bâtiments délabrés.
Aussi, j'ai la ferme volonté avec le directeur général de la gendarmerie nationale de mettre en uvre toutes les mesures qui s'imposent pour améliorer dès l'été 2003 cette situation.
Vous savez également que mieux lutter contre la délinquance exige d'être réaliste et d'adapter notre organisation aux réalités locales.
Ceci m'amène à vous dire quelques mots de la réorganisation territoriale entre la gendarmerie et la police. Les grandes lignes du maillage territorial datent de 1850 ! C'est une évidence, la France a changé et nous ne pourrons pas lutter contre la délinquance en fermant les yeux sur ces évolutions.
L'exemple de MERU est significatif : la brigade se classe 13ème pour la délinquance de voie publique constatée au niveau national par des unités de gendarmerie sur la période 1996-2000.
Nous ne sommes plus dans une zone rurale préservée où chacun peut oublier de fermer sa maison en partant. MERU fait partie des brigades de gendarmerie, à la limite des zones urbaines, qui doivent faire face à des délinquants qui se moquent bien de la frontière entre police et gendarmerie.
A MERU, cette évolution a été prise en compte par le renforcement de la brigade. Dans l'ensemble du département du reste, les effectifs sont passés de 781 à 1037 entre 1990 et 2002.
Ailleurs, il pourra être nécessaire de reconsidérer l'organisation même de la gendarmerie.
Trop de rapports se sont succédé pour aboutir à la même conclusion : la répartition des forces de sécurité sur le territoire n'est ni rationnelle, ni optimale. Il est temps d'agir avec réalisme mais aussi détermination.
Nous devons saisir la chance offerte par les créations programmées d'effectifs pour rééquilibrer l'ensemble des forces de sécurité intérieure. Le principe est que chaque force devra exécuter ses missions sur sa zone de responsabilité. Il n'est pas raisonnable que la gendarmerie intervienne de façon ordinaire en zone de police et vice versa. Cette situation n'a pas de logique opérationnelle.
De la même manière, nous nous sommes engagés à corriger les défauts du mode de fonctionnement actuel de certaines unités de gendarmerie.
J'y insiste : il n'est pas question de revenir sur le principe du maillage territorial de la gendarmerie. Il serait incohérent de s'engager à éradiquer la délinquance jusque dans chaque village et de laisser des zones vides de toute présence policière.
Mais, il est évident qu'une brigade de six gendarmes ne peut pas assurer toutes les missions qui lui incombent. Par contre, plusieurs brigades de six gendarmes qui partagent leurs moyens et se répartissent les missions seront efficaces : voilà la logique des "communautés de brigades".
L'impulsion est donnée dans la loi et elle ne restera pas lettre morte. Mais, il n'est pas question de plaquer un schéma théorique depuis Paris. Nous savons tous que cette méthode a toujours échoué. J'ai demandé aux préfets d'engager les concertations et en premier lieu avec les élus locaux, d'étudier avec réalisme et pragmatisme les réorganisations qui peuvent être entreprises. Ils me feront "remonter" leurs propositions.
Il me reviendra de veiller à l'équilibre de l'ensemble. Mais, la caractéristique principale de la méthode que je veux mettre en uvre est que les propositions viennent de la base. Informés des implications des choix, les élus, les commandants de groupements, les préfets, sauront choisir les bonnes formules pour garantir un meilleur niveau de sécurité dans les territoires dont ils ont la charge.
Enfin, je ne peux pas évoquer la réorganisation des forces de sécurité intérieure sans aborder la question de l'emploi des forces mobiles, les Escadrons de Gendarmerie Mobile et les Compagnies Républicaines de Sécurité.
Je sais que cette question vous préoccupe localement et qu'elle nécessite quelques explications.
La réalité est simple : les conditions d'emploi actuelles des forces mobiles, c'est à dire des CRS et gendarmes mobiles chargés de l'ordre public ne sont pas satisfaisantes.
L'ordre public a changé. Il est temps que les forces mobiles soient placées en priorité au service de la sécurité quotidienne. C'est déjà le cas dans l'Oise.
Mais, au-delà, comment justifier que des gendarmes mobiles passent plusieurs heures dans les transports pour aller intervenir, même en sécurité publique, sur une zone qui relève de la Police, alors même qu'il existe à proximité de cette zone une caserne de CRS.
Par simple respect pour les Français, je ne peux pas leur demander des moyens supplémentaires et gaspiller le temps des effectifs existants.
Le principe que je souhaite voir se mettre en uvre est simple. Les gendarmes mobiles doivent intervenir au plus près de leur cantonnement en renfort de la gendarmerie départementale. Les CRS doivent intervenir en renfort des circonscriptions de sécurité publique qui sont proches de leur résidence.
Chacun peut comprendre que la sécurité de nos concitoyens a beaucoup à gagner à cette réforme dont je compte entamer les premier développements en France dans les semaines qui viennent.
Je peux d'ailleurs vous annoncer que l'Oise est le premier département où cette réforme est mise en uvre. Aujourd'hui cinquante gendarmes mobiles interviennent en renfort du Groupement de Gendarmerie et une demi Compagnie Républicaine de Sécurité travaille en renfort de la Sécurité Publique.
Vous avez compris qu'en venant inaugurer cette brigade, je tenais à remercier tous ceux qui participent à la réussite de notre mission : la sécurité intérieure.
Monsieur le Président, votre invitation m'a particulièrement touché car elle marque la considération que vous avez pour la Gendarmerie et plus encore pour les hommes et les femmes qui la composent.
Cette caserne n'est pas un simple bâtiment, c'est un symbole de votre soutien et de votre reconnaissance. Au nom de l'ensemble de la Gendarmerie, je vous remercie.
Nous répondrons à votre confiance par un engagement sans limites contre l'insécurité, contre les délinquants. Il n'est pas tolérable que jour après jour, chacun ait le sentiment que la quiétude, la possibilité de se promener seul le soir, de vivre sans la peur, n'est plus possible.
Dès ce prochain trimestre un nouveau projet de loi donnera aux forces de l'ordre de moyens juridiques pour combattre la prostitution, les rassemblements illégaux de nomades, la profusion des armes ou les réseaux de trafiquants de toutes sortes.
Les forces de l'ordre doivent avoir le souci de répondre aux attentes de nos concitoyens par le meilleur emploi des moyens nouveaux que la Nation leur accorde. C'est le sens de la culture de performance que nous allons développer.
Vous le savez, j'ai souhaité instauré un véritable dialogue de gestion opérationnelle. Tous les mois, je rencontrerai les responsables de la police et de la gendarmerie confrontés aux évolutions les plus sensibles de la délinquance. Il ne s'agit pas pour moi de pointer du doigt certains départements, ce serait inutile et néfaste.
Je veux, avec les responsables du terrain, mieux comprendre les causes des évolutions, apporter sans attendre les remèdes indispensables, développer les méthodes qui permettront de réaliser des progrès.
J'ajoute que les forces de sécurité intérieure agiront avec d'autant plus de sérénité que les dispositions seront prises pour mettre un terme à la prolifération de menaces, d'outrages, voire d'agressions à leur encontre. Nous devons protéger nos policiers et nos gendarmes, nos pompiers aussi, qui sont souvent la cible désarmée de voyous.
Je ne tolérerai pas que quiconque puisse vous menacer. C'est une protection renforcée que la prochaine loi vous apportera.
Mesdames et Messieurs, vous pouvez compter sur mon total soutien. J'appuierai vos initiatives, vos actions. Aujourd'hui, vous avez aussi la démonstration que cette considération et ce soutien sont partagés par ceux qui vous connaissent et notamment les élus de l'Oise.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 13 septembre 2002)