Texte intégral
Il y a près d'un an, Dominique Strauss-Kahn écrivait à chacun et chacune d'entre vous, à l'ensemble des agents du groupe des Caisses d'épargne, pour leur présenter ce qui n'était alors qu'un projet de réforme. " Les Caisses d'épargne, écrivait-il, se trouvent aujourd'hui à un tournant de leur histoire. L'enjeu, c'est de leur permettre de jouer tout leur rôle dans un secteur bancaire en pleine évolution. Pour tirer pleinement parti des évolutions à venir, elles doivent néanmoins s'adapter et clarifier leur statut. "
Que de chemin parcouru depuis un an ... Mesurer ce chemin est aussi pour moi la première occasion de marquer mes priorités à venir pour le secteur financier français dans la zone euro et je voudrais m'y employer devant vous.
1) Un cap décisif a été franchi le 25 juin dernier avec l'adoption de la loi portant réforme des Caisses d'épargne.
Nous le savons tous, la modernisation du groupe était indispensable.
Grand réseau de l'économie sociale, enraciné dans la Nation et cher aux Français qui sont 26 millions à être devenus vos clients, les handicaps rencontrés par votre groupe étaient devenus trop importants. J'y reviens rapidement : un isolement statutaire, proche d'une situation de " ghetto juridique " qui rendait toute évolution difficile ; une organisation déficiente en raison de la séparation des fonctions décisionnelles et opérationnelles, assurées d'une part par le CENCEP et d'autre part par la Caisse centrale ; des parts de marché faibles et des résultats insuffisants. Ces handicaps entravaient le développement du groupe et l'empêchait de remplir pleinement son rôle d'intérêt général.
Le statu quo, c'était la marginalisation progressive. L'enjeu, c'était l'Europe et l'adaptation à un secteur bancaire en pleine évolution.
C'est dans cet esprit que nous avons, ensemble, mené à bien la réforme. L'objectif a été de conduire la modernisation des Caisses d'épargne dans le respect de leurs valeurs.
Le choix du statut coopératif résume à lui seul la philosophie de la réforme. Porteur des valeurs de solidarité et de participation, il permet aux Caisses d'épargne de préserver leur spécificité et de répondre à leur vocation d'économie sociale. Mais il leur permet parallèlement de rejoindre un groupe compétitif capable de nouer des alliances et de valoriser ses atouts : dynamisme commercial, capacité de distribution, densité du réseau ...
Dans ce cadre, la ligne directrice de la réforme a été " plus de résultat pour plus de solidarité ".
a) " Plus de résultat " supposait tout d'abord de renforcer la cohérence et l'efficacité de la gestion des Caisses d'épargne, afin de passer d'un " réseau décentralisé " à un véritable " groupe décentralisé ", efficace et dynamique. C'est le sens de la création de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, intervenue le 29 septembre dernier. Il lui appartiendra de définir et de conduire les orientations stratégiques, de fédérer l'ensemble des caisses régionales et de veiller à la solidité financière du groupe.
Cela supposait également l'instauration d'un partenariat fort de développement avec la Caisse des dépôts, partenaire naturel et de référence des Caisses d'épargne. C'est désormais chose faite, autour d'une relation que je sais équilibrée et mutuellement avantageuse.
b) " Plus de solidarité ", par l'affirmation des missions d'intérêt général et du rôle fondamental joué par les Caisses d'épargne dans l'économie locale. Pour la première fois de leur histoire, les missions d'intérêt général des Caisses d'épargne sont en effet reconnues et définies par la loi. Un contenu concret leur a été donné par l'affectation d'une partie du résultat à des dépenses d'intérêt local et social et par l'affectation du produit de cession du capital social au Fonds de réserve pour les retraites. C'est dans cet esprit que le gouvernement s'est refusé et se refuse à toute banalisation du livret A.
Désormais, votre avenir vous appartient. La loi du 25 juin 1999 constitue le dernier volet des réformes engagées par les lois du 1er juillet 1983 et du 10 juillet 1991. L'ensemble des décrets d'application, préparés en liaison avec la Caisse nationale, sera pris d'ici la fin de l'année : je viens ainsi de signer le décret sur l'information financière des souscripteurs de parts sociales, qui sera publié dans les prochains jours au Journal officiel ; les décrets sur les relations avec les collectivités locales et sur la désignation des représentants du personnel à la Commission paritaire nationale viennent d'être transmis au Conseil d'Etat.
Il vous appartient aujourd'hui, sous l'autorité de Charles Milhaud, de Philippe Wahl et de l'ensemble du nouveau directoire, de prendre votre destin en main et de définir ensemble les conditions de votre réussite. De nombreux défis vous attendent :
- le défi de la mise en uvre de la réforme tout d'abord, qu'il s'agisse de la mise en place des Sociétés locales d'épargne ou de la constitution d'un vaste sociétariat ; j'ai entendu et partage l'objectif ambitieux que vous retenez sur ce point : 1 million de sociétaires d'ici l'été 2000 ; 4 millions d'ici la fin 2003 ;
- le défi de la modernisation ensuite, dans des domaines aussi divers que les relations sociales, l'architecture informatique ou les pratiques commerciales et financières qui doivent être adaptées à un univers de plus en plus concurrentiel ;
- le défi du développement dans l'Europe du XXIème siècle, enfin. Les efforts déployés sur le plan national doivent désormais être menés au plan européen, à travers notamment une politique renouvelée de croissance externe et d'alliances.
Je connais la détermination de vos dirigeants et l'engagement constant des agents des Caisses d'épargne à relever ces défis, à faire vivre quotidiennement les valeurs de votre groupe et à faire des Caisses d'épargne une " banque autrement ".
L'amélioration continue de votre situation financière, la stratégie de développement ambitieuse que vous menez - illustrée notamment par la reprise du Crédit foncier en juillet dernier -, ou encore le " sans-faute " accompli dans les premières étapes de la réforme, constituent autant de témoignages de votre capacité et de votre détermination à conduire ce changement.
Alors, oui, Monsieur le Président, " votre histoire a de l'avenir ". C'est fort de cette histoire et de vos valeurs que les Caisses d'épargne sont aujourd'hui à même de devenir l'un des principaux acteurs du paysage bancaire européen.
2) Votre action comme notre action changent aujourd'hui de dimension. La réforme des Caisses d'épargne était en effet l'un des volets de la réforme du secteur financier, menée à bien par le Gouvernement depuis 28 mois. Je voudrais en affirmer avec force ici les principes.
Le secteur financier avait en juin 1997 un urgent besoin de réformes. Sans effet d'annonce, à la suite de concertations approfondies, le Gouvernement s'est attaché à remettre le secteur financier au service de l'emploi et de la croissance, autour de trois axes :
- Premier axe : rendre une perspective au secteur financier public, en trouvant des solutions à des dossiers bloqués à Bruxelles depuis plusieurs années, en donnant à tous les acteurs les moyens de leurs ambitions et en favorisant la constitution de pôles nationaux.
Rappelez-vous il y a deux ans, cinq entreprises (le Crédit Lyonnais, le GAN, le CIC, la SMC, le Crédit Foncier) étaient menacées de liquidation faute de négociation sérieuse avec Bruxelles ; deux attendaient de retrouver une stratégie (la CNP, les Caisses d'épargne). Depuis, ces sept entreprises ont toutes retrouvé une perspective.
Je le constate devant vous aujourd'hui : cette étape est aujourd'hui terminée, et bien terminée.
- Deuxième axe : assurer plus de justice et de sécurité à nos concitoyens par le réaménagement des prêts d'accession à la propriété, l'amélioration du traitement du surendettement, le renforcement des mécanismes de prévention et de traitement des crises financières, au niveau national comme aux niveaux européen et international.
- Troisième et dernier axe : orienter l'épargne vers la création d'emplois, par des mesures en faveur du capital risque et de l'innovation, la réforme des mécanismes de garantie en faveur des PME, la création des contrats d'assurance vie investis en actions et les mesures de soutien en faveur de l'économie sociale.
Ce bilan est tout entier à porter au crédit de Dominique Strauss-Kahn. Mais, comme il l'a souvent dit, il faut poursuivre la modernisation du secteur financier français. Celui-ci cède parfois à la tentation de l'incantation velléitaire, reportant sur l'Etat la responsabilité de sa situation et le soin d'y remédier. Il faut sortir de ces fausses querelles, prétextes à l'inaction et au refus d'affronter les réalités. De ce point de vue, je vois quatre échéances importantes pour la profession et pour notre pays :
- la définition d'un nouveau partenariat entre les banques et leurs clients. Le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité des acteurs : banquiers et consommateurs discutent depuis de longs mois, sous l'égide de Benoît Jolivet. Je souhaite que ces travaux aboutissent, à la satisfaction de tous, d'ici le début de l'année prochaine. Pour cela, il y a deux conditions : que les termes du partenariat à définir soient mutuellement profitables, qu'il soit favorable aux plus défavorisés.
- la modernisation des règles du jeu social. Je pense évidemment à la réduction du temps de travail : tous les réseaux doivent y contribuer. La loi du 25 juin dernier sur l'épargne et la sécurité financière leur donne d'ailleurs l'opportunité d'une approche commune, en prévoyant que le dialogue social puisse être mené au niveau de l'ensemble de la profession, banques commerciales comme banques mutualistes. Voilà un premier chantier pour la maison commune. Je ne doute pas que, dans le même temps, l'AFB aura à cur de conclure une nouvelle convention collective : c'est un dossier auquel je suis attentif.
- l'amélioration de la régulation financière internationale. Au printemps prochain, le forum de stabilité financière devrait rendre ses conclusions, notamment sur la lutte contre les centres offshore et le renforcement de la régulation des fonds spéculatifs. La coopération des établissements financiers sera importante pour que les mesures qu'adopteront les pouvoirs publics prennent rapidement toute leur efficacité. Cette coopération entre acteurs publics et privés est une donnée essentielle d'une régulation efficace.
- enfin, dans le marché de l'euro, je sais que les acteurs français vont devoir se renforcer. Une page s'est tournée cet été : celle de la restructuration de notre secteur financier. C'est désormais à la construction de l'industrie financière européenne que nous devons contribuer. Pas n'importe comment : nous devons jouer nos atouts dans l'Europe de l'euro. L'intérêt de tous est que les alliances à venir soient équilibrées : l'Europe des entreprises, fondamentale pour la réussite de la construction européenne, est à ce prix.
3) Je voudrais maintenant indiquer comment je conçois plus largement les responsabilités de la politique économique dans l'Europe de l'euro.
Ces dernières années, la politique macro-économique a fait l'objet de beaucoup de controverses. La politique monétaire, puis la politique budgétaire ont été successivement accusées de brider la croissance et de provoquer du chômage. L'un des grands mérites de la politique conduite par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn aura été de faire progressivement taire ces polémiques. Tous les observateurs objectifs reconnaissent aujourd'hui que la politique macro-économique, ce qu'on appelle le policy-mix, est globalement favorable à une croissance forte et durable, sans inflation ni déséquilibres. Même le FMI a, dans un rapport récent, fait les louanges de notre stratégie macro-économique. Certes, quelques débats résiduels subsistent, par exemple sur le rythme de réduction du déficit budgétaire. Mais ils portent sur des questions de dosage, pas sur des choix d'orientation.
S'agit-il d'un instant de paix entre deux orages ? C'est bien sûr possible, mais rien de profond n'oblige à ce que la politique macro-économique soit source de dérèglements et fasse l'objet de controverses. Nous l'avons un peu oublié, parce que nous sommes depuis un quart de siècle allés de déséquilibre en déséquilibre, et il nous a fallu donner successivement priorité à la restauration de l'équilibre extérieur, à la désinflation et au redressement budgétaire. Ces combats ont été difficiles, mais les deux premiers ont été remportés, et le troisième est en passe de l'être. Si les gouvernements de la zone euro et la banque centrale continuent de mener des politiques orientées vers le long terme, et favorables à la croissance, nous pourrons dans les années qui viennent consacrer toutes nos forces à ce qui doit être le grand objectif de la prochaine décennie : la reconquête du plein emploi.
L'une des raisons de cette évolution est évidemment la mise en place de l'euro. L'euro a été le grand investissement de ces dix et sans doute même de ces vingt dernières années. Les Européens y ont consacré l'essentiel de leur énergie, au point parfois de se détourner d'autres questions qui auraient légitimement pu les mobiliser. La route a été longue, fatiguante, périlleuse parfois, et la tentation de l'abandon a pu exister. Mais nous sommes parvenus à nos fins, et nous pouvons aujourd'hui cueillir les fruits d'un effort prolongé. En témoignent le caractère somme toute limité du ralentissement que nous avons subi l'hiver dernier, la confiance retrouvée des entreprises, ou la vigueur de l'investissement. L'euro participe aujourd'hui à la création de conditions favorables à une croissance forte et durable.
Mais nous aurions tort de nous arrêter à ces constats. Car l'éclipse temporaire des débats macro-économiques et la mise en place de l'euro ne font évidemment pas disparaître les enjeux de politique économique. Ils les déplacent vers les questions structurelles, c'est-à-dire vers les déterminants de la compétitivité, le fonctionnement des marchés, les choix de répartition, les moteurs de l'innovation. L'euro, en effet, a modifié à la fois les conditions de la coordination et celles de la compétition. Il favorise une meilleure coordination entre les Etats, et le gouvernement de Lionel Jospin s'est attaché à tirer tout le parti de cette avancée. Mais il renforce aussi la compétition entre les entreprises et, au delà, entre les systèmes économiques et sociaux nationaux. Nous ne devons jamais oublier cette double dimension. Car si la croissance globale de la zone euro au cours des cinq ou dix prochaines années dépendra largement de la qualité de la coordination et du dialogue entre gouvernement et banque centrale, la croissance relative de chacune des économies qui la constituent sera plus que jamais fonction de leur compétitivité dans le sens le plus large qu'on peut lui donner : dynamisme des entreprises, capacité d'innovation, qualité des infrastructures, efficacité de la sphère publique, richesse des relations sociales.
Maintenant que nous avons ranimé la croissance et fait l'euro, c'est à ces questions que nous devrons en priorité consacrer nos efforts. Cela concerne évidemment au premier chef l'Etat, mais aussi les acteurs premiers de la compétitivité et de la croissance : les entreprises et les salariés.
depuis deux ans et demi, l'Etat a consacré des efforts importants au renforcement de la compétitivité autour de trois priorités : la restructuration du secteur public ; le développement de l'innovation ; et la réforme des prélèvements, avec notamment l'élimination programmée de la part salariale de la taxe professionnelle. Je veux poursuivre et amplifier ces efforts, en particulier en vue d'améliorer l'efficacité de la sphère publique elle-même. Les services publics français sont de l'avis général parmi les meilleurs en Europe, et constituent un atout important. Ils doivent le rester, ce qui impliquera des efforts considérables, car nombre de nos partenaires ont entrepris d'ambitieuses réformes de leur sphère publique. J'espère pouvoir traduire rapidement ceci dans la réforme du MEFI. Cette exigence d'efficacité s'applique bien entendu aussi aux organismes sociaux et aux collectivités locales.
Le Gouvernement sait bien que la compétitivité, la croissance, et l'emploi dépendent pour une part essentielle des entreprises. Je souhaite donc que celles-ci soient considérées par tous comme des acteurs du progrès collectif, et je veux entretenir avec elles un dialogue permanent. Cela implique que les entreprises et ceux qui les représentent y prennent leur part : d'abord en se gardant de propos caricaturaux qui ne servent évidemment en rien le dialogue ; ensuite en veillant à ce que l'entreprise reste aux yeux de nos concitoyens une institution insérée dans la collectivité nationale. Je ne vous cacherai pas qu'à cet égard je préfère les innovateurs qui créent des richesses et des emplois aux gestionnaires qui concentrent des richesses et détruisent des emplois.
Les salariés sont évidemment eux aussi des acteurs premiers de la croissance. Depuis deux ans et demi, ils y ont été davantage associés à travers la création d'emplois et la progression du pouvoir d'achat. Je souhaite qu'ils le soient aussi de plus en plus à travers la réflexion collective qui va se généraliser dans les entreprises sur les conditions de la réduction de la durée du travail. La loi en cours de discussion au parlement offrira l'occasion d'un nouveau dialogue social pour l'emploi, la compétitivité et l'amélioration des conditions de vie des salariés.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 23 novembre 1999)
Que de chemin parcouru depuis un an ... Mesurer ce chemin est aussi pour moi la première occasion de marquer mes priorités à venir pour le secteur financier français dans la zone euro et je voudrais m'y employer devant vous.
1) Un cap décisif a été franchi le 25 juin dernier avec l'adoption de la loi portant réforme des Caisses d'épargne.
Nous le savons tous, la modernisation du groupe était indispensable.
Grand réseau de l'économie sociale, enraciné dans la Nation et cher aux Français qui sont 26 millions à être devenus vos clients, les handicaps rencontrés par votre groupe étaient devenus trop importants. J'y reviens rapidement : un isolement statutaire, proche d'une situation de " ghetto juridique " qui rendait toute évolution difficile ; une organisation déficiente en raison de la séparation des fonctions décisionnelles et opérationnelles, assurées d'une part par le CENCEP et d'autre part par la Caisse centrale ; des parts de marché faibles et des résultats insuffisants. Ces handicaps entravaient le développement du groupe et l'empêchait de remplir pleinement son rôle d'intérêt général.
Le statu quo, c'était la marginalisation progressive. L'enjeu, c'était l'Europe et l'adaptation à un secteur bancaire en pleine évolution.
C'est dans cet esprit que nous avons, ensemble, mené à bien la réforme. L'objectif a été de conduire la modernisation des Caisses d'épargne dans le respect de leurs valeurs.
Le choix du statut coopératif résume à lui seul la philosophie de la réforme. Porteur des valeurs de solidarité et de participation, il permet aux Caisses d'épargne de préserver leur spécificité et de répondre à leur vocation d'économie sociale. Mais il leur permet parallèlement de rejoindre un groupe compétitif capable de nouer des alliances et de valoriser ses atouts : dynamisme commercial, capacité de distribution, densité du réseau ...
Dans ce cadre, la ligne directrice de la réforme a été " plus de résultat pour plus de solidarité ".
a) " Plus de résultat " supposait tout d'abord de renforcer la cohérence et l'efficacité de la gestion des Caisses d'épargne, afin de passer d'un " réseau décentralisé " à un véritable " groupe décentralisé ", efficace et dynamique. C'est le sens de la création de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, intervenue le 29 septembre dernier. Il lui appartiendra de définir et de conduire les orientations stratégiques, de fédérer l'ensemble des caisses régionales et de veiller à la solidité financière du groupe.
Cela supposait également l'instauration d'un partenariat fort de développement avec la Caisse des dépôts, partenaire naturel et de référence des Caisses d'épargne. C'est désormais chose faite, autour d'une relation que je sais équilibrée et mutuellement avantageuse.
b) " Plus de solidarité ", par l'affirmation des missions d'intérêt général et du rôle fondamental joué par les Caisses d'épargne dans l'économie locale. Pour la première fois de leur histoire, les missions d'intérêt général des Caisses d'épargne sont en effet reconnues et définies par la loi. Un contenu concret leur a été donné par l'affectation d'une partie du résultat à des dépenses d'intérêt local et social et par l'affectation du produit de cession du capital social au Fonds de réserve pour les retraites. C'est dans cet esprit que le gouvernement s'est refusé et se refuse à toute banalisation du livret A.
Désormais, votre avenir vous appartient. La loi du 25 juin 1999 constitue le dernier volet des réformes engagées par les lois du 1er juillet 1983 et du 10 juillet 1991. L'ensemble des décrets d'application, préparés en liaison avec la Caisse nationale, sera pris d'ici la fin de l'année : je viens ainsi de signer le décret sur l'information financière des souscripteurs de parts sociales, qui sera publié dans les prochains jours au Journal officiel ; les décrets sur les relations avec les collectivités locales et sur la désignation des représentants du personnel à la Commission paritaire nationale viennent d'être transmis au Conseil d'Etat.
Il vous appartient aujourd'hui, sous l'autorité de Charles Milhaud, de Philippe Wahl et de l'ensemble du nouveau directoire, de prendre votre destin en main et de définir ensemble les conditions de votre réussite. De nombreux défis vous attendent :
- le défi de la mise en uvre de la réforme tout d'abord, qu'il s'agisse de la mise en place des Sociétés locales d'épargne ou de la constitution d'un vaste sociétariat ; j'ai entendu et partage l'objectif ambitieux que vous retenez sur ce point : 1 million de sociétaires d'ici l'été 2000 ; 4 millions d'ici la fin 2003 ;
- le défi de la modernisation ensuite, dans des domaines aussi divers que les relations sociales, l'architecture informatique ou les pratiques commerciales et financières qui doivent être adaptées à un univers de plus en plus concurrentiel ;
- le défi du développement dans l'Europe du XXIème siècle, enfin. Les efforts déployés sur le plan national doivent désormais être menés au plan européen, à travers notamment une politique renouvelée de croissance externe et d'alliances.
Je connais la détermination de vos dirigeants et l'engagement constant des agents des Caisses d'épargne à relever ces défis, à faire vivre quotidiennement les valeurs de votre groupe et à faire des Caisses d'épargne une " banque autrement ".
L'amélioration continue de votre situation financière, la stratégie de développement ambitieuse que vous menez - illustrée notamment par la reprise du Crédit foncier en juillet dernier -, ou encore le " sans-faute " accompli dans les premières étapes de la réforme, constituent autant de témoignages de votre capacité et de votre détermination à conduire ce changement.
Alors, oui, Monsieur le Président, " votre histoire a de l'avenir ". C'est fort de cette histoire et de vos valeurs que les Caisses d'épargne sont aujourd'hui à même de devenir l'un des principaux acteurs du paysage bancaire européen.
2) Votre action comme notre action changent aujourd'hui de dimension. La réforme des Caisses d'épargne était en effet l'un des volets de la réforme du secteur financier, menée à bien par le Gouvernement depuis 28 mois. Je voudrais en affirmer avec force ici les principes.
Le secteur financier avait en juin 1997 un urgent besoin de réformes. Sans effet d'annonce, à la suite de concertations approfondies, le Gouvernement s'est attaché à remettre le secteur financier au service de l'emploi et de la croissance, autour de trois axes :
- Premier axe : rendre une perspective au secteur financier public, en trouvant des solutions à des dossiers bloqués à Bruxelles depuis plusieurs années, en donnant à tous les acteurs les moyens de leurs ambitions et en favorisant la constitution de pôles nationaux.
Rappelez-vous il y a deux ans, cinq entreprises (le Crédit Lyonnais, le GAN, le CIC, la SMC, le Crédit Foncier) étaient menacées de liquidation faute de négociation sérieuse avec Bruxelles ; deux attendaient de retrouver une stratégie (la CNP, les Caisses d'épargne). Depuis, ces sept entreprises ont toutes retrouvé une perspective.
Je le constate devant vous aujourd'hui : cette étape est aujourd'hui terminée, et bien terminée.
- Deuxième axe : assurer plus de justice et de sécurité à nos concitoyens par le réaménagement des prêts d'accession à la propriété, l'amélioration du traitement du surendettement, le renforcement des mécanismes de prévention et de traitement des crises financières, au niveau national comme aux niveaux européen et international.
- Troisième et dernier axe : orienter l'épargne vers la création d'emplois, par des mesures en faveur du capital risque et de l'innovation, la réforme des mécanismes de garantie en faveur des PME, la création des contrats d'assurance vie investis en actions et les mesures de soutien en faveur de l'économie sociale.
Ce bilan est tout entier à porter au crédit de Dominique Strauss-Kahn. Mais, comme il l'a souvent dit, il faut poursuivre la modernisation du secteur financier français. Celui-ci cède parfois à la tentation de l'incantation velléitaire, reportant sur l'Etat la responsabilité de sa situation et le soin d'y remédier. Il faut sortir de ces fausses querelles, prétextes à l'inaction et au refus d'affronter les réalités. De ce point de vue, je vois quatre échéances importantes pour la profession et pour notre pays :
- la définition d'un nouveau partenariat entre les banques et leurs clients. Le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité des acteurs : banquiers et consommateurs discutent depuis de longs mois, sous l'égide de Benoît Jolivet. Je souhaite que ces travaux aboutissent, à la satisfaction de tous, d'ici le début de l'année prochaine. Pour cela, il y a deux conditions : que les termes du partenariat à définir soient mutuellement profitables, qu'il soit favorable aux plus défavorisés.
- la modernisation des règles du jeu social. Je pense évidemment à la réduction du temps de travail : tous les réseaux doivent y contribuer. La loi du 25 juin dernier sur l'épargne et la sécurité financière leur donne d'ailleurs l'opportunité d'une approche commune, en prévoyant que le dialogue social puisse être mené au niveau de l'ensemble de la profession, banques commerciales comme banques mutualistes. Voilà un premier chantier pour la maison commune. Je ne doute pas que, dans le même temps, l'AFB aura à cur de conclure une nouvelle convention collective : c'est un dossier auquel je suis attentif.
- l'amélioration de la régulation financière internationale. Au printemps prochain, le forum de stabilité financière devrait rendre ses conclusions, notamment sur la lutte contre les centres offshore et le renforcement de la régulation des fonds spéculatifs. La coopération des établissements financiers sera importante pour que les mesures qu'adopteront les pouvoirs publics prennent rapidement toute leur efficacité. Cette coopération entre acteurs publics et privés est une donnée essentielle d'une régulation efficace.
- enfin, dans le marché de l'euro, je sais que les acteurs français vont devoir se renforcer. Une page s'est tournée cet été : celle de la restructuration de notre secteur financier. C'est désormais à la construction de l'industrie financière européenne que nous devons contribuer. Pas n'importe comment : nous devons jouer nos atouts dans l'Europe de l'euro. L'intérêt de tous est que les alliances à venir soient équilibrées : l'Europe des entreprises, fondamentale pour la réussite de la construction européenne, est à ce prix.
3) Je voudrais maintenant indiquer comment je conçois plus largement les responsabilités de la politique économique dans l'Europe de l'euro.
Ces dernières années, la politique macro-économique a fait l'objet de beaucoup de controverses. La politique monétaire, puis la politique budgétaire ont été successivement accusées de brider la croissance et de provoquer du chômage. L'un des grands mérites de la politique conduite par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn aura été de faire progressivement taire ces polémiques. Tous les observateurs objectifs reconnaissent aujourd'hui que la politique macro-économique, ce qu'on appelle le policy-mix, est globalement favorable à une croissance forte et durable, sans inflation ni déséquilibres. Même le FMI a, dans un rapport récent, fait les louanges de notre stratégie macro-économique. Certes, quelques débats résiduels subsistent, par exemple sur le rythme de réduction du déficit budgétaire. Mais ils portent sur des questions de dosage, pas sur des choix d'orientation.
S'agit-il d'un instant de paix entre deux orages ? C'est bien sûr possible, mais rien de profond n'oblige à ce que la politique macro-économique soit source de dérèglements et fasse l'objet de controverses. Nous l'avons un peu oublié, parce que nous sommes depuis un quart de siècle allés de déséquilibre en déséquilibre, et il nous a fallu donner successivement priorité à la restauration de l'équilibre extérieur, à la désinflation et au redressement budgétaire. Ces combats ont été difficiles, mais les deux premiers ont été remportés, et le troisième est en passe de l'être. Si les gouvernements de la zone euro et la banque centrale continuent de mener des politiques orientées vers le long terme, et favorables à la croissance, nous pourrons dans les années qui viennent consacrer toutes nos forces à ce qui doit être le grand objectif de la prochaine décennie : la reconquête du plein emploi.
L'une des raisons de cette évolution est évidemment la mise en place de l'euro. L'euro a été le grand investissement de ces dix et sans doute même de ces vingt dernières années. Les Européens y ont consacré l'essentiel de leur énergie, au point parfois de se détourner d'autres questions qui auraient légitimement pu les mobiliser. La route a été longue, fatiguante, périlleuse parfois, et la tentation de l'abandon a pu exister. Mais nous sommes parvenus à nos fins, et nous pouvons aujourd'hui cueillir les fruits d'un effort prolongé. En témoignent le caractère somme toute limité du ralentissement que nous avons subi l'hiver dernier, la confiance retrouvée des entreprises, ou la vigueur de l'investissement. L'euro participe aujourd'hui à la création de conditions favorables à une croissance forte et durable.
Mais nous aurions tort de nous arrêter à ces constats. Car l'éclipse temporaire des débats macro-économiques et la mise en place de l'euro ne font évidemment pas disparaître les enjeux de politique économique. Ils les déplacent vers les questions structurelles, c'est-à-dire vers les déterminants de la compétitivité, le fonctionnement des marchés, les choix de répartition, les moteurs de l'innovation. L'euro, en effet, a modifié à la fois les conditions de la coordination et celles de la compétition. Il favorise une meilleure coordination entre les Etats, et le gouvernement de Lionel Jospin s'est attaché à tirer tout le parti de cette avancée. Mais il renforce aussi la compétition entre les entreprises et, au delà, entre les systèmes économiques et sociaux nationaux. Nous ne devons jamais oublier cette double dimension. Car si la croissance globale de la zone euro au cours des cinq ou dix prochaines années dépendra largement de la qualité de la coordination et du dialogue entre gouvernement et banque centrale, la croissance relative de chacune des économies qui la constituent sera plus que jamais fonction de leur compétitivité dans le sens le plus large qu'on peut lui donner : dynamisme des entreprises, capacité d'innovation, qualité des infrastructures, efficacité de la sphère publique, richesse des relations sociales.
Maintenant que nous avons ranimé la croissance et fait l'euro, c'est à ces questions que nous devrons en priorité consacrer nos efforts. Cela concerne évidemment au premier chef l'Etat, mais aussi les acteurs premiers de la compétitivité et de la croissance : les entreprises et les salariés.
depuis deux ans et demi, l'Etat a consacré des efforts importants au renforcement de la compétitivité autour de trois priorités : la restructuration du secteur public ; le développement de l'innovation ; et la réforme des prélèvements, avec notamment l'élimination programmée de la part salariale de la taxe professionnelle. Je veux poursuivre et amplifier ces efforts, en particulier en vue d'améliorer l'efficacité de la sphère publique elle-même. Les services publics français sont de l'avis général parmi les meilleurs en Europe, et constituent un atout important. Ils doivent le rester, ce qui impliquera des efforts considérables, car nombre de nos partenaires ont entrepris d'ambitieuses réformes de leur sphère publique. J'espère pouvoir traduire rapidement ceci dans la réforme du MEFI. Cette exigence d'efficacité s'applique bien entendu aussi aux organismes sociaux et aux collectivités locales.
Le Gouvernement sait bien que la compétitivité, la croissance, et l'emploi dépendent pour une part essentielle des entreprises. Je souhaite donc que celles-ci soient considérées par tous comme des acteurs du progrès collectif, et je veux entretenir avec elles un dialogue permanent. Cela implique que les entreprises et ceux qui les représentent y prennent leur part : d'abord en se gardant de propos caricaturaux qui ne servent évidemment en rien le dialogue ; ensuite en veillant à ce que l'entreprise reste aux yeux de nos concitoyens une institution insérée dans la collectivité nationale. Je ne vous cacherai pas qu'à cet égard je préfère les innovateurs qui créent des richesses et des emplois aux gestionnaires qui concentrent des richesses et détruisent des emplois.
Les salariés sont évidemment eux aussi des acteurs premiers de la croissance. Depuis deux ans et demi, ils y ont été davantage associés à travers la création d'emplois et la progression du pouvoir d'achat. Je souhaite qu'ils le soient aussi de plus en plus à travers la réflexion collective qui va se généraliser dans les entreprises sur les conditions de la réduction de la durée du travail. La loi en cours de discussion au parlement offrira l'occasion d'un nouveau dialogue social pour l'emploi, la compétitivité et l'amélioration des conditions de vie des salariés.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 23 novembre 1999)