Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Après trois jours de débats et d'échanges sur la relation "Emploi/Formation", je voudrai vous livrer des éléments de constat et les réflexions qui nous guiderons dans la réforme du dispositif de formation professionnelle.
ÉLÉMENTS DE CONSTAT
A l'évidence, la loi de 1971 a su s'adapter par étape aux évolutions du monde du travail et du marché de l'emploi.
Des moyens financiers importants sont mobilisés. Les entreprises dépensent plus de 40 milliards de francs pour leurs salariés ; la dépense totale de formation est de plus de 130 milliards de francs soit plus de 1,5 % du PIB, contre 0,4 % je vous le rappelle il y a 20 ans. Une offre de formation s'est développée et se structure progressivement. Toutefois, le système de formation est devenu complexe, opaque, incompréhensible pour beaucoup de nos concitoyens.
La multiplicité des acteurs -Etat, partenaires sociaux, régions- qui est sans doute une richesse de notre système, génère un manque de clarté. Les rôles et les responsabilités de chacun se chevauchent, la trop faible cohérence qui peut exister entre leurs interventions respectives brouille le paysage. De plus, certains semblent poursuivre des objectifs très éloignés des finalités de la formation professionnelle.
Tout ceci nuit à l'action en faveur de la qualification et de la formation professionnelle alors que les besoins dans notre pays sont considérables. 40 % de la population active reste qualifiée à un niveau inférieur au niveau V ce qui est très faible et préoccupant pour un pays industrialisé comme le nôtre.
Nous devons accroître notre niveau collectif de qualification pour nous inscrire pleinement dans les défis et les mutations de la société de l'information.
Or aujourd'hui obtenir une information, un conseil et finalement accéder à la formation, relève trop souvent du parcours du combattant, notamment pour les personnes les plus vulnérables dans les entreprises et sur le marché du travail.
De fait, notre système de formation professionnelle ne réduit pas les inégalités sociales. Rappelons-nous, qu'un cadre a trois fois plus de chances de se former dans l'entreprise qu'un ouvrier. Une remise à plat s'impose donc, nous devons réinventer un droit effectif à se former, à se qualifier, à progresser socialement et professionnellement tout au long de la vie.
Dans cette perspective trois orientations principales guideront nos réflexions. Tout d'abord, et il s'agit du premier axe que je développerai auprès de vous, nous devons créer un droit effectif à la formation, à la qualification pour chacun.
I. LA CRÉATION D'UN DROIT EFFECTIF À LA FORMATION POUR CHACUN.
A ce stade, j'évoquerai deux sujets : la professionnalisation des jeunes sortants du système éducatif, puis l'accès à la formation et à la qualification des salariés ce qui nous renverra au rôle de l'entreprise dans le développement de la formation tout au long de la vie.
I.1 - La professionnalisation des jeunes sortants
du système éducatif
Sur le premier point, je me suis exprimée dans le cadre du débat sur la loi de finances pour 1998, sur l'évolution des formations alternées sous contrat de travail que sont les contrats d'apprentissage et les contrats de qualification. Il nous faut développer plus significativement encore, ces dispositifs qui favorisent l'insertion des jeunes dans les entreprises. Ces contrats contribueront en partie, parmi d'autre dispositifs et en plus des embauches qui seront réalisées directement par les entreprises, à l'objectif de recrutement de 350 000 jeunes dans le secteur marchand fixé lors de la Conférence du 10 octobre dernier. En ce sens, le nombre de contrats d'apprentissage a été porté de 220 000 à 240 000 et le nombre de contrats de qualification à 100 000 dans la loi de finances pour 1998.
Toutefois, les difficultés rencontrées en 1997 par le contrat de qualification, même si une reprise des contrats a été amorcée sur le second semestre de l'année dernière, est préoccupante. Ceci génère l'existence d'excédents structurels au sein du dispositif AGEFAL.
La chute des contrats de qualifications s'explique vraisemblablement par un attrait plus fort exercé par l'apprentissage mais aussi, il faut en convenir par la concurrence paralysante à laquelle se sont livrés certains réseaux de collecte des fonds de la formation professionnelle suite à la réforme de 1994, faute peut-être pour l'Etat d'exercer assez nettement son rôle de régulateur.
Tout ceci révèle des problèmes structurels sur lesquels nous devons nous arrêter et qu'il nous faudra traiter cette année.
Il n'est pas acceptable alors que les besoins existent, que les formation en alternance sont un véritable outil de professionnalisation et d'insertion, de constater que les fonds ne sont pas optimisés.
Je souhaite une remise à plat permettant de développer ces dispositifs en complémentarité à partir des besoins exprimés par les entreprises et par les jeunes. Enfin, je souhaite que la nouvelle organisation de ces dispositifs permette une plus grande transparence et une meilleure optimisation des financements. Sur le second point maintenant, à savoir l'accès à la qualification et à la formation des salariés tout au long de la vie.
I.2 - L'accès à la qualification et à la formation
dans l'entreprise
Le droit à la qualification est déjà inscrit dans la loi, notamment à l'article L 900 - 3 du code du travail. Mais au-delà d'un droit déclaratif, il nous faut inventer les modalités d'un droit effectif, d'un droit pour chacun à évoluer professionnellement et socialement.
Le niveau acquis en formation initiale reste encore la référence marquant la vie professionnelle. Or, sur un marché du travail marqué par une grande flexibilité, par une accélération des mutations technologiques et par des besoins en compétences toujours renouvelées, la qualification acquise en formation initiale ne constitue plus une garantie suffisante pour prévenir les processus d'exclusion, ni même pour accompagner l'entreprise dans son développement économique.
Le droit à la formation et à la qualification doit, d'une part, apporter la sécurité nécessaire à chacun, et d'autre part, la formation professionnelle doit devenir un moyen crédible d'acquérir une qualification et de progresser socialement.
Certes, de nombreux dispositifs existent déjà : le congé individuel, le plan de formation, ou encore, très marginalement le capital temps de formation, mais ces dispositifs ne répondent qu'imparfaitement aux objectifs de qualification et d'égalité des chances que nous poursuivons.0
Il nous faut envisager un système souple de compte épargne temps supposant une répartition équitable de l'effort de formation de l'entreprise, vis-à-vis de tous ses salariés.
Les entreprises doivent intégrer cet objectif dans la construction même du plan de formation qui a une dimension stratégique, parce qu'il se situe au coeur des démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et au coeur, élément fondamental, d'une concertation importante avec les représentants du personnel dans l'entreprise.
Le deuxième grand axe de réflexion que je vais évoquer est le complément indispensable du droit à l'évolution professionnelle du droit à la formation et à la qualification dont chacun doit bénéficier. Il s'agit de la validation des acquis professionnels.
II. - LA VALIDATION DES COMPÉTENCES ET QUALIFICATIONS ACQUISES AU COURS DE LA VIE PROFESSIONNELLE.
Il nous faut élargir les possibilités de reconnaissance et de validation des acquis professionnels en France. En effet, d'une part, les organisations du travail plus souples que par le passé font de plus en plus appel à des nouvelles compétences et qualifications qui n'ont pas toujours une traduction dans la nomenclature des diplômes de l'éducation nationale. D'autre part, au-delà du niveau acquis dans le système de formation initiale, l'expérience accumulée au cours de la vie professionnelle contribue à construire la qualification et les compétences de chacun.
Or, notre système de formation professionnelle ne permet pas suffisamment de reconnaître, de valider les compétences et les qualifications acquises au cours de la vie, alors même que la qualification certifiée, reconnue, est une garantie, une source de sécurité nécessaire pour une mobilité réussie dans l'entreprise et sur le marché du travail.
Là aussi, des dispositifs existent déjà, la procédure de validation des acquis professionnels mise en oeuvre par le ministère de l'Education Nationale ; ou encore, les politiques conduites par les ministères dits "valideurs" comme le ministère de l'emploi et de la solidarité qui développent une politique de titres homologués ou de diplômes ; mais aussi les certifications et les validations opérées par les partenaires sociaux dans les branches professionnelles ou dans les entreprises.
Mais ces dispositifs, même si des points de rencontres existent entre eux, fonctionnent de façon quasi parallèle. Ils n'offrent, du fait de leur faible articulation que des possibilités trop réduites d'accès à la validation des qualifications et des compétences.
Là encore, le système est devenu complexe et inopérant au regard des besoins.
Il nous faut donc construire un nouveau système de validation des acquis plus ouverts reconnaissant l'expérience de travail et élargissant les perspectives de mobilité professionnelle, a un moment où la qualification constitue une des principales sources de sécurité sur le marché du travail.
Enfin, et ce sera le 3ème axe de notre réflexion, il nous faut aussi donner de véritables chances d'accès à la qualification aux demandeurs d'emploi notamment les plus vulnérables sur le marché du travail, c'est là une condition essentielle de l'accès à l'emploi et d'une insertion durable.
La formation professionnelle doit devenir un levier déterminant de la politique de l'emploi et doit être une de nos réponses aux objectifs fixés par le Sommet du Luxembourg.
III. DONNER DE VÉRITABLES CHANCES D'ACCÈS À LA QUALIFICATION AUX DEMANDEURS D'EMPLOI NOTAMMENT LES PLUS VULNÉRABLES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL.
Nous savons que l'acquisition de compétences, que l'acquisition d'une qualification est une condition essentielle d'une insertion durable dans l'emploi.
La formation professionnelle doit contribuer plus efficacement à la lutte contre le chômage et les exclusions pour favoriser l'égalité des chances. Le projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions qui sera déposé prochainement au Parlement, contiendra un important volet emploi-formation.
Je l'ai indiqué précédemment, notre marché du travail se caractérise par une proportion très importante de personnes faiblement qualifiées. L'insuffisance de qualification, leur inadaptation aux besoins des entreprises dont le degré d'exigence s'accroît toujours, constitue une rigidité forte de notre marché du travail.
Nous devons trouver les moyens d'une régulation par des mesures permettant à des demandeurs d'emploi pour lesquels le manque ou l'inadaptation du niveau de qualification constitue un handicap pour accéder à l'emploi, nous devons trouver les moyens pour que ces personnes acquièrent un premier niveau de qualification supposant lui même la maîtrise des connaissances de base.
A ce titre le modèle du contrat de qualification réservé aux jeunes de moins de 26 ans s'appuyant sur une mise en situation de travail, et sur une alternance entre la formation et l'activité productive mérite d'être étudié pour les adultes.
L'ouverture aux adultes demandeurs d'emploi d'un contrat de qualification me paraît possible et souhaitable, elle permettrait de contribuer efficacement à la lutte contre les exclusions et apporterait une réponse utile et attendue, ce sujet sera bien entendu abordé en concertation avec les partenaires sociaux.
Concernant notamment les jeunes en grande difficulté, je regrette que le dispositif PAQUE n'ait pas eu le temps de porter ses fruits. Les notions de parcours, de suivi individualisé sur lesquelles il s'appuyait restent essentielles pour l'insertion des personnes jeunes ou adultes les plus vulnérables.
Je regrette surtout que l'égalité de traitement de ces publics, ne soit plus assurée aujourd'hui. Certaines régions délaissent les jeunes les plus en difficulté alors que la loi quinquennale du 20 décembre 1993 leur a transféré la compétence sur ces publics.
Ceci a conduit mon prédécesseur à mettre en place un dispositif expérimental, d'itinéraire personnalisé d'insertion professionnelle les IPIP. J'attends les résultats de l'évaluation conduite en 1997. Je crois qu'il nous faudra cette année, tirer plus globalement le bilan de la décentralisation de 1994, un diagnostic partagé avec les régions me paraît nécessaire.
Nous devrons aussi réfléchir à des dispositifs de contractualisation Etat-Région et Partenaires Sociaux, qui permettent de fédérer nos efforts en faveur de l'insertion des jeunes les plus en difficulté et proposer des itinéraires personnalisés pour l'emploi permettant la construction de parcours adaptés.
Enfin, pour ces publics éloignés de l'emploi, le Service Public de l'Emploi doit jouer un rôle central.
L'information, l'orientation, et le conseil professionnel, doivent permettre de poser un diagnostic précis et d'élaborer les étapes d'un parcours d'insertion individualisé vers l'emploi.
L'ANPE et l'AFPA, le réseau des missions locales et des PAIO, les CARIF et le Centre-Inffo qui participent à cette mission doivent agir de façon plus coordonnée.
La multiplicité des acteurs et des guichets peut-être source de complexité pour les usagers, mais c'est surtout le manque de cohérence, de concertation dans la construction des actions qui nuit à l'efficacité des politiques publiques en ce domaine.
Il faut plus de synergie, il nous faut rechercher la complémentarité des dispositifs.
J'ai demandé à cet égard que les contrats de progrès en préparation à l'ANPE et à l'AFPA abordent en complémentarité la question de l'orientation des demandeurs d'emploi.
L'ANPE et l'AFPA développent toutes deux des prestations dans le domaine de l'orientation professionnelle, l'une au regard de l'insertion dans l'emploi, l'autre en appui à la conduite du projet de formation.
Une collaboration est indispensable pour clarifier le rôle de chacun et optimiser les compétences du service public de l'emploi. Elle devra se réaliser dans l'accompagnement de parcours d'insertion ne nécessitant d'ailleurs pas forcément la construction de formations dispensées par l'AFPA.
Je voudrais enfin évoquer un dernier sujet, et non des moindres, à savoir celui de la méthode pour conduire les évolutions indispensables de notre système de formation professionnelle.
IV. QUELLE MÉTHODE POUR UNE RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Tout d'abord, j'attache une grande importance à la concertation et au rôle de la négociation collective aux différents niveaux : interprofessionnel national ou local, de branche, d'entreprise.
La négociation collective est un facteur clé de la démocratie, l'Etat ne peut être le seul à décider et à agir, la négociation collective doit nous permettre de conjuguer et de fédérer nos efforts dans cette lutte contre le chômage et pour l'emploi qui nous concerne et nous mobilise tous.
Dans le champ de la formation professionnelle la négociation a toujours été particulièrement riche et dynamique.
Au niveau interprofessionnel, la négociation a presque toujours précédé la loi, ce fût le cas en 1970, ou encore, plus près de nous en 1991.
Les partenaires sociaux ont au côté des pouvoirs publics construit et structuré les politiques de formation. Ils ont favorisé l'adaptation du système au fur et à mesure que de nouveaux besoins se faisaient jour dans les entreprises et sur le marché du
travail. On doit à la négociation la création des dispositifs d'insertion en alternance pour les jeunes, qui apportent des réponses importantes sur le terrain de la qualification et de l'accès à l'emploi, notamment aux jeunes en difficulté à la sortie du système éducatif.
Je souhaite que les réformes que nous aurons à conduire dans le champ de la formation professionnelle, laissent toute sa place à la négociation collective et favorisent le dialogue entre l'Etat et les partenaires sociaux ; je souhaite qu'une articulation dans le respect des rôles de chacun soit trouvée. Peut-être nous faudra t-il imaginer à la jonction du travail des partenaires sociaux et du travail législatif, la mise en place d'un groupe de travail facilitant la perméabilité des idées et favorisant l'émergence de solutions qui permettront à la politique de formation de contribuer pleinement au développement économique et à la justice sociale.
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 septembre 2001)
Après trois jours de débats et d'échanges sur la relation "Emploi/Formation", je voudrai vous livrer des éléments de constat et les réflexions qui nous guiderons dans la réforme du dispositif de formation professionnelle.
ÉLÉMENTS DE CONSTAT
A l'évidence, la loi de 1971 a su s'adapter par étape aux évolutions du monde du travail et du marché de l'emploi.
Des moyens financiers importants sont mobilisés. Les entreprises dépensent plus de 40 milliards de francs pour leurs salariés ; la dépense totale de formation est de plus de 130 milliards de francs soit plus de 1,5 % du PIB, contre 0,4 % je vous le rappelle il y a 20 ans. Une offre de formation s'est développée et se structure progressivement. Toutefois, le système de formation est devenu complexe, opaque, incompréhensible pour beaucoup de nos concitoyens.
La multiplicité des acteurs -Etat, partenaires sociaux, régions- qui est sans doute une richesse de notre système, génère un manque de clarté. Les rôles et les responsabilités de chacun se chevauchent, la trop faible cohérence qui peut exister entre leurs interventions respectives brouille le paysage. De plus, certains semblent poursuivre des objectifs très éloignés des finalités de la formation professionnelle.
Tout ceci nuit à l'action en faveur de la qualification et de la formation professionnelle alors que les besoins dans notre pays sont considérables. 40 % de la population active reste qualifiée à un niveau inférieur au niveau V ce qui est très faible et préoccupant pour un pays industrialisé comme le nôtre.
Nous devons accroître notre niveau collectif de qualification pour nous inscrire pleinement dans les défis et les mutations de la société de l'information.
Or aujourd'hui obtenir une information, un conseil et finalement accéder à la formation, relève trop souvent du parcours du combattant, notamment pour les personnes les plus vulnérables dans les entreprises et sur le marché du travail.
De fait, notre système de formation professionnelle ne réduit pas les inégalités sociales. Rappelons-nous, qu'un cadre a trois fois plus de chances de se former dans l'entreprise qu'un ouvrier. Une remise à plat s'impose donc, nous devons réinventer un droit effectif à se former, à se qualifier, à progresser socialement et professionnellement tout au long de la vie.
Dans cette perspective trois orientations principales guideront nos réflexions. Tout d'abord, et il s'agit du premier axe que je développerai auprès de vous, nous devons créer un droit effectif à la formation, à la qualification pour chacun.
I. LA CRÉATION D'UN DROIT EFFECTIF À LA FORMATION POUR CHACUN.
A ce stade, j'évoquerai deux sujets : la professionnalisation des jeunes sortants du système éducatif, puis l'accès à la formation et à la qualification des salariés ce qui nous renverra au rôle de l'entreprise dans le développement de la formation tout au long de la vie.
I.1 - La professionnalisation des jeunes sortants
du système éducatif
Sur le premier point, je me suis exprimée dans le cadre du débat sur la loi de finances pour 1998, sur l'évolution des formations alternées sous contrat de travail que sont les contrats d'apprentissage et les contrats de qualification. Il nous faut développer plus significativement encore, ces dispositifs qui favorisent l'insertion des jeunes dans les entreprises. Ces contrats contribueront en partie, parmi d'autre dispositifs et en plus des embauches qui seront réalisées directement par les entreprises, à l'objectif de recrutement de 350 000 jeunes dans le secteur marchand fixé lors de la Conférence du 10 octobre dernier. En ce sens, le nombre de contrats d'apprentissage a été porté de 220 000 à 240 000 et le nombre de contrats de qualification à 100 000 dans la loi de finances pour 1998.
Toutefois, les difficultés rencontrées en 1997 par le contrat de qualification, même si une reprise des contrats a été amorcée sur le second semestre de l'année dernière, est préoccupante. Ceci génère l'existence d'excédents structurels au sein du dispositif AGEFAL.
La chute des contrats de qualifications s'explique vraisemblablement par un attrait plus fort exercé par l'apprentissage mais aussi, il faut en convenir par la concurrence paralysante à laquelle se sont livrés certains réseaux de collecte des fonds de la formation professionnelle suite à la réforme de 1994, faute peut-être pour l'Etat d'exercer assez nettement son rôle de régulateur.
Tout ceci révèle des problèmes structurels sur lesquels nous devons nous arrêter et qu'il nous faudra traiter cette année.
Il n'est pas acceptable alors que les besoins existent, que les formation en alternance sont un véritable outil de professionnalisation et d'insertion, de constater que les fonds ne sont pas optimisés.
Je souhaite une remise à plat permettant de développer ces dispositifs en complémentarité à partir des besoins exprimés par les entreprises et par les jeunes. Enfin, je souhaite que la nouvelle organisation de ces dispositifs permette une plus grande transparence et une meilleure optimisation des financements. Sur le second point maintenant, à savoir l'accès à la qualification et à la formation des salariés tout au long de la vie.
I.2 - L'accès à la qualification et à la formation
dans l'entreprise
Le droit à la qualification est déjà inscrit dans la loi, notamment à l'article L 900 - 3 du code du travail. Mais au-delà d'un droit déclaratif, il nous faut inventer les modalités d'un droit effectif, d'un droit pour chacun à évoluer professionnellement et socialement.
Le niveau acquis en formation initiale reste encore la référence marquant la vie professionnelle. Or, sur un marché du travail marqué par une grande flexibilité, par une accélération des mutations technologiques et par des besoins en compétences toujours renouvelées, la qualification acquise en formation initiale ne constitue plus une garantie suffisante pour prévenir les processus d'exclusion, ni même pour accompagner l'entreprise dans son développement économique.
Le droit à la formation et à la qualification doit, d'une part, apporter la sécurité nécessaire à chacun, et d'autre part, la formation professionnelle doit devenir un moyen crédible d'acquérir une qualification et de progresser socialement.
Certes, de nombreux dispositifs existent déjà : le congé individuel, le plan de formation, ou encore, très marginalement le capital temps de formation, mais ces dispositifs ne répondent qu'imparfaitement aux objectifs de qualification et d'égalité des chances que nous poursuivons.0
Il nous faut envisager un système souple de compte épargne temps supposant une répartition équitable de l'effort de formation de l'entreprise, vis-à-vis de tous ses salariés.
Les entreprises doivent intégrer cet objectif dans la construction même du plan de formation qui a une dimension stratégique, parce qu'il se situe au coeur des démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et au coeur, élément fondamental, d'une concertation importante avec les représentants du personnel dans l'entreprise.
Le deuxième grand axe de réflexion que je vais évoquer est le complément indispensable du droit à l'évolution professionnelle du droit à la formation et à la qualification dont chacun doit bénéficier. Il s'agit de la validation des acquis professionnels.
II. - LA VALIDATION DES COMPÉTENCES ET QUALIFICATIONS ACQUISES AU COURS DE LA VIE PROFESSIONNELLE.
Il nous faut élargir les possibilités de reconnaissance et de validation des acquis professionnels en France. En effet, d'une part, les organisations du travail plus souples que par le passé font de plus en plus appel à des nouvelles compétences et qualifications qui n'ont pas toujours une traduction dans la nomenclature des diplômes de l'éducation nationale. D'autre part, au-delà du niveau acquis dans le système de formation initiale, l'expérience accumulée au cours de la vie professionnelle contribue à construire la qualification et les compétences de chacun.
Or, notre système de formation professionnelle ne permet pas suffisamment de reconnaître, de valider les compétences et les qualifications acquises au cours de la vie, alors même que la qualification certifiée, reconnue, est une garantie, une source de sécurité nécessaire pour une mobilité réussie dans l'entreprise et sur le marché du travail.
Là aussi, des dispositifs existent déjà, la procédure de validation des acquis professionnels mise en oeuvre par le ministère de l'Education Nationale ; ou encore, les politiques conduites par les ministères dits "valideurs" comme le ministère de l'emploi et de la solidarité qui développent une politique de titres homologués ou de diplômes ; mais aussi les certifications et les validations opérées par les partenaires sociaux dans les branches professionnelles ou dans les entreprises.
Mais ces dispositifs, même si des points de rencontres existent entre eux, fonctionnent de façon quasi parallèle. Ils n'offrent, du fait de leur faible articulation que des possibilités trop réduites d'accès à la validation des qualifications et des compétences.
Là encore, le système est devenu complexe et inopérant au regard des besoins.
Il nous faut donc construire un nouveau système de validation des acquis plus ouverts reconnaissant l'expérience de travail et élargissant les perspectives de mobilité professionnelle, a un moment où la qualification constitue une des principales sources de sécurité sur le marché du travail.
Enfin, et ce sera le 3ème axe de notre réflexion, il nous faut aussi donner de véritables chances d'accès à la qualification aux demandeurs d'emploi notamment les plus vulnérables sur le marché du travail, c'est là une condition essentielle de l'accès à l'emploi et d'une insertion durable.
La formation professionnelle doit devenir un levier déterminant de la politique de l'emploi et doit être une de nos réponses aux objectifs fixés par le Sommet du Luxembourg.
III. DONNER DE VÉRITABLES CHANCES D'ACCÈS À LA QUALIFICATION AUX DEMANDEURS D'EMPLOI NOTAMMENT LES PLUS VULNÉRABLES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL.
Nous savons que l'acquisition de compétences, que l'acquisition d'une qualification est une condition essentielle d'une insertion durable dans l'emploi.
La formation professionnelle doit contribuer plus efficacement à la lutte contre le chômage et les exclusions pour favoriser l'égalité des chances. Le projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions qui sera déposé prochainement au Parlement, contiendra un important volet emploi-formation.
Je l'ai indiqué précédemment, notre marché du travail se caractérise par une proportion très importante de personnes faiblement qualifiées. L'insuffisance de qualification, leur inadaptation aux besoins des entreprises dont le degré d'exigence s'accroît toujours, constitue une rigidité forte de notre marché du travail.
Nous devons trouver les moyens d'une régulation par des mesures permettant à des demandeurs d'emploi pour lesquels le manque ou l'inadaptation du niveau de qualification constitue un handicap pour accéder à l'emploi, nous devons trouver les moyens pour que ces personnes acquièrent un premier niveau de qualification supposant lui même la maîtrise des connaissances de base.
A ce titre le modèle du contrat de qualification réservé aux jeunes de moins de 26 ans s'appuyant sur une mise en situation de travail, et sur une alternance entre la formation et l'activité productive mérite d'être étudié pour les adultes.
L'ouverture aux adultes demandeurs d'emploi d'un contrat de qualification me paraît possible et souhaitable, elle permettrait de contribuer efficacement à la lutte contre les exclusions et apporterait une réponse utile et attendue, ce sujet sera bien entendu abordé en concertation avec les partenaires sociaux.
Concernant notamment les jeunes en grande difficulté, je regrette que le dispositif PAQUE n'ait pas eu le temps de porter ses fruits. Les notions de parcours, de suivi individualisé sur lesquelles il s'appuyait restent essentielles pour l'insertion des personnes jeunes ou adultes les plus vulnérables.
Je regrette surtout que l'égalité de traitement de ces publics, ne soit plus assurée aujourd'hui. Certaines régions délaissent les jeunes les plus en difficulté alors que la loi quinquennale du 20 décembre 1993 leur a transféré la compétence sur ces publics.
Ceci a conduit mon prédécesseur à mettre en place un dispositif expérimental, d'itinéraire personnalisé d'insertion professionnelle les IPIP. J'attends les résultats de l'évaluation conduite en 1997. Je crois qu'il nous faudra cette année, tirer plus globalement le bilan de la décentralisation de 1994, un diagnostic partagé avec les régions me paraît nécessaire.
Nous devrons aussi réfléchir à des dispositifs de contractualisation Etat-Région et Partenaires Sociaux, qui permettent de fédérer nos efforts en faveur de l'insertion des jeunes les plus en difficulté et proposer des itinéraires personnalisés pour l'emploi permettant la construction de parcours adaptés.
Enfin, pour ces publics éloignés de l'emploi, le Service Public de l'Emploi doit jouer un rôle central.
L'information, l'orientation, et le conseil professionnel, doivent permettre de poser un diagnostic précis et d'élaborer les étapes d'un parcours d'insertion individualisé vers l'emploi.
L'ANPE et l'AFPA, le réseau des missions locales et des PAIO, les CARIF et le Centre-Inffo qui participent à cette mission doivent agir de façon plus coordonnée.
La multiplicité des acteurs et des guichets peut-être source de complexité pour les usagers, mais c'est surtout le manque de cohérence, de concertation dans la construction des actions qui nuit à l'efficacité des politiques publiques en ce domaine.
Il faut plus de synergie, il nous faut rechercher la complémentarité des dispositifs.
J'ai demandé à cet égard que les contrats de progrès en préparation à l'ANPE et à l'AFPA abordent en complémentarité la question de l'orientation des demandeurs d'emploi.
L'ANPE et l'AFPA développent toutes deux des prestations dans le domaine de l'orientation professionnelle, l'une au regard de l'insertion dans l'emploi, l'autre en appui à la conduite du projet de formation.
Une collaboration est indispensable pour clarifier le rôle de chacun et optimiser les compétences du service public de l'emploi. Elle devra se réaliser dans l'accompagnement de parcours d'insertion ne nécessitant d'ailleurs pas forcément la construction de formations dispensées par l'AFPA.
Je voudrais enfin évoquer un dernier sujet, et non des moindres, à savoir celui de la méthode pour conduire les évolutions indispensables de notre système de formation professionnelle.
IV. QUELLE MÉTHODE POUR UNE RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Tout d'abord, j'attache une grande importance à la concertation et au rôle de la négociation collective aux différents niveaux : interprofessionnel national ou local, de branche, d'entreprise.
La négociation collective est un facteur clé de la démocratie, l'Etat ne peut être le seul à décider et à agir, la négociation collective doit nous permettre de conjuguer et de fédérer nos efforts dans cette lutte contre le chômage et pour l'emploi qui nous concerne et nous mobilise tous.
Dans le champ de la formation professionnelle la négociation a toujours été particulièrement riche et dynamique.
Au niveau interprofessionnel, la négociation a presque toujours précédé la loi, ce fût le cas en 1970, ou encore, plus près de nous en 1991.
Les partenaires sociaux ont au côté des pouvoirs publics construit et structuré les politiques de formation. Ils ont favorisé l'adaptation du système au fur et à mesure que de nouveaux besoins se faisaient jour dans les entreprises et sur le marché du
travail. On doit à la négociation la création des dispositifs d'insertion en alternance pour les jeunes, qui apportent des réponses importantes sur le terrain de la qualification et de l'accès à l'emploi, notamment aux jeunes en difficulté à la sortie du système éducatif.
Je souhaite que les réformes que nous aurons à conduire dans le champ de la formation professionnelle, laissent toute sa place à la négociation collective et favorisent le dialogue entre l'Etat et les partenaires sociaux ; je souhaite qu'une articulation dans le respect des rôles de chacun soit trouvée. Peut-être nous faudra t-il imaginer à la jonction du travail des partenaires sociaux et du travail législatif, la mise en place d'un groupe de travail facilitant la perméabilité des idées et favorisant l'émergence de solutions qui permettront à la politique de formation de contribuer pleinement au développement économique et à la justice sociale.
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 septembre 2001)