Texte intégral
C'est le 1er janvier 1999 que l'euro sera notre monnaie, mais ce n'est qu'au
1er janvier 2002, cela a été confirmé par la dernière réunion de mes collègues
européens et moi-même, que les pièces et les billets seront en circulation.
Quelques semaines après, les pièces et les billets français seront retirés de
la circulation.
On ne peut évidemment pas fixer la valeur de l'euro aujourd'hui. On sait qu'un
euro vaudra un écu et, vendredi dernier, l'écu cotait 6,62 francs, mais n'en
tirez aucune conclusion trop précise. Nous allons discuter ensemble des
problèmes concrets. Les questions qui touchent au double affichage, à
l'information des consommateurs, des petites et moyennes entreprises, les plus
grandes sont mieux préparées.
M. Pierre Moscovici
Je suis satisfait, de participer à cette initiative conjointe. Je reviens sur
les interviews que l'on vient de voir. Elles permettent de voir deux choses qui
ne sont pas nécessairement contradictoires.
La première est que chacun est désormais convaincu que l'euro va se faire. La
question n'est plus celle d'hier de savoir si, quand et avec quels critères
l'opération va se réaliser. Je crois qu'un contexte extrêmement favorable est
en train de s'installer avec une certitude - j'allais dire "tranquille" - que
l'avènement de l'euro a aujourd'hui une crédibilité sans précédent. C'est un
changement à la fois récent et extrêmement massif de l'opinion.
On peut le rappeler : une telle campagne s'inscrit dans un environnement qui
n'est plus dominé par le doute ou le scepticisme, ce qui aurait pu être le cas
il y a six mois ou un an. Il est important, à cet égard, d'observer le chemin
parcouru depuis juin dernier.
En tout état de cause, mon sentiment est que les incertitudes, si incertitudes
il y a encore, ne sont plus du côté de la France. De ce point de vue, les
résultats les plus récents du baromètre d'opinion sur les Français et l'euro,
mis en place par le ministère de l'Economie et des Finances, confirment
largement les opinions que j'avais moi-même pu enregistrer lors d'un sondage
réalisé en septembre. Il y a une adhésion des Français à l'Europe et à l'euro
qui se renforce nettement, et également un pronostic sur la réalisation de
l'euro qui devient sans arrêt plus important.
Aujourd'hui, 92 % des Français ont la certitude ou le pronostic que l'euro va
se faire. Ce renforcement de l'adhésion des Français se manifeste à la fois par
un enchaînement positif qui accompagne le passage à l'euro qui commence à
s'enclencher. C'est à ce titre que je veux parler très brièvement du Sommet de
Luxembourg.
Il est un élément positif, non seulement pour l'Europe toute entière, mais
aussi pour l'euro. Il permet de conforter le passage à l'euro, de montrer que
l'Europe marche sur deux pieds : le pied de la stabilité financière, monétaire,
de cette union monétaire, mais aussi le pied de la croissance et de l'emploi.
L'Union économique et monétaire voulue par le Traité de Maastricht commence à
avoir désormais ses deux piliers : le pilier monétaire mais aussi le pilier
économique. A cet égard, je n'aurai garde d'oublier la perspective du Conseil
de l'euro proposé par la France et obtenu par Dominique Strauss-Kahn, sous une
forme, dont il vous reparlera, d'Euro Groupe.
Une mobilisation réelle de tous les acteurs concernés se fait également jour.
Il y a les travaux du Comité nationale de l'euro, notamment de son comité de
communication animé avec beaucoup de talent par Henri Nallet ; les travaux des
comités départementaux ; la mobilisation du gouvernement, celle de la
Commission - son concours est extrêmement précieux et important ; il y a les
relais partout pris par les entreprises.
Au-delà de cet environnement favorable, sur lequel il ne faut pas se reposer
avec trop de certitudes, j'ai tiré une deuxième impression des interviews,
c'est qu'il demeure une méconnaissance de la signification de son changement
dans sa double dimension, à la fois individuelle et collective. Cette
méconnaissance des modalités concrètes du changement peut être source
d'inquiétude pour les personnes. Ce n'est peut-être pas la même inquiétude
qu'hier. Ce n'est pas le point de savoir si l'Europe est une perspective qui
nous contraint, qui nous empêche d'agir, s'il faut réduire les déficits ou pas.
Ce message est passé. Il y a un assez large consensus là-dessus.
Mais il y a une méconnaissance de la portée collective de ce changement qui
entraîne une véritable modification de notre régime économique. Il y aussi une
méconnaissance de la portée individuelle de ce changement sur chacun. C'est par
rapport à ces inquiétudes très concrètes, très pratiques que nous devons
communiquer et expliquer. C'est ce à quoi s'efforce de répondre la campagne de
communication qui vous est présentée aujourd'hui. Il y a un travail de
communication considérable, mais qui est un travail de communication en
profondeur qui doit répondre à ces deux aspects, collectif et individuel, de la
question.
Je veux dire très brièvement en quoi j'entends contribuer activement à cet
effort de communication. Il y a, aux côtés de M. de Silguy, la présence
conjointe du ministre de l'Economie et des Finances et du ministre des Affaires
européennes. Cela témoigne de notre souci, à Dominique Strauss-Kahn et moi-même
et, au-delà du gouvernement tout entier, de conjuguer nos efforts pour
développer une approche cohérente pour expliquer à la fois le pourquoi et le
comment de la monnaie européenne. C'est une dimension qui revêt à mes yeux une
importance absolument primordiale.
On peut se demander à quoi sert le ministre des Affaires européennes. Il a des
responsabilités interministérielles au sein du gouvernement, des
responsabilités diplomatiques importantes par rapport à des sujets comme
l'élargissement ou l'Europe de l'emploi. Il y a aussi le fait que ce ministre
est situé à l'interface entre les affaires intérieures et les affaires
extérieures. La politique européenne ne peut plus être considérée aujourd'hui
comme une politique extérieure. C'est l'environnement, la condition de la
plupart des décisions que prennent les acteurs en France. Il y a là un rôle de
médiateur à jouer. C'est pourquoi j'entends ajouter à cette dimension sur
l'euro, à cette communication sur l'euro, une communication sur l'Europe ;
replacer le projet de l'euro dans la dimension européenne en général, montrer
en quoi l'euro s'inscrit dans un sens, a un sens, en quoi l'euro sert non
seulement la stabilité mais aussi l'emploi, la croissance et, au-delà de cela,
la cohésion sociale.
Je suis tout à fait prêt à m'investir dans cette campagne de communication. Je
veux insister sur deux dimensions complémentaires par rapport à ce que nous
lançons aujourd'hui. D'une part, la communication sur l'euro doit être une
communication de proximité. Il faut être capable d'associer les acteurs, qu'ils
soient formels - je pense aux comités départementaux de l'euro -, qu'ils soient
moins formels - je pense aux associations -, qu'ils soient politiques - je
pense aux élus -, qu'ils soient tout simplement les citoyens de cette grande
aventure qu'est l'aventure de l'euro pour répondre à ces deux dimensions à la
fois collective et individuelle. La première dimension est la proximité.
D'autre part, cela doit être une communication populaire aux deux sens du
terme. Il faut rendre l'Europe populaire, montrer en quoi l'euro sert l'Europe
toute entière et faire en sorte que cette communication s'applique à tous les
milieux, aux milieux favorables et à ceux qui sont moins favorables. On les
connaît. Ce sont justement ces milieux populaires, plutôt les femmes, les
ouvriers, les salariés, les plus défavorisés, qui perçoivent de l'inquiétude.
Il faut que la communication pénètre en profondeur. A cela, je suis tout à fait
prêt à m'associer.
S'agissant du contenu du message, les six prochains moins seront cruciaux pour
conforter ces évolutions encourageantes par lesquelles je commençais. Ces
messages sont les suivants.
Il faut bien mettre en valeur la portée positive et profondément politique de
la monnaie européenne, qui a longtemps été trop perçue comme un exercice
disciplinaire voire technocratique. Il faut souligner l'effort de rééquilibrage
progressif de l'Union économique et monétaire dans un sens plus favorable à la
croissance et à l'emploi, montrer en quoi l'euro sert la croissance et
l'emploi. Il faut, à la veille de ces échéances historiques, qu'il y ait un
message qui, au-delà de sa force pédagogique - et de ce point de vue, il est
réussi -, soit celui de la mobilisation de toutes les forces pour aborder dans
de bonnes conditions ce changement considérable.
Car l'avènement de l'euro est une formidable occasion pour inscrire dans les
réalités quotidiennes de nos concitoyens la marque d'une Europe qui avance,
concrète, qui facilite l'émergence d'une conscience collective d'appartenir à
un même ensemble. Qu'y a-t-il de plus symbolique que le partage de la
souveraineté monétaire ?
C'est par ce type d'enjeux concret que la conscience européenne qui connaît
parfois des ratés pourra progresser. C'est pourquoi nous ne pouvons pas, nous
ne devons pas rater le rendez-vous de l'euro en mai 1998.
M. Dominique Strauss-Kahn
Le premier point qui me paraît important, et que Pierre Moscovici rappelait à
l'instant, est qu'aujourd'hui, pratiquement plus personne ne doute de
l'avènement de cette monnaie unique au premier janvier 1999. Il y a encore six
mois, nombreux étaient ceux qui pensaient que, soit cela ne se ferait pas du
tout, que la construction intellectuelle s'écroulerait avant d'arriver à son
terme, soit que des délais supplémentaires seraient nécessaires et que par
conséquent deux ou trois ans de report apparaîtraient.
En six mois, l'ambiance a beaucoup changé et j'ai la faiblesse de penser que la
détermination du gouvernement français n'est pas pour rien dans ce changement
d'exception. On rencontre trop de gens qui pensent que cela ne va pas arriver à
l'heure dite. Cela apparaît alors véritablement comme ce que c'est, à savoir
une étape majeure de la construction européenne, peut-être la plus importante
qui ait jamais existé depuis la signature du Traité de Rome, et quelque chose
qui va entrer dans la conscience des Européens et de l'ensemble des citoyens de
la planète qui s'intéressent à ces questions, en créant l'apparition d'une
Europe qui, au-delà d'une zone de libre échange, d'un marché intérieur pas
toujours compris par ceux qui nous entourent, devient une entité économique à
part entière, tant il est vrai que, dans l'histoire des hommes, la monnaie a
toujours constitué ce qu'était la traduction économique la plus évidente du
pouvoir politique.
Ce qui est clair aujourd'hui, c'est que l'euro sera un euro large. J'entendais
l'autre jour le chancelier Kohl répondant à une question, dire que, selon lui,
il y aurait entre neuf et onze pays. Je ne saurais être plus précis que lui,
mais même si on était sur la fourchette basse de son estimation, cela ferait un
euro large, et il n'y a aucune raison de penser que nous ne serons pas en haut
de sa fourchette, ce qui fera un euro encore plus large, conforme à ce que le
gouvernement souhaitait, quand il n'était pas encore le gouvernement, quand il
était en campagne, car un des éléments qui nous paraît très important pour la
réussite de l'euro était qu'il devienne la monnaie du plus grand nombre
possible d'européens.
Pierre Moscovici a évoqué le Conseil de l'euro. C'est évidemment un point
important. Je ne serai pas long sur le sujet. Il faut qu'une structure existe
pour gérer cette monnaie. C'est le rôle de la Banque centrale, tout
indépendante qu'elle sera, que de s'occuper de la politique monétaire, mais
dans aucun pays il n'existe de banque centrale indépendante qui n'ait pas en
face, pour dialoguer avec elle, une structure où la politique économique
s'élabore, et notamment ce composé un peu fragile qui est l'équilibre entre une
politique budgétaire et une politique monétaire.
Il faut qu'un lieu existe, ce lieu dont la discussion n'avait pas été entamée,
car on se préoccupait beaucoup de savoir si les critères seraient respectés,
comment on allait faire pour arriver au premier janvier 1999 mais pas beaucoup
de ce qui allait se passer après. Ce lieu voit sa création de plus en plus
certaine, même si ce n'est que dans quelques jours, à Luxembourg, au sommet des
chefs d'Etat, qu'il sera un peu formalisé.
C'est, je crois, un élément tout à fait majeur de la réussite de la politique
économique qui viendra après le premier janvier 1999. La vie ne s'arrête pas
avec l'arrivée de l'euro et il me semble que les progrès réalisés en cette
matière, le ralliement de dix ou onze de nos partenaires à cette idée qu'il
faut un Conseil de l'euro, sont une bonne idée. J'ai été frappé à Bruxelles de
voir Theo Waigel dire à certains qu'il n'était pas encore totalement convaincu
mais, que vous le vouliez ou non, le Conseil de l'euro existera et
fonctionnera. Cela montre que nombre de nos partenaires ont été convaincus par
cette position de bon sens, et cela a contribué à ce que la matérialité du
changement qui va prendre place s'inscrive dans tous les esprits.
Je ne m'étends pas sur les objectifs de Luxembourg, Pierre Moscovici en a
parlé. Il a raison : le thème de l'emploi, son retour sur le devant de la
scène, viennent rééquilibrer le passage à l'euro. Il n'aurait pas fallu que
l'accent, qui va inévitablement être mis sur les questions monétaires par le
passage à l'euro, fasse apparaître l'Europe comme étant uniquement une
préoccupation monétaire. Le sommet qui s'est déroulé est, de ce point de vue
très utile, et surtout sa répétition annoncée chaque année montre que la
préoccupation de l'emploi est devenue tout à fait majeure.
Quand on prend tous ces éléments ensemble, on n'est pas surpris de voir que le
degré d'assentiment à ce changement majeur - donc toujours un peu difficile -
qui consiste à changer de monnaie, est croissant parmi nos concitoyens. Il y a
six mois, l'enquête traditionnellement menée par cette administration faisait
apparaître 49 % de Français favorables au passage à l'euro. Celle qui vient
d'être conduite passe à 57 % le nombre de personnes favorables. Plus frappant,
les jeunes sont encore plus nombreux, avec 62 % d'entre eux favorables. Et plus
intéressant peut-être, plus on est informé, plus on croit qu'on l'est, plus on
se dit au courant de ce qui va se passer et plus on y est favorable.
Cela nous pousse, avec l'aide de la Commission que je remercie à cette
occasion, à vouloir développer cette information. C'est bien sûr le centre de
la campagne qui va maintenant être conduite, à partir des travaux menés par le
Conseil de l'euro et tout au long de la réunion des ministres qui, il y a
quelques jours encore, décidait de fixer définitivement au premier janvier 2002
l'apparition des pièces et billets. Mais aussi, de façon plus nationale, à
partir de ce qui a été très longuement travaillé depuis assez longtemps par le
Conseil national de l'euro mis en place par Jean Arthuis qui, réunissant des
banquiers, des syndicalistes, des consommateurs, des chefs d'entreprise, bref
l'ensemble des acteurs de ce passage, a produit force documents, réflexions,
propositions, qu'il faut maintenant faire connaître aux Français.
De ce point de vue, je veux saluer tout particulièrement la cellule qui
travaille sur les problèmes de communication dans cette élaboration collective,
présidée par Henri Nallet. Je veux le remercier du travail qui a été fait par
lui-même et les membres de cette assemblée, qui ont consacré beaucoup de temps
et d'énergie à arriver à mettre en place un dispositif que je crois assez
efficace. Donc, nous verrons ensemble s'il l'est.
Le moment est venu de dévoiler les quelques secondes du spot d'information.
Vous savez que la campagne se compose d'un spot d'information télévisé ; d'une
brochure simple "l'euro et nous" qui sera diffusée à 22 millions d'exemplaires,
soit à peu près une par foyer ; d'un document à destination des élus locaux
plus technique, mais qui sont des vecteurs très importants, car dans beaucoup
de communes de notre pays, c'est vers la mairie que l'on se dirige quand on
cherche une information, et il était important qu'ils disposent d'une
information détaillée. Donc, 150 000 exemplaires seront diffusés pour les élus
locaux. Et puis, une communication franchement technique, à destination des
professionnels qui est le plan national du passage à l'euro et qui comprend la
réponse à tous les éléments à toutes les questions que nous avons pu identifier
aujourd'hui. Peut-être que d'autres apparaîtront plus tard qu'il faudra aussi
traiter mais, pour le moment, on a essayé de faire le recensement de tous les
points sur lesquels des interrogations pouvaient se faire jour.
(...)
Le message central de la campagne est l'idée que nous allons organiser un
passage progressif à l'euro, au rythme choisi par chacun. Des dispositions
existeront dès le 1er janvier 1999 en matière fiscale, en matière de paiement,
pour qu'il soit possible de procéder à ces opérations, mais pas obligatoire.
C'est le principe : ni obligation, ni interdiction, de façon à ce que,
progressivement, jusqu'au 1er janvier 2002, un nombre croissant de citoyens,
d'entreprises se mettent à l'euro mais au rythme qui leur conviendra, et cela
dans la plus grande sécurité juridique.
C'est l'idée de base. Elle est simple. Encore faut-il y parvenir. De ce point
de vue, l'administration française est tout à fait prête. Elle le sera le 31
décembre 1998, aussi bien pour le paiement de la TVA en euro, pour les
entreprises qui le souhaiteront, que pour la comptabilité des entreprises en
euro pour laquelle les textes de la Chambre de commerce seront présentés au
printemps, que pour les déclarations fiscales, encore une fois pour ceux qui le
souhaitent et pas pour tous s'ils ne le souhaitent pas. La plus grande partie
des grands facturiers (EDF, France Télécom, La Poste, etc.) présenteront leurs
factures avec un double affichage.
Petite à petit, ce thème selon lequel l'euro fera notre force, rentrera dans
les esprits, je l'espère, sans qu'aucune contrainte trop brutale n'apparaisse
et avec le sentiment pour chacun qu'il peut y venir au moment qui lui
conviendra, dans les trois ans qui sont devant nous.
On m'a donné, la tradition française veut cela, une formidable citation de
Victor Hugo pour conclure ce petit mot. Je ne suis pas sûr qu'il soit adapté au
caractère concret et pratique de l'exercice mais, pour autant, je ne résiste
pas au plaisir de vous la lire. Victor Hugo écrit une lettre aux exilés du coup
d'Etat du 2 décembre, le 24 février 1855.
"Une monnaie continentale ayant pour point d'appui le capital Europe tout
entier, pour moteur l'activité libre de 200 millions d'hommes - cela a un peu
augmenté depuis -, cette monnaie unique remplacerait et résorberait toutes les
absurdes variétés monétaires d'aujourd'hui, effigies de princes, figures des
misères, variétés qui sont autant de causes d'appauvrissement".
Lorsque l'on a, dans son patrimoine culturel, une phrase de cette nature, on ne
peut pas résister au plaisir de la livrer à tout le monde.
Le moment est venu de réponses à vos questions. Nous sommes, les uns et les
autres, à votre disposition.
Q - Ma question est plus politique, si vous me le permettez. Le passage aux 35
heures dont la loi doit voir le jour en même temps que l'euro, une fiscalité
parmi les plus lourdes d'Europe en France, sont-ils vraiment les gages d'une
bonne préparation de notre pays à l'entrée en euro ?
R - M. Strauss-Kahn - La liaison entre le passage à l'euro et le passage aux 35
heures, est bienvenue. Cette maison n'est pas à l'écart de la politique. Vous
n'avez pas à vous excuser de poser une question de cette nature.
Pour ce qui est des 35 heures, certainement, car au rythme auquel les autres
pays voient leur temps de travail baisser, spontanément, par la négociation et
non par la loi, nous serions l'un des pays au temps de travail le plus élevé en
Europe si d'ici à 2002, nous ne sommes pas capables d'avoir 35 heures. Il est
donc très important que cela se passe.
Sur la fiscalité, vous avez raison, l'harmonisation doit se poursuivre. Elle
aura beaucoup de conséquences, notamment pour la France de ramener son taux de
TVA à des niveaux qui sont ceux de nos voisins. Nous sommes dans une situation
absurde. Dans le même temps où l'on se prépare au passage à l'euro, le taux de
TVA en France avait tendance à augmenter alors que ce que rapporte la TVA dans
notre pays est déjà très excessif par rapport à la moyenne européenne. Il faut
donc que nous revenions à une convergence, mise à mal au cours des années
passées notamment par ce déséquilibre organisé entre la fiscalité indirecte et
la fiscalité directe. C'est en effet l'intention du gouvernement, quand il en
aura les moyens (je ne veux pas anticiper) de faire baisser le taux de TVA pour
le rapprocher d'une structure fiscale qui sera celle de nos voisins.
R - M. Moscovici - Sur les 35 heures, nous sommes en train de faire l'euro dans
les conditions prévues par un Traité voté par les Français : le Traité de
Maastricht. Ces conditions concernent à la fois des délais et des critères.
Faut-il rajouter, au fur et à mesure, d'autres conditions ? Je n'en suis pas
sûr.
Ma deuxième considération tient au Sommet de Luxembourg. J'y étais. On y a
beaucoup dit que la France cherchait à exporter les 35 heures. Cela n'a
absolument pas été le cas. Ce n'est pas par le prosélytisme que l'on peut
réussir. Bien au contraire, c'est par l'exemple. Nous verrons ce que cela
donne.
J'ai noté, à la fois au cours des travaux préparatoires et au cours du Conseil,
qu'il était reconnu par tous que la réduction du temps de travail était un
objectif et un objet du dialogue social. Il a été indiqué très clairement que
le dialogue social européen devait se développer à la fois sur l'aménagement du
temps de travail et sur sa réduction du temps de travail, mais toujours dans la
logique européenne, c'est-à-dire qu'il y ait une perspective commune, des
instruments communs et, ensuite, que la subsidiarité joue, que chacun fasse
comme il l'entend. Certains font de l'annualisation, d'autres du temps partiel.
Nous allons faire une loi qui soit à la fois une loi d'incitation et de
souplesse.
Nous avons discuté de tout cela à Luxembourg, avant et pendant. Personne n'a
prétendu que les 35 heures françaises n'étaient pas compatibles. Elle le sont
tout à fait.
Q - J'ai quatre questions qui ne sont pas politiques.
Vous avez indiqué que le basculement des pièces et des billets aurait lieu en
quelques semaines. Pour le remplacement des pièces et des billets, M. le
Ministre a parlé de quelques semaines. Aura-t-il lieu en quelques semaines ou
et quelques mois, six mois comme cela a été prévu au départ ? Dans chaque pays,
la durée sera-t-elle la même ? En Allemagne, il se murmure que chaque pays sera
responsable de la durée de cette conversion ?
Pourriez-vous nous indiquer où aura lieu la réunion du 2 mai ?
Si jamais on se rend compte qu'il est très compliqué de gérer l'euro et les
monnaies nationales pendant trois ans, que c'est coûteux, très difficile pour
le commerce, sera-t-il possible de raccourcir la période transitoire ?
Sur le plan de basculement, quelles sont - s'il y en a - les différences avec
les plans de basculement adoptés par nos voisins ?
R - M. Strauss-Kahn - Pour ce qui est des pièces et des billets, il a été prévu
que la double circulation pourrait durer six mois ou plus. Beaucoup
d'indications laissent à penser qu'il vaut mieux que ce soit plus court.
Surtout, il n'est pas évident que la double circulation, dans un pays donné,
doive être la même pour toutes les pièces et tous les billets.
Si certaines pièces ou certains billets ressemblent, plus que d'autres, aux
monnaies nationales, en ayant des valeurs différentes, ce seront ceux-là qu'il
faudra retirer d'abord. Quand on regarde les modèles de pièces, certains sont
très différents de nos pièces nationales, d'autres moins. On peut lisser sur la
période le retrait des espèces, des pièces et des billets français, par rapport
aux pièces et billets en euro.
Cela pourra donc commencer au bout de quelques semaines. L'ensemble du
dispositif s'étalera sur plusieurs mois, le maximum est prévu à six mois.
Quant à la question de savoir si la durée sera la même dans chaque pays, elle
est apparue à l'Ecofin et elle n'a pas encore été traitée en totalité. Ma
position est que ce serait plutôt mieux mais nous n'avons pas pris de décision
sur cette question. Elle sera débattue dans les mois qui viennent. Je ne peux
préjuger de la solution qui sera retenue. Il y a des avantages et des
inconvénients des deux côtés. Je serais plutôt pour que cela se fasse au même
rythme, en tout cas que la durée maximum, si elle reste à six mois, soit la
même pour tous et que si elle devait être raccourcie, elle soit raccourcie de
la même manière pour tout le monde.
Le 2 mai, la réunion se tiendra à Bruxelles. Nos amis britanniques ont
souhaité, pour des raisons qui sont les leurs, que cette réunion, bien qu'elle
soit sous leur présidence, se tienne à Bruxelles.
Votre question était de savoir, si cela s'avère très compliqué de gérer pendant
trois ans, si l'on pourra raccourcir. Non, on ne raccourcira pas. Mais, ce ne
sera pas très compliqué. Je ne vois pas pourquoi ce serait plus compliqué que
la période de convergence que nous venons de vivre. Nous ne raccourcirons pas.
Ce qui a fait la force du processus, aujourd'hui sur le point d'aboutir, ce qui
a fait sa crédibilité, c'est que les dates ont été respectées, c'est que la
piste tracée s'est exactement déroulée comme nous l'avions annoncée. C'est
l'une des conditions (pas la seule) de réussite de l'ensemble de l'opération.
Nous avons tracé un chemin. Il faut rester exactement dessus, ni l'allonger ni
le raccourcir.
Enfin, le plan de basculement et les différences.
(source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 21 septembre 2001)
1er janvier 2002, cela a été confirmé par la dernière réunion de mes collègues
européens et moi-même, que les pièces et les billets seront en circulation.
Quelques semaines après, les pièces et les billets français seront retirés de
la circulation.
On ne peut évidemment pas fixer la valeur de l'euro aujourd'hui. On sait qu'un
euro vaudra un écu et, vendredi dernier, l'écu cotait 6,62 francs, mais n'en
tirez aucune conclusion trop précise. Nous allons discuter ensemble des
problèmes concrets. Les questions qui touchent au double affichage, à
l'information des consommateurs, des petites et moyennes entreprises, les plus
grandes sont mieux préparées.
M. Pierre Moscovici
Je suis satisfait, de participer à cette initiative conjointe. Je reviens sur
les interviews que l'on vient de voir. Elles permettent de voir deux choses qui
ne sont pas nécessairement contradictoires.
La première est que chacun est désormais convaincu que l'euro va se faire. La
question n'est plus celle d'hier de savoir si, quand et avec quels critères
l'opération va se réaliser. Je crois qu'un contexte extrêmement favorable est
en train de s'installer avec une certitude - j'allais dire "tranquille" - que
l'avènement de l'euro a aujourd'hui une crédibilité sans précédent. C'est un
changement à la fois récent et extrêmement massif de l'opinion.
On peut le rappeler : une telle campagne s'inscrit dans un environnement qui
n'est plus dominé par le doute ou le scepticisme, ce qui aurait pu être le cas
il y a six mois ou un an. Il est important, à cet égard, d'observer le chemin
parcouru depuis juin dernier.
En tout état de cause, mon sentiment est que les incertitudes, si incertitudes
il y a encore, ne sont plus du côté de la France. De ce point de vue, les
résultats les plus récents du baromètre d'opinion sur les Français et l'euro,
mis en place par le ministère de l'Economie et des Finances, confirment
largement les opinions que j'avais moi-même pu enregistrer lors d'un sondage
réalisé en septembre. Il y a une adhésion des Français à l'Europe et à l'euro
qui se renforce nettement, et également un pronostic sur la réalisation de
l'euro qui devient sans arrêt plus important.
Aujourd'hui, 92 % des Français ont la certitude ou le pronostic que l'euro va
se faire. Ce renforcement de l'adhésion des Français se manifeste à la fois par
un enchaînement positif qui accompagne le passage à l'euro qui commence à
s'enclencher. C'est à ce titre que je veux parler très brièvement du Sommet de
Luxembourg.
Il est un élément positif, non seulement pour l'Europe toute entière, mais
aussi pour l'euro. Il permet de conforter le passage à l'euro, de montrer que
l'Europe marche sur deux pieds : le pied de la stabilité financière, monétaire,
de cette union monétaire, mais aussi le pied de la croissance et de l'emploi.
L'Union économique et monétaire voulue par le Traité de Maastricht commence à
avoir désormais ses deux piliers : le pilier monétaire mais aussi le pilier
économique. A cet égard, je n'aurai garde d'oublier la perspective du Conseil
de l'euro proposé par la France et obtenu par Dominique Strauss-Kahn, sous une
forme, dont il vous reparlera, d'Euro Groupe.
Une mobilisation réelle de tous les acteurs concernés se fait également jour.
Il y a les travaux du Comité nationale de l'euro, notamment de son comité de
communication animé avec beaucoup de talent par Henri Nallet ; les travaux des
comités départementaux ; la mobilisation du gouvernement, celle de la
Commission - son concours est extrêmement précieux et important ; il y a les
relais partout pris par les entreprises.
Au-delà de cet environnement favorable, sur lequel il ne faut pas se reposer
avec trop de certitudes, j'ai tiré une deuxième impression des interviews,
c'est qu'il demeure une méconnaissance de la signification de son changement
dans sa double dimension, à la fois individuelle et collective. Cette
méconnaissance des modalités concrètes du changement peut être source
d'inquiétude pour les personnes. Ce n'est peut-être pas la même inquiétude
qu'hier. Ce n'est pas le point de savoir si l'Europe est une perspective qui
nous contraint, qui nous empêche d'agir, s'il faut réduire les déficits ou pas.
Ce message est passé. Il y a un assez large consensus là-dessus.
Mais il y a une méconnaissance de la portée collective de ce changement qui
entraîne une véritable modification de notre régime économique. Il y aussi une
méconnaissance de la portée individuelle de ce changement sur chacun. C'est par
rapport à ces inquiétudes très concrètes, très pratiques que nous devons
communiquer et expliquer. C'est ce à quoi s'efforce de répondre la campagne de
communication qui vous est présentée aujourd'hui. Il y a un travail de
communication considérable, mais qui est un travail de communication en
profondeur qui doit répondre à ces deux aspects, collectif et individuel, de la
question.
Je veux dire très brièvement en quoi j'entends contribuer activement à cet
effort de communication. Il y a, aux côtés de M. de Silguy, la présence
conjointe du ministre de l'Economie et des Finances et du ministre des Affaires
européennes. Cela témoigne de notre souci, à Dominique Strauss-Kahn et moi-même
et, au-delà du gouvernement tout entier, de conjuguer nos efforts pour
développer une approche cohérente pour expliquer à la fois le pourquoi et le
comment de la monnaie européenne. C'est une dimension qui revêt à mes yeux une
importance absolument primordiale.
On peut se demander à quoi sert le ministre des Affaires européennes. Il a des
responsabilités interministérielles au sein du gouvernement, des
responsabilités diplomatiques importantes par rapport à des sujets comme
l'élargissement ou l'Europe de l'emploi. Il y a aussi le fait que ce ministre
est situé à l'interface entre les affaires intérieures et les affaires
extérieures. La politique européenne ne peut plus être considérée aujourd'hui
comme une politique extérieure. C'est l'environnement, la condition de la
plupart des décisions que prennent les acteurs en France. Il y a là un rôle de
médiateur à jouer. C'est pourquoi j'entends ajouter à cette dimension sur
l'euro, à cette communication sur l'euro, une communication sur l'Europe ;
replacer le projet de l'euro dans la dimension européenne en général, montrer
en quoi l'euro s'inscrit dans un sens, a un sens, en quoi l'euro sert non
seulement la stabilité mais aussi l'emploi, la croissance et, au-delà de cela,
la cohésion sociale.
Je suis tout à fait prêt à m'investir dans cette campagne de communication. Je
veux insister sur deux dimensions complémentaires par rapport à ce que nous
lançons aujourd'hui. D'une part, la communication sur l'euro doit être une
communication de proximité. Il faut être capable d'associer les acteurs, qu'ils
soient formels - je pense aux comités départementaux de l'euro -, qu'ils soient
moins formels - je pense aux associations -, qu'ils soient politiques - je
pense aux élus -, qu'ils soient tout simplement les citoyens de cette grande
aventure qu'est l'aventure de l'euro pour répondre à ces deux dimensions à la
fois collective et individuelle. La première dimension est la proximité.
D'autre part, cela doit être une communication populaire aux deux sens du
terme. Il faut rendre l'Europe populaire, montrer en quoi l'euro sert l'Europe
toute entière et faire en sorte que cette communication s'applique à tous les
milieux, aux milieux favorables et à ceux qui sont moins favorables. On les
connaît. Ce sont justement ces milieux populaires, plutôt les femmes, les
ouvriers, les salariés, les plus défavorisés, qui perçoivent de l'inquiétude.
Il faut que la communication pénètre en profondeur. A cela, je suis tout à fait
prêt à m'associer.
S'agissant du contenu du message, les six prochains moins seront cruciaux pour
conforter ces évolutions encourageantes par lesquelles je commençais. Ces
messages sont les suivants.
Il faut bien mettre en valeur la portée positive et profondément politique de
la monnaie européenne, qui a longtemps été trop perçue comme un exercice
disciplinaire voire technocratique. Il faut souligner l'effort de rééquilibrage
progressif de l'Union économique et monétaire dans un sens plus favorable à la
croissance et à l'emploi, montrer en quoi l'euro sert la croissance et
l'emploi. Il faut, à la veille de ces échéances historiques, qu'il y ait un
message qui, au-delà de sa force pédagogique - et de ce point de vue, il est
réussi -, soit celui de la mobilisation de toutes les forces pour aborder dans
de bonnes conditions ce changement considérable.
Car l'avènement de l'euro est une formidable occasion pour inscrire dans les
réalités quotidiennes de nos concitoyens la marque d'une Europe qui avance,
concrète, qui facilite l'émergence d'une conscience collective d'appartenir à
un même ensemble. Qu'y a-t-il de plus symbolique que le partage de la
souveraineté monétaire ?
C'est par ce type d'enjeux concret que la conscience européenne qui connaît
parfois des ratés pourra progresser. C'est pourquoi nous ne pouvons pas, nous
ne devons pas rater le rendez-vous de l'euro en mai 1998.
M. Dominique Strauss-Kahn
Le premier point qui me paraît important, et que Pierre Moscovici rappelait à
l'instant, est qu'aujourd'hui, pratiquement plus personne ne doute de
l'avènement de cette monnaie unique au premier janvier 1999. Il y a encore six
mois, nombreux étaient ceux qui pensaient que, soit cela ne se ferait pas du
tout, que la construction intellectuelle s'écroulerait avant d'arriver à son
terme, soit que des délais supplémentaires seraient nécessaires et que par
conséquent deux ou trois ans de report apparaîtraient.
En six mois, l'ambiance a beaucoup changé et j'ai la faiblesse de penser que la
détermination du gouvernement français n'est pas pour rien dans ce changement
d'exception. On rencontre trop de gens qui pensent que cela ne va pas arriver à
l'heure dite. Cela apparaît alors véritablement comme ce que c'est, à savoir
une étape majeure de la construction européenne, peut-être la plus importante
qui ait jamais existé depuis la signature du Traité de Rome, et quelque chose
qui va entrer dans la conscience des Européens et de l'ensemble des citoyens de
la planète qui s'intéressent à ces questions, en créant l'apparition d'une
Europe qui, au-delà d'une zone de libre échange, d'un marché intérieur pas
toujours compris par ceux qui nous entourent, devient une entité économique à
part entière, tant il est vrai que, dans l'histoire des hommes, la monnaie a
toujours constitué ce qu'était la traduction économique la plus évidente du
pouvoir politique.
Ce qui est clair aujourd'hui, c'est que l'euro sera un euro large. J'entendais
l'autre jour le chancelier Kohl répondant à une question, dire que, selon lui,
il y aurait entre neuf et onze pays. Je ne saurais être plus précis que lui,
mais même si on était sur la fourchette basse de son estimation, cela ferait un
euro large, et il n'y a aucune raison de penser que nous ne serons pas en haut
de sa fourchette, ce qui fera un euro encore plus large, conforme à ce que le
gouvernement souhaitait, quand il n'était pas encore le gouvernement, quand il
était en campagne, car un des éléments qui nous paraît très important pour la
réussite de l'euro était qu'il devienne la monnaie du plus grand nombre
possible d'européens.
Pierre Moscovici a évoqué le Conseil de l'euro. C'est évidemment un point
important. Je ne serai pas long sur le sujet. Il faut qu'une structure existe
pour gérer cette monnaie. C'est le rôle de la Banque centrale, tout
indépendante qu'elle sera, que de s'occuper de la politique monétaire, mais
dans aucun pays il n'existe de banque centrale indépendante qui n'ait pas en
face, pour dialoguer avec elle, une structure où la politique économique
s'élabore, et notamment ce composé un peu fragile qui est l'équilibre entre une
politique budgétaire et une politique monétaire.
Il faut qu'un lieu existe, ce lieu dont la discussion n'avait pas été entamée,
car on se préoccupait beaucoup de savoir si les critères seraient respectés,
comment on allait faire pour arriver au premier janvier 1999 mais pas beaucoup
de ce qui allait se passer après. Ce lieu voit sa création de plus en plus
certaine, même si ce n'est que dans quelques jours, à Luxembourg, au sommet des
chefs d'Etat, qu'il sera un peu formalisé.
C'est, je crois, un élément tout à fait majeur de la réussite de la politique
économique qui viendra après le premier janvier 1999. La vie ne s'arrête pas
avec l'arrivée de l'euro et il me semble que les progrès réalisés en cette
matière, le ralliement de dix ou onze de nos partenaires à cette idée qu'il
faut un Conseil de l'euro, sont une bonne idée. J'ai été frappé à Bruxelles de
voir Theo Waigel dire à certains qu'il n'était pas encore totalement convaincu
mais, que vous le vouliez ou non, le Conseil de l'euro existera et
fonctionnera. Cela montre que nombre de nos partenaires ont été convaincus par
cette position de bon sens, et cela a contribué à ce que la matérialité du
changement qui va prendre place s'inscrive dans tous les esprits.
Je ne m'étends pas sur les objectifs de Luxembourg, Pierre Moscovici en a
parlé. Il a raison : le thème de l'emploi, son retour sur le devant de la
scène, viennent rééquilibrer le passage à l'euro. Il n'aurait pas fallu que
l'accent, qui va inévitablement être mis sur les questions monétaires par le
passage à l'euro, fasse apparaître l'Europe comme étant uniquement une
préoccupation monétaire. Le sommet qui s'est déroulé est, de ce point de vue
très utile, et surtout sa répétition annoncée chaque année montre que la
préoccupation de l'emploi est devenue tout à fait majeure.
Quand on prend tous ces éléments ensemble, on n'est pas surpris de voir que le
degré d'assentiment à ce changement majeur - donc toujours un peu difficile -
qui consiste à changer de monnaie, est croissant parmi nos concitoyens. Il y a
six mois, l'enquête traditionnellement menée par cette administration faisait
apparaître 49 % de Français favorables au passage à l'euro. Celle qui vient
d'être conduite passe à 57 % le nombre de personnes favorables. Plus frappant,
les jeunes sont encore plus nombreux, avec 62 % d'entre eux favorables. Et plus
intéressant peut-être, plus on est informé, plus on croit qu'on l'est, plus on
se dit au courant de ce qui va se passer et plus on y est favorable.
Cela nous pousse, avec l'aide de la Commission que je remercie à cette
occasion, à vouloir développer cette information. C'est bien sûr le centre de
la campagne qui va maintenant être conduite, à partir des travaux menés par le
Conseil de l'euro et tout au long de la réunion des ministres qui, il y a
quelques jours encore, décidait de fixer définitivement au premier janvier 2002
l'apparition des pièces et billets. Mais aussi, de façon plus nationale, à
partir de ce qui a été très longuement travaillé depuis assez longtemps par le
Conseil national de l'euro mis en place par Jean Arthuis qui, réunissant des
banquiers, des syndicalistes, des consommateurs, des chefs d'entreprise, bref
l'ensemble des acteurs de ce passage, a produit force documents, réflexions,
propositions, qu'il faut maintenant faire connaître aux Français.
De ce point de vue, je veux saluer tout particulièrement la cellule qui
travaille sur les problèmes de communication dans cette élaboration collective,
présidée par Henri Nallet. Je veux le remercier du travail qui a été fait par
lui-même et les membres de cette assemblée, qui ont consacré beaucoup de temps
et d'énergie à arriver à mettre en place un dispositif que je crois assez
efficace. Donc, nous verrons ensemble s'il l'est.
Le moment est venu de dévoiler les quelques secondes du spot d'information.
Vous savez que la campagne se compose d'un spot d'information télévisé ; d'une
brochure simple "l'euro et nous" qui sera diffusée à 22 millions d'exemplaires,
soit à peu près une par foyer ; d'un document à destination des élus locaux
plus technique, mais qui sont des vecteurs très importants, car dans beaucoup
de communes de notre pays, c'est vers la mairie que l'on se dirige quand on
cherche une information, et il était important qu'ils disposent d'une
information détaillée. Donc, 150 000 exemplaires seront diffusés pour les élus
locaux. Et puis, une communication franchement technique, à destination des
professionnels qui est le plan national du passage à l'euro et qui comprend la
réponse à tous les éléments à toutes les questions que nous avons pu identifier
aujourd'hui. Peut-être que d'autres apparaîtront plus tard qu'il faudra aussi
traiter mais, pour le moment, on a essayé de faire le recensement de tous les
points sur lesquels des interrogations pouvaient se faire jour.
(...)
Le message central de la campagne est l'idée que nous allons organiser un
passage progressif à l'euro, au rythme choisi par chacun. Des dispositions
existeront dès le 1er janvier 1999 en matière fiscale, en matière de paiement,
pour qu'il soit possible de procéder à ces opérations, mais pas obligatoire.
C'est le principe : ni obligation, ni interdiction, de façon à ce que,
progressivement, jusqu'au 1er janvier 2002, un nombre croissant de citoyens,
d'entreprises se mettent à l'euro mais au rythme qui leur conviendra, et cela
dans la plus grande sécurité juridique.
C'est l'idée de base. Elle est simple. Encore faut-il y parvenir. De ce point
de vue, l'administration française est tout à fait prête. Elle le sera le 31
décembre 1998, aussi bien pour le paiement de la TVA en euro, pour les
entreprises qui le souhaiteront, que pour la comptabilité des entreprises en
euro pour laquelle les textes de la Chambre de commerce seront présentés au
printemps, que pour les déclarations fiscales, encore une fois pour ceux qui le
souhaitent et pas pour tous s'ils ne le souhaitent pas. La plus grande partie
des grands facturiers (EDF, France Télécom, La Poste, etc.) présenteront leurs
factures avec un double affichage.
Petite à petit, ce thème selon lequel l'euro fera notre force, rentrera dans
les esprits, je l'espère, sans qu'aucune contrainte trop brutale n'apparaisse
et avec le sentiment pour chacun qu'il peut y venir au moment qui lui
conviendra, dans les trois ans qui sont devant nous.
On m'a donné, la tradition française veut cela, une formidable citation de
Victor Hugo pour conclure ce petit mot. Je ne suis pas sûr qu'il soit adapté au
caractère concret et pratique de l'exercice mais, pour autant, je ne résiste
pas au plaisir de vous la lire. Victor Hugo écrit une lettre aux exilés du coup
d'Etat du 2 décembre, le 24 février 1855.
"Une monnaie continentale ayant pour point d'appui le capital Europe tout
entier, pour moteur l'activité libre de 200 millions d'hommes - cela a un peu
augmenté depuis -, cette monnaie unique remplacerait et résorberait toutes les
absurdes variétés monétaires d'aujourd'hui, effigies de princes, figures des
misères, variétés qui sont autant de causes d'appauvrissement".
Lorsque l'on a, dans son patrimoine culturel, une phrase de cette nature, on ne
peut pas résister au plaisir de la livrer à tout le monde.
Le moment est venu de réponses à vos questions. Nous sommes, les uns et les
autres, à votre disposition.
Q - Ma question est plus politique, si vous me le permettez. Le passage aux 35
heures dont la loi doit voir le jour en même temps que l'euro, une fiscalité
parmi les plus lourdes d'Europe en France, sont-ils vraiment les gages d'une
bonne préparation de notre pays à l'entrée en euro ?
R - M. Strauss-Kahn - La liaison entre le passage à l'euro et le passage aux 35
heures, est bienvenue. Cette maison n'est pas à l'écart de la politique. Vous
n'avez pas à vous excuser de poser une question de cette nature.
Pour ce qui est des 35 heures, certainement, car au rythme auquel les autres
pays voient leur temps de travail baisser, spontanément, par la négociation et
non par la loi, nous serions l'un des pays au temps de travail le plus élevé en
Europe si d'ici à 2002, nous ne sommes pas capables d'avoir 35 heures. Il est
donc très important que cela se passe.
Sur la fiscalité, vous avez raison, l'harmonisation doit se poursuivre. Elle
aura beaucoup de conséquences, notamment pour la France de ramener son taux de
TVA à des niveaux qui sont ceux de nos voisins. Nous sommes dans une situation
absurde. Dans le même temps où l'on se prépare au passage à l'euro, le taux de
TVA en France avait tendance à augmenter alors que ce que rapporte la TVA dans
notre pays est déjà très excessif par rapport à la moyenne européenne. Il faut
donc que nous revenions à une convergence, mise à mal au cours des années
passées notamment par ce déséquilibre organisé entre la fiscalité indirecte et
la fiscalité directe. C'est en effet l'intention du gouvernement, quand il en
aura les moyens (je ne veux pas anticiper) de faire baisser le taux de TVA pour
le rapprocher d'une structure fiscale qui sera celle de nos voisins.
R - M. Moscovici - Sur les 35 heures, nous sommes en train de faire l'euro dans
les conditions prévues par un Traité voté par les Français : le Traité de
Maastricht. Ces conditions concernent à la fois des délais et des critères.
Faut-il rajouter, au fur et à mesure, d'autres conditions ? Je n'en suis pas
sûr.
Ma deuxième considération tient au Sommet de Luxembourg. J'y étais. On y a
beaucoup dit que la France cherchait à exporter les 35 heures. Cela n'a
absolument pas été le cas. Ce n'est pas par le prosélytisme que l'on peut
réussir. Bien au contraire, c'est par l'exemple. Nous verrons ce que cela
donne.
J'ai noté, à la fois au cours des travaux préparatoires et au cours du Conseil,
qu'il était reconnu par tous que la réduction du temps de travail était un
objectif et un objet du dialogue social. Il a été indiqué très clairement que
le dialogue social européen devait se développer à la fois sur l'aménagement du
temps de travail et sur sa réduction du temps de travail, mais toujours dans la
logique européenne, c'est-à-dire qu'il y ait une perspective commune, des
instruments communs et, ensuite, que la subsidiarité joue, que chacun fasse
comme il l'entend. Certains font de l'annualisation, d'autres du temps partiel.
Nous allons faire une loi qui soit à la fois une loi d'incitation et de
souplesse.
Nous avons discuté de tout cela à Luxembourg, avant et pendant. Personne n'a
prétendu que les 35 heures françaises n'étaient pas compatibles. Elle le sont
tout à fait.
Q - J'ai quatre questions qui ne sont pas politiques.
Vous avez indiqué que le basculement des pièces et des billets aurait lieu en
quelques semaines. Pour le remplacement des pièces et des billets, M. le
Ministre a parlé de quelques semaines. Aura-t-il lieu en quelques semaines ou
et quelques mois, six mois comme cela a été prévu au départ ? Dans chaque pays,
la durée sera-t-elle la même ? En Allemagne, il se murmure que chaque pays sera
responsable de la durée de cette conversion ?
Pourriez-vous nous indiquer où aura lieu la réunion du 2 mai ?
Si jamais on se rend compte qu'il est très compliqué de gérer l'euro et les
monnaies nationales pendant trois ans, que c'est coûteux, très difficile pour
le commerce, sera-t-il possible de raccourcir la période transitoire ?
Sur le plan de basculement, quelles sont - s'il y en a - les différences avec
les plans de basculement adoptés par nos voisins ?
R - M. Strauss-Kahn - Pour ce qui est des pièces et des billets, il a été prévu
que la double circulation pourrait durer six mois ou plus. Beaucoup
d'indications laissent à penser qu'il vaut mieux que ce soit plus court.
Surtout, il n'est pas évident que la double circulation, dans un pays donné,
doive être la même pour toutes les pièces et tous les billets.
Si certaines pièces ou certains billets ressemblent, plus que d'autres, aux
monnaies nationales, en ayant des valeurs différentes, ce seront ceux-là qu'il
faudra retirer d'abord. Quand on regarde les modèles de pièces, certains sont
très différents de nos pièces nationales, d'autres moins. On peut lisser sur la
période le retrait des espèces, des pièces et des billets français, par rapport
aux pièces et billets en euro.
Cela pourra donc commencer au bout de quelques semaines. L'ensemble du
dispositif s'étalera sur plusieurs mois, le maximum est prévu à six mois.
Quant à la question de savoir si la durée sera la même dans chaque pays, elle
est apparue à l'Ecofin et elle n'a pas encore été traitée en totalité. Ma
position est que ce serait plutôt mieux mais nous n'avons pas pris de décision
sur cette question. Elle sera débattue dans les mois qui viennent. Je ne peux
préjuger de la solution qui sera retenue. Il y a des avantages et des
inconvénients des deux côtés. Je serais plutôt pour que cela se fasse au même
rythme, en tout cas que la durée maximum, si elle reste à six mois, soit la
même pour tous et que si elle devait être raccourcie, elle soit raccourcie de
la même manière pour tout le monde.
Le 2 mai, la réunion se tiendra à Bruxelles. Nos amis britanniques ont
souhaité, pour des raisons qui sont les leurs, que cette réunion, bien qu'elle
soit sous leur présidence, se tienne à Bruxelles.
Votre question était de savoir, si cela s'avère très compliqué de gérer pendant
trois ans, si l'on pourra raccourcir. Non, on ne raccourcira pas. Mais, ce ne
sera pas très compliqué. Je ne vois pas pourquoi ce serait plus compliqué que
la période de convergence que nous venons de vivre. Nous ne raccourcirons pas.
Ce qui a fait la force du processus, aujourd'hui sur le point d'aboutir, ce qui
a fait sa crédibilité, c'est que les dates ont été respectées, c'est que la
piste tracée s'est exactement déroulée comme nous l'avions annoncée. C'est
l'une des conditions (pas la seule) de réussite de l'ensemble de l'opération.
Nous avons tracé un chemin. Il faut rester exactement dessus, ni l'allonger ni
le raccourcir.
Enfin, le plan de basculement et les différences.
(source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 21 septembre 2001)