Texte intégral
Je voudrais d'emblée remercier Laurent Fabius et Alain Barrau qui ont eu la très judicieuse idée d'organiser ce colloque sur les enjeux de Seattle. A trois semaines du début de la conférence et à un moment où les discussions sont vives à Genève, il ne pouvait pas survenir à un meilleur moment. Nous sommes en effet dans la dernière ligne droite même si la route qui nous y conduit est encore difficile.
Comme vous le savez, j'ai la responsabilité de conduire la délégation française à cette conférence qui va ouvrir les négociations commerciales multilatérales dans le cadre d'un nouveau cycle du millénaire.
Depuis la rentrée, cela ne vous a pas échappé, on assiste à une pléthore de discours et de jugements pessimistes sur l'OMC : l'organisation aurait un effet néfaste sur la prospérité, la cohésion et les valeurs essentielles de la France, des conséquences négatives sur les économies des pays en développement et serait une simple caisse de résonance des seuls valeurs et intérêts américains. Peu importe, la mission réelle de l'OMC, la rationalité ne semble plus avoir cours.
Je voudrais vous répéter ma conviction : le parti du repli fait fausse route et sous couvert d'intérêt national, il se trompe et nous trompe. Car depuis un demi-siècle, le meilleur serviteur de l'intérêt national a été, au contraire, le parti de la modernisation et de l'ouverture : celui qui, avec Mitterrand et Delors, a fait renouveler le pari d'une insertion internationale réussie, s'appuyant sur une construction européenne renforcée.
Contre tous les prophètes de malheur, la France a su s'ouvrir en préservant sa diversité, sans renoncer à ses valeurs essentielles en particulier culturelles et sociales. Elle a su organiser sa mutation vers les secteurs d'avenir, surmonter l'obsession de ce qu'il y a vingt ans on nommait la contrainte extérieure, affirmer sa présence internationale, retrouver une vraie capacité de croissance.
Depuis deux ans et demi, l'économie française croît, crée des emplois et réduit le chômage. Elle le doit aussi à notre choix de l'Europe et de l'ouverture. C'est de nous qu'il dépend qu'elle continue à le faire, pour tendre vers l'objectif du plein emploi. L'OMC peut être un remède aux maux nés de la mondialisation, elle n'en est pas la cause.
Mais, pourquoi alors l'OMC est-elle la cible de tant de critiques ? Cela tient pour partie à son mode de fonctionnement. J'irai à Seattle avec la volonté ferme d'améliorer la transparence de l'OMC pour la rendre plus " citoyenne ". Nous devons aussi avoir l'ambition que l'OMC soit plus généreuse pour les PVD et soit enfin au cur des nouvelles régulations pour lesquelles plaide le gouvernement français et dont le Premier Ministre a rappelé l'importance dans son discours de Strasbourg. Si nous orientons bien l'OMC, elle aidera à ce que la mondialisation devienne un atout pour tous et qu'elle ne laisse au bord du chemin ni les pays pauvres ni les hommes les plus démunis.
1 -Rendre l'OMC plus citoyenne
2 -L'OMC instrument d'une nouvelle alliance pour le développement
3 -Une OMC au cur des nouvelles régulations internationales
1 -Rendre l'OMC plus citoyenne
a - la citoyenneté, c'est le dialogue
Avant la création de l'OMC en 1995, les négociations commerciales se passaient dans une confidentialité organisée. La société civile, et parfois même les Gouvernements, découvraient quelques années après des résultats qu'ils n'avaient pas toujours souhaités. Ce mode de fonctionnement doit disparaître. Je suis décidé à y mettre fin.
Un objectif essentiel à Seattle sera d'obtenir davantage de transparence dans les négociations, les nouvelles technologies de l'information et particulièrement Internet sont un des moyens d'y parvenir. Le MEFI vient d'ouvrir à l'intérieur de son site un site spécifique sur l'OMC et les négociations commerciales. Je forme le vu qu'il soit visité largement. Toutes les suggestions d'amélioration de son fonctionnement et toutes les contributions sur les négociations commerciales seront bienvenues de manière à enrichir et élargir le plus possible le débat. Par ailleurs, sera mis à la disposition des journalistes dès la semaine prochaine, un dossier complet sur les négociations commerciales, un " kit OMC " qui sans parti pris, décrira objectivement la situation actuelle, pour que chacun puisse se forger en toute indépendance son opinion.
Mais citoyenneté veut dire aussi pour les Gouvernements une meilleure consultation de tous les acteurs de la société. C'est ce que nous avons essayé de conduire depuis 1998. Pas moins de sept réunions ministérielles ont été tenues à Bercy par Dominique Strauss-Kahn et François Huwart avec la participation de Jean Glavany, Catherine Trautmann et Dominique Voynet.
Deux débats parlementaires ont déjà eu lieu et au cours des négociations, d'autres débats seront organisés pour que le Parlement soit pleinement informé.
La délégation officielle à Seattle comprendra onze parlementaires qui pourront donc participer aux séances de travail. Ce sera la délégation parlementaire la plus nombreuse de l'Union.
Cela me permet de saluer l'excellent travail très complet et très précis que Béatrice Marre vient d'achever sur les futures négociations. Il s'agit d'un véritable document de référence tant il est complet au point qu'il sert d'outil de travail dans les services de mon ministère.
Une OMC plus légitime et plus citoyenne, cela signifie aussi que la société civile et en particulier les ONG puissent être consultées régulièrement et puissent faire valoir leur point de vue au cours des négociations. Les négociations ne doivent pas être réservées à une poignée de spécialistes initiés. Toutes les composantes de la société civile pourront soumettre des contributions et des documents de travail durant les discussions ouvertes à Seattle. Il pourra en être de même lors de l'examen des différends commerciaux entre les États, qui est une des activités courantes et importantes de l'OMC.
b- une OMC citoyenne, c'est le rejet de l'unilatéralisme
L'OMC bien évidemment n'est ni au service des seuls États-Unis ni au-dessus des lois. Elle résulte de la volonté qu'ont eue les États démocratiques, au premier rang desquels la France, de bâtir une organisation économique du monde plus ouverte et assurant une égalité de traitement à tous les pays participants. L'égalité plutôt que l'hégémonie, l'arbitrage plutôt que l'arbitraire, voilà les principes fondateurs de l'OMC. Il n'y a pas de supra nationalité mais simplement une acceptation par tous les pays participants de règles commerciales communes, puisque, comme vous le savez, les accords supposent l'unanimité.
Une OMC encore plus citoyenne, c'est une organisation qui intègre mieux les aspects sociaux et culturels. La recherche de meilleures conditions de travail pour tous et dans tous les pays est un combat universel. L'OMC doit pouvoir apporter sa contribution à un meilleur respect des normes sociales fondamentales au travail en collaboration naturellement avec l'OIT. Les États qui le souhaitent doivent pouvoir prendre des mesures incitatives au bénéfice des pays qui ne font travailler ni les enfants ni les prisonniers et qui respectent la liberté du travail et la liberté syndicale.
Par ailleurs, la diversité des approches culturelles, source de richesse pour l'humanité et moyen privilégié d'expression pour nombre de concitoyens, ne doit pas être étouffée par le commerce et laissée aux seules forces du marché et du capital. Les règles de l'OMC doivent être suffisamment souples pour que les pays puissent définir librement leurs politiques culturelles et audiovisuelles.
2 -L'OMC instrument d'une nouvelle alliance pour le développement.
Durant les vingt dernières années, certains pays parmi les plus pauvres ont connu une faible croissance et une diminution de leur présence internationale. Le nouveau cycle doit servir à forger les instruments d'une nouvelle alliance entre les pays développés et les pays en développement, particulièrement les moins avancés. Il doit nous permettre de passer, comme Béatrice Marre le souligne dans son rapport " de la mondialisation subie au développement contrôlé ou maîtrisé".
Pour enrayer ce cercle vicieux, il faut mettre en uvre une nouvelle politique alliant le commerce et l'aide au développement. De vieux réflexes protectionnistes avaient pu nous pousser à jouer l'aide contre l'ouverture : les barrières commerciales étaient maintenues, en échange du financement de projets de développement pas toujours calibrés au plus juste. A l'opposé les tenants du libéralisme nous enjoignent de cesser l'aide et d'ouvrir nos marchés : " trade not aid ". La France veut le commerce et l'aide. Elle prône l'ouverture commerciale aux produits des PMA et elle restera généreuse pour l'aide au développement, comme en témoigne l'initiative de Cologne sur l'annulation de la dette des pays pauvres.
Il faut oublier les schémas du passé où les exportations des PMA étaient concentrées uniquement sur les matières premières. Il faut désormais favoriser une intégration régionale de ces pays qui leur permettent à la fois de développer leur marché intérieur et leurs exportations sur des bases compétitives.
Je soutiens donc sans aucune réserve l'initiative généreuse de l'Union visant à accorder un accès libre pour la plupart des produits issus des PMA.
Dans cet esprit, je me félicite des premiers mouvements d'intégration régionale au sein des PVD. Ils doivent savoir qu'ils peuvent compter sur l'appui de la France.
L'accession à l'OMC de la Chine et de la Russie sera enfin un des moyens de rééquilibrer une organisation qui avait un peu trop l'habitude de travailler essentiellement avec les pays du Nord. Il faudra trouver avec eux les modalités pour réussir leur intégration à l'OMC.
3 -Une OMC au cur des nouvelles régulations internationales.
Comme l'a rappelé le Premier Ministre, l'OMC est déjà un instrument de régulation, c'est un premier rempart contre la loi du plus fort, contre l'unilatéralisme. La dernière décision qu'elle vient de prendre, en condamnant les avantages fiscaux accordés aux exportateurs américains pour des montants considérables en témoigne.
Les premiers succès sont encourageants, mais dans un monde où les capitaux et les biens circulent d'un bout à l'autre de la planète de plus en plus rapidement et de plus en plus facilement, il nous faut encore renforcer le rôle régulateur de l'OMC, n'en déplaise aux tenants de l'ultra libéralisme.
Concrètement cela signifie que l'OMC privilégie davantage l'environnement, pour que les ressources naturelles ne soient pas mises en péril par une expansion incontrôlée du commerce, et pour que les engagements internationaux de protection de l'environnement soient mieux pris en compte dans les règles commerciales.
Cela signifie aussi que les États puissent appliquer, de manière non protectionniste mais rigoureuse, le principe de précaution quand les effets sur l'environnement ou la santé d'un produit suscitent de réels doutes, car nos concitoyens ont droit à la sécurité alimentaire
Cela signifie enfin que l'OMC doit prendre en compte, dans la future négociation agricole, les nouvelles dimensions de la politique agricole européenne qui place cette activité, grâce à l'agriculture familiale de qualité, au service des attentes des citoyens en matière d'environnement et d'aménagement du territoire.
Dans le domaine de l'investissement, nous souhaitons répartir à Seattle sur des bases radicalement différentes de l'AMI qui prévoyait une libéralisation généralisée et qui était un accord taillé sur mesure pour les multinationales qui pouvaient attaquer juridiquement les États. Nous préférons une approche beaucoup plus progressive, respectueuse des équilibres entre pays, où la libéralisation est choisie et maîtrisée et non brutale et subie. De la même manière, des disciplines internationales sur la concurrence doivent donner des armes aux États contre le pouvoir excessif des multinationales dont certaines seraient tentées par leur gigantisme de se soustraire aux règles nationales. La lutte contre les monopoles, illustrée par les décisions récentes concernant Microsoft, est aujourd'hui fondamentale.
Enfin une OMC régulatrice, c'est une organisation qui trouve sa place dans la nouvelle architecture internationale plus légitime et plus démocratique que la France a essayé patiemment de construire. Les 134 pays - qui seront bientôt rejoint par d'autres - sont une source de légitimité pour l'OMC. Cela doit nous conduire à trouver les modalités d'une coopération rénovée entre l'OMC et les institutions de Bretton Woods, c'est ce que Béatrice Marre appelle " la gouvernance mondiale ". Pascal Lamy a déjà pris des premières initiatives en ce domaine, la France les soutient.
Le Gouvernement va s'y employer à la fois au G 8 et à Seattle. L'OMC doit enfin travailler avec les autres organisations internationales responsables de la sécurité alimentaire et la protection de la santé, en fixant des modalités de coopération avec elles sans volonté hégémonique, il ne doit pas y avoir une loi commerciale qui serait supérieure aux autres règles internationales.
L'enjeu des prochaines négociations est fondamental. Nous devons insuffler à l'OMC un nouvel esprit dans les relations commerciales internationales. De cette nouvelle approche, le citoyen sera le centre, les pays les plus pauvres seront les bénéficiaires.
Un cycle large, soumis au principe de l'engagement unique, est le seul moyen de parvenir à cet équilibre, équilibre entre les différents sujets de négociation et équilibre entre les différents pays.
Nous voulons une OMC plus citoyenne, contribuant en toute transparence à la prospérité, à l'équilibre et à l'équité de la société et de l'économie mondiale. Je le dis aujourd'hui devant vous, si ces conditions ne sont pas réunies à Seattle, l'échec n'est pas exclu. Il dépend de nous, de notre volonté politique entre Européens, d'en faire les conditions du succès.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 15 novembre 1999)
Comme vous le savez, j'ai la responsabilité de conduire la délégation française à cette conférence qui va ouvrir les négociations commerciales multilatérales dans le cadre d'un nouveau cycle du millénaire.
Depuis la rentrée, cela ne vous a pas échappé, on assiste à une pléthore de discours et de jugements pessimistes sur l'OMC : l'organisation aurait un effet néfaste sur la prospérité, la cohésion et les valeurs essentielles de la France, des conséquences négatives sur les économies des pays en développement et serait une simple caisse de résonance des seuls valeurs et intérêts américains. Peu importe, la mission réelle de l'OMC, la rationalité ne semble plus avoir cours.
Je voudrais vous répéter ma conviction : le parti du repli fait fausse route et sous couvert d'intérêt national, il se trompe et nous trompe. Car depuis un demi-siècle, le meilleur serviteur de l'intérêt national a été, au contraire, le parti de la modernisation et de l'ouverture : celui qui, avec Mitterrand et Delors, a fait renouveler le pari d'une insertion internationale réussie, s'appuyant sur une construction européenne renforcée.
Contre tous les prophètes de malheur, la France a su s'ouvrir en préservant sa diversité, sans renoncer à ses valeurs essentielles en particulier culturelles et sociales. Elle a su organiser sa mutation vers les secteurs d'avenir, surmonter l'obsession de ce qu'il y a vingt ans on nommait la contrainte extérieure, affirmer sa présence internationale, retrouver une vraie capacité de croissance.
Depuis deux ans et demi, l'économie française croît, crée des emplois et réduit le chômage. Elle le doit aussi à notre choix de l'Europe et de l'ouverture. C'est de nous qu'il dépend qu'elle continue à le faire, pour tendre vers l'objectif du plein emploi. L'OMC peut être un remède aux maux nés de la mondialisation, elle n'en est pas la cause.
Mais, pourquoi alors l'OMC est-elle la cible de tant de critiques ? Cela tient pour partie à son mode de fonctionnement. J'irai à Seattle avec la volonté ferme d'améliorer la transparence de l'OMC pour la rendre plus " citoyenne ". Nous devons aussi avoir l'ambition que l'OMC soit plus généreuse pour les PVD et soit enfin au cur des nouvelles régulations pour lesquelles plaide le gouvernement français et dont le Premier Ministre a rappelé l'importance dans son discours de Strasbourg. Si nous orientons bien l'OMC, elle aidera à ce que la mondialisation devienne un atout pour tous et qu'elle ne laisse au bord du chemin ni les pays pauvres ni les hommes les plus démunis.
1 -Rendre l'OMC plus citoyenne
2 -L'OMC instrument d'une nouvelle alliance pour le développement
3 -Une OMC au cur des nouvelles régulations internationales
1 -Rendre l'OMC plus citoyenne
a - la citoyenneté, c'est le dialogue
Avant la création de l'OMC en 1995, les négociations commerciales se passaient dans une confidentialité organisée. La société civile, et parfois même les Gouvernements, découvraient quelques années après des résultats qu'ils n'avaient pas toujours souhaités. Ce mode de fonctionnement doit disparaître. Je suis décidé à y mettre fin.
Un objectif essentiel à Seattle sera d'obtenir davantage de transparence dans les négociations, les nouvelles technologies de l'information et particulièrement Internet sont un des moyens d'y parvenir. Le MEFI vient d'ouvrir à l'intérieur de son site un site spécifique sur l'OMC et les négociations commerciales. Je forme le vu qu'il soit visité largement. Toutes les suggestions d'amélioration de son fonctionnement et toutes les contributions sur les négociations commerciales seront bienvenues de manière à enrichir et élargir le plus possible le débat. Par ailleurs, sera mis à la disposition des journalistes dès la semaine prochaine, un dossier complet sur les négociations commerciales, un " kit OMC " qui sans parti pris, décrira objectivement la situation actuelle, pour que chacun puisse se forger en toute indépendance son opinion.
Mais citoyenneté veut dire aussi pour les Gouvernements une meilleure consultation de tous les acteurs de la société. C'est ce que nous avons essayé de conduire depuis 1998. Pas moins de sept réunions ministérielles ont été tenues à Bercy par Dominique Strauss-Kahn et François Huwart avec la participation de Jean Glavany, Catherine Trautmann et Dominique Voynet.
Deux débats parlementaires ont déjà eu lieu et au cours des négociations, d'autres débats seront organisés pour que le Parlement soit pleinement informé.
La délégation officielle à Seattle comprendra onze parlementaires qui pourront donc participer aux séances de travail. Ce sera la délégation parlementaire la plus nombreuse de l'Union.
Cela me permet de saluer l'excellent travail très complet et très précis que Béatrice Marre vient d'achever sur les futures négociations. Il s'agit d'un véritable document de référence tant il est complet au point qu'il sert d'outil de travail dans les services de mon ministère.
Une OMC plus légitime et plus citoyenne, cela signifie aussi que la société civile et en particulier les ONG puissent être consultées régulièrement et puissent faire valoir leur point de vue au cours des négociations. Les négociations ne doivent pas être réservées à une poignée de spécialistes initiés. Toutes les composantes de la société civile pourront soumettre des contributions et des documents de travail durant les discussions ouvertes à Seattle. Il pourra en être de même lors de l'examen des différends commerciaux entre les États, qui est une des activités courantes et importantes de l'OMC.
b- une OMC citoyenne, c'est le rejet de l'unilatéralisme
L'OMC bien évidemment n'est ni au service des seuls États-Unis ni au-dessus des lois. Elle résulte de la volonté qu'ont eue les États démocratiques, au premier rang desquels la France, de bâtir une organisation économique du monde plus ouverte et assurant une égalité de traitement à tous les pays participants. L'égalité plutôt que l'hégémonie, l'arbitrage plutôt que l'arbitraire, voilà les principes fondateurs de l'OMC. Il n'y a pas de supra nationalité mais simplement une acceptation par tous les pays participants de règles commerciales communes, puisque, comme vous le savez, les accords supposent l'unanimité.
Une OMC encore plus citoyenne, c'est une organisation qui intègre mieux les aspects sociaux et culturels. La recherche de meilleures conditions de travail pour tous et dans tous les pays est un combat universel. L'OMC doit pouvoir apporter sa contribution à un meilleur respect des normes sociales fondamentales au travail en collaboration naturellement avec l'OIT. Les États qui le souhaitent doivent pouvoir prendre des mesures incitatives au bénéfice des pays qui ne font travailler ni les enfants ni les prisonniers et qui respectent la liberté du travail et la liberté syndicale.
Par ailleurs, la diversité des approches culturelles, source de richesse pour l'humanité et moyen privilégié d'expression pour nombre de concitoyens, ne doit pas être étouffée par le commerce et laissée aux seules forces du marché et du capital. Les règles de l'OMC doivent être suffisamment souples pour que les pays puissent définir librement leurs politiques culturelles et audiovisuelles.
2 -L'OMC instrument d'une nouvelle alliance pour le développement.
Durant les vingt dernières années, certains pays parmi les plus pauvres ont connu une faible croissance et une diminution de leur présence internationale. Le nouveau cycle doit servir à forger les instruments d'une nouvelle alliance entre les pays développés et les pays en développement, particulièrement les moins avancés. Il doit nous permettre de passer, comme Béatrice Marre le souligne dans son rapport " de la mondialisation subie au développement contrôlé ou maîtrisé".
Pour enrayer ce cercle vicieux, il faut mettre en uvre une nouvelle politique alliant le commerce et l'aide au développement. De vieux réflexes protectionnistes avaient pu nous pousser à jouer l'aide contre l'ouverture : les barrières commerciales étaient maintenues, en échange du financement de projets de développement pas toujours calibrés au plus juste. A l'opposé les tenants du libéralisme nous enjoignent de cesser l'aide et d'ouvrir nos marchés : " trade not aid ". La France veut le commerce et l'aide. Elle prône l'ouverture commerciale aux produits des PMA et elle restera généreuse pour l'aide au développement, comme en témoigne l'initiative de Cologne sur l'annulation de la dette des pays pauvres.
Il faut oublier les schémas du passé où les exportations des PMA étaient concentrées uniquement sur les matières premières. Il faut désormais favoriser une intégration régionale de ces pays qui leur permettent à la fois de développer leur marché intérieur et leurs exportations sur des bases compétitives.
Je soutiens donc sans aucune réserve l'initiative généreuse de l'Union visant à accorder un accès libre pour la plupart des produits issus des PMA.
Dans cet esprit, je me félicite des premiers mouvements d'intégration régionale au sein des PVD. Ils doivent savoir qu'ils peuvent compter sur l'appui de la France.
L'accession à l'OMC de la Chine et de la Russie sera enfin un des moyens de rééquilibrer une organisation qui avait un peu trop l'habitude de travailler essentiellement avec les pays du Nord. Il faudra trouver avec eux les modalités pour réussir leur intégration à l'OMC.
3 -Une OMC au cur des nouvelles régulations internationales.
Comme l'a rappelé le Premier Ministre, l'OMC est déjà un instrument de régulation, c'est un premier rempart contre la loi du plus fort, contre l'unilatéralisme. La dernière décision qu'elle vient de prendre, en condamnant les avantages fiscaux accordés aux exportateurs américains pour des montants considérables en témoigne.
Les premiers succès sont encourageants, mais dans un monde où les capitaux et les biens circulent d'un bout à l'autre de la planète de plus en plus rapidement et de plus en plus facilement, il nous faut encore renforcer le rôle régulateur de l'OMC, n'en déplaise aux tenants de l'ultra libéralisme.
Concrètement cela signifie que l'OMC privilégie davantage l'environnement, pour que les ressources naturelles ne soient pas mises en péril par une expansion incontrôlée du commerce, et pour que les engagements internationaux de protection de l'environnement soient mieux pris en compte dans les règles commerciales.
Cela signifie aussi que les États puissent appliquer, de manière non protectionniste mais rigoureuse, le principe de précaution quand les effets sur l'environnement ou la santé d'un produit suscitent de réels doutes, car nos concitoyens ont droit à la sécurité alimentaire
Cela signifie enfin que l'OMC doit prendre en compte, dans la future négociation agricole, les nouvelles dimensions de la politique agricole européenne qui place cette activité, grâce à l'agriculture familiale de qualité, au service des attentes des citoyens en matière d'environnement et d'aménagement du territoire.
Dans le domaine de l'investissement, nous souhaitons répartir à Seattle sur des bases radicalement différentes de l'AMI qui prévoyait une libéralisation généralisée et qui était un accord taillé sur mesure pour les multinationales qui pouvaient attaquer juridiquement les États. Nous préférons une approche beaucoup plus progressive, respectueuse des équilibres entre pays, où la libéralisation est choisie et maîtrisée et non brutale et subie. De la même manière, des disciplines internationales sur la concurrence doivent donner des armes aux États contre le pouvoir excessif des multinationales dont certaines seraient tentées par leur gigantisme de se soustraire aux règles nationales. La lutte contre les monopoles, illustrée par les décisions récentes concernant Microsoft, est aujourd'hui fondamentale.
Enfin une OMC régulatrice, c'est une organisation qui trouve sa place dans la nouvelle architecture internationale plus légitime et plus démocratique que la France a essayé patiemment de construire. Les 134 pays - qui seront bientôt rejoint par d'autres - sont une source de légitimité pour l'OMC. Cela doit nous conduire à trouver les modalités d'une coopération rénovée entre l'OMC et les institutions de Bretton Woods, c'est ce que Béatrice Marre appelle " la gouvernance mondiale ". Pascal Lamy a déjà pris des premières initiatives en ce domaine, la France les soutient.
Le Gouvernement va s'y employer à la fois au G 8 et à Seattle. L'OMC doit enfin travailler avec les autres organisations internationales responsables de la sécurité alimentaire et la protection de la santé, en fixant des modalités de coopération avec elles sans volonté hégémonique, il ne doit pas y avoir une loi commerciale qui serait supérieure aux autres règles internationales.
L'enjeu des prochaines négociations est fondamental. Nous devons insuffler à l'OMC un nouvel esprit dans les relations commerciales internationales. De cette nouvelle approche, le citoyen sera le centre, les pays les plus pauvres seront les bénéficiaires.
Un cycle large, soumis au principe de l'engagement unique, est le seul moyen de parvenir à cet équilibre, équilibre entre les différents sujets de négociation et équilibre entre les différents pays.
Nous voulons une OMC plus citoyenne, contribuant en toute transparence à la prospérité, à l'équilibre et à l'équité de la société et de l'économie mondiale. Je le dis aujourd'hui devant vous, si ces conditions ne sont pas réunies à Seattle, l'échec n'est pas exclu. Il dépend de nous, de notre volonté politique entre Européens, d'en faire les conditions du succès.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 15 novembre 1999)