Texte intégral
ENTRETIEN AVEC "EUROPE 1" à Jérusalem, 8 octobre 1999
Q - Dans une demi-heure vous allez rencontrer Ehud Barak. Toute la journée d'hier vous avez vu les principaux dirigeants d'Israël, est-ce que vous percevez déjà entre les deux pays un changement de climat, de langage même, une ère propice ?
R - Oui absolument, c'est un changement que nous avions attendu, qui est survenu à partir du moment où M. Barak est arrivé au pouvoir après M. Netanyahou et qu'il a commencé à débloquer les choses, notamment le processus de paix auquel la France croit beaucoup ; elle s'est énormément investi politiquement et même, pourrais-je dire, affectivement et intellectuellement. Il y a donc un déblocage avec des espérances, mais cela reste naturellement très très compliqué et c'est bien ce que j'ai mesuré sur place.
Q - Qu'est-ce qui vous a le plus surpris ?
R - Tout ce que j'ai entendu m'a aidé à affiner mon analyse sur la question israélo-palestinienne et j'ai trouvé remarquable que tous mes interlocuteurs me disent, nous y allons, nous n'obtiendrons pas satisfaction à 100 %, les Palestiniens non plus, ce qui veut dire qu'il y aura une heure de vérité à un moment donné, que les protagonistes devront faire des compromis, des concessions créatrices. Nous n'en sommes pas là, ils n'ont pas recommencé à discuter. J'ai été plus surpris, en revanche, par l'impatience que j'ai senti à propos de la Syrie, les Israéliens veulent renouer, les Syriens ne sont pas encore d'accord, semble-t-il, sur les bases à partir desquelles ils pourraient renouer, les Israéliens commencent à se demander ce que cela signifie sur les intentions réelles du président Assad.
Q - A ce moment-là, que leur répondez-vous, vous qui avez de bonnes relations avec Assad et avec la Syrie, pensez-vous qu'ils recherchent vraiment l'accord de paix ?
R - Nous avons une relation étroite avec tous les protagonistes et, précisément nous avons des raisons de penser que la Syrie, de même, estime désormais de son intérêt stratégique de faire un accord sur la question du Golan, je ne peux pas le démontrer de façon arithmétique, mais c'est notre analyse, je l'ai dit aux Israéliens, ils s'intéressent beaucoup aux contacts que nous avons de ce coté là et notamment au voyage que je ferai en Syrie et au Liban le mois prochain.
Q - Quelle garantie concrète la France est-elle disponible à offrir, si Israël se retire du Liban sud ?
R - Le président Chirac avait dit il y a plusieurs années déjà que dans l'hypothèse où Israël se retirerait du Liban sud, ce qui est maintenant l'intention déclarée, précise de M. Barak, et dans le cadre d'un accord, la France pourrait participer à la mise en oeuvre d'un accord, et offrir des garanties au sol, y compris militaire et ce, dans le cadre d'un accord. L'accord n'est pas fait, nous le souhaitons, nous pensons que c'est la seule façon pour les Syriens, les Israéliens et les Libanais de recréer dans cette zone un environnement sûr, stable et non menaçant. Nous ferons donc tout, en ce qui concerne nos actions diplomatiques, pour favoriser cet éventuel accord, c'est dans cette hypothèse que l'on réexaminera cette question des garanties, la France ne serait sans doute pas seule dans cette hypothèse.
Q - Monsieur Védrine, Israël va entrer avec ses adversaires-partenaires dans la dure négociation du statut final.
R - Plus dure que toutes celles que les protagonistes ont menées jusqu'ici.
Q - Les protagonistes veulent être seul à seul, se retrouver en direct, c'est-à-dire sans l'Europe et sans la France, cela ne vous choque pas ?
R - Non, ça ne se présente pas exactement comme ça. Nous n'avons absolument pas la prétention de nous substituer aux négociateurs, tout simplement parce que nous ne sommes pas les protagonistes du conflit, nous ne pouvons donc pas être à leur place pour négocier sur Jérusalem, sur les réfugiés, sur les colonies, sur les frontières, etc.
Q - Cela, c'est un phénomène nouveau depuis M. Barak.
R - Je crois que M. Barak le dit de façon encore plus nette, mais on ne peut pas le comparer à son prédécesseur parce que lui ne cherchait pas la solution. Il dit qu'il est en charge, que les Israéliens l'ont désigné pour mener les négociations. Il n'écarte pas pour autant les autres, les autres c'est-à-dire les Américains, les Européens et notamment la France. Ce qu'il attend correspond exactement à l'idée que nous nous faisons d'un rôle utile aujourd'hui...
Q - C'est-à-dire rien dans les mains, rien dans les poches, pas de plans, pas de projets...
R - Si quelques idées...
Des principes, des points de repères, des résolutions qui rappellent la légalité internationale, mais il y a une façon d'amener les choses, donc une présence, une disponibilité, un accompagnement, une amitié, une attitude de facilitateur plutôt qu'une attitude consistant à s'imposer comme ça avec des gros sabots. Je ne dis pas cela, d'ailleurs, uniquement du côté israélien, naturellement, je tiens exactement le même langage à Yasser Arafat, aux Syriens et aux Libanais. Nous sommes avec nos amis du Proche-Orient dans cette phase historique où ils vont avoir à prendre des décisions d'une portée considérable car il s'agit d'organiser cette fois-ci, durablement, ce qui va peut-être devenir, on peut enfin y rêver, le Proche-Orient en paix. Nous serons là, proches, nous transmettrons des informations, nous échangerons des idées, peut-être même plus dans certains cas... une vraie valeur ajoutée, nous mettrons en avant des garanties possibles, - nous en parlions il y a un instant - et nous tenterons de convaincre nos amis européens d'être sur cette ligne.
Q - Et au stade de votre visite en Israël, Hubert Védrine, concluez-vous déjà qu'Israël est prête à appliquer tout ce que comportent les accords de Charm el-Cheikh ?
R - En effet il faut bien distinguer deux choses ; je crois qu'à Charm el-Cheikh, M. Barak et M. Arafat se sont engagés l'un par rapport à l'autre avec en plus un parrainage américain et un parrainage européen.
J'ai eu deux lettres de garantie des deux origines, il s'agit d'appliquer tous les accords signés lors des négociations dites de Wye River et d'autres négociations, tout cela avait été finalement plus ou moins abandonné par M. Netanyahou. C'est très important, cela a restauré la confiance et une ambiance de travail entre les protagonistes, je crois ; mais cela reste à consolider. Le statut final est une affaire plus complexe. Nous n'en avons pas parlé.
Q - Dans les accords du statut final il y aura les réfugiés, ou il y aurait les réfugiés, l'Etat palestinien, Jérusalem
R - Jérusalem, les implantations, c'est-à-dire les colonies...
Q - C'est-à-dire les questions les plus douloureuses...
R - Les sujets les plus difficiles que les négociateurs ont évidemment, c'est bien logique, gardé pour la fin.
Q - Samedi matin pour couronner votre voyage, vous serez reçu en entretien privé par le pape Jean-Paul II. Est-ce que après tout ce voyage et tout ce que vous êtes en train de faire, vous pouvez dire que la France peut avoir, au Proche-Orient, une politique disons plus équilibrée ou impartiale comme dit à Jérusalem ?
R - Je dirais plus adaptée à la situation. Le Proche-Orient change, ni les Israéliens, ni les Palestiniens ni les autres ne parlent de ces questions dans les mêmes termes qu'il y a quelques années. Ce que la France a dit depuis longtemps et qui était prémonitoire, qui a ouvert les voies et qui a aidé les esprits à évoluer est maintenant admis comme étant la base du seul règlement possible : dialogue direct, état palestinien, garantie de sécurité pour les uns et les autres. Nous travaillons donc plus facilement, nous nous sentons en phase. La question du rôle, des modalités, du mode d'intervention, est je crois dépassée. Quant au Pape dont vous parliez, j'ai l'intention d'évoquer avec lui aussi bien les questions du Proche-Orient, Liban, Jérusalem, que ses projets de voyage en Iraq, Timor, l'Afrique. Ce sera un tour d'horizon, pas uniquement lié à cette question du Proche-Orient.
Q - Très bien peut-être parlerez-vous de l'Autriche parce qu'en Israël, toutes les forces politiques et le gouvernement Barak sont inquiets de la poussée du parti de Haider en Autriche. Partagez-vous cette inquiétude ?
R - Je trouve détestable toute cette forme d'exploitation politique des angoisses réelles ou imaginaires ; là c'est l'angoisse imaginaire d'une partie de la population qui est confrontée à des problèmes. Il faut y répondre, il faut traiter ces sujets et non pas au contraire, exciter et attiser ce type de peur. Ces comportements cyniques d'exploitation qui aboutissent à des votes extrémistes sont à condamner de toute façon.
Q - A Jérusalem, ce matin, êtes-vous heureux ? Cela se passe-t-il bien ?
R - Je suis heureux d'être en voyage en Israël et chez les Palestiniens, dans un Proche-Orient où on a le sentiment que le cheminement vers la paix a redémarré.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
ENTRETIEN AVEC "RMC MOYEN-ORIENT" à Jerusalem le 8 octobre 1999
Q - Monsieur le Ministre, vous avez visité un camp de réfugiés où les gens ont une grande attente pour retourner chez eux. Que peut faire la France pour eux ?
R - La France a beaucoup fait pour les réfugiés, soit à travers sa contribution aux organismes spécialisés des Nations unies et ceci depuis des années puisque malheureusement, cette situation dure depuis très longtemps, soit à travers une coopération plus directe notamment franco-palestinienne. Mais, ce camp que j'ai visité à Deheisheh et qui était impressionnant nous rappelle, au moment où les Israéliens et les Palestiniens sont sur le point d'engager la négociation sur le statut final commençant par un accord cadre puis une discussion détaillée, qu'il y a un chapitre réfugié dans cette discussion et qu'il faut avoir à l'esprit, non seulement les dispositions d'avenir, les dispositions futures, mais qu'il faut absolument apporter une réponse qui soit humaine et décente à la situation de ces gens qui, depuis tellement longtemps, selon les cas depuis 1948 ou depuis 1967, ou d'autres moments, vivent dans des camps, dans des conditions qui ne sont pas acceptables.
A ce stade et puisque cela n'a pas commencé et qu'il appartient aux protagonistes de négocier entre eux, nous formons le souhait que cette question soit prise en compte dans toute sa dimension et je n'exclue pas que la communauté internationale ait à se mobiliser pour s'assurer que ces gens retrouvent des conditions de vie descentes. Je pense à ceux qui sont dans des camps, ici en Cisjordanie, mais il y a ceux qui vivent au Liban, puis dans des tas d'autres pays. C'est donc une vraie question et elle devra trouver sa réponse dans la négociation du statut final.
Q - On a l'impression que cela a bougé un tout petit peu sur le volet israélo-syrien qu'en pensez-vous ?
R - Je ne sais pas en détail et on ne peut pas commenter au jour le jour ce qui se passe ; notre analyse est que les Israéliens souhaitent un accord sur le Golan comme d'ailleurs sur la question du Liban et on ne peut pas le démontrer de façon arithmétique, mais notre conclusion est que les autorités syriennes le souhaitent aussi. Ils ne sont pas d'accord, à ce stade, sur les conditions de la reprise de cette négociation, mais j'ai tendance à penser qu'un accord sera trouvé et que lorsqu'ils auront recommencé à discuter, ils réussiront également à trouver une solution de fond parce que ce problème de Golan n'est pas insoluble et on devrait pouvoir trouver une solution qui, sur le plan de la souveraineté et aussi de l'eau puisse satisfaire les uns et les autres. Cela ne me paraît pas insoluble.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
POINT DE PRESSE CONJOINT AVEC LE PRESIDENT DE L'AUTORITE PALESTINIENNE,
M. YASSER ARAFAT à Ramallah le 8 octobre 1999
Je souhaite remercier le président Arafat pour son accueil, pour l'entretien très intéressant que nous avons eu tout à l'heure et pour le déjeuner qu'il a offert pour moi et pour la délégation.
Nous avons parlé de la coopération franco-palestinienne qui est forte et vivante et qui va encore se développer dans divers domaines.
Nous avons évidemment parlé du processus de paix qui a été relancé, heureusement, dans les conditions que l'on sait mais qui a devant lui des moment extrêmement difficiles. La position de la France est bien connue. Nous avons agi depuis longtemps et nous continuerons d'agir en faveur d'un accord équitable et juste qui réponde aux droits légitimes des uns et des autres dans un équilibre qui reste à trouver même si les choses ont beaucoup changé déjà depuis quelques années. Toutes les questions inscrites dans la négociation sur le statut final sont très complexes. Nos amis palestiniens doivent savoir que, dans cette phase qui s'annonce, nous serons présents, amicaux et disponibles. Les autres protagonistes de ce conflit, les Israéliens, les Syriens, les Libanais savent aussi, puisque nous leur en parlons de la même façon, que c'est cela l'état d'esprit de la France. Nous ne pouvons nous substituer aux négociateurs. Personne ne le peut, ni les Européens, ni les Américains. Il appartiendra aux protagonistes de ce conflit de prendre des décisions historiques difficiles et courageuses à un moment donné. Nous serons présents avec les idées que l'on connaît, les références aux grands principes de la légalité internationale, cette disponibilité dont je parlais et les suggestions chaque fois que ce sera utile. Les Palestiniens savent ce que cela veut dire compte tenu des relations étroites depuis maintenant des années. J'ajoute un point qui est important pour nous, dans ce moment qui précède la discussion sur l'accord. Il faut rappeler que les parties se sont engagées dans les accords de Wye puis dans le mémorandum de Charm El-Cheikh à s'abstenir de tout acte unilatéral. Cela nous paraît fondamental.
Q - Monsieur Védrine, l'Union européenne et la France se sont porté garants de l'application de l'accord de Charm El Cheikh. Est-ce que le président Arafat a demandé votre aide par exemple pour appliquer cet accord en ce qui concerne la libération des prisonniers palestiniens ?
R - Les Européens prennent au sérieux la garantie qu'ils ont donnée. Nous allons délibérer entre nous en ce qui concerne précisément la tenue des engagements pris mais ce qui nous préoccupe le plus c'est déjà l'étape suivante.
Q - Avez-vous examiné avec le président Arafat et avec le Premier ministre israélien M. Barak, un rôle européen et français plus précis pour être en permanence un partenaire dans le processus de paix ?
R - Je crois qu'il y a un malentendu qui persiste à propos du rôle des uns et des autres. La négociation a lieu entre les Israéliens et les Palestiniens sur ce volet là. Les Israéliens et même les Palestiniens ne demandent pas aux autres de négocier à leur place. Ils prennent leur responsabilité politique. Ils ont des dirigeants - pour les Palestiniens, c'est le président Arafat - et il n'y a pas à rechercher du côté des Européens ou des Américains, ou de je ne sais qui, des pays qui se substituent aux protagonistes. Il est clair que quand il faudra prendre les décisions finales précisément, cela ne pourra être que les chefs politiques légitimes des uns et des autres qui s'engagent, personne d'autre à leur place. Par contre, les pays qui sont très engagés dans le processus de paix au Proche Orient, comme la France qui y travaille depuis tellement longtemps, peuvent par leur action diplomatique de tous les jours exercer une influence dans un sens ou dans l'autre.
Nous serons donc présents, nous serons disponibles, nous accompagnerons le processus et nous aiderons à le relancer s'il se bloque, nous nous comporterons comme des facilitateurs, nous rappellerons chaque fois que ce sera nécessaire les principes de base sans lesquels les accords ne pourraient pas fonctionner ou ne seraient pas durables. Je ne vais pas être plus long sur les différentes actions que nous pouvons mener mais c'est cela l'esprit général. Et ce sera l'esprit des Européens ; au sein de l'Europe nous sommes très actifs, nous Français, pour que l'Europe aille dans ce sens, de même que nous sommes en liaison avec les Américains. Mais il ne faut pas confondre le rôle historique et politique des protagonistes eux-mêmes et des autres, même très proches. Et croyez-moi nous saurons être utiles, nous l'avons montré et nous le montrerons.
Q - Monsieur le Ministre avez vous discuté de la question du port de Gaza qui semble connaître des problèmes qui ne sont pas apparemment d'ordre purement technique ?
R - Oui. Nous en avons parlé et j'ai dit au président que je serai très content d'aller à Gaza la prochaine fois. Et sur le port, il faut naturellement trouver des solutions.
(...)
J'ai tenu pendant mon séjour à rencontrer à nouveau M. Fayçal Husseini ; nous nous connaissons bien , nous avons déjà eu l'occasion de parler dans le passé de la situation de Jérusalem, la situation des Palestiniens à Jérusalem. Aujourd'hui encore, il m'a décrit leur situation très difficile, les difficultés qu'ils rencontrent constamment. Au moment où il y a une espérance générale sur la reprise du processus de paix dans le monde, au Proche Orient notamment dans sa dimension israélo-palestinienne, je crois qu'il faut rappeler que dans les accords de Wye qui ont été entérinés par le memorandum de Charm El-Cheikh les deux parties se sont précisément et clairement engagées à s'abstenir de toute action unilatérale. Pour nous le statut de Jérusalem ne peut pas être tranché par des pratiques ou des mesures d'ordre unilatéral, mais doit l'être par la négociation. Comme l'a dit le Président Chirac, la question de Jérusalem a une résonance tellement particulière que la communauté internationale ne peut pas y être indifférente ; elle devrait être traitée dans le cadre de la négociation sur le statut final. En conséquence c'est, pour nous, dans le cadre d'une vraie négociation que les choses doivent se décider et pas autrement. Nous avons également parlé de la coopération franco-palestinienne qui est dynamique et qui continuera à se développer dans tous les domaines qui intéressent nos amis palestiniens notamment en matière médicale et en matière administrative.
(...)./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
DECLARATIONS A LA PRESSE A L'ISSUE DE SA RENCONTRE AVEC M. FAYCAL HUSSEINI à Jérusalem, 8 octobre 1999
Q - Pourquoi la rencontre a-t-elle lieu à l'Hôpital Saint-Joseph et pas à la Maison d'Orient ?
R - Est-ce que c'est une mauvaise idée d'être ici, ce matin ? J'ai tenu pendant mon séjour à rencontrer à nouveau M. Faycal Husseini. Nous nous connaissons bien, nous avons déjà eu l'occasion de parler dans le passé de la situation de Jérusalem, de la situation des Palestiniens à Jérusalem. Aujourd'hui encore, il m'a expliqué cette situation très difficile, les difficultés qu'il rencontre constamment et je dois dire qu'au moment où il y a une espérance générale dans le monde sur la reprise du processus de paix au Proche-Orient notamment dans sa dimension israélo-palestinienne, je crois qu'il faut rappeler que dans les Accords de Wye qui ont été entérinés par le mémorandum de Charm el-Cheikh, les deux parties se sont précisément et clairement engagés à s'abstenir de toute action unilatérale.
Pour nous, le statut de Jérusalem ne peux pas être tranché par des pratiques ou des mesures unilatérales. Il doit l'être par la négociation et, comme l'a dit le président Chirac, la question de Jérusalem a une résonance tellement particulière que la communauté internationale ne peut pas y être indifférente et tout cela devrait être traité dans le cadre de la négociation du statut final qui doit commencer - et le plus tôt sera le mieux - d'abord par les discussions sur l'accord cadre puis par les discussions de fond. Pour nous, c'est là dans le cadre d'une vraie négociation que les choses doivent se décider et pas autrement. Nous avons également parlé de la coopération franco-palestinienne, qui est vivace et qui continuera à se développer dans tous les domaines qui intéressent nos amis palestiniens notamment en matière médicale et en matière administrative./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
ENTRETIEN AVEC "RADIO J" à Jérusalem, 8 octobre 1999
Nous sommes dans un moment nouveau, dans un chapitre nouveau depuis l'arrivée au pouvoir de M. Barak, il y a un très grand contraste entre M. Netanyahou qui n'appliquait pas les engagements et qui ne cherchait pas non plus de solutions et M. Barak qui a accepté le mémorandum de Charm el-Cheikh.
Q - Vous disiez que M. Netanyahou était une catastrophe pour la paix, dites-vous que M. Barak est un homme de paix ?
R - Pour le moment, nous le jugeons sur des intentions non pas sur des actes ; mais cela n'a aucune espèce de rapport évidemment. M. Barak s'est engagé avec les Palestiniens à appliquer des accords passés ; c'est le préalable, c'est la moindre des choses mais c'est très important parce que ce n'était pas mis en oeuvre. Après le mémorandum de Charm el-Cheikh ils ont devant eux une perspective encore plus compliquée, encore plus ambitieuse, qui aura des conséquences historiques encore plus grandes : la négociation sur le statut final. Or, là, je suis presque convaincu qu'il y a une volonté d'aboutir chez M. Barak, chez les Palestiniens, je pense que c'est le cas aussi chez les Syriens en dépit des difficultés apparentes actuelles, et, évidemment, chez les Libanais. Toutefois, quand on regarde de près le contenu des sujets, en tout cas dans la dimension israélo-palestinienne, on s'aperçoit que cela va être extraordinairement compliqué.
Q - Extrêmement long également ?
R - Peut-être long, en tout cas très compliqué, ce qui fait que nous ne pouvons pas, sous prétexte que l'espoir est revenu, et cela c'est tout à fait vrai, sous prétexte qu'il y a un processus qui est en marche à nouveau, on ne peut pas croire que les problèmes vont se régler comme par enchantement. Et lorsque l'on regarde les sujets de discussions du statut final, on voit bien que, point par point, les positions annoncées, en tout cas celles des Israéliens et des Palestiniens sont, à ce stade, incompatibles.
Q - Concernant ce volet palestinien justement, vous êtes là depuis deux jours, êtes-vous plus ou moins optimiste qu'au moment de votre arrivée ?
R - J'ai toujours, comme je le disais, un optimisme raisonné, raisonnable, mesuré, avec quelques préoccupations en plus.
Q - Et le volet syrien, la France peut-elle contribuer à faire avancer les choses ?
R - Je le crois, elle l'a déjà fait dans le passé, sur différents plans. Et je crois qu'elle peut le faire sur la question syrienne et qu'on le verra dans l'avenir.
Q - Vous allez en Syrie et au Liban dans quelques semaines, êtes-vous porteur d'un message des Israéliens ?
R - Non, ils n'ont pas besoin de porteur de message et on ne peut pas ramener notre rôle qui est multiformes et je crois vraiment important à celui de porteur de messages. Nous avons des idées, une valeur ajoutée, nous pouvons accompagner le processus, faciliter les choses, mais les deux choses sont différentes.
Sur l'affaire israélo-syrienne, les deux pays éprouvent des difficultés à reprendre les discussions. Lorsqu'ils auront redémarré, je crois qu'il sera moins compliqué de trouver une solution sur l'affaire du Golan. En revanche, sur l'affaire israélo-palestinienne, ils n'ont pas eu de mal à redémarrer, ils étaient d'accord sur cette idée ; mais sur Jérusalem, sur les colonies, sur les frontières, sur les réfugiés, le statut, le contour et les moyens du futur Etat palestinien, il n'y a pas de compromis qui soit visible à ce stade. Soit nous raisonnons de façon statique et nous ne pouvons pas être aussi optimiste que nous voudrions l'être, soit nous raisonnons de façon dynamique, en se remémorant le chemin qui a été fait par les uns et par les autres depuis une quinzaine d'années. Les difficultés, même si elles sont immenses, semblent pouvoir être surmontées. Mais, nous n'en sommes pas là encore.
Q - Une question sur Jérusalem, quelle est la position de la France, a-t-elle évoluée ? pensez-vous qu'il y a un problème impossible à résoudre ou êtes-vous optimiste quant a la résolution de ce problème ?
R - Je pense que la question de Jérusalem est l'une des questions particulièrement délicatesparmi celles qui seront traitées dans le statut final. En tout cas, cette question ne peut pas être résolue par des faits accomplis, par des grignotages quotidiens ; elle doit relever d'une négociation et cette négociation doit être, d'une façon ou d'une autre, prise en compte, actée ou confortée par la communauté internationale parce qu'il y a quand même, dans la dimension Jérusalem, ne serait-ce que sur le plan religieux, une résonance particulière, une résonance mondiale. C'est une difficulté particulière à l'intérieur des difficultés de l'ensemble de la négociation du statut final.
Q - Concernant les rapports franco-israéliens, comment ont-ils évolué durant ces deux jours ?
R - Ils sont dans une phase de relance, non seulement pendant ces deux jours mais depuis que M. Barak est venu à Paris et à travers son entretien avec le président de la République, son entretien avec le Premier ministre, on a vu que nous allions pouvoir relancer nos échanges, notre coopération, notre dialogue qui sera un dialogue tout à fait amical et vrai, pour être utile. Lorsque nous serons d'acord et lorsque nous aurons des difficultés, nous le dirons, nous nous exprimerons aussi s'il y a désaccord et ce dans un dialogue qui a peut-être trop manqué à d'autres époques. Et dans les semaines et les mois qui viennent, il y aura à nouveau plusieurs échanges, des visites de personnalités politiques ou économiques et, au début de l'an prochain, à une date qui n'est pas encore arrêtée, un voyage du Premier ministre./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
ENTRETIEN AVEC LA PRESSE FRANCAISE à Jérusalem le 8 octobre 1999
Q - Vous avez rencontré M. Barak. Que lui avez-vous dit ?
R - Nous considérons que son élection a créé pour Israël, et donc pour le Proche-Orient, une situation nouvelle qui contraste avec la période antérieure pendant laquelle tous les processus de paix étaient bloqués. Je lui ai redit à quel point nous nous étions réjouis de voir qu'à Charm El-Cheikh les Palestiniens et les Israéliens avaient pu se mettre d'accord sur un calendrier - même si celui-ci est parfois modifié - d'application des engagements pris antérieurement, ce qui est la condition préalable pour que l'on puisse réaborder le reste. Je l'ai interrogé sur les différents volets, le volet israélo-palestinien, le volet israélo-syrien et le volet israélo-libanais, en disant que la France souhaitait ardemment que ce processus relancé avance réellement, aboutisse réellement et je lui ai redit ce qu'il a déjà entendu à Paris, c'est-à-dire que nous sommes amicaux, proches, disponibles, sans vouloir nous substituer à la responsabilité qui est celle des Israéliens, des Palestiniens, des Syriens, des Libanais.
Au premier chef, ils auront les uns et les autres, dans peu de temps, à prendre des décisions historiques dans le cadre de cette responsabilité. Ce que nous voulons nous, c'est les aider à ce que les solutions trouvées soient les meilleures, les plus équitables, les plus sûres et les plus stables possibles. Il m'a redit, sur le volet israélo-syrien, qu'il voulait aboutir et qu'il espérait que le président Assad le voudrait également. Mais les choses ne sont pas réenclenchées sur ce volet.
Sur le volet palestinien, il a concentré son exposé et sa présentation sur l'importance de l'accord cadre qui devrait être mis au point dans un délai de quatre mois et définir les grandes lignes sur chacun des sujets qui sont regroupés sous le terme de statut final.
Ce qui ne fait que souligner - et là j'ai eu à cet égard confirmation de mes analyses antérieures - l'extraordinaire importance de cette négociation, sans doute la plus lourde de conséquences historiques dans l'histoire des relations difficiles, mais aussi des négociations, entre Israéliens et Palestiniens.
Q - C'est vous qui l'avez souligné ?
R - C'est lui et je disais que cela se rapprochait de l'analyse que je faisais qui souligne que c'est une négociation très importante, que ce sont les décisions les plus difficiles qu'aient eu à prendre les Israéliens et les Palestiniens, les décisions les plus difficiles depuis la création de l'Etat d'Israël, les décisions les plus difficiles depuis la création de l'OLP et je prends cette référence puisque c'est celle qu'il a utilisée. Cela revient normalement à la négociation finale mais l'accord cadre devant fixer les grandes lignes de chacun de ces points, on voit bien que, déjà, l'accord cadre supposera des décisions très importantes. Je ne peux que redire que nous souhaitons de toutes nos forces que cela soit possible, que ça marche, que les uns et les autres réussissent à définir cet accord cadre. Mais j'en mesure encore plus la difficulté qu'il y a deux jours et peut-être encore plus ce soir, après avoir eu les entretiens du côté palestinien, à commencer par le déjeuner avec Yasser Arafat. Cela me paraît extrêmement complexe sur chacun des points, aussi bien Jérusalem que les implantations, que les réfugiés, que le statut, les attributions et les moyens du futur Etat palestinien. Il n'y a que sur le plan du développement économique du Proche-Orient que les choses paraissent un peu moins difficile mais c'est dans l'hypothèse où l'accord se fait. Cela nous renvoie à la question précédente. On ne peut pas substituer l'approche économique à un règlement politique. Elle peut en revanche la compléter efficacement.
Voilà mes sentiments.
Q - Quels sont les éléments d'informations ou d'analyses qui vous conduisent à mesurer encore plus qu'il y a quelques jours la difficulté ? cela tient-il notamment à ce que vous avez entendu ce matin de la bouche de M. Barak et si oui, sur quels points ?
R - Non, c'est une impression d'ensemble liée à la difficulté objective de chacun des volets concernant le statut final. Tout ce que j'entends ici montre à quel point les exigences sont fortes et en réalité, à ce stade - mais je rappelle que nous sommes avant le début de la négociation, même sur l'accord cadre - on n'aperçoit pas encore les compromis possibles entre les positions israéliennes et palestiniennes. On ne les aperçoit pas, mais il faut raisonner sur ces questions du Proche-Orient de façon dynamique et non pas statique puisque, précisément, la grande différence par rapport à il y a quelque mois, c'est que les contacts, les dialogues, les négociations, les processus ont été relancés et nous sommes avant la reprise de ces discussions pour élaborer d'abord cet accord cadre dont le principe a été fixé à Charm El Cheikh. Nous sommes donc dans une moment d'affichage des positions. Il faudra à un moment ou un autre que les uns et les autres fassent mouvement. Nous n'en sommes pas là encore.
Q - Avez-vous évoqué un Etat palestinien avec Ehud Barak ?
R - Naturellement, la perspective d'un Etat palestinien fait partie depuis longtemps des positions françaises ; il y a longtemps que nous considérons qu'un Etat palestinien n'est pas un problème mais une solution.
Q - Et lui, qu'en pense-t-il ?
R - Il le sait très bien, il connaît bien la position française. Il en a parlé il y a peu de jours avec le Président Chirac et M. Jospin et là-dessus, on peut sentir qu'il réserve sa réponse finale pour le moment décisif des négociations.
Q - Le projet de retrait du sud-Liban, en avez-vous parlé ?
R - Oui, mais dans des éléments qui confirment ce que nous savons, c'est-à-dire la volonté de se retirer, l'espoir que cela s'inscrive dans un accord et pour le moment pas plus, car cela dépend de l'enclenchement - qui n'est pas fait - de la négociation avec la Syrie.
Q - Avez-vous parlé de l'éventualité que cela ne marche pas en cas de retrait unilatéral ?
R - Je ne peux pas parler à sa place. Je ne suis pas son porte-parole. Je crois que sa position n'a pas changé sur ce point à ce stade. Il a annoncé de façon forte et répétée aux Israéliens qu'il se retirerait en juillet prochain quoiqu'il arrive. Par ailleurs, il souhaite manifestement que cela s'inscrive dans le cadre d'un accord parce que ce serait plus sûr et plus stable. Il n'y a pas d'élément nouveau sur ce point.
Q - Partage-t-il votre souhait d'arriver à un accord avec les Syriens avant de passer à un accord avec les autorités libanaises ?
R - Comme je vous l'indiquais, il a annoncé aux Israéliens qu'il se retirerait, et par ailleurs, il souhaite un accord avec les Syriens et avec les Libanais.
Q - Pense-t-il que la France peut être utile dans le cadre de la négociation avec la Syrie ?
R - Les Israéliens ont l'air très intéressés par les relations que nous avons, et avec Damas et avec Beyrouth.
Q - Sur le processus de paix, a-t-il indiqué qu'il voulait tout commencer en même temps ou bien laisser certains points plus difficiles de côté, comme Jérusalem, ou bien ne rentre-t-il pas du tout dans ces détails ?
R - Il me semble qu'il n'écarte aucun sujet de la discussion sur l'accord cadre, même s'il y a des sujets qui lui paraissent fondamentaux et d'autres qui, peut-être, ne seraient pas traités dans l'accord cadre. Mais il sait que les Palestiniens eux les poseront. Donc, au total, il me semble qu'aucun sujet n'est écarté.
Q - La libération des prisonniers palestiniens n'a pas eu lieu, interprétez-vous cela comme un signe de blocage ?
R - Non, je ne l'interprète en aucune façon. Nous sommes dans le cadre de l'application des décisions de Charm El-Cheikh. Ce n'est pas parce que les choses ne sont pas tenues au jour près que cela veut dire qu'il y a blocage. Cela veut dire que ce sont des décisions difficiles à appliquer et qu'à chaque étape, on peut buter sur différentes interprétations, sur des faits nouveaux. Je ne crois pas que cela suffise à dire que cette relance tellement importante et que nous avons saluée est interrompue. Je ne l'interprète pas comme cela. C'est une difficulté, je pense qu'il la surmonteront, d'une façon ou d'une autre.
Q - Est-ce qu'un calendrier a été fait sur le dossier palestinien ? vous en inquiétez-vous ? comment voyez-vous la question des dates ?
R - M. Barak, à ce stade, parle essentiellement du calendrier concernant l'accord cadre, ce qui est normal puisque c'est l'étape qui commande la suite. Il souligne sa volonté d'aller vite ; il souligne le fait qu'il y a une opportunité historique qui se présente dont il n'est pas sûr qu'elle se présente après si l'occasion était perdue, mais sans l'enfermer dans un calendrier disons notarial. Je lui ai posé la question sur les quatre mois. Il m'a redit une formule qu'il a déjà employé, "si on le fait en trois mois, c'est bien, si c'est en cinq, ce n'est pas tragique non plus". Il ne faut donc pas interpréter cela au jour près mais manifestement, c'est qulqu'un qui est très engagé dans la recherche de la solution et pour lui, c'est maintenant que les choses se passent.
Q - Les négociations sur le statut final n'ont pas commencé et apparemment, l'un des points qui bloque, c'est la poursuite de la colonisation. M. Barak vous a-t-il fait part de ses intentions, de son attitude par exemple vis-à-vis de toutes ces colonies illégales qui ont été construites depuis l'accord de Wye Plantation ?
R - Vous savez que les Israéliens contestent le fait qu'il y ait des colonies illégales depuis l'accord de Wye. Il y a une discussion d'interprétation sur ce qui est légal, illégal, réglementaire, de facto... Il y a une polémique sur le fait de savoir si ce sont des nouvelles ou des anciennes. Il y a tout un vaste débat à ce égard. Il m'a simplement dit clairement que cela faisait partie des sujets sur lesquels l'accord cadre devait fixer les grandes lignes.
Q - Vous a-t-il demandé des choses techniques ?
R - Il a l'air, comme il l'était à Paris, tout à fait intéressé par les contacts que nous avons avec les partenaires arabes : contacts, analyses, informations, et je dois dire qu'il écoute chaque analyse et chaque suggestion avec beaucoup d'intérêt.
Q - Vous a-t-il demandé d'adresser un message au Président Assad lorsque vous irez en Syrie ?
R - Non, ce n'est pas formalisé comme cela. Ni les Israéliens, ni les autres n'ont besoin de porteur de message. Par contre, l'échange des analyses, la confrontation des informations, la réflexion en commun sur les hypothèses, les scénarios, les calendriers, oui.
Q - Vous a-t-il livré son analyse quand à la raison pour laquelle précisément, les choses ne sont pas réenclenchées avec la Syrie ?
R - Il s'est livré devant moi à un certain nombre d'interrogations plutôt que d'analyses.
Q - Lesquelles ? pouvez-vous en faire état ?
R - Si ce sont des interrogations plutôt que des analyses, c'est précisément que la réponse n'est pas évidente.
Q - Pouvez-vous être plus précis ?
R - Il attend, il pense qu'il y a un moment stratégique, qui est dans l'intérêt d'Israël comme de la Syrie. Il espère que le président Assad partage cette analyse, il n'en est pas sûr mais il ne déduit pas du fait qu'il n'ait pas de réponse à ce stade que le président Assad n'est pas intéressé, ne veut pas faire la paix, n'est pas d'accord. Il réserve son jugement, il attend.
Q - Et vous qui avez écouté l'analyse syrienne, croyez-vous que ces interrogations peuvent avoir des réponses bientôt ?
R - D'abord, je le souhaite parce que la France souhaite évidemment que les choses bougent également de ce côté-là et j'ai tendance à penser que les Israéliens et les Syriens vont finir par trouver une façon de réenclencher cette discussion. Je ne peux pas le démontrer de façon arithmétique, mais c'est une intuition.
Q - Avez-vous quelque chose de nouveau sur ce plan avec lui aujourd'hui ?
R - J'ai appris beaucoup de choses ce matin.
Q - Quoi ?
R - Je les garde pour moi pour le moment.
Q - Quand vous disiez que les décisions étaient les plus difficiles depuis la création d'Israël et de l'OLP, c'est vous qui le pensez ou bien M. Barak le dit aussi ?
R - C'est M. Barak qui parle mais je souscris à cette analyse. Je pense qu'en effet, ce sont des décisions qu'ils vont devoir prendre - je ne sais pas à quel moment- mais c'est pendant la discussion sur l'accord cadre, pendant la discussion et la négociation qui va suivre. En effet, cela me paraît encore plus lourd de conséquences et plus important et suppose encore plus de courage politique que tout ce qui a été fait par les Israéliens ou les Palestiniens qui est déjà extraordinairement courageux depuis les contacts multiples et secrets qui avaient eu lieu entre eux et qui avaient préparé Oslo. Ils savent tous que nous sommes à ce moment tellement important et je crois que cela explique en grande partie la dureté, l'intransigeance, la fermeté d'un certain nombre de déclarations. Il faut bien comprendre cette phase située juste avant ce moment décisif. Et chacun des deux responsables principaux dans cette affaire, M. Barak et M. Arafat, veulent être sûr de la force de leur assise politique et de la compréhension de leur propre opinion sur ce plan.
Q - Avez-vous parlé des problèmes intérieurs israéliens ?
R - Non, nous n'en avons pas parlé.
Q - Pensez-vous à un blocage possible, à un impasse de nouveau, avec toutes les difficultés que vous venez d'évoquer ?
R - Je n'ai pas changé d'analyse. Il y a un certain nombre de nuances qui m'apparaissent sur la question syrienne ou sur d'autres points. Je continue à penser que la situation est radicalement nouvelle, qu'il y a une différence totale entre avoir un processus de paix difficile et laborieux mais qui existe et la situation dans laquelle il n'y a pas de processus de paix ou il y a un processus saboté par ceux qui devraient le faire avancer. Nous sommes dans une situation où il y a un processus, ce processus est d'une extrême complexité et plus on creuse chacun des points, plus on en mesure les difficultés, plus on voit combien les positions sont antagonistes, combien il sera difficile de trouver une synthèse et en même temps, je crois qu'ils ont la conviction qu'ils n'ont pas le choix. Il faut avancer, négocier, conclure à un moment ou à un autre.
Q - Avez-vous discuté de ce qui se passera si Israéliens et Palestiniens s'aperçoivent de l'impossibilité de parvenir d'ici un an à un traité de paix définitif ?
R - Non, nous sommes avant la discussion sur l'accord cadre. On ne va pas, au moment où on attend l'ouverture de la discussion sur l'accord cadre, commencer à spéculer sur le fait que la négociation qui suivrait l'accord cadre pourrait dans un an être dans une impasse. Cela n'a aucun sens aujourd'hui. On verra. Ce qui nous intéresse, c'est qu'il y ait un processus, une négociation, et à travers tous nos contacts, avec tous nos protagonistes du conflit du Proche-Orient dans toutes ses facettes d'être positifs, de faire avancer les choses, de les aider si c'est possible lorsqu'il y aura des blocages./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 octobre 1999)
Q - Dans une demi-heure vous allez rencontrer Ehud Barak. Toute la journée d'hier vous avez vu les principaux dirigeants d'Israël, est-ce que vous percevez déjà entre les deux pays un changement de climat, de langage même, une ère propice ?
R - Oui absolument, c'est un changement que nous avions attendu, qui est survenu à partir du moment où M. Barak est arrivé au pouvoir après M. Netanyahou et qu'il a commencé à débloquer les choses, notamment le processus de paix auquel la France croit beaucoup ; elle s'est énormément investi politiquement et même, pourrais-je dire, affectivement et intellectuellement. Il y a donc un déblocage avec des espérances, mais cela reste naturellement très très compliqué et c'est bien ce que j'ai mesuré sur place.
Q - Qu'est-ce qui vous a le plus surpris ?
R - Tout ce que j'ai entendu m'a aidé à affiner mon analyse sur la question israélo-palestinienne et j'ai trouvé remarquable que tous mes interlocuteurs me disent, nous y allons, nous n'obtiendrons pas satisfaction à 100 %, les Palestiniens non plus, ce qui veut dire qu'il y aura une heure de vérité à un moment donné, que les protagonistes devront faire des compromis, des concessions créatrices. Nous n'en sommes pas là, ils n'ont pas recommencé à discuter. J'ai été plus surpris, en revanche, par l'impatience que j'ai senti à propos de la Syrie, les Israéliens veulent renouer, les Syriens ne sont pas encore d'accord, semble-t-il, sur les bases à partir desquelles ils pourraient renouer, les Israéliens commencent à se demander ce que cela signifie sur les intentions réelles du président Assad.
Q - A ce moment-là, que leur répondez-vous, vous qui avez de bonnes relations avec Assad et avec la Syrie, pensez-vous qu'ils recherchent vraiment l'accord de paix ?
R - Nous avons une relation étroite avec tous les protagonistes et, précisément nous avons des raisons de penser que la Syrie, de même, estime désormais de son intérêt stratégique de faire un accord sur la question du Golan, je ne peux pas le démontrer de façon arithmétique, mais c'est notre analyse, je l'ai dit aux Israéliens, ils s'intéressent beaucoup aux contacts que nous avons de ce coté là et notamment au voyage que je ferai en Syrie et au Liban le mois prochain.
Q - Quelle garantie concrète la France est-elle disponible à offrir, si Israël se retire du Liban sud ?
R - Le président Chirac avait dit il y a plusieurs années déjà que dans l'hypothèse où Israël se retirerait du Liban sud, ce qui est maintenant l'intention déclarée, précise de M. Barak, et dans le cadre d'un accord, la France pourrait participer à la mise en oeuvre d'un accord, et offrir des garanties au sol, y compris militaire et ce, dans le cadre d'un accord. L'accord n'est pas fait, nous le souhaitons, nous pensons que c'est la seule façon pour les Syriens, les Israéliens et les Libanais de recréer dans cette zone un environnement sûr, stable et non menaçant. Nous ferons donc tout, en ce qui concerne nos actions diplomatiques, pour favoriser cet éventuel accord, c'est dans cette hypothèse que l'on réexaminera cette question des garanties, la France ne serait sans doute pas seule dans cette hypothèse.
Q - Monsieur Védrine, Israël va entrer avec ses adversaires-partenaires dans la dure négociation du statut final.
R - Plus dure que toutes celles que les protagonistes ont menées jusqu'ici.
Q - Les protagonistes veulent être seul à seul, se retrouver en direct, c'est-à-dire sans l'Europe et sans la France, cela ne vous choque pas ?
R - Non, ça ne se présente pas exactement comme ça. Nous n'avons absolument pas la prétention de nous substituer aux négociateurs, tout simplement parce que nous ne sommes pas les protagonistes du conflit, nous ne pouvons donc pas être à leur place pour négocier sur Jérusalem, sur les réfugiés, sur les colonies, sur les frontières, etc.
Q - Cela, c'est un phénomène nouveau depuis M. Barak.
R - Je crois que M. Barak le dit de façon encore plus nette, mais on ne peut pas le comparer à son prédécesseur parce que lui ne cherchait pas la solution. Il dit qu'il est en charge, que les Israéliens l'ont désigné pour mener les négociations. Il n'écarte pas pour autant les autres, les autres c'est-à-dire les Américains, les Européens et notamment la France. Ce qu'il attend correspond exactement à l'idée que nous nous faisons d'un rôle utile aujourd'hui...
Q - C'est-à-dire rien dans les mains, rien dans les poches, pas de plans, pas de projets...
R - Si quelques idées...
Des principes, des points de repères, des résolutions qui rappellent la légalité internationale, mais il y a une façon d'amener les choses, donc une présence, une disponibilité, un accompagnement, une amitié, une attitude de facilitateur plutôt qu'une attitude consistant à s'imposer comme ça avec des gros sabots. Je ne dis pas cela, d'ailleurs, uniquement du côté israélien, naturellement, je tiens exactement le même langage à Yasser Arafat, aux Syriens et aux Libanais. Nous sommes avec nos amis du Proche-Orient dans cette phase historique où ils vont avoir à prendre des décisions d'une portée considérable car il s'agit d'organiser cette fois-ci, durablement, ce qui va peut-être devenir, on peut enfin y rêver, le Proche-Orient en paix. Nous serons là, proches, nous transmettrons des informations, nous échangerons des idées, peut-être même plus dans certains cas... une vraie valeur ajoutée, nous mettrons en avant des garanties possibles, - nous en parlions il y a un instant - et nous tenterons de convaincre nos amis européens d'être sur cette ligne.
Q - Et au stade de votre visite en Israël, Hubert Védrine, concluez-vous déjà qu'Israël est prête à appliquer tout ce que comportent les accords de Charm el-Cheikh ?
R - En effet il faut bien distinguer deux choses ; je crois qu'à Charm el-Cheikh, M. Barak et M. Arafat se sont engagés l'un par rapport à l'autre avec en plus un parrainage américain et un parrainage européen.
J'ai eu deux lettres de garantie des deux origines, il s'agit d'appliquer tous les accords signés lors des négociations dites de Wye River et d'autres négociations, tout cela avait été finalement plus ou moins abandonné par M. Netanyahou. C'est très important, cela a restauré la confiance et une ambiance de travail entre les protagonistes, je crois ; mais cela reste à consolider. Le statut final est une affaire plus complexe. Nous n'en avons pas parlé.
Q - Dans les accords du statut final il y aura les réfugiés, ou il y aurait les réfugiés, l'Etat palestinien, Jérusalem
R - Jérusalem, les implantations, c'est-à-dire les colonies...
Q - C'est-à-dire les questions les plus douloureuses...
R - Les sujets les plus difficiles que les négociateurs ont évidemment, c'est bien logique, gardé pour la fin.
Q - Samedi matin pour couronner votre voyage, vous serez reçu en entretien privé par le pape Jean-Paul II. Est-ce que après tout ce voyage et tout ce que vous êtes en train de faire, vous pouvez dire que la France peut avoir, au Proche-Orient, une politique disons plus équilibrée ou impartiale comme dit à Jérusalem ?
R - Je dirais plus adaptée à la situation. Le Proche-Orient change, ni les Israéliens, ni les Palestiniens ni les autres ne parlent de ces questions dans les mêmes termes qu'il y a quelques années. Ce que la France a dit depuis longtemps et qui était prémonitoire, qui a ouvert les voies et qui a aidé les esprits à évoluer est maintenant admis comme étant la base du seul règlement possible : dialogue direct, état palestinien, garantie de sécurité pour les uns et les autres. Nous travaillons donc plus facilement, nous nous sentons en phase. La question du rôle, des modalités, du mode d'intervention, est je crois dépassée. Quant au Pape dont vous parliez, j'ai l'intention d'évoquer avec lui aussi bien les questions du Proche-Orient, Liban, Jérusalem, que ses projets de voyage en Iraq, Timor, l'Afrique. Ce sera un tour d'horizon, pas uniquement lié à cette question du Proche-Orient.
Q - Très bien peut-être parlerez-vous de l'Autriche parce qu'en Israël, toutes les forces politiques et le gouvernement Barak sont inquiets de la poussée du parti de Haider en Autriche. Partagez-vous cette inquiétude ?
R - Je trouve détestable toute cette forme d'exploitation politique des angoisses réelles ou imaginaires ; là c'est l'angoisse imaginaire d'une partie de la population qui est confrontée à des problèmes. Il faut y répondre, il faut traiter ces sujets et non pas au contraire, exciter et attiser ce type de peur. Ces comportements cyniques d'exploitation qui aboutissent à des votes extrémistes sont à condamner de toute façon.
Q - A Jérusalem, ce matin, êtes-vous heureux ? Cela se passe-t-il bien ?
R - Je suis heureux d'être en voyage en Israël et chez les Palestiniens, dans un Proche-Orient où on a le sentiment que le cheminement vers la paix a redémarré.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
ENTRETIEN AVEC "RMC MOYEN-ORIENT" à Jerusalem le 8 octobre 1999
Q - Monsieur le Ministre, vous avez visité un camp de réfugiés où les gens ont une grande attente pour retourner chez eux. Que peut faire la France pour eux ?
R - La France a beaucoup fait pour les réfugiés, soit à travers sa contribution aux organismes spécialisés des Nations unies et ceci depuis des années puisque malheureusement, cette situation dure depuis très longtemps, soit à travers une coopération plus directe notamment franco-palestinienne. Mais, ce camp que j'ai visité à Deheisheh et qui était impressionnant nous rappelle, au moment où les Israéliens et les Palestiniens sont sur le point d'engager la négociation sur le statut final commençant par un accord cadre puis une discussion détaillée, qu'il y a un chapitre réfugié dans cette discussion et qu'il faut avoir à l'esprit, non seulement les dispositions d'avenir, les dispositions futures, mais qu'il faut absolument apporter une réponse qui soit humaine et décente à la situation de ces gens qui, depuis tellement longtemps, selon les cas depuis 1948 ou depuis 1967, ou d'autres moments, vivent dans des camps, dans des conditions qui ne sont pas acceptables.
A ce stade et puisque cela n'a pas commencé et qu'il appartient aux protagonistes de négocier entre eux, nous formons le souhait que cette question soit prise en compte dans toute sa dimension et je n'exclue pas que la communauté internationale ait à se mobiliser pour s'assurer que ces gens retrouvent des conditions de vie descentes. Je pense à ceux qui sont dans des camps, ici en Cisjordanie, mais il y a ceux qui vivent au Liban, puis dans des tas d'autres pays. C'est donc une vraie question et elle devra trouver sa réponse dans la négociation du statut final.
Q - On a l'impression que cela a bougé un tout petit peu sur le volet israélo-syrien qu'en pensez-vous ?
R - Je ne sais pas en détail et on ne peut pas commenter au jour le jour ce qui se passe ; notre analyse est que les Israéliens souhaitent un accord sur le Golan comme d'ailleurs sur la question du Liban et on ne peut pas le démontrer de façon arithmétique, mais notre conclusion est que les autorités syriennes le souhaitent aussi. Ils ne sont pas d'accord, à ce stade, sur les conditions de la reprise de cette négociation, mais j'ai tendance à penser qu'un accord sera trouvé et que lorsqu'ils auront recommencé à discuter, ils réussiront également à trouver une solution de fond parce que ce problème de Golan n'est pas insoluble et on devrait pouvoir trouver une solution qui, sur le plan de la souveraineté et aussi de l'eau puisse satisfaire les uns et les autres. Cela ne me paraît pas insoluble.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
POINT DE PRESSE CONJOINT AVEC LE PRESIDENT DE L'AUTORITE PALESTINIENNE,
M. YASSER ARAFAT à Ramallah le 8 octobre 1999
Je souhaite remercier le président Arafat pour son accueil, pour l'entretien très intéressant que nous avons eu tout à l'heure et pour le déjeuner qu'il a offert pour moi et pour la délégation.
Nous avons parlé de la coopération franco-palestinienne qui est forte et vivante et qui va encore se développer dans divers domaines.
Nous avons évidemment parlé du processus de paix qui a été relancé, heureusement, dans les conditions que l'on sait mais qui a devant lui des moment extrêmement difficiles. La position de la France est bien connue. Nous avons agi depuis longtemps et nous continuerons d'agir en faveur d'un accord équitable et juste qui réponde aux droits légitimes des uns et des autres dans un équilibre qui reste à trouver même si les choses ont beaucoup changé déjà depuis quelques années. Toutes les questions inscrites dans la négociation sur le statut final sont très complexes. Nos amis palestiniens doivent savoir que, dans cette phase qui s'annonce, nous serons présents, amicaux et disponibles. Les autres protagonistes de ce conflit, les Israéliens, les Syriens, les Libanais savent aussi, puisque nous leur en parlons de la même façon, que c'est cela l'état d'esprit de la France. Nous ne pouvons nous substituer aux négociateurs. Personne ne le peut, ni les Européens, ni les Américains. Il appartiendra aux protagonistes de ce conflit de prendre des décisions historiques difficiles et courageuses à un moment donné. Nous serons présents avec les idées que l'on connaît, les références aux grands principes de la légalité internationale, cette disponibilité dont je parlais et les suggestions chaque fois que ce sera utile. Les Palestiniens savent ce que cela veut dire compte tenu des relations étroites depuis maintenant des années. J'ajoute un point qui est important pour nous, dans ce moment qui précède la discussion sur l'accord. Il faut rappeler que les parties se sont engagées dans les accords de Wye puis dans le mémorandum de Charm El-Cheikh à s'abstenir de tout acte unilatéral. Cela nous paraît fondamental.
Q - Monsieur Védrine, l'Union européenne et la France se sont porté garants de l'application de l'accord de Charm El Cheikh. Est-ce que le président Arafat a demandé votre aide par exemple pour appliquer cet accord en ce qui concerne la libération des prisonniers palestiniens ?
R - Les Européens prennent au sérieux la garantie qu'ils ont donnée. Nous allons délibérer entre nous en ce qui concerne précisément la tenue des engagements pris mais ce qui nous préoccupe le plus c'est déjà l'étape suivante.
Q - Avez-vous examiné avec le président Arafat et avec le Premier ministre israélien M. Barak, un rôle européen et français plus précis pour être en permanence un partenaire dans le processus de paix ?
R - Je crois qu'il y a un malentendu qui persiste à propos du rôle des uns et des autres. La négociation a lieu entre les Israéliens et les Palestiniens sur ce volet là. Les Israéliens et même les Palestiniens ne demandent pas aux autres de négocier à leur place. Ils prennent leur responsabilité politique. Ils ont des dirigeants - pour les Palestiniens, c'est le président Arafat - et il n'y a pas à rechercher du côté des Européens ou des Américains, ou de je ne sais qui, des pays qui se substituent aux protagonistes. Il est clair que quand il faudra prendre les décisions finales précisément, cela ne pourra être que les chefs politiques légitimes des uns et des autres qui s'engagent, personne d'autre à leur place. Par contre, les pays qui sont très engagés dans le processus de paix au Proche Orient, comme la France qui y travaille depuis tellement longtemps, peuvent par leur action diplomatique de tous les jours exercer une influence dans un sens ou dans l'autre.
Nous serons donc présents, nous serons disponibles, nous accompagnerons le processus et nous aiderons à le relancer s'il se bloque, nous nous comporterons comme des facilitateurs, nous rappellerons chaque fois que ce sera nécessaire les principes de base sans lesquels les accords ne pourraient pas fonctionner ou ne seraient pas durables. Je ne vais pas être plus long sur les différentes actions que nous pouvons mener mais c'est cela l'esprit général. Et ce sera l'esprit des Européens ; au sein de l'Europe nous sommes très actifs, nous Français, pour que l'Europe aille dans ce sens, de même que nous sommes en liaison avec les Américains. Mais il ne faut pas confondre le rôle historique et politique des protagonistes eux-mêmes et des autres, même très proches. Et croyez-moi nous saurons être utiles, nous l'avons montré et nous le montrerons.
Q - Monsieur le Ministre avez vous discuté de la question du port de Gaza qui semble connaître des problèmes qui ne sont pas apparemment d'ordre purement technique ?
R - Oui. Nous en avons parlé et j'ai dit au président que je serai très content d'aller à Gaza la prochaine fois. Et sur le port, il faut naturellement trouver des solutions.
(...)
J'ai tenu pendant mon séjour à rencontrer à nouveau M. Fayçal Husseini ; nous nous connaissons bien , nous avons déjà eu l'occasion de parler dans le passé de la situation de Jérusalem, la situation des Palestiniens à Jérusalem. Aujourd'hui encore, il m'a décrit leur situation très difficile, les difficultés qu'ils rencontrent constamment. Au moment où il y a une espérance générale sur la reprise du processus de paix dans le monde, au Proche Orient notamment dans sa dimension israélo-palestinienne, je crois qu'il faut rappeler que dans les accords de Wye qui ont été entérinés par le memorandum de Charm El-Cheikh les deux parties se sont précisément et clairement engagées à s'abstenir de toute action unilatérale. Pour nous le statut de Jérusalem ne peut pas être tranché par des pratiques ou des mesures d'ordre unilatéral, mais doit l'être par la négociation. Comme l'a dit le Président Chirac, la question de Jérusalem a une résonance tellement particulière que la communauté internationale ne peut pas y être indifférente ; elle devrait être traitée dans le cadre de la négociation sur le statut final. En conséquence c'est, pour nous, dans le cadre d'une vraie négociation que les choses doivent se décider et pas autrement. Nous avons également parlé de la coopération franco-palestinienne qui est dynamique et qui continuera à se développer dans tous les domaines qui intéressent nos amis palestiniens notamment en matière médicale et en matière administrative.
(...)./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
DECLARATIONS A LA PRESSE A L'ISSUE DE SA RENCONTRE AVEC M. FAYCAL HUSSEINI à Jérusalem, 8 octobre 1999
Q - Pourquoi la rencontre a-t-elle lieu à l'Hôpital Saint-Joseph et pas à la Maison d'Orient ?
R - Est-ce que c'est une mauvaise idée d'être ici, ce matin ? J'ai tenu pendant mon séjour à rencontrer à nouveau M. Faycal Husseini. Nous nous connaissons bien, nous avons déjà eu l'occasion de parler dans le passé de la situation de Jérusalem, de la situation des Palestiniens à Jérusalem. Aujourd'hui encore, il m'a expliqué cette situation très difficile, les difficultés qu'il rencontre constamment et je dois dire qu'au moment où il y a une espérance générale dans le monde sur la reprise du processus de paix au Proche-Orient notamment dans sa dimension israélo-palestinienne, je crois qu'il faut rappeler que dans les Accords de Wye qui ont été entérinés par le mémorandum de Charm el-Cheikh, les deux parties se sont précisément et clairement engagés à s'abstenir de toute action unilatérale.
Pour nous, le statut de Jérusalem ne peux pas être tranché par des pratiques ou des mesures unilatérales. Il doit l'être par la négociation et, comme l'a dit le président Chirac, la question de Jérusalem a une résonance tellement particulière que la communauté internationale ne peut pas y être indifférente et tout cela devrait être traité dans le cadre de la négociation du statut final qui doit commencer - et le plus tôt sera le mieux - d'abord par les discussions sur l'accord cadre puis par les discussions de fond. Pour nous, c'est là dans le cadre d'une vraie négociation que les choses doivent se décider et pas autrement. Nous avons également parlé de la coopération franco-palestinienne, qui est vivace et qui continuera à se développer dans tous les domaines qui intéressent nos amis palestiniens notamment en matière médicale et en matière administrative./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
ENTRETIEN AVEC "RADIO J" à Jérusalem, 8 octobre 1999
Nous sommes dans un moment nouveau, dans un chapitre nouveau depuis l'arrivée au pouvoir de M. Barak, il y a un très grand contraste entre M. Netanyahou qui n'appliquait pas les engagements et qui ne cherchait pas non plus de solutions et M. Barak qui a accepté le mémorandum de Charm el-Cheikh.
Q - Vous disiez que M. Netanyahou était une catastrophe pour la paix, dites-vous que M. Barak est un homme de paix ?
R - Pour le moment, nous le jugeons sur des intentions non pas sur des actes ; mais cela n'a aucune espèce de rapport évidemment. M. Barak s'est engagé avec les Palestiniens à appliquer des accords passés ; c'est le préalable, c'est la moindre des choses mais c'est très important parce que ce n'était pas mis en oeuvre. Après le mémorandum de Charm el-Cheikh ils ont devant eux une perspective encore plus compliquée, encore plus ambitieuse, qui aura des conséquences historiques encore plus grandes : la négociation sur le statut final. Or, là, je suis presque convaincu qu'il y a une volonté d'aboutir chez M. Barak, chez les Palestiniens, je pense que c'est le cas aussi chez les Syriens en dépit des difficultés apparentes actuelles, et, évidemment, chez les Libanais. Toutefois, quand on regarde de près le contenu des sujets, en tout cas dans la dimension israélo-palestinienne, on s'aperçoit que cela va être extraordinairement compliqué.
Q - Extrêmement long également ?
R - Peut-être long, en tout cas très compliqué, ce qui fait que nous ne pouvons pas, sous prétexte que l'espoir est revenu, et cela c'est tout à fait vrai, sous prétexte qu'il y a un processus qui est en marche à nouveau, on ne peut pas croire que les problèmes vont se régler comme par enchantement. Et lorsque l'on regarde les sujets de discussions du statut final, on voit bien que, point par point, les positions annoncées, en tout cas celles des Israéliens et des Palestiniens sont, à ce stade, incompatibles.
Q - Concernant ce volet palestinien justement, vous êtes là depuis deux jours, êtes-vous plus ou moins optimiste qu'au moment de votre arrivée ?
R - J'ai toujours, comme je le disais, un optimisme raisonné, raisonnable, mesuré, avec quelques préoccupations en plus.
Q - Et le volet syrien, la France peut-elle contribuer à faire avancer les choses ?
R - Je le crois, elle l'a déjà fait dans le passé, sur différents plans. Et je crois qu'elle peut le faire sur la question syrienne et qu'on le verra dans l'avenir.
Q - Vous allez en Syrie et au Liban dans quelques semaines, êtes-vous porteur d'un message des Israéliens ?
R - Non, ils n'ont pas besoin de porteur de message et on ne peut pas ramener notre rôle qui est multiformes et je crois vraiment important à celui de porteur de messages. Nous avons des idées, une valeur ajoutée, nous pouvons accompagner le processus, faciliter les choses, mais les deux choses sont différentes.
Sur l'affaire israélo-syrienne, les deux pays éprouvent des difficultés à reprendre les discussions. Lorsqu'ils auront redémarré, je crois qu'il sera moins compliqué de trouver une solution sur l'affaire du Golan. En revanche, sur l'affaire israélo-palestinienne, ils n'ont pas eu de mal à redémarrer, ils étaient d'accord sur cette idée ; mais sur Jérusalem, sur les colonies, sur les frontières, sur les réfugiés, le statut, le contour et les moyens du futur Etat palestinien, il n'y a pas de compromis qui soit visible à ce stade. Soit nous raisonnons de façon statique et nous ne pouvons pas être aussi optimiste que nous voudrions l'être, soit nous raisonnons de façon dynamique, en se remémorant le chemin qui a été fait par les uns et par les autres depuis une quinzaine d'années. Les difficultés, même si elles sont immenses, semblent pouvoir être surmontées. Mais, nous n'en sommes pas là encore.
Q - Une question sur Jérusalem, quelle est la position de la France, a-t-elle évoluée ? pensez-vous qu'il y a un problème impossible à résoudre ou êtes-vous optimiste quant a la résolution de ce problème ?
R - Je pense que la question de Jérusalem est l'une des questions particulièrement délicatesparmi celles qui seront traitées dans le statut final. En tout cas, cette question ne peut pas être résolue par des faits accomplis, par des grignotages quotidiens ; elle doit relever d'une négociation et cette négociation doit être, d'une façon ou d'une autre, prise en compte, actée ou confortée par la communauté internationale parce qu'il y a quand même, dans la dimension Jérusalem, ne serait-ce que sur le plan religieux, une résonance particulière, une résonance mondiale. C'est une difficulté particulière à l'intérieur des difficultés de l'ensemble de la négociation du statut final.
Q - Concernant les rapports franco-israéliens, comment ont-ils évolué durant ces deux jours ?
R - Ils sont dans une phase de relance, non seulement pendant ces deux jours mais depuis que M. Barak est venu à Paris et à travers son entretien avec le président de la République, son entretien avec le Premier ministre, on a vu que nous allions pouvoir relancer nos échanges, notre coopération, notre dialogue qui sera un dialogue tout à fait amical et vrai, pour être utile. Lorsque nous serons d'acord et lorsque nous aurons des difficultés, nous le dirons, nous nous exprimerons aussi s'il y a désaccord et ce dans un dialogue qui a peut-être trop manqué à d'autres époques. Et dans les semaines et les mois qui viennent, il y aura à nouveau plusieurs échanges, des visites de personnalités politiques ou économiques et, au début de l'an prochain, à une date qui n'est pas encore arrêtée, un voyage du Premier ministre./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 1999)
ENTRETIEN AVEC LA PRESSE FRANCAISE à Jérusalem le 8 octobre 1999
Q - Vous avez rencontré M. Barak. Que lui avez-vous dit ?
R - Nous considérons que son élection a créé pour Israël, et donc pour le Proche-Orient, une situation nouvelle qui contraste avec la période antérieure pendant laquelle tous les processus de paix étaient bloqués. Je lui ai redit à quel point nous nous étions réjouis de voir qu'à Charm El-Cheikh les Palestiniens et les Israéliens avaient pu se mettre d'accord sur un calendrier - même si celui-ci est parfois modifié - d'application des engagements pris antérieurement, ce qui est la condition préalable pour que l'on puisse réaborder le reste. Je l'ai interrogé sur les différents volets, le volet israélo-palestinien, le volet israélo-syrien et le volet israélo-libanais, en disant que la France souhaitait ardemment que ce processus relancé avance réellement, aboutisse réellement et je lui ai redit ce qu'il a déjà entendu à Paris, c'est-à-dire que nous sommes amicaux, proches, disponibles, sans vouloir nous substituer à la responsabilité qui est celle des Israéliens, des Palestiniens, des Syriens, des Libanais.
Au premier chef, ils auront les uns et les autres, dans peu de temps, à prendre des décisions historiques dans le cadre de cette responsabilité. Ce que nous voulons nous, c'est les aider à ce que les solutions trouvées soient les meilleures, les plus équitables, les plus sûres et les plus stables possibles. Il m'a redit, sur le volet israélo-syrien, qu'il voulait aboutir et qu'il espérait que le président Assad le voudrait également. Mais les choses ne sont pas réenclenchées sur ce volet.
Sur le volet palestinien, il a concentré son exposé et sa présentation sur l'importance de l'accord cadre qui devrait être mis au point dans un délai de quatre mois et définir les grandes lignes sur chacun des sujets qui sont regroupés sous le terme de statut final.
Ce qui ne fait que souligner - et là j'ai eu à cet égard confirmation de mes analyses antérieures - l'extraordinaire importance de cette négociation, sans doute la plus lourde de conséquences historiques dans l'histoire des relations difficiles, mais aussi des négociations, entre Israéliens et Palestiniens.
Q - C'est vous qui l'avez souligné ?
R - C'est lui et je disais que cela se rapprochait de l'analyse que je faisais qui souligne que c'est une négociation très importante, que ce sont les décisions les plus difficiles qu'aient eu à prendre les Israéliens et les Palestiniens, les décisions les plus difficiles depuis la création de l'Etat d'Israël, les décisions les plus difficiles depuis la création de l'OLP et je prends cette référence puisque c'est celle qu'il a utilisée. Cela revient normalement à la négociation finale mais l'accord cadre devant fixer les grandes lignes de chacun de ces points, on voit bien que, déjà, l'accord cadre supposera des décisions très importantes. Je ne peux que redire que nous souhaitons de toutes nos forces que cela soit possible, que ça marche, que les uns et les autres réussissent à définir cet accord cadre. Mais j'en mesure encore plus la difficulté qu'il y a deux jours et peut-être encore plus ce soir, après avoir eu les entretiens du côté palestinien, à commencer par le déjeuner avec Yasser Arafat. Cela me paraît extrêmement complexe sur chacun des points, aussi bien Jérusalem que les implantations, que les réfugiés, que le statut, les attributions et les moyens du futur Etat palestinien. Il n'y a que sur le plan du développement économique du Proche-Orient que les choses paraissent un peu moins difficile mais c'est dans l'hypothèse où l'accord se fait. Cela nous renvoie à la question précédente. On ne peut pas substituer l'approche économique à un règlement politique. Elle peut en revanche la compléter efficacement.
Voilà mes sentiments.
Q - Quels sont les éléments d'informations ou d'analyses qui vous conduisent à mesurer encore plus qu'il y a quelques jours la difficulté ? cela tient-il notamment à ce que vous avez entendu ce matin de la bouche de M. Barak et si oui, sur quels points ?
R - Non, c'est une impression d'ensemble liée à la difficulté objective de chacun des volets concernant le statut final. Tout ce que j'entends ici montre à quel point les exigences sont fortes et en réalité, à ce stade - mais je rappelle que nous sommes avant le début de la négociation, même sur l'accord cadre - on n'aperçoit pas encore les compromis possibles entre les positions israéliennes et palestiniennes. On ne les aperçoit pas, mais il faut raisonner sur ces questions du Proche-Orient de façon dynamique et non pas statique puisque, précisément, la grande différence par rapport à il y a quelque mois, c'est que les contacts, les dialogues, les négociations, les processus ont été relancés et nous sommes avant la reprise de ces discussions pour élaborer d'abord cet accord cadre dont le principe a été fixé à Charm El Cheikh. Nous sommes donc dans une moment d'affichage des positions. Il faudra à un moment ou un autre que les uns et les autres fassent mouvement. Nous n'en sommes pas là encore.
Q - Avez-vous évoqué un Etat palestinien avec Ehud Barak ?
R - Naturellement, la perspective d'un Etat palestinien fait partie depuis longtemps des positions françaises ; il y a longtemps que nous considérons qu'un Etat palestinien n'est pas un problème mais une solution.
Q - Et lui, qu'en pense-t-il ?
R - Il le sait très bien, il connaît bien la position française. Il en a parlé il y a peu de jours avec le Président Chirac et M. Jospin et là-dessus, on peut sentir qu'il réserve sa réponse finale pour le moment décisif des négociations.
Q - Le projet de retrait du sud-Liban, en avez-vous parlé ?
R - Oui, mais dans des éléments qui confirment ce que nous savons, c'est-à-dire la volonté de se retirer, l'espoir que cela s'inscrive dans un accord et pour le moment pas plus, car cela dépend de l'enclenchement - qui n'est pas fait - de la négociation avec la Syrie.
Q - Avez-vous parlé de l'éventualité que cela ne marche pas en cas de retrait unilatéral ?
R - Je ne peux pas parler à sa place. Je ne suis pas son porte-parole. Je crois que sa position n'a pas changé sur ce point à ce stade. Il a annoncé de façon forte et répétée aux Israéliens qu'il se retirerait en juillet prochain quoiqu'il arrive. Par ailleurs, il souhaite manifestement que cela s'inscrive dans le cadre d'un accord parce que ce serait plus sûr et plus stable. Il n'y a pas d'élément nouveau sur ce point.
Q - Partage-t-il votre souhait d'arriver à un accord avec les Syriens avant de passer à un accord avec les autorités libanaises ?
R - Comme je vous l'indiquais, il a annoncé aux Israéliens qu'il se retirerait, et par ailleurs, il souhaite un accord avec les Syriens et avec les Libanais.
Q - Pense-t-il que la France peut être utile dans le cadre de la négociation avec la Syrie ?
R - Les Israéliens ont l'air très intéressés par les relations que nous avons, et avec Damas et avec Beyrouth.
Q - Sur le processus de paix, a-t-il indiqué qu'il voulait tout commencer en même temps ou bien laisser certains points plus difficiles de côté, comme Jérusalem, ou bien ne rentre-t-il pas du tout dans ces détails ?
R - Il me semble qu'il n'écarte aucun sujet de la discussion sur l'accord cadre, même s'il y a des sujets qui lui paraissent fondamentaux et d'autres qui, peut-être, ne seraient pas traités dans l'accord cadre. Mais il sait que les Palestiniens eux les poseront. Donc, au total, il me semble qu'aucun sujet n'est écarté.
Q - La libération des prisonniers palestiniens n'a pas eu lieu, interprétez-vous cela comme un signe de blocage ?
R - Non, je ne l'interprète en aucune façon. Nous sommes dans le cadre de l'application des décisions de Charm El-Cheikh. Ce n'est pas parce que les choses ne sont pas tenues au jour près que cela veut dire qu'il y a blocage. Cela veut dire que ce sont des décisions difficiles à appliquer et qu'à chaque étape, on peut buter sur différentes interprétations, sur des faits nouveaux. Je ne crois pas que cela suffise à dire que cette relance tellement importante et que nous avons saluée est interrompue. Je ne l'interprète pas comme cela. C'est une difficulté, je pense qu'il la surmonteront, d'une façon ou d'une autre.
Q - Est-ce qu'un calendrier a été fait sur le dossier palestinien ? vous en inquiétez-vous ? comment voyez-vous la question des dates ?
R - M. Barak, à ce stade, parle essentiellement du calendrier concernant l'accord cadre, ce qui est normal puisque c'est l'étape qui commande la suite. Il souligne sa volonté d'aller vite ; il souligne le fait qu'il y a une opportunité historique qui se présente dont il n'est pas sûr qu'elle se présente après si l'occasion était perdue, mais sans l'enfermer dans un calendrier disons notarial. Je lui ai posé la question sur les quatre mois. Il m'a redit une formule qu'il a déjà employé, "si on le fait en trois mois, c'est bien, si c'est en cinq, ce n'est pas tragique non plus". Il ne faut donc pas interpréter cela au jour près mais manifestement, c'est qulqu'un qui est très engagé dans la recherche de la solution et pour lui, c'est maintenant que les choses se passent.
Q - Les négociations sur le statut final n'ont pas commencé et apparemment, l'un des points qui bloque, c'est la poursuite de la colonisation. M. Barak vous a-t-il fait part de ses intentions, de son attitude par exemple vis-à-vis de toutes ces colonies illégales qui ont été construites depuis l'accord de Wye Plantation ?
R - Vous savez que les Israéliens contestent le fait qu'il y ait des colonies illégales depuis l'accord de Wye. Il y a une discussion d'interprétation sur ce qui est légal, illégal, réglementaire, de facto... Il y a une polémique sur le fait de savoir si ce sont des nouvelles ou des anciennes. Il y a tout un vaste débat à ce égard. Il m'a simplement dit clairement que cela faisait partie des sujets sur lesquels l'accord cadre devait fixer les grandes lignes.
Q - Vous a-t-il demandé des choses techniques ?
R - Il a l'air, comme il l'était à Paris, tout à fait intéressé par les contacts que nous avons avec les partenaires arabes : contacts, analyses, informations, et je dois dire qu'il écoute chaque analyse et chaque suggestion avec beaucoup d'intérêt.
Q - Vous a-t-il demandé d'adresser un message au Président Assad lorsque vous irez en Syrie ?
R - Non, ce n'est pas formalisé comme cela. Ni les Israéliens, ni les autres n'ont besoin de porteur de message. Par contre, l'échange des analyses, la confrontation des informations, la réflexion en commun sur les hypothèses, les scénarios, les calendriers, oui.
Q - Vous a-t-il livré son analyse quand à la raison pour laquelle précisément, les choses ne sont pas réenclenchées avec la Syrie ?
R - Il s'est livré devant moi à un certain nombre d'interrogations plutôt que d'analyses.
Q - Lesquelles ? pouvez-vous en faire état ?
R - Si ce sont des interrogations plutôt que des analyses, c'est précisément que la réponse n'est pas évidente.
Q - Pouvez-vous être plus précis ?
R - Il attend, il pense qu'il y a un moment stratégique, qui est dans l'intérêt d'Israël comme de la Syrie. Il espère que le président Assad partage cette analyse, il n'en est pas sûr mais il ne déduit pas du fait qu'il n'ait pas de réponse à ce stade que le président Assad n'est pas intéressé, ne veut pas faire la paix, n'est pas d'accord. Il réserve son jugement, il attend.
Q - Et vous qui avez écouté l'analyse syrienne, croyez-vous que ces interrogations peuvent avoir des réponses bientôt ?
R - D'abord, je le souhaite parce que la France souhaite évidemment que les choses bougent également de ce côté-là et j'ai tendance à penser que les Israéliens et les Syriens vont finir par trouver une façon de réenclencher cette discussion. Je ne peux pas le démontrer de façon arithmétique, mais c'est une intuition.
Q - Avez-vous quelque chose de nouveau sur ce plan avec lui aujourd'hui ?
R - J'ai appris beaucoup de choses ce matin.
Q - Quoi ?
R - Je les garde pour moi pour le moment.
Q - Quand vous disiez que les décisions étaient les plus difficiles depuis la création d'Israël et de l'OLP, c'est vous qui le pensez ou bien M. Barak le dit aussi ?
R - C'est M. Barak qui parle mais je souscris à cette analyse. Je pense qu'en effet, ce sont des décisions qu'ils vont devoir prendre - je ne sais pas à quel moment- mais c'est pendant la discussion sur l'accord cadre, pendant la discussion et la négociation qui va suivre. En effet, cela me paraît encore plus lourd de conséquences et plus important et suppose encore plus de courage politique que tout ce qui a été fait par les Israéliens ou les Palestiniens qui est déjà extraordinairement courageux depuis les contacts multiples et secrets qui avaient eu lieu entre eux et qui avaient préparé Oslo. Ils savent tous que nous sommes à ce moment tellement important et je crois que cela explique en grande partie la dureté, l'intransigeance, la fermeté d'un certain nombre de déclarations. Il faut bien comprendre cette phase située juste avant ce moment décisif. Et chacun des deux responsables principaux dans cette affaire, M. Barak et M. Arafat, veulent être sûr de la force de leur assise politique et de la compréhension de leur propre opinion sur ce plan.
Q - Avez-vous parlé des problèmes intérieurs israéliens ?
R - Non, nous n'en avons pas parlé.
Q - Pensez-vous à un blocage possible, à un impasse de nouveau, avec toutes les difficultés que vous venez d'évoquer ?
R - Je n'ai pas changé d'analyse. Il y a un certain nombre de nuances qui m'apparaissent sur la question syrienne ou sur d'autres points. Je continue à penser que la situation est radicalement nouvelle, qu'il y a une différence totale entre avoir un processus de paix difficile et laborieux mais qui existe et la situation dans laquelle il n'y a pas de processus de paix ou il y a un processus saboté par ceux qui devraient le faire avancer. Nous sommes dans une situation où il y a un processus, ce processus est d'une extrême complexité et plus on creuse chacun des points, plus on en mesure les difficultés, plus on voit combien les positions sont antagonistes, combien il sera difficile de trouver une synthèse et en même temps, je crois qu'ils ont la conviction qu'ils n'ont pas le choix. Il faut avancer, négocier, conclure à un moment ou à un autre.
Q - Avez-vous discuté de ce qui se passera si Israéliens et Palestiniens s'aperçoivent de l'impossibilité de parvenir d'ici un an à un traité de paix définitif ?
R - Non, nous sommes avant la discussion sur l'accord cadre. On ne va pas, au moment où on attend l'ouverture de la discussion sur l'accord cadre, commencer à spéculer sur le fait que la négociation qui suivrait l'accord cadre pourrait dans un an être dans une impasse. Cela n'a aucun sens aujourd'hui. On verra. Ce qui nous intéresse, c'est qu'il y ait un processus, une négociation, et à travers tous nos contacts, avec tous nos protagonistes du conflit du Proche-Orient dans toutes ses facettes d'être positifs, de faire avancer les choses, de les aider si c'est possible lorsqu'il y aura des blocages./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 octobre 1999)