Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Alors que vos travaux ont déjà commencé et vous ont permis de dégager un panorama global sur la justice des mineurs en Europe, je suis heureuse de vous accueillir, en me joignant à vous, à Paris, pour ce séminaire de deux jours auquel la Présidence française attache beaucoup d'importance.
Je voudrais tout d'abord remercier les représentants de l'Italie, du Portugal et de l'Espagne, dont je connais le rôle éminent qu'ils ont joué dans la préparation de ce séminaire avec la Direction française de la Protection judiciaire de la Jeunesse.
Je voudrais également saluer le soutien que nous a apporté la Suède, ce qui est particulièrement encourageant de la part du pays qui prendra la Présidence de l'Union européenne à notre suite.
Je voudrais ajouter que, sans le concours de la Commission dans le cadre du programme GROTIUS, ce séminaire n'aurait pu être organisé dans des conditions aussi satisfaisantes, et je tiens à rendre hommage à Monsieur le Commissaire Antonio VITORINO et à son équipe.
Madame PERDRIOLLE, Directrice française de la Protection judiciaire de la Jeunesse, vous a indiqué comment l'idée de ce séminaire est venue, et comment il a été préparé avec Monsieur MAGNO (Italie), Monsieur BUENO ARUS (Espagne) et Monsieur FIGUEIREDO (Portugal).
Lorsqu'à Sienne, en février 1998, Elisabeth GUIGOU a souhaité avec nos collègues italien et espagnol mettre la délinquance juvénile à l'ordre du jour des questions abordées entre nos trois pays, et que des échanges aient lieu sut ce thème avec nos partenaires européens, le débat sur la délinquance juvénile venait juste d'être relance en France.
Un regard rapide sur notre histoire montre d'ailleurs que, depuis la fin du XIXe siècle, ce débat est revenu de manière récurrente dans la vie de la société française, toujours caractérise par des interventions énergiques, voire dramatisées des politiques et de la presse.
Les sociétés réagissent fortement à la délinquance juvénile. Il faut s'en réjouir, car c'est l'avenir d'une partie de la jeunesse des pays qui est en cause.
Mais ce qui a changé au cours de la dernière décennie, en particulier en France, c'est d'abord une augmentation très forte du nombre des mineurs mis en cause, et ensuite une évolution de la délinquance juvénile marquée par une augmentation des faits graves et violents, et enfin un rajeunissement des mineurs concernés.
Des mineurs souvent issus des banlieues, se considérant comme rejetés par la société et n'attendant rien d'elle, trouvent ailleurs leurs valeurs et modèles identitaires, rejetant les adultes et déniant toute forme d'autorité.
Au-delà des statistiques, c'est bien cette évolution qualitative qui est préoccupante.
Devant ce constat, devant les affaires concernant les mineurs qui défraient la chronique, l'opinion publique se durcit. Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour réclamer une approche plus sécuritaire du traitement de la délinquance juvénile.
Elles remettent en cause cette évidence que l'adolescence est un passage, que l'adolescent a une personnalité en devenir, que le destin d'un individu ne se détermine pas sur un acte commis à quatorze ou seize ans.
Je suis pour ma part convaincue que le pari de l'éducatif vaut la peine d'être tenu.
Certes, la justice des mineurs est bousculée dans ses repères habituels par cette évolution et le contexte radicalement nouveau que connaissent nos sociétés.
Il n'en reste pas moins que ces sociétés produisent un développement de la violence, notamment chez les jeunes, et que ce phénomène doit être pris en considération avec gravité et responsabilité.
Ainsi, l'individualisation qui caractérise les interventions judiciaire et éducative trouve ses limites lorsque le mineur ne vit que dans son réseau de copains qui, comme lui, se livrent à la revente d'objets volés ou de drogue.
Et quelle est la signification de l'autorité parentale, lorsque le père est disqualifié par des années de chômage et que ce sont les enfants qui sont source de revenus, légaux ou illégaux.
Je salue le courage, la conviction, la détermination, le savoir-faire dont vous faites preuve, vous, les professionnels de l'éducation spécialisée et les juges des mineurs.
Je regrette que si peu de gens le sachent et que nos sociétés valorisent si peu ces métiers, au sein des foyers de la Protection judiciaire de la Jeunesse, avec les équipes éducatives.
En juin 1998, puis en janvier 1999, le Gouvernement français a décidé que le durcissement de la loi n'était pas la réponse.
Il a adopté un plan de lutte contre la délinquance juvénile qui allie les politiques de prévention et d'intervention, sur la base d'un travail partenarial entre les différents ministères concernés et les collectivités territoriales, en assurant l'immédiateté et la diversité des réponses.
La lutte contre la délinquance des mineurs ne peut en effet se réduire à la lutte contre la criminalité.
D'autres approches ont prévalu en Europe, puisque nombre de législations ont été modifiées ou sont en voie de l'être.
C'est le thème que vous évoquez dans le débat de cet après-midi.
La construction de l'Europe nous a amenés à avoir désormais le réflexe, lorsqu'une question se pose à nous, d'aller voir si elle se pose chez nos voisins européens et quelle est leur approche pour la traiter.
Les échanges de cette journée nous permettront de mieux comprendre nos points de convergence et nos différences.
Il ne s'agit pas d'harmoniser nos législations, mais d'élargir nos connaissances pour enrichir les débats nationaux.
Je crois qu'un certain nombre de questions traversent beaucoup d'Etats-membres celle de la prévention, celle de la violence, celle des mesures alternatives au traitement judiciaire, celle des réponses aux mineurs les plus difficiles, celle du rôle des parents.
Mais, au-delà de cette connaissance partagée, nous avons souhaité que cette réunion de travail ne reste pas isolée.
Elle devra inaugurer, si telle est la volonté de tous, des rencontres régulières entre vous ou élargies aux membres des professions que vous représentez.
Nous souhaitons qu'elle ouvre la voie à un lien structurel facilitant les échanges sur la justice des mineurs en Europe.
Nous nous situons dans la droite ligne des conclusions du Conseil européen de Tampere, qui, en octobre 1999, a pour la première fois dans l'histoire des Conseils européens, réuni les Chefs d'Etat et de Gouvernement pour traiter des questions de Justice et d'Affaires intérieures.
La justice des mineurs est une des composantes essentielles de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, qui est le nouveau grand chantier pour l'Europe depuis le Traité d'Amsterdam et auquel le Conseil de Tampere a donné un programme concret sur lequel nous avons fondé toutes les priorités de notre présidence.
Cette idée s'appuie sur l'une des conclusions de Tampere, qui préconise de développer l'échange des meilleures pratiques, de renforcer le rôle des autorités nationales compétentes en matière de prévention de la criminalité, ainsi que la coopération entre les organismes nationaux spécialisés, et de manière prioritaire dans le domaine de la délinquance des jeunes (conclusion n°42).
Nous sommes en plein dans la méthode communautaire que je préconise: il ne s'agit nullement de vouloir harmoniser à tout prix les procédures et les pratiques, mais de faire un état des lieux des défis auxquels nos systèmes judiciaires sont confrontés et d'examiner les réponses possibles dans le cadre des droits reconnus comme fondamentaux pour les mineurs en Europe.
Le projet de Charte européenne, tel qu'il nous a été communiqué, comporte d'ailleurs un article qui traite des droits de l'enfant et qui représente l'énoncé des valeurs qui doivent toujours présider aux choix dans la protection de la jeunesse.
L'espace judiciaire européen qui se construit, qui se renforce par des initiatives comme
- le réseau judiciaire européen,
- le réseau des institutions de formation, qui sera bientôt constitué et qui devra organiser des actions nombreuses sur la justice des mineurs,
- l'initiative franco-suédoise de projet de réseau européen de prévention de la criminalité...
tout ce vaste phénomène de décloisonnement de nos systèmes judiciaires crée des conditions extrêmement favorables à la poursuite de l'action entreprise pendant ces journées qui vous réunissent et aux initiatives qui en sortiront, et que nous attendons, que j'attends avec impatience.
Soyez en tout cas assurés du soutien de la Présidence française pour accompagner et valoriser vos travaux et pour soutenir leurs prolongements plus tard.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 27 novembre 2002)
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Alors que vos travaux ont déjà commencé et vous ont permis de dégager un panorama global sur la justice des mineurs en Europe, je suis heureuse de vous accueillir, en me joignant à vous, à Paris, pour ce séminaire de deux jours auquel la Présidence française attache beaucoup d'importance.
Je voudrais tout d'abord remercier les représentants de l'Italie, du Portugal et de l'Espagne, dont je connais le rôle éminent qu'ils ont joué dans la préparation de ce séminaire avec la Direction française de la Protection judiciaire de la Jeunesse.
Je voudrais également saluer le soutien que nous a apporté la Suède, ce qui est particulièrement encourageant de la part du pays qui prendra la Présidence de l'Union européenne à notre suite.
Je voudrais ajouter que, sans le concours de la Commission dans le cadre du programme GROTIUS, ce séminaire n'aurait pu être organisé dans des conditions aussi satisfaisantes, et je tiens à rendre hommage à Monsieur le Commissaire Antonio VITORINO et à son équipe.
Madame PERDRIOLLE, Directrice française de la Protection judiciaire de la Jeunesse, vous a indiqué comment l'idée de ce séminaire est venue, et comment il a été préparé avec Monsieur MAGNO (Italie), Monsieur BUENO ARUS (Espagne) et Monsieur FIGUEIREDO (Portugal).
Lorsqu'à Sienne, en février 1998, Elisabeth GUIGOU a souhaité avec nos collègues italien et espagnol mettre la délinquance juvénile à l'ordre du jour des questions abordées entre nos trois pays, et que des échanges aient lieu sut ce thème avec nos partenaires européens, le débat sur la délinquance juvénile venait juste d'être relance en France.
Un regard rapide sur notre histoire montre d'ailleurs que, depuis la fin du XIXe siècle, ce débat est revenu de manière récurrente dans la vie de la société française, toujours caractérise par des interventions énergiques, voire dramatisées des politiques et de la presse.
Les sociétés réagissent fortement à la délinquance juvénile. Il faut s'en réjouir, car c'est l'avenir d'une partie de la jeunesse des pays qui est en cause.
Mais ce qui a changé au cours de la dernière décennie, en particulier en France, c'est d'abord une augmentation très forte du nombre des mineurs mis en cause, et ensuite une évolution de la délinquance juvénile marquée par une augmentation des faits graves et violents, et enfin un rajeunissement des mineurs concernés.
Des mineurs souvent issus des banlieues, se considérant comme rejetés par la société et n'attendant rien d'elle, trouvent ailleurs leurs valeurs et modèles identitaires, rejetant les adultes et déniant toute forme d'autorité.
Au-delà des statistiques, c'est bien cette évolution qualitative qui est préoccupante.
Devant ce constat, devant les affaires concernant les mineurs qui défraient la chronique, l'opinion publique se durcit. Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour réclamer une approche plus sécuritaire du traitement de la délinquance juvénile.
Elles remettent en cause cette évidence que l'adolescence est un passage, que l'adolescent a une personnalité en devenir, que le destin d'un individu ne se détermine pas sur un acte commis à quatorze ou seize ans.
Je suis pour ma part convaincue que le pari de l'éducatif vaut la peine d'être tenu.
Certes, la justice des mineurs est bousculée dans ses repères habituels par cette évolution et le contexte radicalement nouveau que connaissent nos sociétés.
Il n'en reste pas moins que ces sociétés produisent un développement de la violence, notamment chez les jeunes, et que ce phénomène doit être pris en considération avec gravité et responsabilité.
Ainsi, l'individualisation qui caractérise les interventions judiciaire et éducative trouve ses limites lorsque le mineur ne vit que dans son réseau de copains qui, comme lui, se livrent à la revente d'objets volés ou de drogue.
Et quelle est la signification de l'autorité parentale, lorsque le père est disqualifié par des années de chômage et que ce sont les enfants qui sont source de revenus, légaux ou illégaux.
Je salue le courage, la conviction, la détermination, le savoir-faire dont vous faites preuve, vous, les professionnels de l'éducation spécialisée et les juges des mineurs.
Je regrette que si peu de gens le sachent et que nos sociétés valorisent si peu ces métiers, au sein des foyers de la Protection judiciaire de la Jeunesse, avec les équipes éducatives.
En juin 1998, puis en janvier 1999, le Gouvernement français a décidé que le durcissement de la loi n'était pas la réponse.
Il a adopté un plan de lutte contre la délinquance juvénile qui allie les politiques de prévention et d'intervention, sur la base d'un travail partenarial entre les différents ministères concernés et les collectivités territoriales, en assurant l'immédiateté et la diversité des réponses.
La lutte contre la délinquance des mineurs ne peut en effet se réduire à la lutte contre la criminalité.
D'autres approches ont prévalu en Europe, puisque nombre de législations ont été modifiées ou sont en voie de l'être.
C'est le thème que vous évoquez dans le débat de cet après-midi.
La construction de l'Europe nous a amenés à avoir désormais le réflexe, lorsqu'une question se pose à nous, d'aller voir si elle se pose chez nos voisins européens et quelle est leur approche pour la traiter.
Les échanges de cette journée nous permettront de mieux comprendre nos points de convergence et nos différences.
Il ne s'agit pas d'harmoniser nos législations, mais d'élargir nos connaissances pour enrichir les débats nationaux.
Je crois qu'un certain nombre de questions traversent beaucoup d'Etats-membres celle de la prévention, celle de la violence, celle des mesures alternatives au traitement judiciaire, celle des réponses aux mineurs les plus difficiles, celle du rôle des parents.
Mais, au-delà de cette connaissance partagée, nous avons souhaité que cette réunion de travail ne reste pas isolée.
Elle devra inaugurer, si telle est la volonté de tous, des rencontres régulières entre vous ou élargies aux membres des professions que vous représentez.
Nous souhaitons qu'elle ouvre la voie à un lien structurel facilitant les échanges sur la justice des mineurs en Europe.
Nous nous situons dans la droite ligne des conclusions du Conseil européen de Tampere, qui, en octobre 1999, a pour la première fois dans l'histoire des Conseils européens, réuni les Chefs d'Etat et de Gouvernement pour traiter des questions de Justice et d'Affaires intérieures.
La justice des mineurs est une des composantes essentielles de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, qui est le nouveau grand chantier pour l'Europe depuis le Traité d'Amsterdam et auquel le Conseil de Tampere a donné un programme concret sur lequel nous avons fondé toutes les priorités de notre présidence.
Cette idée s'appuie sur l'une des conclusions de Tampere, qui préconise de développer l'échange des meilleures pratiques, de renforcer le rôle des autorités nationales compétentes en matière de prévention de la criminalité, ainsi que la coopération entre les organismes nationaux spécialisés, et de manière prioritaire dans le domaine de la délinquance des jeunes (conclusion n°42).
Nous sommes en plein dans la méthode communautaire que je préconise: il ne s'agit nullement de vouloir harmoniser à tout prix les procédures et les pratiques, mais de faire un état des lieux des défis auxquels nos systèmes judiciaires sont confrontés et d'examiner les réponses possibles dans le cadre des droits reconnus comme fondamentaux pour les mineurs en Europe.
Le projet de Charte européenne, tel qu'il nous a été communiqué, comporte d'ailleurs un article qui traite des droits de l'enfant et qui représente l'énoncé des valeurs qui doivent toujours présider aux choix dans la protection de la jeunesse.
L'espace judiciaire européen qui se construit, qui se renforce par des initiatives comme
- le réseau judiciaire européen,
- le réseau des institutions de formation, qui sera bientôt constitué et qui devra organiser des actions nombreuses sur la justice des mineurs,
- l'initiative franco-suédoise de projet de réseau européen de prévention de la criminalité...
tout ce vaste phénomène de décloisonnement de nos systèmes judiciaires crée des conditions extrêmement favorables à la poursuite de l'action entreprise pendant ces journées qui vous réunissent et aux initiatives qui en sortiront, et que nous attendons, que j'attends avec impatience.
Soyez en tout cas assurés du soutien de la Présidence française pour accompagner et valoriser vos travaux et pour soutenir leurs prolongements plus tard.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 27 novembre 2002)