Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs.
Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, l'emploi des adultes handicapés physiques sensoriels ou mentaux constitue "une obligation nationale".
Dans le respect de cette obligation nationale, le présent projet de loi marque la volonté du gouvernement de tout mettre en oeuvre pour permettre aux personnes handicapées, dans une situation de l'emploi difficile, d'accéder au monde du travail.
Que vaudrait, en effet, une société qui ne se donnerait pas pour devoir d'assurer à ceux qui sont diminués dans leur intégrité physique ou intellectuelle une possibilité d'insertion professionnelle, un emploi dans les entreprises avec les autres, comme les autres, les assurant d'un salaire normal et leur permettant de progresser professionnellement ! .
La qualité des travaux que votre commission des affaires sociales a consacré à l'examen de ce texte, le rapport très éclairant dont il a fait l'objet de la part de votre rapporteur, monsieur Collard, me permettront de limiter mon intervention au rappel des raisons qui ont conduit le gouvernement à élaborer ce projet de loi (I) et à la présentation de l'économie générale de celui-ci (II)
I. Une réforme de notre législation sur l'emploi des handicapés est aujourd'hui nécessaire.
Une telle réforme avait d'ailleurs été mise en chantier par le gouvernement précédent,
Elle est nécessaire pour deux raisons :
-parce que la législation actuelle est inadaptée (1) ;
- parce qu'elle n'est plus à la mesure du problème de l'emploi des handicapés dans notre société (2).
1. Que la législation actuelle soit inadaptée, voilà qui n'est guère contesté par personne.
Cette législation est ancienne puisqu'elle remonte à la loi du 26 avril 1924 sur l'obligation d'emploi des mutilés de guerre et assimilés et à la loi du 23 novembre 1957 sur les travailleurs handicapés.
- Cette législation est complexe puisqu'elle combine une obligation d'emploi des mutilés de guerre et une simple priorité d'emploi des handicapés dans le cadre d'un quota. global égal à 10 % de l'effectif de l'établissement. que doivent en principe respecter tous les établissements de plus de 10 salariés.
- Cette législation est peu efficace dans la mesure où elle ne met, en fait, à la charge des entreprises que des obligations de procédure d'ailleurs complexes : celle de réserver un certain nombre. d'emplois dans l'entreprise aux mutilés et handicapés ; celle de les leur proposer par l'intermédiaire de l'Agence Nationale Pour l'Emploi. mais si celle-ci ne trouve pas dans un délai de 15 jours un bénéficiaire susceptible d'occuper l'emploi proposé, l'employeur retrouve sa liberté d'embauche et ses obligations s'arrêtent là. Or, L'A.N.P.E ne place chaque année, il faut le rappeler, que 4000 travailleurs handicapés.
- Enfin cette législation est mal respectée malgré l'existence d'une redevance qui sanctionne la violation de ces obligations de procédure.
Le pourcentage de 10 z est respecté a hauteur de 6 % ce oui représente environ 500 000 bénéficiaires.- - il l'est essentiellement grâce aux accidentés du travail. les "travailleurs handicapés" stricto sensu. oui sont environ 80 000. ne représentent que 16 % de l'ensemble des bénéficiaires de la législation.
La redevance est, du fait de la lourdeur de sa procédure, peu appliquée. D'une part, elle n'est recouvrée que dans 23 départements, d'autre part, alors que le montant annuel de la redevance est aujourd'hui de 24 813 f par bénéficiaire manquant, le montant moyen de la redevance recouvrée par entreprise contrôlée qui ne respecte pas la législation, est de 16 000 f.
2. Inadaptée. cette législation n'est plus à la mesure du problème de l'emploi des handicapés dans notre société, et ceci d'un triple point de vue.
- Elle ne répond plus, en premier lieu. aux besoins des bénéficiaires dont la répartition s'est modifiée avec le temps.
Ce ne sont presque plus ceux pour lesquels la loi de 1924 a été votée : les mutilés de guerre, les veuves et les orphelins de guerre. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause leurs droits acquis mais ils représentent désormais moins de 12 % des bénéficiaires actuels et ce chiffre continuera de décroître.
En dehors des accidentés du travail, dont le nombre reste important, ce sont les personnes handicapées, dont le nombre augmente notamment du fait des accidents de la route, qui représentent aujourd'hui la demande d'emploi la plus importante.
66 000 personnes sont reconnues chaque année "travailleurs handicapés" par les COTEREP La moitié d'entre elles sont orientées vers les entreprises privées ou vers le secteur public : 25 000 vers le milieu ordinaire de travail, 7 000 vers la fonction publique.
- Or, au moment où ces personnes handicapées sont de plus en plus nombreuses à exiger du monde du travail qu'il les accueille, la crise de l'emploi vient compromettre leur insertion professionnelle.
Tolérable en période de plein emploi, une législation peu efficace ne l'est plus en période de crise de l'emploi. Dans une France qui compte plus de 2 millions et demi de chômeurs, un effort de solidarité particulier doit être fait en direction des travailleurs handicapés.
- Cet effort est d'autant plus nécessaire que les personnes handicapées souhaitent de plus en plus, chaque fois que cela est possible, quitter le milieu de travail protégé pour exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail.
II. Réformer une législation inadaptée pour lui permettre de répondre aux besoins actuels des personnes handicapées, telle est l'ambition du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis,
Il repose sur 3 principes :
1. Il s'agit, en premier lieu, de substituer à des obligations de procédure complexes et mal respectées par les entreprises, une obligation de résultat : celle d'employer 6 % de travailleurs handicapés, ou de verser, pour les emplois non pourvus, une contribution à un fonds destiné à faciliter leur insertion professionnelle. Cette contribution de caractère annuel et forfaitaire, versée par les entreprises qui ne sont pas en mesure, pour une raison ou pour une autre, d'employer des personnes handicapées permettra de créer peu à peu une solidarité active entre les entreprises pour prendre en charge l'insertion professionnelle des handicapés.
Pour les entreprises à établissements multiples, cette obligation s'appliquera, comme c'est le cas actuellement et comme le précise très opportunément un amendement de votre commission des affaires sociales, établissement par établissement.
- Il s'agira d'une obligation unique, la législation sur l'emploi des travailleurs handicapés étant fusionnée avec celle sur l'emploi des mutilés de guerre et accidentés du travail.
- Cette obligation sera mieux centrée sur ceux qui en ont le plus besoin grâce a une nouvelle définition de ses bénéficiaires. Ainsi seront exclus de la liste des bénéficiaires les accidentés du travail dont l'incapacité permanente est inférieure à 10 % et qui représentent actuellement 40 % de l'ensemble des bénéficiaires ; au contraire, y seront inclus les titulaires d'une pension d'invalidité de la sécurité sociale qui n'auront plus ainsi besoin de passer devant les COTEREP. De même de nouvelles modalités de décompte des bénéficiaires de la législation permettront d'encourager l'emploi des jeunes handicapes - c'est à dire, pour répondre à une question de votre commission, des handicapes de moins de 25 ans - des grands handicapés et des travailleurs handicapés venant du milieu protégé.
- Obligation de résultat, cette obligation doit rester compatible avec les possibilités des entreprises, c'est ce qui explique :
. La réduction de 10 à 6 % du quota d'emploi des handicapés, taux qui, compte tenu, d'une part, du taux actuel d'emploi des handicapés et, d'autre part, de la nouvelle définition des bénéficiaires, devrait permettre de dégager un potentiel d'embauche de l'ordre de 120 à 150 000 bénéficiaires.
. Le relèvement de 10 à 20 salariés de l'effectif des entreprises assujetties à la législation, seuil qui tient compte à la fois du nouveau quota de 6 % et du caractère beaucoup plus contraignant des nouvelles obligations et qui est conforme à la recommandation du Conseil des Communautés Européennes du 24 juillet 1986 sur l'emploi des handicapés. Mais les entreprises de moins de 20 salariés seront incitées à recruter des travailleurs handicapés dans la mesure où elles pourront bénéficier des aides versées par le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés.
La limitation à 500 fois le Smic horaire maximum, soit 13 785 f.. du montant de la contribution annuelle qui, contrairement à la redevance actuelle. n'a pas le caractère d'une sanction, cette contribution pourra, en outre, être modulée en fonction de l'effectif de l'entreprise afin de ne pas faire peser une charge excessive sur les petites entreprises.
C'est dans le même esprit d'adaptation de la législation aux capacités réelles des entreprises que le projet de loi leur offre diverses possibilités de s'acquitter de leur obligation légale, qu'il s'agisse de la possibilité de passer des contrats de sous-traitance avec des établissements de travail protégé, ateliers protégés et centres d'aides par le travail, ou de celle, plus novatrice, de conclure des accords de branche ou d'entreprise définissant un programme d'action en faveur des travailleurs handicapés adapté aux réalités de la branche ou de l'entreprise concernée,
2. J'en viens ainsi au 2ème principe sur lequel repose le projet de loi et qui consiste à inciter les partenaires sociaux à prendre eux-mêmes en charge l'emploi des handicapés.
L'emploi des handicapés ne passe pas seulement par la définition d'obligations légales aussi ambitieuses soient-elles : il passe d'abord par une prise en charge du problème par les partenaires sociaux eux-mêmes, employeurs et salariés, qui peuvent définir au niveau des branches ou des entreprises des solutions réalistes et efficaces. Le projet de loi tire deux conséquences de ce principe.
- Il permet, en premier lieu aux employeurs , de s'acquitter de leur obligation légale en faisant application d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise qui prévoit un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés. Il peut s'agir d'un plan d'embauche, d'insertion et de formation ou encore. dans des secteurs en pleine mutation, d'un plan d'adaptation aux mutations technologiques ou de maintien dans l'entreprise en cas de licenciement. pour exonérer les employeurs de leur obligation légale. Ces accords devront cependant comporter deux au moins de ces actions et faire l'objet d'un agrément de l'Etat après consultation d'un organisme ou les associations de handicapés seront représentées : Commission départementale des travailleurs handicapés pour les accords d'entreprise ; Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés pour les accords de branche.
- C'est dans le même esprit que le projet de loi confie aux partenaires sociaux eux-mêmes, et non pas à l'Etat, la gestion du Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés alimenté par la contribution des entreprises.
Ce fonds sera géré par une association composée de représentants des salariés, des employeurs et des personnes handicapées ainsi que de personnalités qualifiées. les statuts de cette association devront être agréés par l'Etat oui contrôlera également la répartition et l'utilisation des fonds.
Comme le précise la rédaction de l'article l-323-8-3 adoptée par l'assemblée nationale, ce fonds a pour objet d'accroître les moyens consacrés à l'insertion. des handicapés en milieu ordinaire de travail.
Les actions financées par ce fonds auront. en effet, une double caractéristique : il s'agira d'une part, d'actions destinées à favoriser l'insertion en milieu ordinaire de travail, et d'autre part, d'actions nouvelles par rapport à celles qui sont déjà financées par l'Etat.
Ces actions pourraient être de trois types : des actions de formation ; des actions d'accompagnement dans l'emploi. notamment pour les handicapés mentaux ; des aides financières aux petites entreprises qui recrutent des travailleurs handicapés ou à ceux qui s'installent à leur compte. comme le souhaite votre commission.
La contribution des entreprises à ce fonds aura le caractère d'un versement libératoire leur permettant de s'acquitter de leur obligation légale d'emploi.
Seules les entreprises qui ne se seront acquittées d'aucune façon de cette obligation légale, en refusant notamment de verser cette contribution, devront verser à l'Etat, pour chaque bénéficiaire qu'elles auraient dû employer, une pénalité égale au montant de la contribution majoré de 25 %. Une déclaration annuelle permettra de vérifier le respect par les employeurs de leurs obligations.
3. Troisième et dernier principe du projet de loi : celui-ci étend au secteur public les mêmes obligations qu'au secteur privé.
On sait que dans la situation actuelle seules les entreprises publiques sont soumises aux mêmes obligations que les entreprises privées, l'Etat et les collectivités locales n'étant soumis qu'a la priorité d'emploi de 3 % des effectifs en faveur des travailleurs handicapés et à la législation sur les emplois réservés.
Le projet de loi étend à l'ensemble des administrations de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics, dès lors qu'elles comptent au moins 20 agents a plein temps, l'obligation d'employer 6 % de handicapés.
Il s'agit là d'une novation considérable qui aura pour effet de créer une dynamique de l'embauche des travailleurs handicapés dans le secteur public. en modifiant la nature des relations entre les handicapés et la fonction publique et en instaurant une nouvelle dialectique entre le ministère des finances et les administrations concernées.
Cet objectif ambitieux implique un élargissement des possibilités d'accès des handicapés à la fonction publique.
C'est pourquoi le gouvernement a prévu, dans le cadre du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, une disposition généralisant à l'ensemble de la fonction publique un dispositif qui a fait ses preuves aux P.T.T. et qui permet de recruter des travailleurs handicapés comme contractuels sur des emplois de catégorie C et D pendant deux ans puis de les titulariser s'ils remplissent les conditions d'aptitude à l'exercice de la fonction. Votre commission des affaires sociales souhaite que cette disposition soit insérée dans le présent projet de loi : j'indique d'ores et déjà que je comprends et partage son souhait.
De même la procédure des emplois réservés devra être revue pour répondre à cette nouvelle obligation.
Si les principes fondamentaux de notre droit interdisent d'étendre à des collectivités publiques la pénalité prévue pour les entreprises, l'Etat ne pouvant s'infliger de pénalités à lui-même, le respect de cette obligation fera l'objet, chaque année, d'un rapport présenté aux comités techniques paritaires ainsi qu'aux conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Au delà de la large publicité dont feront l'objet ces rapports, on peut compter sur la vigilance des syndicats et des associations de handicapés pour veiller au respect, par les collectivités publiques, de leurs obligations.
Même s'il se limite au problème de l'insertion des handicapés en milieu ordinaire de travail, ce projet de loi exprime ainsi une grande ambition : celle de permettre à tous les travailleurs handicapés qui le peuvent et qui le veulent de trouver leur place dans le monde du travail.
Cette ambition nous la réaliserons moins par la contrainte que par l'incitation dans le cadre d'un effort de solidarité qui ne peut être que progressif et consenti.
PROGRESSIF : Le projet de loi prévoit, tant pour le secteur privé que pour le secteur public, une période transitoire de 3 ans à compter du 1er janvier 1988. Votre commission des affaires sociales souhaite que le parlement soit tenu étroitement informé de l'application de la loi pendant cette période transitoire ; ici encore, je comprends et partage sa préoccupation.
CONSENTI : Il me parait essentiel qu'un consensus puisse se dégager autour de ce projet de loi. Les réactions que j'ai pu enregistrer tant de la part des partenaires sociaux -et notamment de la part des plus hautes autorités patronales- que de celle des associations de handicapés sur ce texte, dans le cadre d'une large concertation préalable, les avis dont il a fait l'objet tant de la part du conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés que de celle du conseil national consultatif des personnes handicapées, m'incitent
à penser que ce consensus est possible.
Entre le double écueil de la démagogie et du laxisme ce texte s'efforce, en effet, de définir la voie d'un compromis réaliste et efficace :
- REALISTE car il ne s'agit pas -et il serait contraire à l'intérêt des handicapés eux-mêmes- de faire peser sur les entreprises des charges excessives :
- EFFICACE car il s'agit de définir une obligation de résultat simple dans son principe et qui puisse être effectivement contrôlée.
Je ne doute pas que votre Haute Assemblée apporte au gouvernement, dans la recherche de ce point d'équilibre délicat. son concours et son soutien afin de permettre d'assurer à l'ensemble des travailleurs handicapés de ce pays l'accès au monde du travail.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs.
Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, l'emploi des adultes handicapés physiques sensoriels ou mentaux constitue "une obligation nationale".
Dans le respect de cette obligation nationale, le présent projet de loi marque la volonté du gouvernement de tout mettre en oeuvre pour permettre aux personnes handicapées, dans une situation de l'emploi difficile, d'accéder au monde du travail.
Que vaudrait, en effet, une société qui ne se donnerait pas pour devoir d'assurer à ceux qui sont diminués dans leur intégrité physique ou intellectuelle une possibilité d'insertion professionnelle, un emploi dans les entreprises avec les autres, comme les autres, les assurant d'un salaire normal et leur permettant de progresser professionnellement ! .
La qualité des travaux que votre commission des affaires sociales a consacré à l'examen de ce texte, le rapport très éclairant dont il a fait l'objet de la part de votre rapporteur, monsieur Collard, me permettront de limiter mon intervention au rappel des raisons qui ont conduit le gouvernement à élaborer ce projet de loi (I) et à la présentation de l'économie générale de celui-ci (II)
I. Une réforme de notre législation sur l'emploi des handicapés est aujourd'hui nécessaire.
Une telle réforme avait d'ailleurs été mise en chantier par le gouvernement précédent,
Elle est nécessaire pour deux raisons :
-parce que la législation actuelle est inadaptée (1) ;
- parce qu'elle n'est plus à la mesure du problème de l'emploi des handicapés dans notre société (2).
1. Que la législation actuelle soit inadaptée, voilà qui n'est guère contesté par personne.
Cette législation est ancienne puisqu'elle remonte à la loi du 26 avril 1924 sur l'obligation d'emploi des mutilés de guerre et assimilés et à la loi du 23 novembre 1957 sur les travailleurs handicapés.
- Cette législation est complexe puisqu'elle combine une obligation d'emploi des mutilés de guerre et une simple priorité d'emploi des handicapés dans le cadre d'un quota. global égal à 10 % de l'effectif de l'établissement. que doivent en principe respecter tous les établissements de plus de 10 salariés.
- Cette législation est peu efficace dans la mesure où elle ne met, en fait, à la charge des entreprises que des obligations de procédure d'ailleurs complexes : celle de réserver un certain nombre. d'emplois dans l'entreprise aux mutilés et handicapés ; celle de les leur proposer par l'intermédiaire de l'Agence Nationale Pour l'Emploi. mais si celle-ci ne trouve pas dans un délai de 15 jours un bénéficiaire susceptible d'occuper l'emploi proposé, l'employeur retrouve sa liberté d'embauche et ses obligations s'arrêtent là. Or, L'A.N.P.E ne place chaque année, il faut le rappeler, que 4000 travailleurs handicapés.
- Enfin cette législation est mal respectée malgré l'existence d'une redevance qui sanctionne la violation de ces obligations de procédure.
Le pourcentage de 10 z est respecté a hauteur de 6 % ce oui représente environ 500 000 bénéficiaires.- - il l'est essentiellement grâce aux accidentés du travail. les "travailleurs handicapés" stricto sensu. oui sont environ 80 000. ne représentent que 16 % de l'ensemble des bénéficiaires de la législation.
La redevance est, du fait de la lourdeur de sa procédure, peu appliquée. D'une part, elle n'est recouvrée que dans 23 départements, d'autre part, alors que le montant annuel de la redevance est aujourd'hui de 24 813 f par bénéficiaire manquant, le montant moyen de la redevance recouvrée par entreprise contrôlée qui ne respecte pas la législation, est de 16 000 f.
2. Inadaptée. cette législation n'est plus à la mesure du problème de l'emploi des handicapés dans notre société, et ceci d'un triple point de vue.
- Elle ne répond plus, en premier lieu. aux besoins des bénéficiaires dont la répartition s'est modifiée avec le temps.
Ce ne sont presque plus ceux pour lesquels la loi de 1924 a été votée : les mutilés de guerre, les veuves et les orphelins de guerre. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause leurs droits acquis mais ils représentent désormais moins de 12 % des bénéficiaires actuels et ce chiffre continuera de décroître.
En dehors des accidentés du travail, dont le nombre reste important, ce sont les personnes handicapées, dont le nombre augmente notamment du fait des accidents de la route, qui représentent aujourd'hui la demande d'emploi la plus importante.
66 000 personnes sont reconnues chaque année "travailleurs handicapés" par les COTEREP La moitié d'entre elles sont orientées vers les entreprises privées ou vers le secteur public : 25 000 vers le milieu ordinaire de travail, 7 000 vers la fonction publique.
- Or, au moment où ces personnes handicapées sont de plus en plus nombreuses à exiger du monde du travail qu'il les accueille, la crise de l'emploi vient compromettre leur insertion professionnelle.
Tolérable en période de plein emploi, une législation peu efficace ne l'est plus en période de crise de l'emploi. Dans une France qui compte plus de 2 millions et demi de chômeurs, un effort de solidarité particulier doit être fait en direction des travailleurs handicapés.
- Cet effort est d'autant plus nécessaire que les personnes handicapées souhaitent de plus en plus, chaque fois que cela est possible, quitter le milieu de travail protégé pour exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail.
II. Réformer une législation inadaptée pour lui permettre de répondre aux besoins actuels des personnes handicapées, telle est l'ambition du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis,
Il repose sur 3 principes :
1. Il s'agit, en premier lieu, de substituer à des obligations de procédure complexes et mal respectées par les entreprises, une obligation de résultat : celle d'employer 6 % de travailleurs handicapés, ou de verser, pour les emplois non pourvus, une contribution à un fonds destiné à faciliter leur insertion professionnelle. Cette contribution de caractère annuel et forfaitaire, versée par les entreprises qui ne sont pas en mesure, pour une raison ou pour une autre, d'employer des personnes handicapées permettra de créer peu à peu une solidarité active entre les entreprises pour prendre en charge l'insertion professionnelle des handicapés.
Pour les entreprises à établissements multiples, cette obligation s'appliquera, comme c'est le cas actuellement et comme le précise très opportunément un amendement de votre commission des affaires sociales, établissement par établissement.
- Il s'agira d'une obligation unique, la législation sur l'emploi des travailleurs handicapés étant fusionnée avec celle sur l'emploi des mutilés de guerre et accidentés du travail.
- Cette obligation sera mieux centrée sur ceux qui en ont le plus besoin grâce a une nouvelle définition de ses bénéficiaires. Ainsi seront exclus de la liste des bénéficiaires les accidentés du travail dont l'incapacité permanente est inférieure à 10 % et qui représentent actuellement 40 % de l'ensemble des bénéficiaires ; au contraire, y seront inclus les titulaires d'une pension d'invalidité de la sécurité sociale qui n'auront plus ainsi besoin de passer devant les COTEREP. De même de nouvelles modalités de décompte des bénéficiaires de la législation permettront d'encourager l'emploi des jeunes handicapes - c'est à dire, pour répondre à une question de votre commission, des handicapes de moins de 25 ans - des grands handicapés et des travailleurs handicapés venant du milieu protégé.
- Obligation de résultat, cette obligation doit rester compatible avec les possibilités des entreprises, c'est ce qui explique :
. La réduction de 10 à 6 % du quota d'emploi des handicapés, taux qui, compte tenu, d'une part, du taux actuel d'emploi des handicapés et, d'autre part, de la nouvelle définition des bénéficiaires, devrait permettre de dégager un potentiel d'embauche de l'ordre de 120 à 150 000 bénéficiaires.
. Le relèvement de 10 à 20 salariés de l'effectif des entreprises assujetties à la législation, seuil qui tient compte à la fois du nouveau quota de 6 % et du caractère beaucoup plus contraignant des nouvelles obligations et qui est conforme à la recommandation du Conseil des Communautés Européennes du 24 juillet 1986 sur l'emploi des handicapés. Mais les entreprises de moins de 20 salariés seront incitées à recruter des travailleurs handicapés dans la mesure où elles pourront bénéficier des aides versées par le Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés.
La limitation à 500 fois le Smic horaire maximum, soit 13 785 f.. du montant de la contribution annuelle qui, contrairement à la redevance actuelle. n'a pas le caractère d'une sanction, cette contribution pourra, en outre, être modulée en fonction de l'effectif de l'entreprise afin de ne pas faire peser une charge excessive sur les petites entreprises.
C'est dans le même esprit d'adaptation de la législation aux capacités réelles des entreprises que le projet de loi leur offre diverses possibilités de s'acquitter de leur obligation légale, qu'il s'agisse de la possibilité de passer des contrats de sous-traitance avec des établissements de travail protégé, ateliers protégés et centres d'aides par le travail, ou de celle, plus novatrice, de conclure des accords de branche ou d'entreprise définissant un programme d'action en faveur des travailleurs handicapés adapté aux réalités de la branche ou de l'entreprise concernée,
2. J'en viens ainsi au 2ème principe sur lequel repose le projet de loi et qui consiste à inciter les partenaires sociaux à prendre eux-mêmes en charge l'emploi des handicapés.
L'emploi des handicapés ne passe pas seulement par la définition d'obligations légales aussi ambitieuses soient-elles : il passe d'abord par une prise en charge du problème par les partenaires sociaux eux-mêmes, employeurs et salariés, qui peuvent définir au niveau des branches ou des entreprises des solutions réalistes et efficaces. Le projet de loi tire deux conséquences de ce principe.
- Il permet, en premier lieu aux employeurs , de s'acquitter de leur obligation légale en faisant application d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise qui prévoit un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés. Il peut s'agir d'un plan d'embauche, d'insertion et de formation ou encore. dans des secteurs en pleine mutation, d'un plan d'adaptation aux mutations technologiques ou de maintien dans l'entreprise en cas de licenciement. pour exonérer les employeurs de leur obligation légale. Ces accords devront cependant comporter deux au moins de ces actions et faire l'objet d'un agrément de l'Etat après consultation d'un organisme ou les associations de handicapés seront représentées : Commission départementale des travailleurs handicapés pour les accords d'entreprise ; Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés pour les accords de branche.
- C'est dans le même esprit que le projet de loi confie aux partenaires sociaux eux-mêmes, et non pas à l'Etat, la gestion du Fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés alimenté par la contribution des entreprises.
Ce fonds sera géré par une association composée de représentants des salariés, des employeurs et des personnes handicapées ainsi que de personnalités qualifiées. les statuts de cette association devront être agréés par l'Etat oui contrôlera également la répartition et l'utilisation des fonds.
Comme le précise la rédaction de l'article l-323-8-3 adoptée par l'assemblée nationale, ce fonds a pour objet d'accroître les moyens consacrés à l'insertion. des handicapés en milieu ordinaire de travail.
Les actions financées par ce fonds auront. en effet, une double caractéristique : il s'agira d'une part, d'actions destinées à favoriser l'insertion en milieu ordinaire de travail, et d'autre part, d'actions nouvelles par rapport à celles qui sont déjà financées par l'Etat.
Ces actions pourraient être de trois types : des actions de formation ; des actions d'accompagnement dans l'emploi. notamment pour les handicapés mentaux ; des aides financières aux petites entreprises qui recrutent des travailleurs handicapés ou à ceux qui s'installent à leur compte. comme le souhaite votre commission.
La contribution des entreprises à ce fonds aura le caractère d'un versement libératoire leur permettant de s'acquitter de leur obligation légale d'emploi.
Seules les entreprises qui ne se seront acquittées d'aucune façon de cette obligation légale, en refusant notamment de verser cette contribution, devront verser à l'Etat, pour chaque bénéficiaire qu'elles auraient dû employer, une pénalité égale au montant de la contribution majoré de 25 %. Une déclaration annuelle permettra de vérifier le respect par les employeurs de leurs obligations.
3. Troisième et dernier principe du projet de loi : celui-ci étend au secteur public les mêmes obligations qu'au secteur privé.
On sait que dans la situation actuelle seules les entreprises publiques sont soumises aux mêmes obligations que les entreprises privées, l'Etat et les collectivités locales n'étant soumis qu'a la priorité d'emploi de 3 % des effectifs en faveur des travailleurs handicapés et à la législation sur les emplois réservés.
Le projet de loi étend à l'ensemble des administrations de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics, dès lors qu'elles comptent au moins 20 agents a plein temps, l'obligation d'employer 6 % de handicapés.
Il s'agit là d'une novation considérable qui aura pour effet de créer une dynamique de l'embauche des travailleurs handicapés dans le secteur public. en modifiant la nature des relations entre les handicapés et la fonction publique et en instaurant une nouvelle dialectique entre le ministère des finances et les administrations concernées.
Cet objectif ambitieux implique un élargissement des possibilités d'accès des handicapés à la fonction publique.
C'est pourquoi le gouvernement a prévu, dans le cadre du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, une disposition généralisant à l'ensemble de la fonction publique un dispositif qui a fait ses preuves aux P.T.T. et qui permet de recruter des travailleurs handicapés comme contractuels sur des emplois de catégorie C et D pendant deux ans puis de les titulariser s'ils remplissent les conditions d'aptitude à l'exercice de la fonction. Votre commission des affaires sociales souhaite que cette disposition soit insérée dans le présent projet de loi : j'indique d'ores et déjà que je comprends et partage son souhait.
De même la procédure des emplois réservés devra être revue pour répondre à cette nouvelle obligation.
Si les principes fondamentaux de notre droit interdisent d'étendre à des collectivités publiques la pénalité prévue pour les entreprises, l'Etat ne pouvant s'infliger de pénalités à lui-même, le respect de cette obligation fera l'objet, chaque année, d'un rapport présenté aux comités techniques paritaires ainsi qu'aux conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Au delà de la large publicité dont feront l'objet ces rapports, on peut compter sur la vigilance des syndicats et des associations de handicapés pour veiller au respect, par les collectivités publiques, de leurs obligations.
Même s'il se limite au problème de l'insertion des handicapés en milieu ordinaire de travail, ce projet de loi exprime ainsi une grande ambition : celle de permettre à tous les travailleurs handicapés qui le peuvent et qui le veulent de trouver leur place dans le monde du travail.
Cette ambition nous la réaliserons moins par la contrainte que par l'incitation dans le cadre d'un effort de solidarité qui ne peut être que progressif et consenti.
PROGRESSIF : Le projet de loi prévoit, tant pour le secteur privé que pour le secteur public, une période transitoire de 3 ans à compter du 1er janvier 1988. Votre commission des affaires sociales souhaite que le parlement soit tenu étroitement informé de l'application de la loi pendant cette période transitoire ; ici encore, je comprends et partage sa préoccupation.
CONSENTI : Il me parait essentiel qu'un consensus puisse se dégager autour de ce projet de loi. Les réactions que j'ai pu enregistrer tant de la part des partenaires sociaux -et notamment de la part des plus hautes autorités patronales- que de celle des associations de handicapés sur ce texte, dans le cadre d'une large concertation préalable, les avis dont il a fait l'objet tant de la part du conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés que de celle du conseil national consultatif des personnes handicapées, m'incitent
à penser que ce consensus est possible.
Entre le double écueil de la démagogie et du laxisme ce texte s'efforce, en effet, de définir la voie d'un compromis réaliste et efficace :
- REALISTE car il ne s'agit pas -et il serait contraire à l'intérêt des handicapés eux-mêmes- de faire peser sur les entreprises des charges excessives :
- EFFICACE car il s'agit de définir une obligation de résultat simple dans son principe et qui puisse être effectivement contrôlée.
Je ne doute pas que votre Haute Assemblée apporte au gouvernement, dans la recherche de ce point d'équilibre délicat. son concours et son soutien afin de permettre d'assurer à l'ensemble des travailleurs handicapés de ce pays l'accès au monde du travail.