Texte intégral
J.-J. Bourdin A. Juppé, président de l'UMP, est un retraité prévoyant et heureux, s'amusait hier Le Canard Enchaîné. Il a fait valoir ses droits à la retraite ; il est retraité depuis le 1er janvier. Il va cumuler plusieurs retraites. Est-ce normal ?
- "D'abord, il n'est pas retraité de la vie politique - cela ne vous aura pas échappé -, même si certains le souhaiteraient. Ensuite, il y a des règles qui s'appliquent. Je pense qu'il va falloir que ces règles se modifient tranquillement. Parce que la question des retraites est très simple : dans quarante ans, si on ne fait rien, un tiers de pension en moins. C'est-à-dire que moi qui suis papa d'une grande fille qui a vingt ans, qui serait donc, au terme de la loi actuelle, susceptible de prendre sa retraite dans quarante ans, si je ne fais rien en tant que père, j'accepte que ma fille ait un tiers de revenu de moins que moi lorsqu'elle arrivera à l'âge de la retraite. Et ça, je ne peux pas l'accepter. Donc, il nous faudra, sur cette question de retraite, tranquillement, au premier semestre, mettre tous les décideurs autour de la table et toucher à toutes les variables, parce que ces variables qui font que telle ou telle personnalité soit à la retraite, qui peut amuser, inquiéter, c'est la réalité des Français."
Mais comment va-t-il pouvoir parler de la retraite dans les mois qui viennent ?
- "Il est un Français comme les autres, il prend sa retraite à 57 ans : les Français aujourd'hui prennent leur retraite en moyenne à 57,4 années."
Trop tôt ?
- "Bien entendu, c'est trop tôt. Et ce qui est vrai pour l'un est vrai pour les autres, pour A. Juppé comme les autres. Mais c'est la règle ; il ne fait qu'appliquer la règle."
Vous avez été sensibilisé, comme nous tous, sur le cas de Sandra et de sa famille, dans le Nord, à Roubaix. Elle a été victime d'un viol collectif, il y a un an, Sandra et sa famille sont harcelés ; ils ont du déménager une première fois et envisage de déménager une deuxième fois. Heureusement, le collège vient de prendre des décisions et Sandra va être accueillie au collège à partir de ce matin. Que faire, parce que les mineurs incarcérés qui ont agressé Sandra vont être libérés. L'instruction n'est pas terminée, ils sont mineurs, on ne peut pas les garder plus d'un an en prison.
- "D'abord, il faut que - et c'est ce qu'on s'efforce de faire au Gouvernement - on soit à une plus grande écoute des victimes. Ce qui est aujourd'hui le plus pénible pour nos concitoyens, c'est le sentiment que la justice n'écoute pas les victimes, et ce sont quand même elles qui ont quelque chose à dire ou quelque chose à demander. Donc, il va y avoir, dans le courant de cette année, un certain nombre de dispositions législatives qui vont être prises. Deuxièmement, et je profite de l'occasion que vous me donnez, pour bien dire très clairement - je ne suis pas sûr que les voyous nous écoutent, hélas - que ceux qui font ce qu'ils font vont en payer le prix, car il y aura aggravation des peines. L'aggravation des peines est automatique ; cela va passer en cour d'assises. Lorsque le jury populaire va savoir ce que cette gamine a subi et ce qu'on veut continuer à lui faire subir, croyez-moi, ceux qui ont commis ce crime vont le payer très cher."
Mais ce sont des mineurs !
- "Mais mineurs ou pas mineurs, ils le paieront très cher. On peut emprisonner des mineurs, lorsque la barbarie est pire que tout."
Ceci dit, mettez-vous à la place de la famille : ses agresseurs vont sortir de prison automatiquement, c'est la loi. Est-ce que vous voudriez la changer ?
- "C'est la preuve que la loi n'est pas assez faite pour les victimes et que nous ne devons pas hésiter à changer toutes ces choses-là. Je pense que, dans l'attente, il faut aussi qu'on se mobilise tous - l'Etat, les acteurs locaux - pour trouver des solutions de relogement, des solutions au collège, pour protéger au maximum cette famille. Aujourd'hui, en France, les victimes ne sont pas assez protégées parce que depuis des années, elles n'étaient pas au coeur des préoccupations de l'appareil d'Etat."
Dernière question d'actualité : AZF.
- "Prudence. Merci de me permettre de faire une comparaison : il y a huit jours, on avait condamné un bagagiste en donnant tout un tas d'informations ; tout était réglé, c'était fait. Comme l'a fort justement rappelé hier le procureur de Paris, on a un bon système en France, c'est le système inquisitoire. C'est-à-dire que la justice enquête à charge et à décharge. De grâce, laissons ces choses-là avancer."
Laissons le juge d'instruction faire son travail. Il a repris le dossier à zéro. Seulement, le procureur était peut-être allé un peut vite en besogne à l'époque ?
- "Rappelons le contexte : on sortait des attentats du 11 septembre. J'ai des amis et de la famille à Toulouse qui me disaient tout de suite que c'était un attentat, etc. Il y a eu un choc populaire, une émotion. Ne surfons pas sur les émotions. Sachons raison garder."
Les prisons et les programmes immobiliers de la justice : 55 471 détenus au 1er décembre dernier pour 47 473 places. Il faut donc construire ; vous allez construire. Votre projet : 11 000 places, 28 prisons en plus, dont 8 pour les mineurs.
- "Tout à fait. On peut même en rajouter, parce qu'il restait encore des petits projets dans les tuyaux : cela fera au total 13 200 nouvelles places."
Certains disent que plus il y a de places, plus y aura de prisonniers ?
- "Effectivement, c'est une façon de raisonner ! Il faut être très clair : ce n'est pas la mienne. A force de faire des syllogismes comme cela, on n'avance pas. C'est sûr que s'il n'y avait pas de place, il n'y aurait pas de prisonniers du tout, on peut aussi délirer comme cela très longtemps. Lorsque que quelqu'un commet un crime, il faut bien que la société se protège. On n'a pas inventé d'autres techniques que la prison, dans aucune civilisation, sous aucune latitude. Encore une fois, un peu de bon sens !"
Est-il vrai qu'à Bourges, Tours ou Caen, on ajoute des matelas supplémentaires dans les cellules ?
- "Je ne connais pas les endroits précis. C'est vrai qu'on est obligés, aujourd'hui, comme on ne peut pas pousser les murs, de rajouter un troisième, voire quelquefois un quatrième détenu. Ce n'est pas acceptable. La solution ne sera pas réglée dans les semaines qui viennent - je préfère le dire. On prend une situation donnée, on va construire. Mon objectif est de faire qu'au lieu de construire une prison en dix ans, on sache la construire en cinq ans. Ce n'est pas considérable, ce n'est peut-être pas génial, mais, croyez-moi, c'est beaucoup de travail pour couper en deux ces délais."
Le Gouvernement confie à des acteurs privés le financement, la conception, la réalisation et l'entretien des infrastructures publiques que l'Etat louerait ?
- "On fait cela depuis quinze ans déjà, que ce soit la gauche ou la droite. La grande modification, c'est qu'on va même aller maintenant jusqu'à des financements privés, de façon à pouvoir faire que le poids de la construction de ces établissements soit étalé sur une longue période. Parce que ça sert très longtemps, un établissement pénitentiaire, on ne construit pas pour cinq ou dix ans. Ce n'est pas un Algeco, c'est quelque chose de très costaud."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 janvier 2003)
- "D'abord, il n'est pas retraité de la vie politique - cela ne vous aura pas échappé -, même si certains le souhaiteraient. Ensuite, il y a des règles qui s'appliquent. Je pense qu'il va falloir que ces règles se modifient tranquillement. Parce que la question des retraites est très simple : dans quarante ans, si on ne fait rien, un tiers de pension en moins. C'est-à-dire que moi qui suis papa d'une grande fille qui a vingt ans, qui serait donc, au terme de la loi actuelle, susceptible de prendre sa retraite dans quarante ans, si je ne fais rien en tant que père, j'accepte que ma fille ait un tiers de revenu de moins que moi lorsqu'elle arrivera à l'âge de la retraite. Et ça, je ne peux pas l'accepter. Donc, il nous faudra, sur cette question de retraite, tranquillement, au premier semestre, mettre tous les décideurs autour de la table et toucher à toutes les variables, parce que ces variables qui font que telle ou telle personnalité soit à la retraite, qui peut amuser, inquiéter, c'est la réalité des Français."
Mais comment va-t-il pouvoir parler de la retraite dans les mois qui viennent ?
- "Il est un Français comme les autres, il prend sa retraite à 57 ans : les Français aujourd'hui prennent leur retraite en moyenne à 57,4 années."
Trop tôt ?
- "Bien entendu, c'est trop tôt. Et ce qui est vrai pour l'un est vrai pour les autres, pour A. Juppé comme les autres. Mais c'est la règle ; il ne fait qu'appliquer la règle."
Vous avez été sensibilisé, comme nous tous, sur le cas de Sandra et de sa famille, dans le Nord, à Roubaix. Elle a été victime d'un viol collectif, il y a un an, Sandra et sa famille sont harcelés ; ils ont du déménager une première fois et envisage de déménager une deuxième fois. Heureusement, le collège vient de prendre des décisions et Sandra va être accueillie au collège à partir de ce matin. Que faire, parce que les mineurs incarcérés qui ont agressé Sandra vont être libérés. L'instruction n'est pas terminée, ils sont mineurs, on ne peut pas les garder plus d'un an en prison.
- "D'abord, il faut que - et c'est ce qu'on s'efforce de faire au Gouvernement - on soit à une plus grande écoute des victimes. Ce qui est aujourd'hui le plus pénible pour nos concitoyens, c'est le sentiment que la justice n'écoute pas les victimes, et ce sont quand même elles qui ont quelque chose à dire ou quelque chose à demander. Donc, il va y avoir, dans le courant de cette année, un certain nombre de dispositions législatives qui vont être prises. Deuxièmement, et je profite de l'occasion que vous me donnez, pour bien dire très clairement - je ne suis pas sûr que les voyous nous écoutent, hélas - que ceux qui font ce qu'ils font vont en payer le prix, car il y aura aggravation des peines. L'aggravation des peines est automatique ; cela va passer en cour d'assises. Lorsque le jury populaire va savoir ce que cette gamine a subi et ce qu'on veut continuer à lui faire subir, croyez-moi, ceux qui ont commis ce crime vont le payer très cher."
Mais ce sont des mineurs !
- "Mais mineurs ou pas mineurs, ils le paieront très cher. On peut emprisonner des mineurs, lorsque la barbarie est pire que tout."
Ceci dit, mettez-vous à la place de la famille : ses agresseurs vont sortir de prison automatiquement, c'est la loi. Est-ce que vous voudriez la changer ?
- "C'est la preuve que la loi n'est pas assez faite pour les victimes et que nous ne devons pas hésiter à changer toutes ces choses-là. Je pense que, dans l'attente, il faut aussi qu'on se mobilise tous - l'Etat, les acteurs locaux - pour trouver des solutions de relogement, des solutions au collège, pour protéger au maximum cette famille. Aujourd'hui, en France, les victimes ne sont pas assez protégées parce que depuis des années, elles n'étaient pas au coeur des préoccupations de l'appareil d'Etat."
Dernière question d'actualité : AZF.
- "Prudence. Merci de me permettre de faire une comparaison : il y a huit jours, on avait condamné un bagagiste en donnant tout un tas d'informations ; tout était réglé, c'était fait. Comme l'a fort justement rappelé hier le procureur de Paris, on a un bon système en France, c'est le système inquisitoire. C'est-à-dire que la justice enquête à charge et à décharge. De grâce, laissons ces choses-là avancer."
Laissons le juge d'instruction faire son travail. Il a repris le dossier à zéro. Seulement, le procureur était peut-être allé un peut vite en besogne à l'époque ?
- "Rappelons le contexte : on sortait des attentats du 11 septembre. J'ai des amis et de la famille à Toulouse qui me disaient tout de suite que c'était un attentat, etc. Il y a eu un choc populaire, une émotion. Ne surfons pas sur les émotions. Sachons raison garder."
Les prisons et les programmes immobiliers de la justice : 55 471 détenus au 1er décembre dernier pour 47 473 places. Il faut donc construire ; vous allez construire. Votre projet : 11 000 places, 28 prisons en plus, dont 8 pour les mineurs.
- "Tout à fait. On peut même en rajouter, parce qu'il restait encore des petits projets dans les tuyaux : cela fera au total 13 200 nouvelles places."
Certains disent que plus il y a de places, plus y aura de prisonniers ?
- "Effectivement, c'est une façon de raisonner ! Il faut être très clair : ce n'est pas la mienne. A force de faire des syllogismes comme cela, on n'avance pas. C'est sûr que s'il n'y avait pas de place, il n'y aurait pas de prisonniers du tout, on peut aussi délirer comme cela très longtemps. Lorsque que quelqu'un commet un crime, il faut bien que la société se protège. On n'a pas inventé d'autres techniques que la prison, dans aucune civilisation, sous aucune latitude. Encore une fois, un peu de bon sens !"
Est-il vrai qu'à Bourges, Tours ou Caen, on ajoute des matelas supplémentaires dans les cellules ?
- "Je ne connais pas les endroits précis. C'est vrai qu'on est obligés, aujourd'hui, comme on ne peut pas pousser les murs, de rajouter un troisième, voire quelquefois un quatrième détenu. Ce n'est pas acceptable. La solution ne sera pas réglée dans les semaines qui viennent - je préfère le dire. On prend une situation donnée, on va construire. Mon objectif est de faire qu'au lieu de construire une prison en dix ans, on sache la construire en cinq ans. Ce n'est pas considérable, ce n'est peut-être pas génial, mais, croyez-moi, c'est beaucoup de travail pour couper en deux ces délais."
Le Gouvernement confie à des acteurs privés le financement, la conception, la réalisation et l'entretien des infrastructures publiques que l'Etat louerait ?
- "On fait cela depuis quinze ans déjà, que ce soit la gauche ou la droite. La grande modification, c'est qu'on va même aller maintenant jusqu'à des financements privés, de façon à pouvoir faire que le poids de la construction de ces établissements soit étalé sur une longue période. Parce que ça sert très longtemps, un établissement pénitentiaire, on ne construit pas pour cinq ou dix ans. Ce n'est pas un Algeco, c'est quelque chose de très costaud."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 janvier 2003)