Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
J'interviens devant vous pour vous présenter une nouvelle fois les objectifs du gouvernement dans ce texte majeur en faveur de la réduction négociée du temps de travail.
Depuis deux ans, et non sans un certain succès, Lionel Jospin a fait de l'emploi la priorité du gouvernement. Aucune piste n'a été négligée pour lutter contre le chômage.
Nous avons d'abord engagé une politique de soutien à la croissance en relançant le pouvoir d'achat des ménages et la consommation interne. Nous avons simultanément engagé une politique volontariste pour l'emploi en mobilisant toutes les énergies, et en explorant toutes les pistes.
Ainsi, le programme " nouveaux services - emplois jeunes " a été lancé, des dispositions spécifiques pour permettre à nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi de retrouver la perspective d'un travail ont été mises en uvre, je pense au programme " nouveau départ " et au dispositif TRACE. Enfin, nous nous sommes engagés dans la réduction négociée du temps de travail autour de trois objectifs. : créer ou préserver des emplois, améliorer les conditions de travail et de vie de tous les salariés, modifier l'organisation du travail des entreprises pour les rendre plus compétitives.
Et vous le savez, la méthode retenue est fondée sur la négociation.
La loi du 13 juin 1998 a été d'abord un appel à la négociation et cet appel a été entendu..
Depuis cette loi, 18 000 accords d'entreprises et 112 accords de branche ont été signés. Le tiers des salariés des entreprises de plus de 20 salariés sont ainsi d'ores et déjà à 35 heures ou en train d'y passer. Sur de nombreux points, les accords, en particulier les accords d'entreprises, ont innové pour organiser une réduction sur mesure de la durée du travail, prenant en compte les caractéristiques de chaque entreprise ainsi que les aspirations particulières des salariés.
La seconde loi a été bâtie en s'inspirant de ces avancées. La loi a pu innover parce que préalablement les 50 000 négociateurs des accords d'entreprise et les partenaires sociaux l'avaient fait eux-mêmes. Le pré-bilan réalisé fin avril et le bilan effectué mi-septembre ont d'ailleurs été examinés avec tous les partenaires sociaux et ont ainsi créé une base objective permettant la modernisation de notre code du travail.
Les dispositions de la seconde loi elles-mêmes ont été soumises à des consultations d'une ampleur sans précédent.
Avant le Conseil des Ministres du 28 juillet, toutes les organisations patronales et syndicales ont été à plusieurs reprises entendues, les 50 plus grandes branches professionnelles ont été consultées, les situations concrètes de centaines d'entreprises ont été examinées, les réseaux de professionnels -le CJD, les Experts-Comptables, l'ANDCP- ont été associés.
A l'automne, avant et après la première lecture, le travail s'est poursuivi avec ces interlocuteurs et en liaison avec la Commission des Affaires Sociales, pour améliorer le texte : tout d'abord avec le MEDEF, les principales branches professionnelles et les organisations syndicales sur les conditions de mises en uvre des accords : parallèlement avec l'UPA et le CGAD pour faciliter l'accès des petites entreprises à l'aide incitative à travers plusieurs amendements importants que vous avez adoptés ; mais aussi bien évidemment avec les organisations syndicales pour renforcer les garanties apportées aux salariés, en matière de durées maximales, d'astreintes de modulation ou de temps partiel par exemple.
C'est cette démarche novatrice, fondée sur les accords conclus entre les chefs d'entreprises et les syndicalistes qui a conduit au texte que vous avez adopté en première lecture.
Le texte adopté par le Sénat, ne tient pas compte de cette dynamique et conduirait s'il était adopté à stopper le processus de négociation et de réduction du temps de travail.
Le Sénat a ainsi décidé de maintenir le calendrier des aides de la loi du 13 juin 1998, en supprimant l'aide structurelle sans même réintroduire le dispositif de Robien qu'il avait adopté il y a quelques années.
Ce choix se double de la suppression de l'allègement des charges sociales. Cet allègement, qui, je vous le rappelle va au-delà du financement des 35 heures, le gouvernement vous propose qu'il porte désormais jusqu'à 1,8 SMIC et concerne donc une majorité de la population salariée, supprimant ainsi la trappe à bas salaires résultant de la ristourne JUPPE.
Tout en rompant la dynamique de négociation, certaines propositions du Sénat reconnaissent cependant le bien fondé de beaucoup de propositions d'aménagement du temps de travail contenues dans le projet voté par votre Assemblée.
Mais en dissociant réduction et aménagement du temps de travail, ces choix prennent, je le crains, un caractère à la fois partiel et partial.
Nous ne pouvons pas, par exemple, accepter de mettre en place une modulation sans encadrement ni garanties, comme l'a fait le sénat.
La modulation sans contrepartie est une proposition qui prend donc à contre-pied la lettre et l'esprit des accords qui ont été conclus.
Pour les cadres, vous l'aurez compris, je ne peux pas être non plus d'accord avec la solution adoptée par le sénat qui consiste à renvoyer à la négociation de branche les modalités selon lesquelles l'application du droit commun est exclue sans que la loi ne définisse les principales règles applicables aux différentes catégories de cadre.
Il me paraît donc essentiel de rétablir la loi dans son ordonnancement initial, tel que vous l'aviez adopté en première lecture.
Cette seconde loi a, vous le savez, une ambition, faire réussir les 35 heures. Je vous l'ai déjà dit elle n'est faite ni pour plaire, ni pour déplaire mais pour réussir, et pour réussir à travers la négociation, seule capable de définir des garanties et des souplesses nouvelles tant pour les salariés que pour les entreprises.
Le projet de loi s'appuie sur l'ensemble des accords déjà signés. En effet, tous les accords d'entreprises, je le répète, TOUS, sont applicables et sont en train d'être appliqués produisant d'ailleurs des premiers effets sensibles sur l'emploi et le chômage.
Les accords de branches sont déjà applicables pour 94 d'entres eux, tandis que 23 d'entre eux sont en cours d'examen. Toutes les clauses étendues dans ces accords sont et seront applicables. La très grande majorité des clauses réservées deviendront automatiquement applicables dès la promulgation de la seconde loi sans qu'une renégociation ne soit nécessaire. Seules trois dispositions -la banalisation du travail du dimanche, l'exclusion de la formation d'adaptation du temps de travail, la généralisation du forfait tous horaires au delà des cadres dirigeants-, illégales avant même la loi du 13 juin 1998 et très minoritaires dans les accords de branches ont été exclues car elles sont contraires aux principes fondamentaux de notre droit du travail, car elles remettent en cause l'ordre public social au respect duquel je suis particulièrement attachée.
Ainsi, non seulement les accords sont respectés et validés par la loi mais ils ont servi de base à la construction de celle-ci. De plus la loi élargit le champ de la négociation en lui laissant le temps pour aboutir à des accords innovants.
La loi, en misant sur la négociation, reconnaît l'entreprise comme le lieu privilégié d'élaboration de solutions sur mesure.
Condition de l'allégement des charges sociales, l'accord d'entreprise devra garantir l'effectivité des 35 heures et préciser les conséquences en termes d'emplois créés ou préservés de la réduction du temps de travail.
En matière d'heures supplémentaires, la loi renverra à l'accord d'entreprise sur les 35 heures le choix de la nature de la contrepartie pour les salariés, entre la récupération en temps et la majoration en argent.
Plus généralement, de nombreuses modalités pourront être précisées par l'accord :
répartition du temps libéré, notamment par la prise de journées ou de demi-journées,
régimes applicables aux cadres,
recours au temps choisi ou au compte-épargne-temps,
développement de la formation.
Ainsi, dans tous les cas, la loi permettra des souplesses nouvelles tant pour les salariés que pour les entreprises mais conditionnera leur exercice à l'accord d'entreprise.
La négociation décentralisée est, en effet, la meilleure manière d'élaborer des solutions équilibrées entre les aspirations des salariés et les contraintes de compétitivité de l'entreprise. Nul ne peut, à leur place, savoir, de l'extérieur, ce qui est bon pour eux.
La première loi a permis de vivifier le dialogue social en France. Parmi les entreprises qui n'ont pas signé d'accord, une sur deux est en négociation aujourd'hui. De la même manière, la seconde loi, grâce aux modernisations du code du travail qu'elle introduit et les allègement des charges sociales qu'elle prévoit, suscitera, j'en suis persuadée, en 2000 une seconde vague de négociations et d'accords permettant une généralisation progressive des 35 heures.
Certains observateurs s'inquiètent de quelques conflits en cours qui sont le plus souvent dans le secteur public. En tout état de cause, il n'est pas anormal qu'il y ait, des discussions, des tensions, voire des conflits pendant une vraie négociation avant la conclusion d'un accord. Je crois que c'est au contraire un signe de vitalité et que cela s'explique fort bien quand il s'agit du partage des fruits d'une meilleure croissance. Vous le savez, sur le sujet du temps de travail, les partenaires sociaux des entreprises ont fait largement la preuve, d'ores et déjà, de leur sens des responsabilités.
Pour que ce processus se traduise par une amélioration des conditions de vie des salariés la loi protège et encadre, notamment par les clauses d'ordre public social, la baisse des durées maximales ou les nouvelles règles concernant la modulation par exemple.
Pour les uns comme pour les autres, la loi, en tirant le bilan des innovations d'une année de négociations, confirme les souplesses nouvelles et les garanties réciproques que les négociateurs se sont données.
Pour les salariés, elle confirmera la nécessité de prendre en compte la vie personnelle et familiale au sein même de l'entreprise en établissant, par la négociation, des souplesses et des mécanismes protecteurs. Cela est vrai en matière de maîtrise, d'étalement voire d'épargne du temps libre, de possibilités de calendriers individualisés selon les contraintes et les aspirations de chacun. Cela concerne aussi la formation pour laquelle la réduction du temps de travail est une occasion historique de développement.
Les souplesses portent enfin sur la répartition annuelle du temps libre. Beaucoup de salariés ont ainsi souhaité bénéficier de jours RTT ou d'une modulation limitée des horaires entre 31 ou 39 heures. Dans d'autres cas, les saisonnalités ou les fluctuations de l'activité sont telles que la modulation a été plus large mais avec, dans ces cas, des plannings prévisionnels, et, en cas d'imprévu, des délais précis de prévenance pour lesquels la loi introduit un délai de prévenance de 7 jours.
Pour les salariés à temps partiel, le projet de loi marque une avancée vers le temps choisi en facilitant les choix individuels, en fonction par exemple des rythmes scolaires, dans le cadre de règles du jeu négociées collectivement.
Pour les entreprises, les souplesses visent à rapprocher les rythmes de production de ceux de la demande. Ces souplesses internes, avec des salariés embauchés le plus souvent en contrat à durée indéterminée, pourront ainsi se substituer à d'autres souplesses plus coûteuses économiquement et socialement : stocks immobilisant des moyens financiers, recours à l'externalisation voire à la délocalisation.
Ce processus doit concerner tous les salariés.
Des questions ont ainsi été soulevées pour les cadres. Je veux redire ici que les cadres ne doivent pas être tenus à l'écart du processus de réduction du temps de travail. Ils ne le souhaitent pas et ils ont raison. D'ailleurs les négociations ont su trouver chaque fois que nécessaire des modalités adaptées à leur mission et ce principe doit être inscrit dans le code du travail.
S'inspirant des accords, la loi a défini trois catégories de cadres que les négociations devront préciser en fonction des critères énumérés dans la loi.
Tout d'abord les cadres dirigeants pour lesquels vous avez retenu trois critères cumulatifs : l'indépendance dans l'organisation de leur temps de travail, l'autonomie dans la prise de décision et une rémunération dans les niveaux les plus élevés de leur entreprise.
A l'autre extrémité, sont distingués les cadres intégrés dans une équipe de travail et soumis à l'horaire collectif, catégorie la plus nombreuse représente 58 % du total. La loi dans toutes ses composantes, (durée légale, repos compensateur, durées maximales), leur sera appliquée, ce qui constitue une avancée réellement importante.
Reste une catégorie intermédiaire de cadres qui ne sont ni dirigeants ni intégrés dans une équipe de travail et dont la durée du travail ne peut être prédéterminée. La loi leur apporte à tous trois garanties :
. Pour tous ces cadres la durée du travail doit être réduite, que ce soit en jours ou en heures.
. La jurisprudence a reconnu au cadre le droit de saisir le juge pour faire respecter la règle selon laquelle le salaire versé doit correspondre au minimum prévu par la convention collective ou son contrat, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires auxquels il peut prétendre. (Ce raisonnement doit également s'appliquer aux cadres bénéficiant d'un forfait en jours qui seront ainsi en mesure de faire valoir ce principe).
. Enfin s'appliquent à eux les repos minimas prévus dans la loi ainsi que des durées maximales.
Les durées maximales s'expriment en heures, journalières ou hebdomadaires, pour les forfaits en heures.
Pour les forfaits en jours, la durée maximale a été fixée annuellement à 217 jours. La loi définit ainsi un nouvel étalon, le jour, lequel constitue une unité de mesure pertinente pour les cadres dont la nature même du travail fait obstacle à un horaire de travail prédéterminé. La loi prévoit que l'accord doit obligatoirement fixer des conditions de contrôle et de suivi de cette limite.
Les cadres disposeront, pour assurer le respect de ces durées maximales en heures ou en jours, des voies de recours, internes à l'entreprise ou externes.
Pour tous, les repos quotidiens et hebdomadaires sont applicables, les conditions nécessaires pour assurer leur respect sont désormais imposées par la loi et les sanctions pénales pourront concrètement être mises en uvres ; les accords devront apporter toutes les précisions opérationnelles nécessaires en ce sens.
Lorsque les conventions de forfait horaire sont établies sur l'année après accord de branche ou d'entreprise, le code du travail impose à l'employeur de tenir à disposition du juge ou de l'inspecteur du travail, en cas de litige, les documents attestant les horaires effectués. Dans ce cas, il y a donc bien suivi par l'entreprise, par exemple sur la base d'autodéclarations.
Pour ces cadres s'appliquera d'ailleurs le mécanisme du repos compensateur qui, dès la fin de la période d'adaptation, limite en moyenne la durée annuelle travaillée à 1730 heures.
Pour le décompte en jours, des conventions individuelles de forfait annuel ne pourront être conclues qu'après un accord de branche ou d'entreprise, qui devra définir les catégories concernées et le nombre de jours travaillés, à condition de respecter les repos quotidiens et hebdomadaires, de redéfinir les charges de travail et d'organiser le suivi et le contrôle.
La diversité des solutions correspond ainsi à la diversité des situations. Vouloir imposer un cadre unique faisant fi de la réalité et de sa diversité, serait se faire plaisir et miner le crédit de la loi.
Permettez-moi ici de citer Richelieu " faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre ".
Nous sommes ainsi en train d'accomplir une révolution en matière de durée de travail des cadres. Ces dispositions sont fondées sur l'existence d'un accord collectif en l'absence duquel l'entreprise ne pourra pas prévoir de forfaits annuels. Nous faisons confiance aux organisations syndicales pour définir de tels forfaits, préciser les catégories concernées, et suivre l'application de ces accords. Un accord signé par les syndicats et approuvé par les salariés est d'ailleurs la condition de l'octroi de la baisse des charges sociales. Dans 90 % des cas les salariés ont été consultés.
Des questions ont aussi été posées dans le domaine des conditions de travail et de vie, ce qui est normal compte tenu des modifications très concrètes qu'entraîne la réduction du temps de travail pour chacun des salariés. Force est de constater que beaucoup de ces craintes et de ces interrogations se dissipent quelques mois après la réduction du temps de travail. En effet 85 % des salariés déclarent être globalement satisfaits et 4 salariés sur 5 considèrent que leurs conditions de travail ne se sont pas détériorées voire se sont améliorées. Quant à leurs conditions de vie, il est clair qu'avec 4 heures de temps libérées celles-ci se sont améliorées. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas rester vigilant sur les conditions de travail dans les entreprises, pour que cette dimension soit prise en compte tant dans l'élaboration des accords que dans la phase de leur application. L'implication du médecin du travail et du CHSCT peuvent être de ce point de vue très bénéfiques.
Enfin, je veux rappeler l'objectif emploi est en passe d'être atteint.
Malgré une croissance moins forte qu'en 1998 (autour de 2,7% contre 3,4% en 1998), près de 300 000 emplois ont été créés depuis le début de l'année, en raison notamment de la poursuite des créations d'emplois-jeunes au même rythme rapide qu'en 1998 (100 000 par an, 220 000 depuis le démarrage du programme) et de la très vive accélération depuis quelques mois des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (136 000 emplois prévus dans les accords, 2 400 000 salariés concernés par ces accords).
La baisse du chômage à un rythme accéléré depuis le printemps dernier, se poursuit en octobre. Le chômage est en repli de 250 000 depuis le début de l'année, soit deux fois plus en 10 mois que pour l'ensemble de l'année 1998, déjà excellente. Cette accélération bénéficie largement aux publics prioritaires de la politique de l'emploi : le chômage de longue durée a reculé de près de 150 000 sur un an et le chômage des jeunes s'est réduit de 25% depuis juin 1997. La tendance de baisse du chômage des salariés de plus de 50 ans est maintenant également solidement installée (-6,0% sur an) ; il en va de même pour le " noyau dur " du chômage de longue durée (chômage de plus de 3 ans).
Depuis juin 1997, 830 000 emplois ont été créés, dont 630 000 dans les secteurs concurrentiels, résultat sans précédent depuis plus de 40 ans qui a permis un reflux du chômage de 468 700 sur la même période. N'en déplaise à certains, c'est bien l'action du gouvernement, qui a placé l'emploi au cur de ses priorités qui explique les bons résultats obtenus sur le front du chômage, résultats qui encouragent le gouvernement a poursuivre dans cette voie.
Nous voulons persévérer dans cette voie et créer grâce aux 35 heures négociées, 100 000 emplois supplémentaires chaque année. Et ces négociations aboutiront d'autant mieux à des succès économiques et sociaux que la réforme des charges sociales se mettra simultanément en place.
La généralisation des 35 heures va ainsi de pair avec un système d'allégement structurel des cotisations sociales patronales qui doit permettre d'assurer un financement équilibré du passage à la nouvelle durée légale du travail, et au-delà de réduire le coût du travail. Pour 2000 c'est un nouveau dispositif d'allégement unifié qui sera institué.
Tout d'abord, ce dispositif d'exonération de charges patronales sera à la croisée de deux réformes.
C'est un nouveau mécanisme d'allégement sur les bas et moyens salaires, en remplacement de la ristourne dégressive (" ristourne Juppé ") à la fois plus ample que cette dernière pour supprimer la trappe à bas salaires - les allégements vont jusqu'à 1,8 SMIC alors qu'ils s'arrêtent à 1,3 SMIC aujourd'hui - et plus puissant. Cette partie de l'allégement représentera en régime de croisière 65 milliards de francs, soit 25 milliards de plus que la ristourne Juppé.
Il s'agit aussi d'une aide pérenne aux 35 heures, de 4 500 F en moyenne par salarié dans les entreprises à 35 heures, soit 40 milliards de francs en régime de croisière.
Le coût total de 105 milliards de francs comprend donc les mesures d'allégement du coût du travail sur les salaires inférieurs à 1,8 SMIC - 65 milliards de francs - et les dépenses relatives aux aides au passage à 35 heures - 40 milliards de francs et pas 105 milliards de francs.
Ce système entraînera par lui-même un effet favorable sur l'emploi. Il présente cette caractéristique fondamentale de ne pas faire peser la charge sur les ménages et il n'entraîne pas un effet de " trappe à bas salaires ", comme l'a fait la ristourne dégressive actuelle qui a eu tendance à tirer la grille des revenus les plus faibles vers le bas. Il favorise clairement les entreprises de main d'uvre, les petites entreprises, le commerce, l'artisanat et les services. Nous savons que ce sont eux qui créent les emplois.
L'accès à ce système d'allègements de charge a été enrichi par plusieurs amendements de l'Assemblée Nationale.
Soucieux que tous les salariés bénéficient de la réduction du temps de travail, nous avons assoupli et simplifié les conditions d'accès à l'aide incitative pour les petites et moyennes entreprises.
En outre, concernant le temps de travail des postés les allègements de charges sont conditionnés à une réduction de la durée du travail équivalente à 33 heures et 36 minutes, c'est à dire au passage en cinq équipes.
Enfin, l'Assemblée Nationale et le gouvernement sont tombés d'accord pour majorer les allègements de charge en cas de passage à 32 heures hebdomadaires.
Mesdames et Messieurs les députés,
Je souhaiterais pour conclure vous redire d'un mot, ce à quoi je crois et ce à quoi le Premier Ministre nous engage pour la prochaine décennie : le retour du plein emploi.
Après les emplois jeunes, les programmes TRACE et " nouveau départ ", le gouvernement vous propose de voter, après une première étape réussie, une seconde loi sur la réduction négociée du temps de travail.
En effet, un puissant mouvement de négociation a déjà eu lieu. C'est de ce mouvement que s'est inspiré le gouvernement pour écrire cette seconde loi. C'est ce mouvement qu'il faut continuer à encourager et à soutenir. Elle noue les fils d'un dialogue riche, dense, où des mondes qui s'ignoraient, apprennent à se parler et à s'entendre.
L'avenir de notre pays passe par cette maturité nouvelle, acquise par les salariés et les chefs d'entreprises. Nous ne pouvons plus vivre sur les schémas du passé. Ce sont eux qui figent notre société et l'empêchent de se développer.
Bien sûr, je n'ignore pas qu'il existe et subsistera longtemps des conservatismes et des corporatismes. La réduction du temps de travail et la négociation qu'elle encourage sont en train de remettre en cause ces forces d'inertie qui tire notre pays vers le bas.
Avec la réduction du temps de travail, nous n'élaborons pas seulement une loi qui crée des emplois, comme en témoignent les derniers chiffres du chômage, améliore les conditions de vie et de travail des salariés, rend nos entreprises plus performantes, nous votons une loi qui va faire changer notre société en profondeur, parce qu'elle fait de tous nos concitoyens les premiers acteurs de ce changement.
Ayons confiance en eux, et inspirons nous de ce qu'ils nous disent à travers les accords signés, et ce qu'ils veulent, plus de liberté, plus de loisirs, plus d'emplois et plus de justice, au moment d'engager une nouvelle fois la discussion sur cette loi sur la réduction négociée du temps de travail.
Je vous remercie.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 6 décembre 1999)