Texte intégral
Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous allons avoir cet après-midi et ce soir un débat d'orientation budgétaire dont je me réjouis. Je le conçois comme un débat d'orientation, et non comme le moment où le Gouvernement doit révéler je ne sais quel choix, qu'il n'a généralement d'ailleurs pas encore arbitré puisque la procédure de préparation du budget n'en est qu'à son commencement. Je ne voudrais donc pas qu'aucun de vous s'attende à de quelconques " scoops " à l'occasion de ce débat. Il s'agit de discuter de principes, d'orientations et de confronter nos points de vue. Pour le Gouvernement, ce débat est au moins autant l'occasion d'écouter ce que la majorité et l'opposition souhaitent dire que de faire lui-même des déclarations. C'est néanmoins l'occasion pour lui de préciser le choix de stratégie économique dans lequel il s'inscrit.
Ce choix répond à trois priorités : d'abord la croissance ; ensuite, la croissance ; enfin, la croissance.
Pourquoi ? D'abord, parce qu'il y a un attachement du Gouvernement et de la majorité - certains trouveront cela archaïque, mais on est toujours archaïque par rapport à d'autres - à cette action, sinon productiviste, car l'expression est un peu ancienne, mais qui veut au moins que le secteur productif soit ce sur quoi nous fondions notre avenir.
La croissance du secteur productif - et cela vaut dans les débats entre la gauche et la droite depuis le XIXe siècle - est bien un des apanages que nous revendiquons.
Ensuite, parce que le Gouvernement a la conviction que la croissance est la condition nécessaire pour favoriser l'emploi et le pouvoir d'achat.
Enfin, parce que j'ai le sentiment que la croissance est l'adjuvant qui permet d'autres réformes, concernant elles-mêmes l'emploi. Tout un ensemble de réformes visant à favoriser l'emploi et à réduire le chômage - ce qui est le but ultime de notre politique -, qu'il s'agisse des 35 heures ou de la baisse des charges sociales sur le travail non qualifié, ensemble de réformes que certains peuvent souhaiter et d'autres non, ne sont possibles à grande échelle que si la croissance est présente.
Par conséquent, la croissance, pour elle-même ou parce qu'elle permet d'autres politiques, est bien le coeur de notre politique.
Je sais bien que certains considèrent que la croissance est une donnée, que nous n'y pouvons pas grand-chose et que la France, en raison de la place qu'elle occupe au sein de l'économie mondiale, est ballottée comme un bouchon sur la vague: quand ça monte, ça monte; quand ça baisse, ça baisse. Cette vision n'est pas totalement erronée - nous subissons effectivement l'influence de l'environnement international - mais elle est beaucoup trop réductrice. La croissance ne doit pas être une donnée, elle doit être un objectif.
Evidemment, l'environnement international joue. Mais c'est un devoir pour le Gouvernement de faire en sorte, par exemple dans les instances européennes, que les politiques qui sont conduites soient orientées vers la croissance, comme c'est une responsabilité pour le Gouvernement de faire en sorte que notre taux de croissance soit aujourd'hui supérieur à ceux du passé et à ceux de nos principaux voisins.
Depuis juin 1997, la croissance française a deux caractéristiques elle est plus forte qu'avant et elle est supérieure à celle de nos voisins - un point environ par rapport au Royaume-Uni et à l'Allemagne, deux points par rapport à l'Italie. Je ne cite que nos trois principaux voisins. Il est clair qu'il y a au sein de l'Union européenne des pays de taille plus modeste dont le développement est en retard par rapport à ces quatre grands pays industriels et qui ont donc une croissance de rattrapage plus forte - c'est le cas de l'Espagne et de l'Irlande, et on ne peut que s'en féliciter.
Si l'on s'en tient aux quatre principaux pays de l'union européenne qui assurent à eux seuls environ 75 % du PIB de cette union, nous voyons que la France est nettement détachée en 1998. Cela sera encore le cas en 1999. Nous verrons en 2000.
Néanmoins, comme je le disais, la conjoncture internationale a une influence sur notre situation. Or elle ne se présente pas de façon tellement heureuse. En effet, si d'un certain point de vue, presque chauvin, nous pouvons être contents de faire la course en tête - ce qui n'était pas le cas dans le passé -, d'un autre point de vue, je préférerais que les croissances allemande, italienne et anglaise soient beaucoup plus fortes car elles viendraient soutenir la nôtre et, par là même, favoriser les créations d'emplois. Je ne me suis donc en rien d'une perspective de croissance de 1 % ou 1,5 % en Allemagne ou en Italie - ce qui n'est pas énorme -, car cela pèsera sur notre propre capacité de développement.
D'où vient le résultat français? Il est dû sans doute à une politique économique adaptée à nos besoins et aussi, je le crois, à la confiance que le Premier ministre a su rétablir tant chez les consommateurs - nous savons combien la pression qu'ils exercent est un des facteurs déterminants de notre croissance - que chez les chefs d'entreprise, en dépit des mouvements qui traversent les organisations qui les représentent. Les enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise, notamment de ceux des entreprises petites et moyennes, montrent mois après mois un niveau de confiance inégalé depuis une dizaine d'années. Il y a certes des hauts et des bas, mais ce niveau est toujours très élevé par rapport à ce que l'on a pu connaître dans le passé.
C'est dans cette confiance à la fois des consommateurs et des entreprises que se trouve la raison d'une croissance si forte. Fondée sur la demande interne - et c'est la politique que nous avions choisie -, notre croissance est donc plus à l'abri des aléas internationaux queue ne pouvait l'être dans le passé.
Le " triangle d'or " de notre politique de finances publiques sur lequel repose cette croissance se structure de la façon suivante: stabilisation, en Francs constants, des dépenses de l'État, tout en finançant nos priorités ; réforme de notre fiscalité et stabilisation du poids des prélèvements obligatoires; réduction graduelle du déficit des administrations sans nuire à la croissance de façon à inverser enfin - et ce sera le cas en 2000 - la spirale de la dette.
Avant d'en venir à ces questions de fond, je dirai quelques mots sur la méthode, laissant à Christian Sautter le soin de revenir plus en détail sur les choix de dépenses publiques du Gouvernement pour l'année prochaine.
Je m'arrêterai d'abord un instant sur la procédure du débat d'orientation budgétaire que nous tenons cet après-midi. Il s'agit d'une procédure récente - nous l'expérimentons pour la deuxième fois - et qui est donc perfectible. J'espère d'ailleurs queue s'est déjà améliorée par rapport à l'année précédente.
Elle est perfectible d'abord dans le contenu. Les béotiens ne verront dans les deux documents qui vous ont été distribués que le fait qu'ils aient été allégés par rapport à ceux de l'an dernier. Mais les spécialistes que vous êtes tous auront remarqué que les informations qu'ils contiennent sont considérablement renforcées par rapport à celles qui avaient été fournies l'année dernière, notamment dans ce domaine extrêmement opaque des relations entre l'Etat et les collectivités locales, entre l'Etat et l'Union européenne, entre l'Etat et la sécurité sociale, bref, entre les différents acteurs des finances publiques. Vous disposez de nombre d'informations nouvelles, mais, bien entendu, tout cela pourra encore être amélioré.
Mais, au-delà du contenu, la procédure me parait un élément important. Jusqu'à présent - et c'était le cas l'année dernière -, le débat d'orientation budgétaire servait au Gouvernement à exposer la façon dont il voyait la loi de finances à venir. Mais comme le débat intervient trop tôt dans le processus budgétaire et que les arbitrages budgétaires n'ont pas encore eu lieu, il n'est pas possible de dire grand-chose aux parlementaires, et ce débat perd une partie de son intérêt.
Aussi, Christian Sautter et moi-même avons choisi, conformément à l'objectif que Christian Sautter avait fixé lorsque nous avons été entendus par le groupe de travail sur la réforme de notre mécanisme budgétaire présidé par Laurent Fabius, de venir parler non seulement de la loi de finances à venir, mais également des gestions écoulées pour en tirer des enseignements. Aujourd'hui, un premier pas est donc fait dans cette direction, puisque nous débattrons non seulement des orientations budgétaires, mais aussi de la loi de règlement pour 1997. Nous aurons tout loisir de débattre également de la gestion de 1998, pour laquelle la Cour des comptes a rendu public il y a quelques jours son rapport préliminaire, et de la gestion de 1999 - même si l'année n'est pas terminée -, comme le permet d'ailleurs le programme pluriannuel à moyen terme des finances publiques que le Gouvernement a déposé près de l'Union européenne à la fin de l'année dernière. Cet ensemble rétrospectif et prospectif doit nous permettre d'avoir un débat plus nourri, plus intéressant, ne se limitant pas à présenter en avant-première des choix qui n'ont Pas encore été effectués !
Enfin, le contexte est totalement différent- depuis le début de l'année, l'euro est devenu notre monnaie, ce qui change considérablement la façon de préparer le budget. Du reste, de plus en plus de Français se félicitent de la mise en place de la monnaie unique, comme le montrent les sondages que fait effectuer régulièrement mon ministère, sondages qui sont transmis au Conseil national de l'euro au sein duquel siègent des représentants de l'Assemblée. Au-delà de ce point de satisfaction, la procédure budgétaire elle-même se trouve affectée, car la coordination des politiques budgétaires au sein de l'euro Il est un élément important de notre gestion commune de la monnaie unique. C'est pourquoi le rapport qui vous a été remis traite plus longuement que par le passé de cette question de la coordination des politiques budgétaires.
Nouveau contenu, nouvelle procédure, nouveau contexte: nous avons donc un nouveau débat d'orientation budgétaire. Pourtant, celui-ci traduit une assez grande continuité.
Au risque de déplaire à certains, je dirai que, pour moi, cette continuité se traduit par la fidélité à la parole donnée. Pour illustrer mon propos, je citerai trois exemples.
Le premier exemple concerne l'emploi, les salaires et le partage de la valeur ajoutée. Lorsque nous avons présenté la loi de finances pour 1998, M. Christian Sautter et moi-même nous nous étions fixé pour objectif la création de 200000 emplois et l'augmentation de 1,2 % du pouvoir d'achat. Les objectifs ont été dépassés. 300000 emplois ont été créés et l'augmentation du pouvoir d'achat par salarié a été de 2,5 %. Au total, la combinaison de cette double progression a permis une augmentation des revenus du travail de 3,4 %, soit, à un dixième près, la même augmentation que le cumul des gains de pouvoir d'achat entre 1993 et 1997 !
De plus, cette augmentation massive des revenus du travail, liée à la fois à la progression du pouvoir d'achat individuel et à l'accroissement du nombre des salariés, fait que la dégradation du partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits - laquelle était certainement l'une des causes de nos problèmes économiques et de la difficulté que nous avions à retrouver une croissance forte s'est arrêtée en 1998. Et il en sera de même en 1999. Le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits est stable, ce qui n'était pas le cas dans le passé. Et c'est là un aspect fondamental du changement de politique économique qui a été entrepris.
Le deuxième exemple de cette fidélité concerne la réduction des déficits publics. En 1997, comme en 1998 et comme en 1999, le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux. Certains prétendront sans doute qu'il n'était pas assez ambitieux. C'est légitime, car on peut fixer la barre où l'on veut. Mais mieux vaut la fixer au regard de ses propres performances passées. L'effort consenti en 1997, en 1998 et en 1999 a permis d'aboutir à une réduction de notre déficit supérieure à celle de l'Espagne et très supérieure à celle de l'Allemagne ou de l'Italie. En 1999, notre effort de réduction du déficit sera même le plus important des efforts consentis par les onze pays de la zone euro.
On me rétorquera sans doute: "Certes, mais nous partions de plus haut." Ce n'est pas totalement faux, mais c'est aussi une manière de s'accuser de ses propres turpitudes.
Car si nous partions de plus haut, c'est que les politiques conduites par les majorités précédentes avaient conduit notre pays à avoir des déficits plus élevés que ceux de nos voisins. Cela étant, on ne partait pas de tellement plus loin. En effet, pour 1998, la loi de finances initiale prévoyait un déficit de 3 %, contre 2,7 % pour l'Allemagne; or nous avons fait mieux. Finalement, pour l'année 1999, le niveau de départ du déficit allemand et celui du déficit français sont quasiment voisins. Dans ces conditions, le niveau de notre déficit baisse beaucoup plus fortement que celui des Allemands, et on ne peut plus prétendre que notre tâche est plus facile car nous partons de plus haut. Nous partons pratiquement du même point de départ, la réduction de notre déficit est bien plus forte.
Certains diront alors que ce n'est pas suffisant, et que si la croissance disparaît, le retournement de conjoncture risque d'être bien difficile à surmonter. Outre le fait qu'il ne faut pas parier sur un tel retournement, mais au contraire parier sur la poursuite de la croissance - c'est même toute la différence entre une politique volontariste et une politique au fil de l'eau -, je voudrais faire remarquer à mes détracteurs putatifs, car ils ne se sont pas encore exprimés, qu'il faut se référer non au déficit absolu, mais au déficit structurel, c'est-à-dire du déficit des effets conjoncturels, c'est-à-dire débarrassé des effets de la croissance. Les calculs pour ce faire sont sujets à caution, et les interprétations économiques varient suivant les instituts. Mais selon le Fonds monétaire international - qui n'a pas l'habitude d'être tendre pour la politique budgétaire française -, la baisse du déficit structurel dans notre pays sera de 0,5 point du PIB en 1999 contre 0,2 point en moyenne dans la zone euro, soit la baisse la plus importante de cette zone.
Que l'on considère le déficit absolu, qui tient compte des effets de la conjoncture, ou que l'on considère le déficit structurel, qui n'en tient pas compte - et les chiffres du FMI sont peu contestables -, nous sommes le pays qui, en 1999, fera l'effort de réduction le plus important
Certes, on peut toujours dire que c'est très bien mais qu'il faudrait faire plus encore. Toutefois, je préférerais qu'on se réjouisse, pour notre pays et ses finances publiques, que, pour la première fois depuis bien longtemps, nous soyons le meilleur élève de la classe européenne en matière budgétaire. Franchement, ce n'est pas arrivé si souvent.
Ce résultat, qui est obtenu en exécution, est conforme aux prévisions, ce qui d'ailleurs n'est pas une des moindres qualités de la pratique budgétaire de ces dernières années. Il est très important qu'en exécution les choses se passent comme prévu, sinon c'est la sincérité budgétaire qui est en cause.
En 1997, il était prévu un déficit de 3 %. Le résultat à été de 3 %. Au passage, je me permets de vous rappeler, juste par taquinerie, que l'audit effectué par la Cour des comptes au mois de juillet 1997 fixait le déficit prévisible entre 3,5 et 3,7 % et que, en conséquence, des mesures ont dû être prises pour le ramener à 3 %. Cela dit, la précédente majorité avait voté une loi de finances qui prévoyait un déficit de 3 %, et nous avons exécuté celle-ci en respectant ce chiffre de 3 %
En 1998, l'objectif était de nouveau d'avoir un déficit de 3 %, et ce alors que la soulte de France Télécom avait disparu. Cette fois, le résultat a été un peu meilleur - il faut reconnaître que la croissance a été un peu plus forte - avec un déficit de 2,9 %. Et avec la nouvelle base, puisque tous ces chiffres sont en train d'être harmonisés au niveau européen, le résultat sera encore meilleur, puisqu'il sera ramené de 2,9 % à 2,7 %.
Pour 1999, il est prévu un déficit de 2,3 %. Je confirme devant l'Assemblée nationale que ce chiffre sera à tout le moins tenu, voire amélioré.
Ainsi, pendant trois années consécutives, l'exécution budgétaire aura été en ligne, voire un peu meilleure par rapport aux autorisations de dépenses accordées par le Parlement au Gouvernement.
Le troisième exemple de fidélité à la parole donnée est celui de la fiscalité. Pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas lu notre programme électoral - il doit tout de même y en avoir quelques-uns je rappelle que nous avions dit que nous voulions rééquilibrer les prélèvements pesant sur les revenus du travail par rapport à ceux pesant sur les revenus du capital.
Avons-nous augmenté la fiscalité des revenus du capital ? La réponse est affirmative et le très récent rapport du Conseil des impôts - qui, comme vous le savez, est directement lié à la Cour des comptes - note que le total du prélèvement social sur les revenus du capital - à l'exception des revenus de l'épargne populaire - a été porté de 3,9 % à 10 % ; que la fiscalité de l'assurance vie a été durcie et qu'elle n'est plus, comme par le passé, totalement exonérée d'impôt sur le revenu ou de droits de succession, sauf dans le cas où elle sert à financer l'innovation ; que le seuil d'exonération des plus-values boursières a été ramené de 100 000 francs à 50 000 francs, alors qu'il y a trois ans il était à 350 000 francs, et que le taux auquel ces plus-values sont taxées est passé de 20,9 % à 26 % ; que toutes les plus-values des entreprises sont désormais imposées au taux normal de l'impôt sur les sociétés, à part les brevets et les titres de participation.
L'ensemble de ces mesures a conduit - mais je le revendique - à une forte hausse des prélèvements sur les revenus du capital, puisque, entre 1997 et 1998, ils auront augmenté de 20 milliards de francs.
Avons-nous, dans le même temps, allégé les prélèvements sur les salaires ? La réponse est encore oui. En effet, en contrepartie de l'augmentation de la CSG des cotisations maladie ont été abaissées, ce qui a été à l'origine d'un gain de 1,1 % de pouvoir d'achat pour les salariés. Le Conseil des impôts, organe indépendant, comme vous le savez, considère que cette évolution a été justifiée. Il estime que la fiscalité des revenus du capital a été portée à un niveau souhaitable et qu'il faut la stabiliser à ce niveau. C'est aussi l'opinion du gouvernement. Le mouvement a été accompli et nous avons fait ce que nous avions dit. Nous n'avons pas l'intention d'y revenir.
Nous avions également affirmé: " Nous réduirons les impôts pour les ménages modestes et moyens. " Cela a-t-il commencé ? Oui. Est-ce suffisant ? Non.
En deux ans, la TVA a été diminuée, parce que vous avez bien voulu voter plusieurs mesures en ce sens, de quelque 13 milliards de francs. Nous avons rétabli les dégrèvements sur la taxe d'habitation que le Gouvernement de M. Juppé avait supprimés en 1996, si bien qu'en 1998 ce sont 800000 familles qui ont bénéficié d'une baisse de leur taxe d'habitation.
Au total, l'impôt a augmenté de 12 milliards pour le dixième décile, c'est-à-dire pour les 10 % de ménages les plus fortunés, mais il a diminué d'environ 7 milliards pour les neuf premiers déciles, c'est-à-dire pour 90 % des familles.
Le mouvement que nous avions souhaité a bel et bien conduit, d'une part, à un rééquilibrage entre revenus du travail et revenus du capital et, d'autre part, à un rééquilibrage entre les tranches les plus élevées des revenus et celles des 90 % de Français qui ne se situent pas dans le décile supérieur. Je pense cependant qu'un allégement est encore nécessaire, notamment par le biais des impôts indirects.
Nous avions aussi écrit dans notre programme : " Nous réformerons l'assiette de la taxe professionnelle en diminuant la part de cette taxe pesant sur le travail. " L'avons-nous fait ? Nous sommes en train de le faire. En cinq ans, la taxe professionnelle sur les salaires aura même été supprimée. Dès 1999, ce sont plus de 800 000 entreprises, c'est-à-dire près des trois quarts des entreprises assujetties qui verront leur taxe professionnelle sur les salaires totalement supprimée.
Pour les plus importantes - on a commencé par les plus petites il faudra attendre deux, voire trois ans, pour que cette suppression soit totale. En l'an 2000, ce sera le cas de 200000 entreprises supplémentaires. Au bout de cinq ans, la part " salaires " de la taxe professionnelle aura donc complètement disparu.
Cette virtualité est devenue réalité pour un million d'entreprises, qui ont pu anticiper les effets de cette importante réforme en diminuant le premier versement de la taxe professionnelle, lequel est intervenu le 15 juin.
Nous avions dit aussi " Il faut baisser les droits de mutation, ce que l'on appelle improprement 'frais de notaire", pour dynamiser le marché immobilier. " Nous avons réduits ces droits de 20 % dès le 1er septembre 1998, ce qui a clairement relancé le marché de l'immobilier ancien. Les professionnels du secteur annoncent pour l'année 1999 une augmentation de 3,5 % du nombre des transactions par rapport à l'année 1998, qui avait connu elle-même une augmentation par rapport à 1997. Ils estiment que la baisse des droits de mutation explique à peu près la moitié de ce mouvement, le reste étant une conséquence de l'augmentation du pouvoir d'achat.
Cette mesure n'est pas non plus pour rien, tout comme l'institution d'un crédit d'impôt pour les travaux d'entretien des logements dans la résidence principale, dans le redémarrage de l'artisanat du bâtiment. Au cours du premier trimestre de 1999, le chiffre d'affaires de l'artisanat du bâtiment a enregistré une hausse de 2,5 % et les professionnels prévoient que cette croissance va se poursuivre pendant les prochains mois. Les chambres professionnelles estiment à 10 000 le nombre des emplois créés par ces dispositions durant l'année en cours.
Enfin, nous avions écrit dans notre programme que la simplification de la fiscalité serait une priorité de l'action fiscale du Gouvernement car, s'il faut alléger nos impôts, il faut aussi les simplifier.
Grâce aux mesures adoptées lors de la dernière loi de finances, 15 millions de formulaires seront supprimés dès cette année.
De plus, vous avez bien voulu supprimer dix impôts, dont certains étaient, il faut bien le reconnaître, devenus obsolètes.
En 1998, ce sont 2 millions de familles qui ont bénéficié de la gratuité des cartes d'identité. En 1999, plus de 3 millions de familles ont déjà bénéficié de cette mesure.
Nous irons, dans le projet de loi de finances que nous vous proposerons à l'automne avec Christian Sautter, encore plus loin dans le sens de la simplification des formalités imposées aux contribuables puisque nous mettrons en place très prochainement une déclaration " express ", qui sera transmise à la grande majorité de la population, à tous les salariés, avec le montant pré-imprimé de certains de leurs revenus. Ils n'auront plus qu'à vérifier et à signer, ce qui sera pour eux une très grande simplification.
Si j'ai été, et je vous prie de me pardonner, un peu long sur tous ces sujets, c'est qu'il m'a semblé que, deux ans après l'arrivée de la nouvelle majorité, il était bon de dresser un bilan, d'examiner non seulement les résultats dans l'absolu - ils sont connus -, mais aussi les résultats par rapport aux engagements. Nous devions, nous, Gouvernement, devant l'Assemblée nationale, repasser en détail les promesses et les engagements tenus.
Qu'en sera-t-il, pour le budget de l'an 2000, de chacun de ces trois exemples ?
S'agissant de l'emploi, chacun comprendra que le Gouvernement ne se fixe pas aujourd'hui d'objectif quantifié: sa prévision de croissance pour l'an 2000 n'est pas encore arrêtée. L'année 1999 est suffisamment " chahutée " en matière de croissance, en raison de la crise asiatique puis de la crise russe, pour que nous attendions le plus possible, c'est-à-dire le mois d'août, pour arrêter définitivement les comptes et fixer une prévision de croissance pour l'année prochaine. Mais même une prévision fixée au mois d'août peut être " perturbée " par des événements ultérieurs. Ce serait a fortiori le cas si elle était faite trop tôt.
Ne disposant pas de la prévision de croissance, nous établissons le budget de façon précautionneuse sur l'hypothèse basse que nous avons retenue : 2,5 %. Mais il se pourrait au bout du compte que nous nous décidions pour une prévision de croissance supérieure.
Si nous nous en tenions à 2,5 %, nous pourrions d'ores et déjà dire que la croissance de l'emploi de l'an 2000 serait de l'ordre de 2 %, ce qui serait considérable. Dans cette hypothèse, ce serait, à l'échéance du plan pluriannuel déposé au début de cette année, pour la période 1999-2002, et compte tenu des emplois qui ont déjà été créés ainsi que du rythme de croissance à venir, environ 1,5 millions d'emplois qui auraient été créés pendant la législature, à comparer aux 20000 de la législature précédente.
S'agissant, ensuite, de la fiscalité, nous nous trouvons dans une situation identique. Comme vous l'avez compris, tant que les marges de manoeuvre, qui dépendent des recettes, ne sont pas totalement connues, ce qui est normal à cette époque de l'année, il est difficile de mesurer l'ampleur que pourront avoir les mouvements que j'ai décrits tout à l'heure. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que d'autres impôts baisseront en 2000.
Je vous rappelle que vous aviez décidé que la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés votée en 1997 pour que nous puissions entrer dans l'euro serait supprimée en l'an 2000. Au-delà de cette suppression annoncée, le Gouvernement respectera ses engagements de baisses supplémentaires.
La baisse de la taxe professionnelle, étalée sur cinq ans, se poursuivra en l'an 2000. Le crédit d'impôt pour l'entretien des logements permettant la déduction de la TVA de l'assiette de l'impôt sur le revenu des ménages concernés - mesure qui s'assimile à une baisse de la TVA - sera budgété dans le budget de l'an 2000 à hauteur de 4 milliards de francs.
D'autres dispositions, que vous avez déjà votées, produiront leurs premiers effets en l'an 2000, comme l'interruption de la mesure de diminution de l'abattement de 10 % sur les pensions, qui avait été décidée par le précédent gouvernement et qu'un amendement parlementaire a tendu à supprimer car il était sans doute effectivement injuste d'augmenter d'un milliard les impôts des retraités. En 2000, ce milliard leur sera rendu. Il s'agit d'une baisse d'impôt par rapport à ce que la précédente majorité avait mis en place.
Je mentionnerai également l'amélioration de l'abattement dont bénéficient les conjoints survivants en matière de droits de succession. Vous l'avez déjà votée et elle entrera en application en l'an 2000, représentant 200 millions de francs environ de baisse d'impôt.
Ainsi, même si aucune décision fiscale nouvelle n'était prise pour l'an 2000, il y a déjà, pardonnez-moi l'expression, des baisses d'impôts " dans le tuyau ".
Mais, rassurez-vous, le Gouvernement n'a pas l'intention de s'arrêter là. Des impôts baisseront en l'an 2000, c'est une certitude.
Pourrons-nous aller plus loin ? Je le souhaite, et nous le verrons ensemble lorsque la prévision de croissance, et donc la prévision de recettes, auront été arrêtées.
Comme je vous l'ai dit au début de l'année, la réflexion du Gouvernement en matière d'impôts porte sur les ménages, les familles et non plus sur les entreprises. Il s'agit d'alléger les impôts des ménages et des familles, et même de les simplifier - j'ai dit tout à l'heure quelques mots de la déclaration " express ". D'autres propositions de simplification vous seront soumises. La réflexion se poursuivra dans les semaines qui viennent entre le Gouvernement et sa majorité, et même - pourquoi pas? - sur des propositions qui peuvent venir de l'opposition, à propos de la TVA, de la taxe d'habitation et des droits de mutation à titre onéreux. La seule chose dont je puis assurer la représentation nationale, c'est que, si des marges de manoeuvre sont considérées comme disponibles pour baisser les impôts, ce seront évidemment les familles qui en bénéficieront cette fois-ci, notre programme étant réalisé en ce qui concerne les entreprises.
Je voudrais, pour terminer, insister sur deux points.
Le premier concerne la dette. Si notre croissance s'établit à 2,5 % l'année prochaine, selon l'hypothèse prudente que nous choisissons pour le moment, le déficit public se situera aux alentours de 2 %. Si la croissance était de 3 %, soit le haut de la fourchette, le déficit public serait ramené à 1,7 %. C'est ce qui est prévu dans le cadre de notre projection triennale. De toute façon, nous nous trouverons entre 1,7 % et 2 %.
En tout état de cause, et pour la première fois depuis dix ans, nous allons retrouver un excédent primaire. L'excédent primaire, je le rappelle pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas le plaisir d'appartenir à la commission des finances, où nous avons déjà débattu de la question, c'est l'exédent du budget avant paiement des charges de la dette. Depuis le début des années 90, il n'existait pas: le budget était en déficit en dehors même du service de la dette. En 1999, il y a équilibre hors service de la dette et, en 2000, il y aura pour la première fois un net excédent, toujours hors service de la dette.
J'ajoute que, quelle que soit l'hypothèse de croissance qui sera retenue, pour la première fois depuis vingt ans le ratio dette sur PIB va décroître. La dette a beaucoup augmenté dans le passé.
La courbe atteindra son sommet en 2000, date à laquelle en peut prévoir une décroissance durable. C'est d'ailleurs ce que j'avais annoncé il y a deux ans, quand j'avais dit que la dette cesserait d'augmenter en 2000. C'est bien ce qui se confirme, et les membres de la représentation nationale ne peuvent être insensibles à cette donnée, qui concerne les générations futures.
Second point que je voudrais souligner : les dépenses.
C'est l'un des axes important de la nouvelle politique budgétaire que Christian Sautter détaillera beaucoup plus que moi. Nous avons choisi de fixer un objectif de dépenses en volume. C'est très important car c'est la seule manière d'éviter que la politique budgétaire ne soit soumise aux aléas conjoncturels. Si la conjoncture est meilleure, l'excédent doit servir soit à abaisser encore plus le déficit, soit à diminuer les impôts. Si elle est moins bonne, il faut que les stabilisateurs automatiques jouent et l'on doit alors conserver la perspective qui a été fixée en volume. Beaucoup de nos voisins - je pense aux Hollandais ou aux Allemands - font cela depuis longtemps. Nous avons, de ce point de vue, rejoint une pratique souhaitable, qui n'a malheureusement pas été mise en oeuvre en France dans le passé.
Il ne faut pas jouer au yoyo avec les objectifs de dépenses publiques. Ils doivent donc être fixés ne varietur, en termes réels, quelle que soit la conjoncture.
Pour en finir avec ce sujet, je voudrais purger une querelle à la fois ridicule et récurrente: la querelle sur les évolutions nominales.
J'entends dire parfois que la dette augmente, ou que la dépense publique augmente. Et à l'appui de telles affirmations, on cite des chiffres en milliards de francs. Très honnêtement, mesdames, messieurs les députés, cela n'a pas beaucoup de sens.
Si j'examine les évolutions en milliards de francs, je constate qu'entre 1993 et 1994, elles ont été de 131 milliards de francs, entre 1995 et 1996 de 69 milliards de francs, et entre 1997 et 1998 de 49 milliards de francs, donc beaucoup moins qu'auparavant. Vous me direz que cela s'explique aisément: c'est parce que, avant, il y avait de l'inflation. J'en conviens, mais cela montre bien que l'indicateur en milliards n'a pas beaucoup de sens. Il faut en conséquence choisir un indicateur en termes réels, qui tienne compte de la croissance économique. Et il y a deux manières de le faire - la première consiste à considérer la croissance des dépenses publiques en volume - elle a été de 2 % en 1993-1994, de 1,8 % en 1995-1996 et de 0 % en 1997-1998 ; la seconde, sans doute la meilleure, consiste à considérer l'évolution de la dépense publique par rapport au PIB, sous réserve d'une hypothèse, que l'on acceptera, à savoir que l'indice de prix est le même pour la dépense publique que pour le PIB, on tient alors compte de l'effet de prix. C'est cela que tout le monde regarde à l'échelle internationale; ce ne sont pas les milliards.
Si l'on adopte la seconde méthode, quelle a été, en points de PIB, l'évolution de l'ensemble des dépenses publiques ? En 1993-1994 de 1,2 point, en 1995-1996 de 0,4 point mais, en 1997-1998 c'est une diminution de 1,4 point que l'on a observée.
Cela montre que cet indicateur-là signifie vraiment quelque chose. Sinon, on en viendrait à regretter d'avoir de la croissance car, celle-ci faisant automatiquement augmenter la dépense publique, il est bien évident que, si elle est forte, les salaires des fonctionnaires suivront, ainsi que les dépenses pour faire des routes, comme le demanderont tous les élus.
Cette croissance servira aussi à construire plus d'hôpitaux, plus d'écoles et plus d'universités. Bref, il faut que la gestion publique soit de plus en plus efficace pour qu'on puisse rendre le même service en prélevant sur la richesse nationale un pourcentage de plus en plus faible, ce qui est bien le cas.
Ce qui n'a pas de sens, c'est de s'en remettre à l'évolution des milliards. Quand bien même certains voudraient-ils le faire les chiffres que je viens de donner leur montreraient clairement que l'évolution, même en milliards, est sensiblement plus faible depuis deux ans que ce qu'elle a été de 1993 à 1997.
Il y a d'autres points de controverse. Peut-être Philippe Douste-Blazy m'autorisera-t-il à évoquer une intéressante interview parue ce matin dans Le Parisien et dont nous aurons sans doute l'occasion de reparler au cours de la présente discussion. Je lui propose que nous jouions à ce propos au jeu des sept erreurs car j'en ai bien relevé sept.
Je propose que nous reprenions chacun des sept points qui, dans cet article, méritent correction, de façon que l'ensemble des parlementaires soient éclairés.
J'en ai fini avec les considérations générales. Sur la dépense publique, je laisserai, si Mme la présidente le veut bien, la parole à M. Christian Sautter. A la suite de quoi, je serai, avec lui, très heureux d'entendre les différents commentaires que vous voudrez bien faire.
Mesdames et Messieurs les députés,
Nous allons avoir cet après-midi et ce soir un débat d'orientation budgétaire dont je me réjouis. Je le conçois comme un débat d'orientation, et non comme le moment où le Gouvernement doit révéler je ne sais quel choix, qu'il n'a généralement d'ailleurs pas encore arbitré puisque la procédure de préparation du budget n'en est qu'à son commencement. Je ne voudrais donc pas qu'aucun de vous s'attende à de quelconques " scoops " à l'occasion de ce débat. Il s'agit de discuter de principes, d'orientations et de confronter nos points de vue. Pour le Gouvernement, ce débat est au moins autant l'occasion d'écouter ce que la majorité et l'opposition souhaitent dire que de faire lui-même des déclarations. C'est néanmoins l'occasion pour lui de préciser le choix de stratégie économique dans lequel il s'inscrit.
Ce choix répond à trois priorités : d'abord la croissance ; ensuite, la croissance ; enfin, la croissance.
Pourquoi ? D'abord, parce qu'il y a un attachement du Gouvernement et de la majorité - certains trouveront cela archaïque, mais on est toujours archaïque par rapport à d'autres - à cette action, sinon productiviste, car l'expression est un peu ancienne, mais qui veut au moins que le secteur productif soit ce sur quoi nous fondions notre avenir.
La croissance du secteur productif - et cela vaut dans les débats entre la gauche et la droite depuis le XIXe siècle - est bien un des apanages que nous revendiquons.
Ensuite, parce que le Gouvernement a la conviction que la croissance est la condition nécessaire pour favoriser l'emploi et le pouvoir d'achat.
Enfin, parce que j'ai le sentiment que la croissance est l'adjuvant qui permet d'autres réformes, concernant elles-mêmes l'emploi. Tout un ensemble de réformes visant à favoriser l'emploi et à réduire le chômage - ce qui est le but ultime de notre politique -, qu'il s'agisse des 35 heures ou de la baisse des charges sociales sur le travail non qualifié, ensemble de réformes que certains peuvent souhaiter et d'autres non, ne sont possibles à grande échelle que si la croissance est présente.
Par conséquent, la croissance, pour elle-même ou parce qu'elle permet d'autres politiques, est bien le coeur de notre politique.
Je sais bien que certains considèrent que la croissance est une donnée, que nous n'y pouvons pas grand-chose et que la France, en raison de la place qu'elle occupe au sein de l'économie mondiale, est ballottée comme un bouchon sur la vague: quand ça monte, ça monte; quand ça baisse, ça baisse. Cette vision n'est pas totalement erronée - nous subissons effectivement l'influence de l'environnement international - mais elle est beaucoup trop réductrice. La croissance ne doit pas être une donnée, elle doit être un objectif.
Evidemment, l'environnement international joue. Mais c'est un devoir pour le Gouvernement de faire en sorte, par exemple dans les instances européennes, que les politiques qui sont conduites soient orientées vers la croissance, comme c'est une responsabilité pour le Gouvernement de faire en sorte que notre taux de croissance soit aujourd'hui supérieur à ceux du passé et à ceux de nos principaux voisins.
Depuis juin 1997, la croissance française a deux caractéristiques elle est plus forte qu'avant et elle est supérieure à celle de nos voisins - un point environ par rapport au Royaume-Uni et à l'Allemagne, deux points par rapport à l'Italie. Je ne cite que nos trois principaux voisins. Il est clair qu'il y a au sein de l'Union européenne des pays de taille plus modeste dont le développement est en retard par rapport à ces quatre grands pays industriels et qui ont donc une croissance de rattrapage plus forte - c'est le cas de l'Espagne et de l'Irlande, et on ne peut que s'en féliciter.
Si l'on s'en tient aux quatre principaux pays de l'union européenne qui assurent à eux seuls environ 75 % du PIB de cette union, nous voyons que la France est nettement détachée en 1998. Cela sera encore le cas en 1999. Nous verrons en 2000.
Néanmoins, comme je le disais, la conjoncture internationale a une influence sur notre situation. Or elle ne se présente pas de façon tellement heureuse. En effet, si d'un certain point de vue, presque chauvin, nous pouvons être contents de faire la course en tête - ce qui n'était pas le cas dans le passé -, d'un autre point de vue, je préférerais que les croissances allemande, italienne et anglaise soient beaucoup plus fortes car elles viendraient soutenir la nôtre et, par là même, favoriser les créations d'emplois. Je ne me suis donc en rien d'une perspective de croissance de 1 % ou 1,5 % en Allemagne ou en Italie - ce qui n'est pas énorme -, car cela pèsera sur notre propre capacité de développement.
D'où vient le résultat français? Il est dû sans doute à une politique économique adaptée à nos besoins et aussi, je le crois, à la confiance que le Premier ministre a su rétablir tant chez les consommateurs - nous savons combien la pression qu'ils exercent est un des facteurs déterminants de notre croissance - que chez les chefs d'entreprise, en dépit des mouvements qui traversent les organisations qui les représentent. Les enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise, notamment de ceux des entreprises petites et moyennes, montrent mois après mois un niveau de confiance inégalé depuis une dizaine d'années. Il y a certes des hauts et des bas, mais ce niveau est toujours très élevé par rapport à ce que l'on a pu connaître dans le passé.
C'est dans cette confiance à la fois des consommateurs et des entreprises que se trouve la raison d'une croissance si forte. Fondée sur la demande interne - et c'est la politique que nous avions choisie -, notre croissance est donc plus à l'abri des aléas internationaux queue ne pouvait l'être dans le passé.
Le " triangle d'or " de notre politique de finances publiques sur lequel repose cette croissance se structure de la façon suivante: stabilisation, en Francs constants, des dépenses de l'État, tout en finançant nos priorités ; réforme de notre fiscalité et stabilisation du poids des prélèvements obligatoires; réduction graduelle du déficit des administrations sans nuire à la croissance de façon à inverser enfin - et ce sera le cas en 2000 - la spirale de la dette.
Avant d'en venir à ces questions de fond, je dirai quelques mots sur la méthode, laissant à Christian Sautter le soin de revenir plus en détail sur les choix de dépenses publiques du Gouvernement pour l'année prochaine.
Je m'arrêterai d'abord un instant sur la procédure du débat d'orientation budgétaire que nous tenons cet après-midi. Il s'agit d'une procédure récente - nous l'expérimentons pour la deuxième fois - et qui est donc perfectible. J'espère d'ailleurs queue s'est déjà améliorée par rapport à l'année précédente.
Elle est perfectible d'abord dans le contenu. Les béotiens ne verront dans les deux documents qui vous ont été distribués que le fait qu'ils aient été allégés par rapport à ceux de l'an dernier. Mais les spécialistes que vous êtes tous auront remarqué que les informations qu'ils contiennent sont considérablement renforcées par rapport à celles qui avaient été fournies l'année dernière, notamment dans ce domaine extrêmement opaque des relations entre l'Etat et les collectivités locales, entre l'Etat et l'Union européenne, entre l'Etat et la sécurité sociale, bref, entre les différents acteurs des finances publiques. Vous disposez de nombre d'informations nouvelles, mais, bien entendu, tout cela pourra encore être amélioré.
Mais, au-delà du contenu, la procédure me parait un élément important. Jusqu'à présent - et c'était le cas l'année dernière -, le débat d'orientation budgétaire servait au Gouvernement à exposer la façon dont il voyait la loi de finances à venir. Mais comme le débat intervient trop tôt dans le processus budgétaire et que les arbitrages budgétaires n'ont pas encore eu lieu, il n'est pas possible de dire grand-chose aux parlementaires, et ce débat perd une partie de son intérêt.
Aussi, Christian Sautter et moi-même avons choisi, conformément à l'objectif que Christian Sautter avait fixé lorsque nous avons été entendus par le groupe de travail sur la réforme de notre mécanisme budgétaire présidé par Laurent Fabius, de venir parler non seulement de la loi de finances à venir, mais également des gestions écoulées pour en tirer des enseignements. Aujourd'hui, un premier pas est donc fait dans cette direction, puisque nous débattrons non seulement des orientations budgétaires, mais aussi de la loi de règlement pour 1997. Nous aurons tout loisir de débattre également de la gestion de 1998, pour laquelle la Cour des comptes a rendu public il y a quelques jours son rapport préliminaire, et de la gestion de 1999 - même si l'année n'est pas terminée -, comme le permet d'ailleurs le programme pluriannuel à moyen terme des finances publiques que le Gouvernement a déposé près de l'Union européenne à la fin de l'année dernière. Cet ensemble rétrospectif et prospectif doit nous permettre d'avoir un débat plus nourri, plus intéressant, ne se limitant pas à présenter en avant-première des choix qui n'ont Pas encore été effectués !
Enfin, le contexte est totalement différent- depuis le début de l'année, l'euro est devenu notre monnaie, ce qui change considérablement la façon de préparer le budget. Du reste, de plus en plus de Français se félicitent de la mise en place de la monnaie unique, comme le montrent les sondages que fait effectuer régulièrement mon ministère, sondages qui sont transmis au Conseil national de l'euro au sein duquel siègent des représentants de l'Assemblée. Au-delà de ce point de satisfaction, la procédure budgétaire elle-même se trouve affectée, car la coordination des politiques budgétaires au sein de l'euro Il est un élément important de notre gestion commune de la monnaie unique. C'est pourquoi le rapport qui vous a été remis traite plus longuement que par le passé de cette question de la coordination des politiques budgétaires.
Nouveau contenu, nouvelle procédure, nouveau contexte: nous avons donc un nouveau débat d'orientation budgétaire. Pourtant, celui-ci traduit une assez grande continuité.
Au risque de déplaire à certains, je dirai que, pour moi, cette continuité se traduit par la fidélité à la parole donnée. Pour illustrer mon propos, je citerai trois exemples.
Le premier exemple concerne l'emploi, les salaires et le partage de la valeur ajoutée. Lorsque nous avons présenté la loi de finances pour 1998, M. Christian Sautter et moi-même nous nous étions fixé pour objectif la création de 200000 emplois et l'augmentation de 1,2 % du pouvoir d'achat. Les objectifs ont été dépassés. 300000 emplois ont été créés et l'augmentation du pouvoir d'achat par salarié a été de 2,5 %. Au total, la combinaison de cette double progression a permis une augmentation des revenus du travail de 3,4 %, soit, à un dixième près, la même augmentation que le cumul des gains de pouvoir d'achat entre 1993 et 1997 !
De plus, cette augmentation massive des revenus du travail, liée à la fois à la progression du pouvoir d'achat individuel et à l'accroissement du nombre des salariés, fait que la dégradation du partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits - laquelle était certainement l'une des causes de nos problèmes économiques et de la difficulté que nous avions à retrouver une croissance forte s'est arrêtée en 1998. Et il en sera de même en 1999. Le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits est stable, ce qui n'était pas le cas dans le passé. Et c'est là un aspect fondamental du changement de politique économique qui a été entrepris.
Le deuxième exemple de cette fidélité concerne la réduction des déficits publics. En 1997, comme en 1998 et comme en 1999, le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux. Certains prétendront sans doute qu'il n'était pas assez ambitieux. C'est légitime, car on peut fixer la barre où l'on veut. Mais mieux vaut la fixer au regard de ses propres performances passées. L'effort consenti en 1997, en 1998 et en 1999 a permis d'aboutir à une réduction de notre déficit supérieure à celle de l'Espagne et très supérieure à celle de l'Allemagne ou de l'Italie. En 1999, notre effort de réduction du déficit sera même le plus important des efforts consentis par les onze pays de la zone euro.
On me rétorquera sans doute: "Certes, mais nous partions de plus haut." Ce n'est pas totalement faux, mais c'est aussi une manière de s'accuser de ses propres turpitudes.
Car si nous partions de plus haut, c'est que les politiques conduites par les majorités précédentes avaient conduit notre pays à avoir des déficits plus élevés que ceux de nos voisins. Cela étant, on ne partait pas de tellement plus loin. En effet, pour 1998, la loi de finances initiale prévoyait un déficit de 3 %, contre 2,7 % pour l'Allemagne; or nous avons fait mieux. Finalement, pour l'année 1999, le niveau de départ du déficit allemand et celui du déficit français sont quasiment voisins. Dans ces conditions, le niveau de notre déficit baisse beaucoup plus fortement que celui des Allemands, et on ne peut plus prétendre que notre tâche est plus facile car nous partons de plus haut. Nous partons pratiquement du même point de départ, la réduction de notre déficit est bien plus forte.
Certains diront alors que ce n'est pas suffisant, et que si la croissance disparaît, le retournement de conjoncture risque d'être bien difficile à surmonter. Outre le fait qu'il ne faut pas parier sur un tel retournement, mais au contraire parier sur la poursuite de la croissance - c'est même toute la différence entre une politique volontariste et une politique au fil de l'eau -, je voudrais faire remarquer à mes détracteurs putatifs, car ils ne se sont pas encore exprimés, qu'il faut se référer non au déficit absolu, mais au déficit structurel, c'est-à-dire du déficit des effets conjoncturels, c'est-à-dire débarrassé des effets de la croissance. Les calculs pour ce faire sont sujets à caution, et les interprétations économiques varient suivant les instituts. Mais selon le Fonds monétaire international - qui n'a pas l'habitude d'être tendre pour la politique budgétaire française -, la baisse du déficit structurel dans notre pays sera de 0,5 point du PIB en 1999 contre 0,2 point en moyenne dans la zone euro, soit la baisse la plus importante de cette zone.
Que l'on considère le déficit absolu, qui tient compte des effets de la conjoncture, ou que l'on considère le déficit structurel, qui n'en tient pas compte - et les chiffres du FMI sont peu contestables -, nous sommes le pays qui, en 1999, fera l'effort de réduction le plus important
Certes, on peut toujours dire que c'est très bien mais qu'il faudrait faire plus encore. Toutefois, je préférerais qu'on se réjouisse, pour notre pays et ses finances publiques, que, pour la première fois depuis bien longtemps, nous soyons le meilleur élève de la classe européenne en matière budgétaire. Franchement, ce n'est pas arrivé si souvent.
Ce résultat, qui est obtenu en exécution, est conforme aux prévisions, ce qui d'ailleurs n'est pas une des moindres qualités de la pratique budgétaire de ces dernières années. Il est très important qu'en exécution les choses se passent comme prévu, sinon c'est la sincérité budgétaire qui est en cause.
En 1997, il était prévu un déficit de 3 %. Le résultat à été de 3 %. Au passage, je me permets de vous rappeler, juste par taquinerie, que l'audit effectué par la Cour des comptes au mois de juillet 1997 fixait le déficit prévisible entre 3,5 et 3,7 % et que, en conséquence, des mesures ont dû être prises pour le ramener à 3 %. Cela dit, la précédente majorité avait voté une loi de finances qui prévoyait un déficit de 3 %, et nous avons exécuté celle-ci en respectant ce chiffre de 3 %
En 1998, l'objectif était de nouveau d'avoir un déficit de 3 %, et ce alors que la soulte de France Télécom avait disparu. Cette fois, le résultat a été un peu meilleur - il faut reconnaître que la croissance a été un peu plus forte - avec un déficit de 2,9 %. Et avec la nouvelle base, puisque tous ces chiffres sont en train d'être harmonisés au niveau européen, le résultat sera encore meilleur, puisqu'il sera ramené de 2,9 % à 2,7 %.
Pour 1999, il est prévu un déficit de 2,3 %. Je confirme devant l'Assemblée nationale que ce chiffre sera à tout le moins tenu, voire amélioré.
Ainsi, pendant trois années consécutives, l'exécution budgétaire aura été en ligne, voire un peu meilleure par rapport aux autorisations de dépenses accordées par le Parlement au Gouvernement.
Le troisième exemple de fidélité à la parole donnée est celui de la fiscalité. Pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas lu notre programme électoral - il doit tout de même y en avoir quelques-uns je rappelle que nous avions dit que nous voulions rééquilibrer les prélèvements pesant sur les revenus du travail par rapport à ceux pesant sur les revenus du capital.
Avons-nous augmenté la fiscalité des revenus du capital ? La réponse est affirmative et le très récent rapport du Conseil des impôts - qui, comme vous le savez, est directement lié à la Cour des comptes - note que le total du prélèvement social sur les revenus du capital - à l'exception des revenus de l'épargne populaire - a été porté de 3,9 % à 10 % ; que la fiscalité de l'assurance vie a été durcie et qu'elle n'est plus, comme par le passé, totalement exonérée d'impôt sur le revenu ou de droits de succession, sauf dans le cas où elle sert à financer l'innovation ; que le seuil d'exonération des plus-values boursières a été ramené de 100 000 francs à 50 000 francs, alors qu'il y a trois ans il était à 350 000 francs, et que le taux auquel ces plus-values sont taxées est passé de 20,9 % à 26 % ; que toutes les plus-values des entreprises sont désormais imposées au taux normal de l'impôt sur les sociétés, à part les brevets et les titres de participation.
L'ensemble de ces mesures a conduit - mais je le revendique - à une forte hausse des prélèvements sur les revenus du capital, puisque, entre 1997 et 1998, ils auront augmenté de 20 milliards de francs.
Avons-nous, dans le même temps, allégé les prélèvements sur les salaires ? La réponse est encore oui. En effet, en contrepartie de l'augmentation de la CSG des cotisations maladie ont été abaissées, ce qui a été à l'origine d'un gain de 1,1 % de pouvoir d'achat pour les salariés. Le Conseil des impôts, organe indépendant, comme vous le savez, considère que cette évolution a été justifiée. Il estime que la fiscalité des revenus du capital a été portée à un niveau souhaitable et qu'il faut la stabiliser à ce niveau. C'est aussi l'opinion du gouvernement. Le mouvement a été accompli et nous avons fait ce que nous avions dit. Nous n'avons pas l'intention d'y revenir.
Nous avions également affirmé: " Nous réduirons les impôts pour les ménages modestes et moyens. " Cela a-t-il commencé ? Oui. Est-ce suffisant ? Non.
En deux ans, la TVA a été diminuée, parce que vous avez bien voulu voter plusieurs mesures en ce sens, de quelque 13 milliards de francs. Nous avons rétabli les dégrèvements sur la taxe d'habitation que le Gouvernement de M. Juppé avait supprimés en 1996, si bien qu'en 1998 ce sont 800000 familles qui ont bénéficié d'une baisse de leur taxe d'habitation.
Au total, l'impôt a augmenté de 12 milliards pour le dixième décile, c'est-à-dire pour les 10 % de ménages les plus fortunés, mais il a diminué d'environ 7 milliards pour les neuf premiers déciles, c'est-à-dire pour 90 % des familles.
Le mouvement que nous avions souhaité a bel et bien conduit, d'une part, à un rééquilibrage entre revenus du travail et revenus du capital et, d'autre part, à un rééquilibrage entre les tranches les plus élevées des revenus et celles des 90 % de Français qui ne se situent pas dans le décile supérieur. Je pense cependant qu'un allégement est encore nécessaire, notamment par le biais des impôts indirects.
Nous avions aussi écrit dans notre programme : " Nous réformerons l'assiette de la taxe professionnelle en diminuant la part de cette taxe pesant sur le travail. " L'avons-nous fait ? Nous sommes en train de le faire. En cinq ans, la taxe professionnelle sur les salaires aura même été supprimée. Dès 1999, ce sont plus de 800 000 entreprises, c'est-à-dire près des trois quarts des entreprises assujetties qui verront leur taxe professionnelle sur les salaires totalement supprimée.
Pour les plus importantes - on a commencé par les plus petites il faudra attendre deux, voire trois ans, pour que cette suppression soit totale. En l'an 2000, ce sera le cas de 200000 entreprises supplémentaires. Au bout de cinq ans, la part " salaires " de la taxe professionnelle aura donc complètement disparu.
Cette virtualité est devenue réalité pour un million d'entreprises, qui ont pu anticiper les effets de cette importante réforme en diminuant le premier versement de la taxe professionnelle, lequel est intervenu le 15 juin.
Nous avions dit aussi " Il faut baisser les droits de mutation, ce que l'on appelle improprement 'frais de notaire", pour dynamiser le marché immobilier. " Nous avons réduits ces droits de 20 % dès le 1er septembre 1998, ce qui a clairement relancé le marché de l'immobilier ancien. Les professionnels du secteur annoncent pour l'année 1999 une augmentation de 3,5 % du nombre des transactions par rapport à l'année 1998, qui avait connu elle-même une augmentation par rapport à 1997. Ils estiment que la baisse des droits de mutation explique à peu près la moitié de ce mouvement, le reste étant une conséquence de l'augmentation du pouvoir d'achat.
Cette mesure n'est pas non plus pour rien, tout comme l'institution d'un crédit d'impôt pour les travaux d'entretien des logements dans la résidence principale, dans le redémarrage de l'artisanat du bâtiment. Au cours du premier trimestre de 1999, le chiffre d'affaires de l'artisanat du bâtiment a enregistré une hausse de 2,5 % et les professionnels prévoient que cette croissance va se poursuivre pendant les prochains mois. Les chambres professionnelles estiment à 10 000 le nombre des emplois créés par ces dispositions durant l'année en cours.
Enfin, nous avions écrit dans notre programme que la simplification de la fiscalité serait une priorité de l'action fiscale du Gouvernement car, s'il faut alléger nos impôts, il faut aussi les simplifier.
Grâce aux mesures adoptées lors de la dernière loi de finances, 15 millions de formulaires seront supprimés dès cette année.
De plus, vous avez bien voulu supprimer dix impôts, dont certains étaient, il faut bien le reconnaître, devenus obsolètes.
En 1998, ce sont 2 millions de familles qui ont bénéficié de la gratuité des cartes d'identité. En 1999, plus de 3 millions de familles ont déjà bénéficié de cette mesure.
Nous irons, dans le projet de loi de finances que nous vous proposerons à l'automne avec Christian Sautter, encore plus loin dans le sens de la simplification des formalités imposées aux contribuables puisque nous mettrons en place très prochainement une déclaration " express ", qui sera transmise à la grande majorité de la population, à tous les salariés, avec le montant pré-imprimé de certains de leurs revenus. Ils n'auront plus qu'à vérifier et à signer, ce qui sera pour eux une très grande simplification.
Si j'ai été, et je vous prie de me pardonner, un peu long sur tous ces sujets, c'est qu'il m'a semblé que, deux ans après l'arrivée de la nouvelle majorité, il était bon de dresser un bilan, d'examiner non seulement les résultats dans l'absolu - ils sont connus -, mais aussi les résultats par rapport aux engagements. Nous devions, nous, Gouvernement, devant l'Assemblée nationale, repasser en détail les promesses et les engagements tenus.
Qu'en sera-t-il, pour le budget de l'an 2000, de chacun de ces trois exemples ?
S'agissant de l'emploi, chacun comprendra que le Gouvernement ne se fixe pas aujourd'hui d'objectif quantifié: sa prévision de croissance pour l'an 2000 n'est pas encore arrêtée. L'année 1999 est suffisamment " chahutée " en matière de croissance, en raison de la crise asiatique puis de la crise russe, pour que nous attendions le plus possible, c'est-à-dire le mois d'août, pour arrêter définitivement les comptes et fixer une prévision de croissance pour l'année prochaine. Mais même une prévision fixée au mois d'août peut être " perturbée " par des événements ultérieurs. Ce serait a fortiori le cas si elle était faite trop tôt.
Ne disposant pas de la prévision de croissance, nous établissons le budget de façon précautionneuse sur l'hypothèse basse que nous avons retenue : 2,5 %. Mais il se pourrait au bout du compte que nous nous décidions pour une prévision de croissance supérieure.
Si nous nous en tenions à 2,5 %, nous pourrions d'ores et déjà dire que la croissance de l'emploi de l'an 2000 serait de l'ordre de 2 %, ce qui serait considérable. Dans cette hypothèse, ce serait, à l'échéance du plan pluriannuel déposé au début de cette année, pour la période 1999-2002, et compte tenu des emplois qui ont déjà été créés ainsi que du rythme de croissance à venir, environ 1,5 millions d'emplois qui auraient été créés pendant la législature, à comparer aux 20000 de la législature précédente.
S'agissant, ensuite, de la fiscalité, nous nous trouvons dans une situation identique. Comme vous l'avez compris, tant que les marges de manoeuvre, qui dépendent des recettes, ne sont pas totalement connues, ce qui est normal à cette époque de l'année, il est difficile de mesurer l'ampleur que pourront avoir les mouvements que j'ai décrits tout à l'heure. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que d'autres impôts baisseront en 2000.
Je vous rappelle que vous aviez décidé que la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés votée en 1997 pour que nous puissions entrer dans l'euro serait supprimée en l'an 2000. Au-delà de cette suppression annoncée, le Gouvernement respectera ses engagements de baisses supplémentaires.
La baisse de la taxe professionnelle, étalée sur cinq ans, se poursuivra en l'an 2000. Le crédit d'impôt pour l'entretien des logements permettant la déduction de la TVA de l'assiette de l'impôt sur le revenu des ménages concernés - mesure qui s'assimile à une baisse de la TVA - sera budgété dans le budget de l'an 2000 à hauteur de 4 milliards de francs.
D'autres dispositions, que vous avez déjà votées, produiront leurs premiers effets en l'an 2000, comme l'interruption de la mesure de diminution de l'abattement de 10 % sur les pensions, qui avait été décidée par le précédent gouvernement et qu'un amendement parlementaire a tendu à supprimer car il était sans doute effectivement injuste d'augmenter d'un milliard les impôts des retraités. En 2000, ce milliard leur sera rendu. Il s'agit d'une baisse d'impôt par rapport à ce que la précédente majorité avait mis en place.
Je mentionnerai également l'amélioration de l'abattement dont bénéficient les conjoints survivants en matière de droits de succession. Vous l'avez déjà votée et elle entrera en application en l'an 2000, représentant 200 millions de francs environ de baisse d'impôt.
Ainsi, même si aucune décision fiscale nouvelle n'était prise pour l'an 2000, il y a déjà, pardonnez-moi l'expression, des baisses d'impôts " dans le tuyau ".
Mais, rassurez-vous, le Gouvernement n'a pas l'intention de s'arrêter là. Des impôts baisseront en l'an 2000, c'est une certitude.
Pourrons-nous aller plus loin ? Je le souhaite, et nous le verrons ensemble lorsque la prévision de croissance, et donc la prévision de recettes, auront été arrêtées.
Comme je vous l'ai dit au début de l'année, la réflexion du Gouvernement en matière d'impôts porte sur les ménages, les familles et non plus sur les entreprises. Il s'agit d'alléger les impôts des ménages et des familles, et même de les simplifier - j'ai dit tout à l'heure quelques mots de la déclaration " express ". D'autres propositions de simplification vous seront soumises. La réflexion se poursuivra dans les semaines qui viennent entre le Gouvernement et sa majorité, et même - pourquoi pas? - sur des propositions qui peuvent venir de l'opposition, à propos de la TVA, de la taxe d'habitation et des droits de mutation à titre onéreux. La seule chose dont je puis assurer la représentation nationale, c'est que, si des marges de manoeuvre sont considérées comme disponibles pour baisser les impôts, ce seront évidemment les familles qui en bénéficieront cette fois-ci, notre programme étant réalisé en ce qui concerne les entreprises.
Je voudrais, pour terminer, insister sur deux points.
Le premier concerne la dette. Si notre croissance s'établit à 2,5 % l'année prochaine, selon l'hypothèse prudente que nous choisissons pour le moment, le déficit public se situera aux alentours de 2 %. Si la croissance était de 3 %, soit le haut de la fourchette, le déficit public serait ramené à 1,7 %. C'est ce qui est prévu dans le cadre de notre projection triennale. De toute façon, nous nous trouverons entre 1,7 % et 2 %.
En tout état de cause, et pour la première fois depuis dix ans, nous allons retrouver un excédent primaire. L'excédent primaire, je le rappelle pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas le plaisir d'appartenir à la commission des finances, où nous avons déjà débattu de la question, c'est l'exédent du budget avant paiement des charges de la dette. Depuis le début des années 90, il n'existait pas: le budget était en déficit en dehors même du service de la dette. En 1999, il y a équilibre hors service de la dette et, en 2000, il y aura pour la première fois un net excédent, toujours hors service de la dette.
J'ajoute que, quelle que soit l'hypothèse de croissance qui sera retenue, pour la première fois depuis vingt ans le ratio dette sur PIB va décroître. La dette a beaucoup augmenté dans le passé.
La courbe atteindra son sommet en 2000, date à laquelle en peut prévoir une décroissance durable. C'est d'ailleurs ce que j'avais annoncé il y a deux ans, quand j'avais dit que la dette cesserait d'augmenter en 2000. C'est bien ce qui se confirme, et les membres de la représentation nationale ne peuvent être insensibles à cette donnée, qui concerne les générations futures.
Second point que je voudrais souligner : les dépenses.
C'est l'un des axes important de la nouvelle politique budgétaire que Christian Sautter détaillera beaucoup plus que moi. Nous avons choisi de fixer un objectif de dépenses en volume. C'est très important car c'est la seule manière d'éviter que la politique budgétaire ne soit soumise aux aléas conjoncturels. Si la conjoncture est meilleure, l'excédent doit servir soit à abaisser encore plus le déficit, soit à diminuer les impôts. Si elle est moins bonne, il faut que les stabilisateurs automatiques jouent et l'on doit alors conserver la perspective qui a été fixée en volume. Beaucoup de nos voisins - je pense aux Hollandais ou aux Allemands - font cela depuis longtemps. Nous avons, de ce point de vue, rejoint une pratique souhaitable, qui n'a malheureusement pas été mise en oeuvre en France dans le passé.
Il ne faut pas jouer au yoyo avec les objectifs de dépenses publiques. Ils doivent donc être fixés ne varietur, en termes réels, quelle que soit la conjoncture.
Pour en finir avec ce sujet, je voudrais purger une querelle à la fois ridicule et récurrente: la querelle sur les évolutions nominales.
J'entends dire parfois que la dette augmente, ou que la dépense publique augmente. Et à l'appui de telles affirmations, on cite des chiffres en milliards de francs. Très honnêtement, mesdames, messieurs les députés, cela n'a pas beaucoup de sens.
Si j'examine les évolutions en milliards de francs, je constate qu'entre 1993 et 1994, elles ont été de 131 milliards de francs, entre 1995 et 1996 de 69 milliards de francs, et entre 1997 et 1998 de 49 milliards de francs, donc beaucoup moins qu'auparavant. Vous me direz que cela s'explique aisément: c'est parce que, avant, il y avait de l'inflation. J'en conviens, mais cela montre bien que l'indicateur en milliards n'a pas beaucoup de sens. Il faut en conséquence choisir un indicateur en termes réels, qui tienne compte de la croissance économique. Et il y a deux manières de le faire - la première consiste à considérer la croissance des dépenses publiques en volume - elle a été de 2 % en 1993-1994, de 1,8 % en 1995-1996 et de 0 % en 1997-1998 ; la seconde, sans doute la meilleure, consiste à considérer l'évolution de la dépense publique par rapport au PIB, sous réserve d'une hypothèse, que l'on acceptera, à savoir que l'indice de prix est le même pour la dépense publique que pour le PIB, on tient alors compte de l'effet de prix. C'est cela que tout le monde regarde à l'échelle internationale; ce ne sont pas les milliards.
Si l'on adopte la seconde méthode, quelle a été, en points de PIB, l'évolution de l'ensemble des dépenses publiques ? En 1993-1994 de 1,2 point, en 1995-1996 de 0,4 point mais, en 1997-1998 c'est une diminution de 1,4 point que l'on a observée.
Cela montre que cet indicateur-là signifie vraiment quelque chose. Sinon, on en viendrait à regretter d'avoir de la croissance car, celle-ci faisant automatiquement augmenter la dépense publique, il est bien évident que, si elle est forte, les salaires des fonctionnaires suivront, ainsi que les dépenses pour faire des routes, comme le demanderont tous les élus.
Cette croissance servira aussi à construire plus d'hôpitaux, plus d'écoles et plus d'universités. Bref, il faut que la gestion publique soit de plus en plus efficace pour qu'on puisse rendre le même service en prélevant sur la richesse nationale un pourcentage de plus en plus faible, ce qui est bien le cas.
Ce qui n'a pas de sens, c'est de s'en remettre à l'évolution des milliards. Quand bien même certains voudraient-ils le faire les chiffres que je viens de donner leur montreraient clairement que l'évolution, même en milliards, est sensiblement plus faible depuis deux ans que ce qu'elle a été de 1993 à 1997.
Il y a d'autres points de controverse. Peut-être Philippe Douste-Blazy m'autorisera-t-il à évoquer une intéressante interview parue ce matin dans Le Parisien et dont nous aurons sans doute l'occasion de reparler au cours de la présente discussion. Je lui propose que nous jouions à ce propos au jeu des sept erreurs car j'en ai bien relevé sept.
Je propose que nous reprenions chacun des sept points qui, dans cet article, méritent correction, de façon que l'ensemble des parlementaires soient éclairés.
J'en ai fini avec les considérations générales. Sur la dépense publique, je laisserai, si Mme la présidente le veut bien, la parole à M. Christian Sautter. A la suite de quoi, je serai, avec lui, très heureux d'entendre les différents commentaires que vous voudrez bien faire.