Interview de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, dans "Service Public" de janvier 2003, sur les perspectives liées aux départs à la retraite et au renouvellement des effectifs dans la fonction publique.

Prononcé le 1er janvier 2003

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Média : Service public

Texte intégral

Service Public : Plusieurs rapports ces dernières années ont tiré la sonnette d'alarme de "l'urgence démographique" dans la fonction publique. Des dizaines de milliers de fonctionnaires partiront dans les prochaines années à la retraite. Quelles premières conclusions tirez-vous de ces perspectives ?

Jean-Paul Delevoye : Vous avez raison de reprendre cette formule "l'urgence démographique". De quoi s'agit-il sous cette expression ? Il s'agit du départ en retraite massif, dans les années qui viennent, des nombreux fonctionnaires recrutés parmi les classes, elles-mêmes nombreuses nées lors du "baby-boom" d'après la Seconde Guerre mondiale. Ce phénomène démographique relève d'autant plus de l'urgence que pour l'Etat, en tant qu'employeur, il se présentera de deux façons ; d'une part nous devrons rapidement définir les profils des fonctionnaires qui travailleront demain pour l'Etat en remplacement de celles et ceux qui partiront, et d'autre part il faudra que la collectivité publique puisse garantir et dégager les ressources pour servir les pensions des fonctionnaires retraités.
Le problème du renouvellement des effectifs suppose aussi que nous imaginions une fonction publique plus attractive. J'ai donc ouvert avec les partenaires sociaux, à la fin de l'année dernière, le chantier pour moi essentiel de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. L'un de mes objectifs est d'offrir aux fonctionnaires des perspectives qui répondent davantage à leurs besoins d'épanouissement jusqu'à la fin de leurs carrières.
Service Public : Dans quel esprit abordez-vous ce débat ?

J.-P. D. : Le régime des pensions est à terme menacé si nous ne le réformons pas tous ensemble. Pour moi, ce débat n'est ni un débat politicien ni un débat de technicien. C'est un débat qui pose le problème de la solidarité entre les actifs et les retraités, donc entre les générations de Français. Les fonctionnaires le savent et, de leur coté, les partenaires sociaux commencent à avancer leurs propositions. Il s'agit là d'une question qui concerne chaque Français ; notre gouvernement s'est engagé à la poser parce que nous savons, depuis plusieurs années, qu'il y a un problème devant nous et qu'il nous appartient de le régler car le temps des rapports n'a que trop duré. C'est notre responsabilité politique que de le résoudre dans les mois qui viennent. La réforme n'est pas, ne doit pas être et ne sera pas une "punition". Si, comme je le pense, la retraite est un droit essentiel, alors ce droit doit être foncièrement juste et équitable. Abordons-le enfin avec pragmatisme et lucidité.

Service Public : Les rapports évoqués proposent comme piste d'action une prolongation de la vie active et donc de la durée de cotisation. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
J.-P. D. : Vous n'évoquez que l'un des paramètres possibles de la réforme. Il y en a d'autres. Il faudra voir comment on peut les combiner entre eux pour réussir une réforme équitable pour tous. Nous étudierons toutes les pistes de réforme sans préjugés.
Service Public : La question de l'égalité des hommes et des femmes est-elle à l'ordre du jour ?

J.-P. D. : Il est temps que la France harmonise son droit sur ces questions avec les décisions récentes de la Cour de justice européenne. Le sujet sera donc bien entendu abordé.
Service Public : Le débat sur les retraites est réputé difficile. Etes-vous confiant sur la capacité du gouvernement à le régler ?
J.-P. D. : Oui, je suis confiant. Je crois que les conditions d'un débat qui permettront de régler enfin le problème sont réunies dans notre pays. Commençons par cesser de croire et de dire que l'on est incapable de faire des réformes en France sans crise. Nous ne sommes pas les seuls à devoir réformer nos systèmes de retraite pour garantir leur avenir. Tous les pays confrontés au vieillissement de leur population doivent relever ce défi quel que soit le type de régime de retraites qu'ils ont construit au fil du temps. D'autres pays européens l'ont déjà fait. Il nous appartient de rechercher ensemble une voie de réforme française. Nous la trouverons dans les prochains mois.

(Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 21 février 2003)