Texte intégral
M. Xavier Emmanuelli et moi-même sommes très heureux de procéder aujourd'hui, devant vous, à un acte important et symbolique pour notre action extérieure : la signature d'une Convention générale liant le ministère des Affaires étrangères à la Croix-Rouge Française dans ce lieu symbolique de la "Galerie de la Paix" où tant de traités furent négociés et signés.
Pour chacun d'entre nous, la Croix-Rouge - sans doute l'une des institutions les plus populaires de France - renvoie à des images fortes et anciennes de dévouement et de désintéressement.
En effet, la Croix-Rouge fait partie de notre Histoire depuis qu'en 1859, à Solférino, Henry Dunant, horrifié par ce qu'il voyait sur le champ de bataille, improvisait l'organisation des secours aux blessés des deux camps. C'est cette prise de conscience de la nécessaire solidarité avec toutes victimes, quelles qu'elles soient, qui a suscité la création en 1863 de la Croix-Rouge et, l'année suivante, la naissance de la Croix-Rouge française.
La Croix-Rouge est aujourd'hui inscrite dans notre vie grâce au réseau exceptionnel d'entraide qu'elle anime, qu'il s'agisse de secours aux victimes de catastrophes ou d'accidents, mais aussi de son inlassable combat dans le monde contre les différentes formes d'exclusion.
Cette éthique d'humanité, d'impartialité et de sympathie - au sens littéral du terme - est aussi celle de la diplomatie française.
Ces convictions partagées, illustrées chaque jour par des actions conjointes sur le terrain, le plus souvent au milieu des guerres et des catastrophes, nécessitaient une traduction concrète. Tel est le sens de la Convention générale que nous signons aujourd'hui. Même si nous n'avons pas attendu cet instrument juridique pour travailler ensemble, il est apparu indispensable que les pouvoirs publics formalisent leur volonté d'agir en commun avec un partenaire privilégié. J'attache personnellement la plus grande importance à ce que ce cadre novateur nouvellement et contractuellement défini permette de mettre en oeuvre rapidement sur le terrain des projets qui pourront tant soit peu alléger la souffrance et la détresse humaines.
Je souhaite, à cette occasion, vous faire part de ma conviction profonde. Au même titre que les volets politique, économique ou de coopération de notre politique extérieure, la dimension humaine est une composante fondamentale de notre diplomatie. Car derrière les Etats, les intérêts économiques et politiques, les crises, il y a toujours des hommes.
Or, dans le jeu parfois cruel et cynique des relations internationales, les idéaux de la Croix-Rouge française, qui placent l'homme à sa juste place, c'est-à-dire à la première, doivent être aussi les nôtres.
La Croix-Rouge avait réaffirmé en 1965 les sept principes sur lesquels s'appuie son action : humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité, universalité.
Je ne sais pas si ces sept principes sont les "sept piliers de la sagesse" pour l'action internationale. Je relève en tout cas que la plupart de ces principes - pas tous, car un Etat n'agit pas de la même manière qu'une ONG - peuvent s'appliquer également à l'action diplomatique. Je pense en particulier aux exigences d'humanité, d'universalité, d'ouverture aux autres et d'engagement que suppose notre action.
Notre pays a, dans ce domaine, une mission. La France est en effet perçue comme portant un message d'espoir, parce qu'elle incarne des valeurs universelles.
Je suis personnellement le témoin de ce regard que le monde porte sur nous, qui est d'une nature particulière, qui ne peut être confondu avec aucun autre et qui donne à notre nation aujourd'hui un poids sans doute très supérieur à celui, déjà important, que lui vaut ses 58 millions d'habitants et l'efficacité de sa réussite économique. Nous devons être à la hauteur de cette ambition que nous avons et de ce regard que les autres portent sur nous-mêmes.
Comme l'a dit le président de la République le 10 décembre dernier devant la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, "la France doit être fidèle à son combat de toujours pour la liberté et pour la dignité des hommes".
La France est donc dans son rôle quand elle réagit aux tragédies, aux détresses que connaît l'humanité et lorsqu'elle appelle ses partenaires à répondre aux situations d'urgence, comme nous l'avons fait récemment au Zaïre. Mais, au-delà de l'urgence, promouvoir partout la mise en place de l'Etat de droit, c'est aussi agir pour la prévention des conflits et la garantie des Droits de l'Homme.
De nombreux pays font aujourd'hui l'apprentissage de la démocratie. Partout, où les grandes libertés sont en question-liberté d'expression, égalité devant la justice, refus de l'arbitraire et soumission du pouvoir aux règles constitutionnelles et au verdict des urnes -, partout où ces principes démocratiques fondamentaux font l'objet d'un débat ou d'un conflit, notre action vise à conforter ces principes, non pas parce que la démocratie est en soi supérieure, mais parce que c'est le système qui offre le plus de garanties pour la dignité de l'Homme et son bien-être. Et, comme l'a dit en décembre dernier le chef de l'Etat, "la démocratie n'est jamais ni gagnée,
ni achevée ; elle est un combat de tous les instants et il faut sans cesse l'affermir". C'est le rôle et la mission de la France dans le monde d'agir dans ce sens.
A l'égard des pays où les libertés sont encore ignorées, la France, respectueuse de la souveraineté et de la culture de chacun, privilégie le dialogue pour convaincre.
Face à une situation où les Droits de l'Homme sont violés, il y a deux attitudes possibles.
La première est de condamner et, pourquoi pas, d'isoler. Ceux qui y recourent ont cet avantage que leur conscience est apparemment sauve mais, bien souvent, cette condamnation ne change rien à la situation des personnes victimes de l'arbitraire. Derrière cette condamnation et cet isolement, s'organise le maintien, de façon plus ou moins clandestine, de relations économiques et commerciales qui prévalent et survivent.
La deuxième attitude, qui est la nôtre, consiste, sans refuser de parler de ces problèmes, à essayer de contribuer à la mise en place progressive d'un contexte politique, économique et social où le respect des individus progresse réellement. C'est plutôt de cette manière que nous réagissons face à ce type de situation.
Il y a, sur cette question fondamentale, un autre principe de la Croix-Rouge sur lequel nous, diplomates, devons nous arrêter un instant, c'est celui d'universalité. En effet, les valeurs que nous défendons sont des valeurs universelles et ne sont pas seulement nos valeurs. La vie humaine a le même prix sur tous les continents. Les valeurs fondamentales qui fondent la dignité de l'Homme doivent être partagées par tous. Dire cela, ce n'est pas vouloir diluer en un seul système toutes les sociétés du monde, dont il faut préserver au contraire la richesse et la diversité, mais c'est affirmer qu'il y a un noyau dur de valeurs morales, qui sont indépendantes des cultures, et qui les transcendent. Baisser la garde sur l'universalité des valeurs fondamentales proclamées par les Nations unies il y a cinquante ans, c'est entrer dans le jeu de ceux qui veulent en réduire la portée en ne voulant y voir que les valeurs d'un seul camp ou d'un seule civilisation, comme si l'exploitation de l'homme était plus supportable ici que là. Voilà pourquoi nous nous efforçons d'être les porteurs dans le monde de ces valeurs universelles et de privilégier le dialogue avec les Etats et les groupes qui ne les respectent pas.
Après la liberté et la démocratie, le troisième grand principe auquel nous sommes attachés, comme la Croix-Rouge, c'est le principe de solidarité.
A cet égard, la France plaide inlassablement en faveur de l'aide au développement. Le président de la République en a fait l'un des axes forts de la diplomatie française. Il l'a rappelé opportunément aux grands dirigeants du monde lors du G7 à Lyon. Les choses vont d'ailleurs ensemble : le développement et la croissance sont liées aux progrès de la démocratie et des libertés.
C'est pourquoi, notre politique d'aide au développement se veut ouverte et généreuse.
Notre place de deuxième contributeur mondial en 1995 avec un volume d'aide de 42 milliards de francs témoigne de la fermeté de notre engagement dans ce domaine. Il s'agit d'une somme considérable à une époque où la dépense française est comptée. Pour notre diplomatie, nous dépensons 15 milliards et même un peu moins. Pour l'aide au développement, nous dépensons donc à peu près trois fois plus que pour l'action diplomatique, culturelle, scientifique, éducative à travers le monde, c'est-à-dire pour le rayonnement français. Cet effort est dirigé vers l'ensemble des pays qui en ont besoin et naturellement vers l'Afrique où s'exerce une part très importante de nos responsabilités en la matière.
Au sein de notre aide, l'action humanitaire destinée à répondre aux situations d'urgence représente environ 100 millions de francs par an, dont 86 millions proviennent du Fonds d'urgence humanitaire. Cette aide d'urgence, gérée avec M. Emmanuelli, vise à résoudre les besoins les plus pressants qui apparaissent dans les domaines sanitaires, sociaux, nutritionnels, d'hébergement... Il s'agit d'une action très forte dans la diplomatie française. Nous veillons à l'évaluation de ces dépenses : chacun doit avoir conscience que nous devons être rigoureux dans l'attribution et la vérification de ces dépenses et des sommes affectées.
Mesdames, Messieurs, telles sont les réflexions que je voulais évoquer à l'occasion de la signature de ce document.
Qu'il s'agisse des Droits de l'Homme, de l'aide au développement, de l'action humanitaire, nous considérons que nous avons un devoir de présence auprès des populations les plus démunies, partout dans le monde. Ce faisant, la France reste fidèle à sa tradition d'universalité, au message d'espoir que les autres voient dans notre pays et qui fait que la France ne serait pas vraiment la France sans cette vue originale des choses. Notre devoir de solidarité nous impose de continuer sur ce chemin mais aussi d'explorer des voies nouvelles en vue de soulager les détresses humaines, où qu'elles se trouvent.
Il n'y a pas de bonne diplomatie qui ne soit humaine, tournée vers la situation réelle des hommes et attentive aux tragédies rencontrées. Sur ce front-là, hélas, il n'y a jamais de répit possible..
Vous savez tout le prix que, comme mes prédécesseurs, j'attache au développement de nos rapports mutuels. Aussi est-ce un grand honneur et un vif plaisir de participer aujourd'hui à la conclusion de la Convention entre la Croix-Rouge française et le ministère des Affaires étrangères, un cadre, un instrument de coopération et de dialogue. Comme vient de l'évoquer le ministre des Affaires étrangères, la Croix-Rouge française joue un rôle remarqué, tant en France qu'à l'étranger, dans le domaine humanitaire.
En cette période de crise, en ces temps où les belligérants et les seigneurs de guerre nous mettent au défi, nous font souffrir en nous privant des nôtres par des méthodes lâches et cruelles, je suis particulièrement heureux de pouvoir assurer cette institution, et par son intermédiaire, le Comité international de la Croix-Rouge et la Fédération internationale des Croix-Rouge, du soutien du gouvernement.
L'action humanitaire est née alors que se déchiraient des peuples. Le combat pour la protection des populations civiles a été mené avec acharnement et dévouement par les membres de la Croix-Rouge. Ces derniers se sont donnés, sans compter, sur les champs de bataille, pour porter un message d'humanité auprès des victimes.
Prenant son essor dans les années cinquante avec la mise en place du système des Nations unies et en parallèle l'intensification des luttes résultant des guerres de décolonisation, la nécessaire organisation du sauvetage des civils en temps de conflit est devenue l'affaire de tous.
Par la suite, nous avons assisté a une, ô combien douloureuse, évolution des schémas des conflits. De luttes internationales, on a évolué avec un cynisme systématique à des conflits internes, ayant comme schéma le nettoyage ethnique, la persécution raciale, et le génocide.
L'action humanitaire internationale est plus que jamais indispensable pour tenter d'apporter une réponse aux maux qui s'ensuivent dans de telles circonstances. Il est de notre devoir à nous tous ici présents, d'alerter continuellement et constamment nos proches, nos voisins, nos amis, notre famille, sur le sort réservé à l'humanité en cas de débordement pernicieux et de malveillance lancinante.
L'idéal de solidarité au sein des démocraties libérales, notamment chez les jeunes, le développement des moyens de communication et d'information qui ont mis les détresses lointaines sous le regard direct des opinions publiques et les progrès de la médecine d'urgence, ne pouvaient qu'appeler à un engagement plus marqué de l'Etat dans l'action humanitaire.
Il y a plus de dix ans que la France a fait le choix original de confier cette charge à un membre du gouvernement. Cela n'allait pas de soi, et aujourd'hui encore ce parti suscite des discussions.
Mais ce fut aussi la démarche de l'Union européenne qui s est dotée en 1992 d'un Office humanitaire aux moyens importants (ECHO), lorsqu'il s'agissait pour partie de résoudre les problèmes d'organisation de la Commission face au drame du Kurdistan. C'était donner plus de coeur à l'Europe, c'était renforcer la dimension citoyenne de la future Politique étrangère et de sécurité commune.
La dimension politique de l'action humanitaire est désormais irréversible. Comment nous sommes nous engagés ces dernières années dans l'action humanitaire d'urgence ? Le secrétariat d'Etat a une double mission.
Au plan national, urgence sociale imposée par cette fracture sociale que le président de la République a diagnostiquée. Au plan international, consolidation d'un service public humanitaire sur ce fond de multiplication des conflits locaux.
En France, dans le but de trouver une réponse aux maux d'exclusion et d'extrême pauvreté, nous nous sommes notamment penchés sur le projet de loi sur la cohésion sociale et sur la réforme du service national. Nous avons également poursuivi notre effort pour transformer le dispositif d'hébergement et de secours d'urgence en un véritable service social. D'un ensemble de solutions de parterre où les déshérités étaient mis à l'abri dans l'indifférence, pour éviter le scandale des morts de froid, nous avons fait la première marche d'un dispositif d'insertion où les personnes sont accueillies, écoutées et soignées dans le respect de leur dignité. Nous avons donné la place que revient à l'humanitaire dans l'Etat de droit.
A l'étranger, nous avons porté une attention particulière aux enfants, les victimes des catastrophes humanitaires que l'on doit sauver en priorité. Je m'engage aujourd'hui dans la prévention des conflits et la gestion des crises par le biais d'une stratégie de cohésion des politiques nationales et internationales, trop souvent gérées de manière cloisonnée, qui pourtant ne devraient avoir qu'un seul but : améliorer le bien-être de tout un chacun.
Nos activités sanitaires et sociales, médico-pharmaceutiques et nutritionnelles reflètent l'une des caractéristiques des grandes crises humanitaires modernes : la nécessité d'encadrer des populations très nombreuses de réfugiés et de déplacés. La ventilation des crédits du Fonds d'urgence humanitaire par actions et par zones géographiques, donne une image de leur diversité. En 1996, 44 % du Fonds d'urgence humanitaire a été consacré à des projets en Afrique sub-saharienne, 15 % à l'ex-Yougoslavie et 14 % en Asie et Océanie. Le reste se répartit par ordre décroissant entre le Proche-Orient, l'Amérique latine et les Caraïbes, le Caucase et d'autres régions d'Europe affectées par des crises humanitaires.
Cette aide a été allouée essentiellement sous forme de subventions aux ONG, à concurrence de 46 % du Fonds d'urgence humanitaire, c'est dire à quel point nous sommes attachés à développer cette coopération étroite avec les associations de solidarité internationale, 24 % au titre des crédits des ambassades pour le financement de projets d'associations locales et la fourniture sous forme de don en cas de catastrophes ou de besoins humanitaires pressants. Ces derniers permettent une souplesse d'action en faveur de nos ambassades et de renforcer la visibilité politique de notre aide.
- En Bosnie, nous avons participé à la consolidation de la paix, au retour et la réinstallation des réfugiés. Par exemple, notre appui pour le projet de la station de pompage et la centrale d'épuration des eaux de la ville de Gorazde permettra d'alimenter en eau potable une population de 30 000 habitants.
- Dans la région des Grands lacs, notre action a porté sur l'envoi d'avions humanitaires au Rwanda, au Burundi et à l'est du Zaïre pour venir en aide aux populations réfugiées et déplacées. Nous avons, contre vents et marées,tenté de porter l'affaire devant le public. Les télévisions se sont détournées et les citoyens se sont donc lassés de l'émotion. Nous avons continué seuls et avons soutenu les organisations humanitaires françaises concernées par la crise. L'action de ces dernières s'exerce dans des conditions difficiles en l'absence d'une force de sécurisation internationale. Je voudrais tout particulièrement rendre hommage au courage et au sens du devoir de ces personnels.
Outre l'aide humanitaire d'urgence à l'occasion de catastrophes et de conflits, notre action à l'étranger porte sur un premier secteur d'activité prioritaire : la protection des Droits de l'Enfant. Nous avons soutenu l'action d'associations se consacrant à la réhabilitation des enfants des rues et des enfants soldats. Nous nous sommes aussi consacrés à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants.
Ce phénomène prend une ampleur angoissante. Nous disposons de peu de chiffres fiables sur la question, mais cette carence ne doit pas nous conduire à minimiser les faits. C'est pourquoi je donne priorité à ce sujet. Dans le cadre d'un plan d'action interministériel, le Premier ministre m'a chargé de piloter les travaux. Ce plan comporte cinq volets : la sensibilisation et l'information du public, l'aide aux victimes, la formation des professionnels, la coordination des acteurs institutionnels, et la coopération internationale. Nous avons prévu de consacrer 10 % du Fonds d'urgence humanitaire aux ONG françaises ou locales qui proposeront des programmes d'aide aux victimes des violences sexuelles.
Un autre outrage causé aux enfants et à leurs mères est la pose de mines. La France s'est récemment prononcée en faveur de l'interdiction totale des mines antipersonnel terrestres. Elle a renoncé à leur emploi.
Les interdictions de production et d'exportation, qui ont respectivement fait l'objet de moratoires en 1993 et 1995, seront très prochainement inscrites dans un projet de loi qui sera soumis à l'attention du Parlement. Ces avancées sont sans précédent dans la lutte contre un fléau qui tue ou blesse environ cinq cents personnes par semaine dans le monde.
Outre cette action politique, la question des mines doit être gérée de manière opérationnelle. Le déminage humanitaire doit s'effectuer au profit des populations civiles, et viser, à terme, une "dépollution" totale, un enlèvement de toutes les mines. Cela suppose que dans un premier temps, une priorité soit donnée au déminage des zones indispensables à la vie et au travail d'une communauté humaine (villages et campagnes). Le déminage est un processus coûteux et extrêmement lent. Mon objectif est donc que la France se mobilise et mobilise ses partenaires européens pour investir dans la recherche sur les techniques de déminage, dans la formation d'équipes locales de démineurs et dans le financement et la mise en oeuvre de projets de déminage.
Aujourd'hui les zones minées sont en effet des zones interdites au développement. Le déminage humanitaire suppose, contrairement au déminage militaire, une action minutieuse, de longue durée, reposant essentiellement sur le facteur humain et la mise en place d'unités légères capables d'intervenir sur des points précis tels que les puits ou les écoles.
En amont, le déminage humanitaire doit s'accompagner de prévention, d'information et d'éducation des enfants au risque des mines. Par ailleurs, l'on doit signaler les zones dangereuses, surtout dans les régions qui ont connu des déplacements de population importants, où personne n'a la mémoire des lieux où ont été posées les mines.
En aval, il faut guérir et assister ceux qui ont ou auront été victimes d'explosions. Guérir, c'est apporter des soins médicaux à ceux qui auront pu survivre et accéder à l'hôpital. C'est appareiller les membres mutilés. C'est aussi soigner l'esprit, le traumatisme causé par l'explosion et la mutilation. C'est enfin, réinsérer socialement et professionnellement des personnes qui, en perdant un membre, perdent leur capacité à assurer leur subsistance.
Mes visites sur le terrain ont fortement mis l'accent sur l'aide aux actions de déminage et de réappareillage des handicapés et des mutilés par les mines. Au Cambodge, en ex-Yougoslavie, au Mozambique et en Angola, la France a apporté une contribution concrète en termes de financement ou d'assistance technique, par l'intermédiaire d'équipes de déminage et de formation des démineurs.
Ces axes opérationnels de la stratégie que j'ai mise en place sont des exemples concrets de l'approche intégrée qui doit caractériser une véritable politique publique humanitaire. L'action en faveur des enfants des rues, des enfants soldats, des enfants victimes et enjeux des conflits ne peut se faire sans la coopération de la police, des ministères de la Justice, de la Défense. Mon engagement dans la lutte en faveur de l'interdiction totale des mines antipersonnel ne se fera pas sans la cohésion des politiques diplomatique et de défense de la France et de l'Europe. La gestion de crises telles que celle des Grands lacs, ou celle de la Bosnie, ne peut se faire sans un engagement politique. L'action humanitaire n'est pas une politique de rechange. Mais l'action humanitaire ne peut se faire sans la volonté des Etats d'assister les sociétés en détresse, d'aider au dialogue entre les ennemis, de favoriser les arbitrages entre ceux qui se disputent férocement les richesses de ce monde. Enfin, il est essentiel de garder à l'esprit dans tout ce travail, la notion de continuum entre l'urgence et le développement dont j'ai fait mon cheval de bataille. J'ai engagé pour tout cela un dialogue avec mes homologues européens compétents en matière d'action humanitaire. Je tisse des liens étroits avec les dirigeants des agences humanitaires internationales. Nous sommes farouchement
engagés dans ce combat pour la sauvegarde de l'Humanité.
Enfin, je voudrais dire un dernier mot, Monsieur le Ministre, pour rappeler l'esprit de dialogue et de confiance qui anime nos équipes, au secrétariat d'Etat à l'Action humanitaire d'urgence, au service de l'Action humanitaire, à la cellule d'urgence et de veille et au ministère de la Coopération, pour tous ceux qui agissent par conséquent dans le cadre de l'Humanitaire d'Etat, et qui contribuent ainsi à une unité d'action pour l'ensemble de nos interventions humanitaires à l'étranger.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2001)