Texte intégral
M. HEES.- Monsieur Alain Juppé en direct. Tout à l'heure, les auditeurs de France Inter, qui seront deux fois plus gâtés que nous puisqu'ils auront deux fois l'occasion de vous poser des questions, entre 8 heures 15 et 8 heures 30 et entre 8 heures 35 et 9 heures moins 10, et puis après vous nous quitterez puisque vous devez prendre un train -cela arrive dans la vie d'un Premier ministre- pour vous rendre à Londres où vous avez rendez-vous John Major, votre homologue britannique.
Monsieur le Premier ministre, j'espère que vous me pardonnerez cette métaphore, mais c'est vous qui nous avez habitués après tout, depuis quelques mois, à évoquer les problèmes de santé ou plutôt de maîtrise des coûts de santé, donc je vais faire le médecin généraliste jusqu'à 8 heures, et puis mes camarades qui sont, eux, des experts, en l'occurrence :
. Brigitte Jeanperrin, chef du Service économique et social
. Pierre Le Marc, chef du Service politique
. Ralph Pinto, chef du Service étranger
rentreront davantage dans le détail.
Je vais vous dire : je vous trouve plutôt bonne mine, meilleure mine qu'il y a quelques semaines, et les sondages en font foi d'ailleurs. J'ai remarqué aussi que vous aviez bonne presse ce matin. Cela veut-il dire que c'est vous, Alain Juppé, qui allez mieux ? ou est-ce la France, dans son ensemble, qui semble frémir un peu ? J'en veux pour preuve les chiffres du chômage du mois de décembre, même si une hirondelle ne fait pas le printemps.
M. JUPPE.- Cher Jean-Luc Hees, si vous voulez jouer les médecins ce matin, je suis prêt à me laisser examiner.
M. HEES.- C'est gentil. Ce sera indolore, je vous le promets.
M. JUPPE.- Au-delà de ma situation personnelle, ce qui compte, c'est l'état du pays, bien sûr ! et je crois qu'on peut dire, en ce début d'année 1997, que les perspectives sont meilleures. Cela se traduit dans les chiffres, vous en avez évoqué quelques-uns, la croissance est revenue depuis la fin de l'année dernière et certains observateurs pensent qu'elle va s'accélérer en 1997. Notre environnement international est meilleur. Vous avez parlé ce matin, je crois, du cours du dollar, c'est bon pour nos exportations. Mais au-delà des chiffres - on reviendra vraisemblablement sur ceux du chômage du mois de décembre qui sont bons, même si ce n'est que le résultat d'un mois - ce qui compte, je crois, c'est ce qui se passe dans l'esprit des Françaises et des Français, et de ce point de vue il y a, incontestablement, une embellie.
Je regardais récemment une étude sur les chefs d'entreprise, c'est important de savoir ce qu'ils pensent. Est-ce qu'ils pensent que cela va s'améliorer ? Est-ce qu'ils pensent que cela va se détériorer ? Traditionnellement, ils ne sont pas très optimistes et, depuis un an, le nombre de ceux qui attendaient une dégradation des perspectives était plus élevé que ceux qui attendaient une amélioration, eh bien, cela a changé. Les carnets de commandes se remplissent, et ce facteur psychologique est, je crois, très important.
Voilà, sommairement, ce qui me permet aujourd'hui de dire qu'effectivement nous sommes, vraisemblablement, partis sur la voie d'une amélioration, quelles que soient les difficultés qui subsistent.
M. HEES.- On va y revenir en détail dans un instant, mais d'abord deux sujets d'actualité : D'abord, le premier tour des municipales à Vitrolles. On sait que vous êtes plutôt clair, en général, sur le sujet du Front National. Que doit faire la Droite au deuxième tour ?
M. JUPPE.- Je me suis entretenu, dès hier soir, avec les responsables des formations politiques de la Majorité qui se sont d'ailleurs exprimés depuis. Je crois qu'il n'y a pas à hésiter, ce que nous souhaitons tous, c'est que, compte tenu des résultats de ce premier tour, la liste du candidat UDF-Majorité qui est arrivée en troisième position se retire. C'est à cette liste, bien sûr, qu'il appartient de prendre la décision. Elle s'est battue très courageusement dans une campagne qui a été rude, pour ne pas dire plus ! J'espère que la réaction de bon sens que nous avons tous eue devant la situation électorale prévaudra. Quant aux électrices et aux électeurs attachés aux valeurs républicaines, il leur appartient de prendre leurs responsabilités au deuxième tour.
M. LE MARC.- Est-ce que le désistement républicain réciproque peut devenir une règle applicable, d'une manière générale, en 1998 ? Ou est-ce simplement une règle d'application locale ?
M. JUPPE.- Vitrolles est un cas particulier, on connaît bien le contexte local. J'observe, quand on regarde les élections partielles qui se sont tenues depuis maintenant plus d'un an, quand on additionne les résultats, que le Front National ne progresse pas globalement en France. On parle beaucoup aujourd'hui de Vitrolles, on a déjà oublié Dreux où il a été battu. Vous voyez qu'il ne faut pas partir d'un exemple, auquel il faut attacher de l'importance, bien sûr ! mais il ne faut quand même pas généraliser.
M. HEES.- Alain Juppé, il y a une question qui est peut-être, j'allais dire, périphérique, mais qui est importante aussi, c'est ce qui se passe à Châteauvallon, enfin pour le directeur du Festival de Châteauvallon qui a été licencié pour cause de bise-bille avec la Municipalité. Avez-vous une réaction sur ce sujet ?
M. JUPPE.- Il y a des procédures, et j'espère qu'elles pourront être utilisées, mais surtout ce que je souhaite de tout cœur, c'est que la politique ne se mette pas à interférer dans la Culture...
M. HEES.- ... C'est le cas, là.
M. JUPPE.- Eh bien, je le regrette ! Je crois que les procédures qui existent de recours éventuel contre telle ou telle décision doivent être utilisées pour mettre ce qui devrait nous rassembler, nous réunir, c'est-à-dire une grande manifestation culturelle comme celle-là, à l'abri des règlements de compte politiques.
M. HEES.- Question d'actualité encore : la Corse, 56 attentats en une seule nuit, cela fait beaucoup. Là aussi, vous êtes plutôt ferme sur le sujet ? Enfin, la dernière fois où vous avez évoqué le sujet, je crois que vos voisins de la mairie de Bordeaux s'en souviennent encore, mais est-ce que l'Etat est réellement impuissant en Corse ou est-ce le résultat de certains compromis, j'allais dire même, de certaines compromissions ?
M. JUPPE.- Non, je ne crois pas qu'on puisse dire que le Gouvernement est plutôt ferme, le Gouvernement est ferme, et les choses changent en Corse. Je sais bien qu'il y aura encore des "nuits bleues" comme celle qui vient de se dérouler, c'est un combat de longue haleine, parce que cela fait des années et des années qu'on ne s'était pas donné les moyens de rétablir l'ordre public en Corse. Cela ne se fait pas du jour au lendemain parce qu'il faut des enquêtes, il faut rassembler un certain nombre d'informations. Nous les avons désormais, notre détermination est totale. Et nous sommes soutenus, j'en ai de multiples témoignages, par l'immense majorité de nos concitoyens de Corse. Avec le temps, je suis persuadé que la voie que nous avons prise, et qui est celle du bon sens, respect, je le répète, de la légalité et en même temps main tendue, bien sûr, à tous les partenaires de l'économie corse, de la Culture corse aussi où il y a beaucoup de choses à faire dans ce domaine, je suis sûr que cette voie mènera à la solution.
Mme JEANPERRIN.- Tout à l'heure, on parlait des bons résultats des entreprises, les bons résultats de la Bourse, même la protection sociale va mieux. Les Français ne comprennent tout de même pas ce paradoxe qu'il y a entre la bonne santé retrouvée de l'économie française et le social qui ne suit pas. Alors, comment faire pour passer à la deuxième étape, provoquer le déclic pour que les entreprises investissent et créent de l'emploi ?
M. HEES.- Et puis, je vais vous poser une sous-question, Monsieur Juppé, est-ce que l'Etat qui gouverne les Français ? ou est-ce l'économie ? Parce que j'ai l'impression que, dans la tête des Français, il y a une vraie question qui se pose de ce côté-là.
M. JUPPE.- Ni l'un, ni l'autre, je crois que c'est chaque Française et chaque Français qui doit aujourd'hui faire preuve du sens des responsabilités. C'est ce qui se passe. Il n'y a pas de fatalité, pour dire les choses autrement. On ne nous impose pas les choses de l'extérieur, je le crois profondément. Nous sommes bien sûr inter-dépendants de ce qui se passe et nous pouvons nous battre, et nous nous battons.
Vous savez, vous me dites : "les choses ne vont pas bien ou pas aussi bien qu'on voudrait le penser", moi, je me suis fait faire un petit palmarès pour essayer de montrer où en est la France aujourd'hui ? De nos médailles d'or, de nos médailles d'argent et de nos médailles de bronze. Nous sommes un pays de 58 millions d'habitants, ce n'est pas considérable sur la planète. Nous sommes numéro 1 dans les pays européens pour le niveau de vie, ex-aequo avec les Allemands. Vous allez me dire : "il y a les SDF", on en reparlera et je ne les oublie pas, mais il y a le niveau de vie de l'ensemble des Français, nous sommes numéro 1 parmi les pays européens, ex-aequo avec l'Allemagne.
Nous avons, dans un autre ordre d'idées, les plus bas taux d'intérêt de l'Union européenne. Nous sommes numéro 1 mondial pour les lanceurs de satellites, numéro 1 mondial pour les hélicoptères civils, numéro 1 mondial pour les pneumatiques - cela aussi, on l'oublie parfois, mais c'est vrai - pour les gaz liquéfiés, pour l'industrie électro-nucléaire, pour l'industrie ferroviaire, et ainsi de suite. Je ne vais pas poursuivre la liste.
Sur les médailles d'argent, numéro 2 mondial pour l'exportation des services. Et on sait bien que l'économie du XXIe siècle sera une économie de services, d'industries, mais de services. Nous sommes numéro 2 mondial.
Alors, je crois qu'il faut un peu nuancer cette espèce de sentiment d'accablement qui s'est installé petit à petit en France et selon lequel nous serions dépassés par les événements. Nous ne sommes pas dépassés par les événements, nous pouvons remonter la pente, nous sommes en train de le faire, et c'est comme cela que la solidarité avec ceux qui souffrent et qui sont nombreux, je le sais, pourra se manifester. Et de ce point de vue, je suis prêt à en parler. On n'a pas oublié les exclus, les "sans domicile fixe", et ainsi de suite...
M. HEES.- ... Oui parce que, pour eux, que l'on soit premier dans ceci ou cela, cela ne fait pas une énorme différence.
M. JUPPE.- Non, je ne suis pas sûr de cela, vous voyez, cela est une erreur profonde. C'est parce que nous sommes premiers dans bien des domaines que nous pouvons être solidaires de ceux qui en ont besoin. Si nous plongions sur le plan économique, si nous devenions un pays de seconde zone, alors, là, il est évident que nous ne pourrions pas faire ce qui doit être fait pour ceux qui souffrent et nous faisons des choses.
Je voudrais tout de même rappeler dans ce domaine puisque vous m'interrogez sur ce point : tous les efforts qui ont été faits depuis un an et demi en faveur du logement des plus démunis. J'avais annoncé, au mois de novembre 1995, que nous ferions dans un délai d'un an plus de 20.000 logements d'urgence et d'insertion. Nous les avons faits. Nous avons repris une politique de réquisition dans les logements des propriétaires institutionnels. Cela ne s'était pas fait pratiquement depuis la guerre, de façon à permettre, précisément, à ceux qui n'ont pas de logement d'y accéder.
Troisième exemple : pour éviter les coupures de courant, d'électricité, d'eau, intempestives, l'Etat vient de conclure, il y a quelques semaines, avec EDF et GDF, d'un côté, et avec les fournisseurs d'eau, une convention qui évite les coupures de courant. Alors, on ne peut pas dire que nous ne nous occupons pas de ceux qui souffrent, c'est une de nos préoccupations essentielles, sans parler de la grande loi contre l'exclusion et pour la cohésion sociale qui a donné lieu, depuis six mois, à une formidable concertation avec tous ceux qui ont quelque chose à dire dans ce domaine et qui va passer au Conseil des ministres au mois de mars prochain. Elle prévoira des dispositifs très ambitieux, en particulier en ce qui concerne les emplois de ville.
Vous voyez que ce sont les deux facettes d'une même politique : une France forte sur le plan économique et une France solidaire sur le plan social. L'un ne va pas sans l'autre.
Mme JEANPERRIN.- Mais vous n'avez pas répondu à ma question : comment faire maintenant...
M. JUPPE.- Pardon, excusez-moi, mais je vais y répondre.
Mme JEANPERRIN.- ... pour que les entreprises, avec cette bonne santé, investissent et créent de l'emploi ?
M. JUPPE.- C'est parce qu'elles retrouvent confiance dans l'avenir qu'elles vont investir. Il faut se méfier là aussi des commentaires sur la situation économique. On a dit pendant toute l'année 1996 que ce qui ne marchait pas en France, c'était la consommation. Et, maintenant, on a les résultats de l'année 1996. Que constatons-nous ? C'est que la consommation, globalement là encore, et je sais bien qu'on va me dire : "Mais les Françaises et les Français qui n'ont pas les moyens, qui ne gagnent pas le Smic, qui sont au chômage, ne peuvent pas accéder à cela", c'est vrai ! mais, globalement, dans l'économie, la consommation ne s'est jamais aussi bien tenue en France depuis trois ou quatre ans.
Si, si, vous avez l'air sceptique, j'ai les chiffres de l'augmentation de la consommation, 2,4 % en 1996, et vous pouvez comparer aux chiffres de 1995, de 1994 et de 1993. Ce qui est vrai, c'est que les entreprises n'ont pas encore repris le chemin de l'investissement, oui, mais il y a une chose qui s'est améliorée : la consommation, le taux d'épargne des Français a baissé. On se plaignait beaucoup que les Français épargnent trop et ne consomment pas assez. Eh bien, ils ont épargné moins en 1996, ils ont consommé plus. Et je pense que c'est par ce relais de la consommation que les entreprises maintenant vont se remettre à envisager l'avenir avec plus de confiance. Comment faire pour qu'elles investissent ? Qu'elles reprennent confiance, et c'est en train de se faire. Voilà, je crois, la bonne réponse.
J'ajouterai une dernière chose, si vous me le permettez, il faut aussi soutenir, bien sûr, la demande, et je voudrais insister sur deux décisions qui sont en train de tomber en ce moment et de se concrétiser :
Premièrement, la baisse des impôts. Quand je l'ai annoncée en 1996, au mois de septembre, cela a été l'incrédulité générale. On a dit, une fois de plus, on nous raconte des histoires. Que voit-on aujourd'hui ? Pour tous les contribuables français mensualisés, il y en a des millions, la feuille d'impôt du mois de janvier a baissé de 6 %, celle de février, celle de mars aussi. Et pour ceux qui ne sont pas mensualisés, qui vont faire leur premier paiement le 15 février, c'est ce qu'on appelle le tiers provisionnel, il y aura également une baisse de 6 %. Cela fait 25 milliards de francs réinjectés dans l'économie.
J'ajoute encore un point, excusez-moi d'être un peu long, pour eux qui ne paient pas d'impot, parce qu'on va me dire : "Et ceux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu ?", pour ceux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu, j'avais annnoncé l'année dernière - cela concerne plusieurs millions d'entre eux - que les Français, titulaires d'un Plan d'Epargne Populaire, un PEP, allaient se voir verser en janvier 1997 la prime bloquée qu'ils ont accumulée depuis des années. C'est 15 milliards de francs qui vont être réinjectés là aussi dans l'économie, et pour des Français modestes puisque ce sont des Français qui sont exonérés de l'impôt sur le revenu.
Quand vous additionnez ces deux masses qui sont évidemment considérables et loin des préoccupations quotidiennes, mais cela fait beaucoup d'argent qui va pouvoir être réinjecté dans le circuit économique.
M. LE MARC.- Alain Juppé, la logique voudrait que la Majorité aborde les prochaines législatives avec un gouvernement à l'assise plus large.
M. JUPPE.- Excusez-moi ! comment peut-on faire ? Nous avons plus de 450 députés à l'Assemblée nationale...
M. LE MARC.- ... Je parle du Gouvernement.
M. JUPPE.- Mais le Gouvernement est assis là-dessus, Monsieur Le Marc, si je puis dire, puisque vous parlez d'assise. C'est donc une assise extrêmement large.
M. LE MARC.- Le souhait en a été exprimé hier soir par Simone Veil...
M. JUPPE.- ... Oui, j'avais bien compris que vous fassiez allusion à cela.
M. LE MARC.- Absolument ! A votre avis, est-ce nécessaire ? Et si cela ne s'est pas fait, est-ce pour des raisons de divergence politique ou des raisons de personnes ? ou bien parce que le Président ne veut pas ?
M. JUPPE.- Je ne vois pas à l'heure actuelle, le Président non plus, la nécessité d'un remaniement ministériel. Le Gouvernement fonctionne bien. En général, ce sont des questions qui passionnent le monde politique et qui laissent, je crois...
M. LE MARC.- Qui préoccupent le Gouvernement quelquefois !
M. JUPPE.- ... assez indifférents les Françaises et les Français. On verra tout à l'heure si on a des questions sur l'urgence du remaniement ministériel. Je ne connais pas les questions, je prends le pari qu'il n'y en aura pas beaucoup.
M. LE MARC.- Cela intéresse la Majorité au moins.
M. JUPPE.- Non, cela intéresse quelques personnes dans la Majorité. J'observais, hier, que certains responsables de la Majorité souhaitaient qu'entrent au Gouvernement des balladuriens. Puis, je me suis retourné vers mon Gouvernement et je me suis dit qu'il y en avait beaucoup.
M. LE MARC.- Il en manque quelques-uns.
M. JUPPE.- François Bayrou, Philippe Douste-Blazy, Dominique Perben, Michel Barnier, je pourrais allonger la liste. Alors, évidemment, tout le monde ne peut pas y être.
Et puis ce clivage chiraquien-balladurien n'est-il pas un peu dépassé, entre nous ?
M. LE MARC.- C'est la question qu'on se pose en ne les voyant pas rejoindre votre Gouvernement.
M. JUPPE.- Mais si, cela est une très grave erreur. Je viens de vous citer toute la liste de ceux qui y sont déjà.
M. LE MARC.- Nous pourrions parler de Nicolas Sarkozy, d'Edouard Balladur...
M. JUPPE.- ... Oui, mais là on arrive à des questions de personnalités éminentes et qui pourraient apporter beaucoup, bien sûr, à une équipe, mais ce n'est pas un problème politique. Politiquement, le Gouvernement est à l'image de sa Majorité, et je le répète : tout ceci est un peu derrière nous.
La question qui se pose est de savoir s'il faudrait infléchir la politique gouvernementale ? Parce que cela aurait du sens et cela pourrait concerner les Français.
M. LE MARC.- C'est ce que suggèrent les balladuriens.
M. JUPPE.- Le sort de telle ou telle personne n'est pas forcément le souci dominant de tous nos compatriotes. En revanche, savoir si on va changer de politique, si on va infléchir la politique. Cela peut être une question.
M. LE MARC.- Et vous y répondez de quelle manière ?
M. JUPPE.- Je vais y répondre, Monsieur Le Marc, bien sûr ! Ce n'est pas au moment où cette politique semble donner de bons résultats, où les chiffres du chômage du mois de décembre, même si, je le répète, ce n'est qu'un résultat pour un mois, vont dans la bonne direction, au moment où les chefs d'entreprise retrouvent le moral, au moment où on prévoit une accélération de la croissance, que l'on va infléchir la politique.
Par ailleurs, quand j'écoute bien les conseils qu'on me donne, et je dois les écouter, bien sûr, que suggère-t-on de ce côté-là ? On suggère une accélération de la baisse des impôts. C'est la seule différence que j'ai relevée parce que, pour le reste, il y a convergence sur la politique. Or, je crois qu'il faut être bien conscient de la situation actuelle.
Nous ne pouvons pas aujourd'hui, au mois de janvier, au moment où je vous parle, à la fois dire que nous serons exacts au rendez-vous européen de l'euro et ajouter 25 ou 30 milliards de baisse des impôts à ce qui a été déjà décidé. Si la croissance, dans le courant de l'année 1997, s'accélère, comme certains le pensent, si nous sommes au-dessus des 2,3 % que nous avons prévus, alors, on pourra se poser la question. Mais si aujourd'hui, au mois de janvier, je compromettais les bons résultats obtenus et la qualification de la France, comme on dit dans les équipes sportives, pour l'euro, je crois que ce serait un mauvais infléchissement.
M. HEES.- Alain Juppé, nous aurons l'occasion de revenir à toutes ces questions à travers "Radio Com, c'est vous". Puisque je vous rappelle que le standard est ouvert et que vous pouvez interroger en direct le Premier ministre au 01-45-24-70-00 entre 8 heures 15 et 8 heures 30 et entre 8 heures 35 et 9 heures moins 10.
Je voudrais céder la parole à Ralph Pinto.
M. PINTO.- Monsieur le Premier ministre, il a suffi que quelques personnalités françaises s'expriment sur l'Algérie pour que les Algériens reprennent leur plume la plus terrible et nous disent en deux mots : "Ne vous mêlez pas nos affaires, restez à l'écart de l'Algérie".
Première question : peut-on considérer que, pour les Français, le Gouvernement, l'Algérie, c'est tabou et qu'on ne peut pas parler de l'Algérie ?
Deuxième question : Dans les élections que Zeroual est en train de préparer pour la fin du premier semestre, nous allons accepter que des observateurs de l'Union européenne aillent surveiller ce scrutin qui ne prend pas des allures tout à fait démocratiques au sens où nous l'entendons, nous ?
M. JUPPE.- Je crois qu'on ne se prive pas de parler de l'Algérie, apparemment. Rien n'est tabou.
M. PINTO.- Moi, je parle des ministres, du Président.
M. JUPPE.- Si, si, nous en parlons, pour dire quoi ? D'abord, pour exprimer notre horreur devant la barbarie qui se déchaîne là-bas et notre compassion vis-à-vis d'une population qui souffre. Nous en parlons pour exprimer notre condamnation de la violence sous toutes ses formes et du terrorisme. Mais il faut qu'on se mette bien un jour dans la tête, c'est difficile, je le sais, que l'avenir de l'Algérie ne se décide pas à Paris ou, en tout cas, plus à Paris, comme dans les années qui précédaient la décennie 60. L'avenir de l'Algérie se décide en Algérie. Ce sont les Algériens qui doivent être maîtres de leur destin. Comment ? J'ai dit souvent que le seul Parti que nous soutenions en Algérie, c'était le Parti de la démocratie. Il faut donc des élections transparentes et incontestables, et on verra le moment venu quelles sont les précautions à prendre dans ce domaine et quels sont les souhaits du Gouvernement algérien ? Il faut qu'à ces élections participent les formations politiques légales, mais ce n'est pas à nous, Français, de dire : Qui doit faire quoi ? et, à la limite, quel doit être le résultat des élections ?
M. HEES.- En un mot, Monsieur Giscard d'Estaing a-t-il bien fait de s'exprimer sur ce sujet ?
M. JUPPE.- Je crois que cette volonté permanente d'ingérence dans les affaires algériennes n'est ni de l'intérêt de l'Algérie, ni de l'intérêt de la France.
M. PINTO.- Donc, il ne faut pas parler de l'Algérie ?
M. JUPPE.- Qu'est-ce que je viens de faire là ?
M. HEES.- Monsieur Giscard d'Estaing a bien fait de s'exprimer sur le sujet ?
M. JUPPE.- Il faut parler de l'Algérie pour dire un certain nombre de choses, pas pour dire des choses qui ne font que compliquer la situation.
M. LE MARC.- Et le FIS fait partie du Parti de la démocratie, si j'ose dire, ou pas ?
M. JUPPE.- Tant que l'on utilise la bombe, la voiture piégée, le couteau, le poignard, etc. on n'est pas un parti qui se rallie aux valeurs démocratiques. Tous les partis qui rejetteront la violence et le terrorisme auront, j'imagine, vocation à s'exprimer.
M. HEES.- Alain Juppé, je vous remercie.
On se retrouve donc à 8 heures 15 pour un "Radio Com, c'est vous" exceptionnel.
. JOURNAL
M. COURCHELLE.- Justement, le Gouvernement devrait arrêter les modalités de privatisation de THOMSON-CSF dans les jours qui viennent. Monsieur Juppé, si le Groupe ALCATEL, allié à AEROSPATIALE et à DASSAULT, se portait officiellement candidat à la reprise de THOMSON-CSF, le Gouvernement considèrerait-il cette candidature comme une solution crédible ?
M. JUPPE.- Vous me demandez de faire comme si le problème était résolu. Toutes les candidatures seront évidemment examinées dans le cadre des procédures que nous allons arrêter. Qu'est-ce qui compte dans cette affaire ? C'est que la France puisse se doter d'un pôle d'électronique de défense de taille mondiale. Quand vous regardez ce qui se passe aux Etats-Unis avec des concentrations formidables entre très grandes entreprises qui ont vocation à dominer le marché mondial, vous vous rendez compte que si l'Europe et la France, puisqu'elle est en première ligne, ne font pas de même, nous risquons d'être marginalisés. Toute notre réflexion, à l'heure actuelle, tourne autour de cette idée ? Comment rassembler autour de THOMSON-CSF, qui est une belle Entreprise, qui est un peu le joyau de ce Groupe, des partenaires français et européens de façon à constituer un grand pôle de taille mondiale.
M. COURCHELLE.- ALCATEL, ALSTHOM et DASSAULT, ce n'est pas mal !
M. JUPPE.- Il y en a éventuellement d'autres qui peuvent également concourir ou se rassembler pour réaliser ce grand pôle. Nous y réfléchissons depuis maintenant la mi-décembre, et je pense que, dans les prochains jours, d'ici la fin du mois de février, nous serons en mesure d'annoncer très clairement la procédure que je souhaite aussi claire et aussi transparente que possible.
M. COURCHELLE.- Suite du Journal.
Alain Madelin estime que la loi de Robien sur le temps de travail est une triple erreur : économique en raison de son coût, politique et psychologique parce qu'elle renforce l'idée que nous allons vers une disette en matière d'emploi. Enfin, dit-il, c'est une erreur de méthode.
Quant à Martine Aubry, elle est sûre que les socialistes supprimeraient la loi de Robien s'ils revenaient au Pouvoir. L'ancien ministre du Travail est favorable à un nouveau dispositif beaucoup plus global.
M. JUPPE.- C'est bien français ! Quand il y a quelque chose qui marche, on veut tout de suite le casser.
M. COURCHELLE.- Et, vous, vous trouvez que la loi de Robien, ça marche ?
M. JUPPE.- Je ne suis pas le seul. Quand vous regardez, par exemple, ce qui s'est passé pour MOULINEX où l'on avait annoncé des milliers de suppressions d'emplois, grâce à la loi de Robien qui, je le rappelle, est une loi qui permet de réduire le temps de travail pour embaucher ou pour maintenir des emplois. Avec un effort de la collectivité, nous sommes arrivés à supprimer beaucoup moins d'emplois qu'il n'était prévu. Et puis dans certains cas, lorsque les entreprises se développent, cela permet de recruter des jeunes.
On dit que cela coûte cher, mais Jacques Chirac l'a dit souvent : "est-ce que le chômage ne coûte pas encore plus cher ?". C'est une question qu'il faut se poser. Et quand on se la pose, on se rend compte que cette loi n'est pas si mauvaise qu'on veut bien le dire.
M. COURCHELLE.- Suite du Journal.
Monsieur le Premier ministre, une dernière question, en tout cas pour ce qui me regarde. La Municipalité de Montpellier est en conflit avec l'administration fiscale qui lui réclame d'énormes arriérés d'impôts pour l'orchestre philarmonique, l'Opéra et le Festival d'été organisé par la Ville, 46 millions de francs. Jusqu'ici, Bercy considérait les orchestres et les opéras comme des associations à but non lucratif, donc non soumises à certains impôts. L'innovation est de considérer que, maintenant, ces institutions sont des entrepreneurs de spectacle situées dans le secteur concurrentiel, et donc soumises à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle. C'est un changement d'attitude qui inquiète beaucoup de responsables culturels en France, quelle est la position du Premier ministre sur cette question ?
M. JUPPE.- Je comprends leur inquiétude et je la partage. Il faut que nous clarifions la législation fiscale sur ce point, mais en tout cas il y a une chose qui ne me paraît pas convenable, c'est que, lorsque l'administration fiscale change d'interprétation, l'on fasse des rappels sur plusieurs années qui aboutissent à des sommes aussi colossales que celle que vous venez d'évoquer. C'est insupportable !
M. COURCHELLE.- Parce que, là, on risque la dissolution de l'Orchestre philarmonique de Montpellier.
M. JUPPE.- Absolument ! Et au minimum, me semble-t-il, dès lors qu'il y aurait, et c'est encore à vérifier, changement de législation pour l'avenir, je trouve qu'on ne peut pas appliquer cela rétrospectivement, quand c'est l'administration fiscale, elle-même, qui a changé de position.
M. COURCHELLE.- Donc, les associations culturelles ont le temps de souffler un peu ?
M. JUPPE.- Nous allons regarder cela de très près.
M. COURCHELLE.- Suite du Journal.
Mme MARTIN.- C'était le Journal de Gérard Courchelle.
Jean-Luc Hees.
M. HEES.- Je vous rappelle qu'Alain Juppé est notre invité ce matin. Nous avons décidé de donner aujourd'hui la parole aux auditeurs de France Inter pour une émission exceptionnelle de "Radio Com, c'est vous". Vous posez vos questions en direct au Premier ministre jusqu'à 9 heures moins dix. Alain Juppé devra ensuite nous quitter pour prendre un train et se rendre à Londres.
Vous êtes prêt pour l'exercice ? Parce que les auditeurs de France Inter sont en général des auditeurs pertinents, mais il leur arrive aussi d'être impertinents. C'est la loi du jeu.
On prend un premier appel, c'est Claudine qui nous appelle de Gap. On vous écoute.
CLAUDINE.- Bonjour, Monsieur le Premier ministre.
M. JUPPE.- Bonjour, Madame.
CLAUDINE.- Je voulais intervenir auprès de vous parce que j'ai un garçon qui a 25 ans, qui a fait Sciences-Po Grenoble, qui a fait une année à Montréal, deux ans pour un DESS de Commerce extérieur et seize mois d'armée dans la coopération à Milan. Il a fait également un stage au P.E.E. de Milan et son étude a été publiée par le Centre français du Commerce extérieur. Sa compagne à fait Hypokhâgne, Khâgne, une licence et une maîtrise d'information et de communication et le même stage au P.E.E. à Milan. Tous les deux sont au chômage.
Je vous pose la question : Que fait-on du savoir de nos jeunes ? Ils ont étudié pendant des années, on a l'impression - c'est l'impression que cela donne à nous, parents - qu'on ne considère pas toutes ces années passées. Sept ans pour un, six ans pour l'autre. Il ne peut même pas toucher le RMI, sa compagne a trouvé du travail, mais elle se trouve maintenant au chômage à la fin du mois. Que vont devenir mes deux jeunes ? Ils sont à Paris.
M. HEES.- Réponse d'Alain Juppé.
M. JUPPE.- Madame, je comprends votre désarroi et celui de vos enfants, bien entendu, et c'est sans doute la question la plus difficile à laquelle un chef de Gouvernement ait à répondre, parce que, si je vous réponds par des chiffres globaux, si je vous dis, par exemple, qu'en 1996, le chômage des jeunes s'est stabilisé finalement et qu'il a même baissé au mois de décembre, je suis sûr que je taperais à côté de la plaque, et que ce n'est pas ces propos généraux qui sont de nature à répondre à votre angoisse.
Alors, il faut que nous continuions à donner des raisons d'espérer, comment ? D'abord, en stimulant l'activité de nos entreprises. Parce que, vous le voyez bien, ce sont les entreprises qui peuvent créer de l'emploi et s'il n'y a pas de croissance, il n'y aura pas de création d'emplois. De ce côté-là, les choses sont reparties dans la bonne direction. Je pense que nous aurons en 1997 de meilleures possibilités.
En second lieu, il nous faut rendre les entreprises plus accueillantes à nos jeunes, et, là, il y a beaucoup de progrès à faire. Bien sûr, vos enfants ont fait des stages, vous me l'avez dit, mais tous n'ont pas eu cette possibilité. L'un des objectifs de la rencontre sur l'emploi des jeunes, que nous allons tenir la semaine prochaine, sera précisément de permettre aux jeunes d'entrer plus facilement, avant d'avoir leur diplôme, dans l'entreprise pour se familiariser à ce qui se passe dans l'entreprise.
Enfin, il faut essayer aussi de favoriser les initiatives locales. Tout ne dépend pas du Gouvernement, du Parlement, du niveau national, il y a beaucoup de choses qui se passent sur le terrain, dans les mairies, dans les départements, dans les régions et, à l'occasion de cette grande conférence sur l'emploi des jeunes, nous allons mettre au pot, si je puis dire, un milliard de francs pour que les préfets puissent soutenir les initiatives locales, les initiatives des maires. J'en prendrai un seul exemple : le contrat d'accès à l'emploi, qui a été créé il y a peu de temps dans la ville de Tours, est sans doute quelque chose qui peut répondre aux difficultés et aux angoisses des jeunes que vous évoquez.
Vous voyez qu'il n'y a pas une réponse simple. Je ne peux pas dire : Voilà, très précisément, la mesure qui va permettre de régler le cas douloureux de vos enfants, c'est un ensemble d'initiatives, une bataille sur tous les fronts. Nous avons commencé à la mener, il faut la poursuivre. Je suis persuadé qu'elle nous permettra d'améliorer les choses.
M. HEES.- Nous prenons une autre question. Il y a beaucoup de questions, j'aimerais que vous raccourcissiez vos questions pour qu'Alain Juppé ait l'occasion de répondre...
M. JUPPE.- ... Et les réponses, si je comprends bien.
M. HEES.- Je n'osais pas vous le demander, c'est fait.
Jacqueline qui nous appelle d'Aubervilliers.
JACQUELINE.- Bonjour à toute l'équipe et bonjour à Monsieur le Premier ministre.
M. JUPPE.- Bonjour, Madame.
JACQUELINE.- Je me permets de vous appeler parce que je suis, moi et beaucoup d'autres gens, complètement au bout de la ligne, à l'opposé de cette dame. Que préconisez-vous pour des gens qui ont 45-50 ans, jusqu'à plus de 50 ans, sans emploi. Toutes les portes se ferment parce qu'ils sont trop âgés, mais par contre on oublie complètement leur passé, le travail, l'expérience.
Que l'on fasse beaucoup pour les plus jeunes, c'est absolument normal puisque c'est la France de demain, mais les gens qui ont, comme nous tous, une expérience importante, nous ne retrouvons pas de travail. Les employeurs ont des attitudes extrêmement acides vis-à-vis des gens de plus de 50 ans. Nous sommes trop jeunes pour prendre une pré-retraite, ce qui n'est pas pensable, et nous sommes sans activité.
M. JUPPE.- Là encore, cette question mériterait une longue réponse. Trois choses simplement :
Nous avons d'abord fait le contrat initiative emploi, conformément à un engagement qui avait été pris par le Président de la République. Depuis 1995, il y en a eu 420.000, et le chômage de longue durée, depuis avril 1995 - il frappe souvent des personnes de votre âge, Madame - a baissé de 45.000, un petit plus. Donc, cela a été un premier élément de réponse.
Deuxième élément de réponse : l'aménagement et la réduction du temps de travail, notamment le recours au temps partiel. La France a dans ce domaine un très gros retard et je suis persuadé que si nous nous mettions au niveau des pays du nord de l'Europe, ce serait pour des personnes de 45 ou 50 ans une possibilité de resrouver un emploi en temps partiel.
Enfin, avec les partenaires sociaux, nous avons regardé comment favoriser la cessation anticipée d'activité, c'est-à-dire la possibilité pour les personnes qui ont cotisé pendant 40 années d'accéder, plus tôt que prévu, à la retraite.
Voilà trois directions dans lesquelles nous avons progressé depuis trois ans. Tous les cas ne sont pas réglés, loin de là ! mais c'est la réponse que je peux vous apporter à ce stade.
M. HEES.- Troisième appel de Michèle, Villeurbanne.
MICHELE.- Monsieur le Premier ministre, bonjour.
M. JUPPE.- Bonjour, Madame.
MICHELE.- A quand le statut et le salaire des mères de famille ?
Premièrement, pour résorber une partie du chômage.
Deuxièmement, pour économiser au niveau de la Sécurité sociale. Les petits enfants ont de plus en plus de problèmes respiratoires dûs au froid et à la pollution quand les mamans les sortent le matin.
Troisièmement, aide au travail des enfants scolarisés au niveau de la maison. Lutte contre l'échec scolaire.
Quatrièmement, accompagnement pour les activités sportives ou artistiques pour un meilleur épanouissement des enfants.
Cinquièmement, écoute des adolescents. Moins de problèmes psychologiques, de délinquance. Donc, économie.
Ensuite, visite et aide aux personnes handicapées ou âgées plus ou moins dépendante.
Sixièmement, achat réfléchi de produits frais chez les petits commerçants et sur les marchés :
1 - Pour une meilleure santé
2 - Pour un maintien des emplois existants
3 - Pour une vie de quartier meilleure et moins de délinquance.
M. HEES .- Nous allons arrêter là, Michèle, parce que le temps qui nous est imparti, est limité. Elle vous a trouvé tout un tas de solutions pour tout un tas de problèmes ?
M. JUPPE.- C'est dommage que l'on n'ait pas plus de temps parce que la suggestion que vient de faire Michèle est excellente. D'ailleurs, nous avons commencé à aller dans cette direction en créant l'allocation parentale d'éducation qui a été mise en place, notamment en 1994, et l'on constate que les sommes dépensées par la collectivité pour servir cette allocation augmentent considérablement, de plusieurs milliards. Nous avons commencé. Chacun comprendra que, pour poursuivre, il faut en avoir les moyens.
Deuxièmement, le temps partiel peut être une réponse à ce que dit Madame.
Troisièmement par la réforme fiscale dont on a parlé, la baisse de l'impôt sur le revenu que j'ai évoquée : il faut bien voir que nous avons ciblé cette baisse sur les familles.
Je prendrai par exemple la situation d'un couple qui a trois enfants et qui a un salaire net, si les deux personnes travaillent, de l'ordre de 16.000 F, aujourd'hui il paie 6.200 F d'impôt, aujourd'hui, pardon, hier, en 1996, en 1997, 4.300 F, c'est-à-dire 30 % de moins et, au terme de ma réforme, il n'en paiera plus du tout. Cela aussi, c'est une manière d'aider les familles.
Enfin, dernière remarque, nous avons, à la fin du mois de février, une grande conférence nationale sur la famille que nous préparons depuis plus de six mois avec toutes les associations, et toutes les questions qui viennent d'être évoquées, pourront être discutées de manière approfondie à cette occasion.
M. HEES .- Un autre appel, Christophe, de Nîmes. On vous écoute.
CHRISTOPHE.- Bonjour monsieur le Premier ministre.
M. JUPPE.- Bonjour monsieur.
CHRISTOPHE.- Voilà une question un petit peu différente, peut-être un petit peu impertinente : je voulais savoir comment pouvez-vous être et rester crédible vis-à-vis des gens qui travaillent dur ou qui se font licencier, qui ne profitent d'aucun avantage, alors que, vous-même, vous cumulez vos fonctions, vous cumulez vos salaires, et un avantage lié à la fonction de Premier ministre, vous conservez votre salaire à vie ?
M. JUPPE.- Ah ! non, cela, c'est une erreur totale. Vous voyez comme les choses circulent de manière fausse. Les Premier ministre ne conservent absolument pas leur salaire à vie. C'est une information fausse.
En ce qui concerne le cumul des mandats, c'est vrai que je suis, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, Premier ministre et maire. J'ai beaucoup de ministres qui sont également Présidents de Conseils Généraux ou Régionaux. Cela a été vrai dans le passé pour des gens de toutes les sensibilités politiques. C'est une spécificité française, c'est vrai, c'est comme cela. Cela n'existe nulle part ailleurs.
M. HEES .- Vous êtes pour ou vous êtes contre ?
M. JUPPE.- Je trouve que c'est plutôt un bon système. J'ajoute tout de suite que le cumul des indemnités est plafonné par la loi. Il y a des règles très précises. Je suis plutôt pour parce que, lorsque l'on est enfermé dans un palais national, à Paris, on n'a pas tout à fait les pieds sur terre. Il faut bien le dire ! Et le fait de pouvoir aller toutes les semaines - d'abord, on vient à la radio, donc cela permet d'avoir des questions, souvent impertinentes, cela remet les pieds sur terre - dans sa ville, au moins 2 jours, cela permet de voir les problèmes, j'allais dire au ras des pâquerettes, ce n'est pas méprisant, d'une façon beaucoup plus concrète.
Cela dit, les formations politiques de la Majorité, le R.P.R. et l'U.D.F. ont récemment proposé d'interdire à l'avenir le cumul de plusieurs fonctions exécutives. Eh bien, pour ma part, je suis prêt à soutenir ce texte s'il était posé au Parlement.
M. HEES .- Alain Juppé, je vous remercie. On vous retrouve dans cinq minutes.
Nous reprenons Radio Com avec Alain Juppé jusqu'à 8 h 50, vous savez qu'il a un train à prendre, on ne peut pas abuser de son temps.
Tout de même un petit commentaire sur ce qui vient de dire Nicolas Poincaré, enfin ce qu'il a lu dans Le Parisien : vous êtes "décadenassé" de l'intérieur ?
M. JUPPE.- Ecoutez, je n'ai jamais observé avoir un cadenas à l'intérieur de l'estomac....
M. HEES .- Les Français l'ont un peu cru tout de même ?
M. JUPPE.- Oui, peut-être ! mais ils ont peut-être raison, je ne sais pas ! C'était une impression que je donnais. Quant à l'aspect diététique, je suis tout à fait prêt à faire un bon repas avec le chroniqueur qui ne parle que de purge. Quand on baisse les impôts, comme on vient de le faire, ou quand on arrive à obtenir une baisse des taux d'intérêt historique qui est bonne pour tous ceux qui veulent acheter un logement ou pour les entreprises qui veulent investir, je n'appelle pas cela une purge, j'appelle cela plutôt des vitamines.
M. HEES .- On reprend "Radio Com, c'est vous". Nous avons Annie en ligne, un appel de Grenoble.
ANNIE.- Bonjour, monsieur le Premier ministre.
M. JUPPE.- Bonjour madame.
ANNIE.- Ainsi qu'à l'équipe de France Inter. Je voudrais dire que ma question est indépendante de tout parti politique. On a vu ce qui s'est passé à Vitrolles : une personne déclarée inéligible a fait une campagne officielle, enfin un prête-nom. Ne trouvez-vous pas que la Justice n'est pas respectée et que les lois démocratiques sont bafouées ?
M. JUPPE.- En la lettre, madame, la Justice est respectée puisqu'une épouse ne peut pas être tenue pour responsable de ce qui a été reproché à son mari. Cela dit, sur le plan de la campagne qui s'est menée à Vitrolles, je regrette qu'elle ait été aussi rude, pour ne pas dire aussi violente dans les paroles. Il y a là quelque chose qui n'est pas bon pour la Société française. Nous avons besoin aujourd'hui d'un effort de compréhension mutuelle et non pas de la recherche systématique de propos haineux.
M. LE MARC.- Comment convaincre l'électorat du Front National ? Faut-il de nouveaux signes forts en matière d'immigration, en matière de sécurité ?
M. JUPPE.- Oh ! Ce n'est pas en faisant la politique de ceux qui vous combattent et que l'on combat que l'on peut s'en tirer, c'est en restant fidèle à ses valeurs. En matière de sécurité, nous faisons la politique que nous croyons bonne. Vous connaissez les chiffres ? Depuis deux ans, nous avons marqué des points : la délinquance et la criminalité ont reculé.
En ce qui concerne l'immigration, j'ai également défini les principes sur lesquels repose notre politique. La France ne doit pas se "cadenasser", pour reprendre une expression qui a servi tout à l'heure, mais elle n'est pas disposée à accepter l'immigration illégale. Donc, nous restons une terre d'asile chaque fois que les règles sont respectées, mais lorsqu'il y a violation des lois, il faut réagir et réagir avec fermeté, et c'est la raison pour laquelle nous avons modifié certains textes qui ne permettaient pas de le faire.
Enfin, troisième pilier de cette politique : il faut être bien conscient que c'est en aidant les populations qui quittent leur pays pour venir en France, que nous trouverons une vraie solution.
Prenez l'exemple de ce qui se passe par exemple avec le Mali. Il y a une région du Mali où il y a des centaines de gens qui viennent vers la France. Nous avons décidé d'investir sur le plan économique, en faisant des puits, en aidant les petits entreprises sur le plan du logement, pour retenir cette population chez elle, ce qu'elle souhaite, afin qu'elle ne soit pas, d'une certaine manière, condamnée à venir chez nous.
Cela, c'est une politique cohérente : rigueur contre l'immigration illégale, fidélité à nos principes d'asile, aide aux pays d'où vient l'émigration ou l'immigration vers la France. Le reste est souvent démagogie, il faut bien le dire.
M. HEES .- Une autre question, elle nous vient de Matia. Le Premier ministre vous écoute.
MATIA.- Bonjour, monsieur le Premier ministre. Bonjour, monsieur Hees.
M. JUPPE.- Bonjour.
MATIA.- Merci d'avoir pris mon appel. Je suis corse. Je travaille dans l'île. J'ai pris bonne note, comme la plupart des auditeurs, de votre volonté de régler le problème corse. Mais comment pouvons-nous, nous, corses, continuer à croire ce que l'on nous dit, quand depuis 20 ans on continue à tout casser : on reconstruit, et ça recommence.
L'île est totalement exsangue aujourd'hui. Il y a des chefs d'entreprise qui ont des idées et qui veulent avancer, qui veulent que tout se règle. Mais nous sommes totalement otages d'un folklore qui est malveillant.
Ma question est : concrètement, quel délai vous donnez-vous pour régler ce problème corse et ramener l'île à la prospérité économique qui ne peut qu'intéresser l'Etat parce que, si l'île se développe, il y aura moins de chômage, qui est quand même l'un des problèmes n° 1 avec le terrorisme et, donc, l'Etat pourra percevoir des impôts ?
M. JUPPE.- Je partage tout à fait votre analyse, madame, et je sais qu'il y a en Corse des hommes et des femmes, des entreprises aussi, j'en ai visité lorsque je m'y suis rendu au mois de juillet, l'année dernière, qui sont prêtes à se développer et à travailler, qui ont beaucoup d'idées, qui exportent notamment. Donc, il faut permettre le développement économique de l'île, un développement équilibré et respectueux de l'environnement. Et c'est la raison pour laquelle nous avons prévu cette zone franche qui est un peu la contrepartie de l'insularité de la Corse, et qui est destinée à aider.
De la même manière, il faut que nous soyons plus attentifs, je l'ai dit, à l'affirmation de l'identité de nos concitoyens de Corse, comme dans telle ou telle autre région française, on veut affirmer son identité. Je pense au plan culturel et au plan linguistique. Mais tout ceci ne peut se faire que si la légalité est respectée.
Je comprends votre impatience. Je crois qu'il nous faudra encore un peu de temps. Mais je vais vous donner des chiffres qui vont sans doute vous surprendre et qui vont peut-être choquer nos auditeurs parce qu'on parle de 56 attentats cette nuit, de cette nouvelle nuit bleue.
Je vous les donne quand même :
en 1996, les homicides en Corse ont baissé de 40 % ;
les vols à la roulotte de 16 % ;
les vols de véhicule de 24 %
M. HEES .- Cela partait de très haut.
M. JUPPE.- Les incendies volontaires de 26 %
Oui, mais ce qui compte, c'est la tendance. Si l'on continue cela pendant encore 2 ou 3 ans, vous voyez la différence !
Donc, on met le projecteur sur ces manifestations d'une toute petite minorité de Corse mais, globalement, nous avons quand même marqué des points et nous allons continuer. Nous avons aujourd'hui les moyens de détecter, d'arrêter et de faire inculper ceux qui ne respectent pas la loi. Ce n'était pas le cas il y a un an. Quand nous sommes arrivés, il y a un an, il n'y avait pas de procédure d'information et de documentation. On n'arrête pas les gens comme cela parce que l'on vous a dit que..... On ne peut les arrêter que lorsqu'on a des preuves. Il fallait rassembler ces preuves. Et les choses ont changé dans ce domaine : nous nous sommes donné les moyens, petit à petit, de partir à la reconquête de l'Etat de droit....
M. LE MARC.- Monsieur Pasqua n'a pas été assez vigilant ?
M. JUPPE.- Cela fait 15 ans que cela dure. Et tout le monde est bien d'accord, on l'a bien senti en Corse, pour constater qu'il y a eu un changement avec l'appui de l'immense majorité des Corses, et nous allons continuer.
M. HEES .- Un autre appel : Roger qui nous appelle de Haute-Savoie. On vous écoute, monsieur.
ROGER.- Monsieur le Premier ministre, je vous appelle de Megève en Haute-Savoie.
M. JUPPE.- Bonjour, monsieur.
ROGER.- Les paysans de la Haute-Savoie vous donnent le bonjour.
M. JUPPE.- Eh bien, je leur dis bonjour aussi.
ROGER.- Merci. Mais les paysans de la Haute-Savoie voudraient savoir si vous avez pris une décision sur le changement d'heure, entre l'heure d'été et l'heure d'hiver, parce que les paysans ont des vaches, elles ne sont pas folles du tout, et elles voudraient dormir tranquille. Avez-vous pris une décision sur le changement d'heure ? Merci, monsieur le Premier ministre.
M. HEES .- Qu'en dites-vous, monsieur le Premier ministre.
M. JUPPE.- Cher monsieur, vous connaissez mon point de vue là-dessus, je pense qu'il faudrait revenir à une heure unique. Ce serait bon pour les paysans. Ce serait bon peut-être aussi pour les enfants. Simplement il faut que nous en décidions avec nos partenaires européens parce que vous comprenez bien que la France ne peut pas complètement se singulariser. J'ai engagé les démarches en ce sens, et j'espère que nous parviendrons à trouver une solution commune.
Simplement une petite remarque là-dessus pour montrer combien les choses sont parfois difficiles en France. Quand j'ai dit : Il vaudrait mieux avoir une seule heure plutôt que deux, tout le monde a applaudi des deux mains. Mais il faut bien en choisir une, alors laquelle ? Et c'est là que plus personne n'est d'accord.
Ce monsieur est favorable à l'heure d'hiver, si je ne me trompe, mais il y a beaucoup de jeunes qui sont favorables à l'heure d'été. Quand on va arriver à la décision, on risque, là aussi, d'avoir quelques conflits d'intérêts.
M. HEES .- C'est dur d'être Premier ministre, de temps en temps.
Un autre appel, Louise qui vous appelle de Paris.
LOUISE.- Bonjour France Inter. Bonjour, monsieur le Premier ministre.
M. JUPPE.- Bonjour, madame.
LOUISE.- Ma question concerne le calcul des impôts sur le revenu : des célibataires ayant élevé un enfant vont se voir privés d'une demi-part de quotient familial ; ils passeront d'une part et demie à une seule part, ce qui va considérablement augmenter leur impôt. Cette mesure touche essentiellement des femmes. Cela ne vous gêne-t-il pas, monsieur le Premier ministre, vous qui parlez tellement de la diminution des impôts ? C'est vrai que les échéances des premiers mois de l'année vont être moins importantes mais, attention, aux ajustements de fin d'année !
M. JUPPE.- Globalement, sur l'ensemble de l'année, la baisse sera confirmée. Vous me parlez des célibataires, je ne vais pas vous accabler de chiffres, mais je vois par exemple qu'un célibataire qui a un salaire net de 5.800 F par mois, verra son impôt baisser d'un peu plus de 10 % en 1997, et au terme de la réforme que nous avons engagée, qui porte sur 5 ans, la baisse sera de 67 %
Vous évoquez la suppression de la demi-part pour les célibataires ayant élevé un enfant, il y a là sans doute une difficulté que nous serons amenés à revoir dans une loi de Finances ultérieure si elle devait aboutir à des hausses d'impôt, comme vous l'indiquez. Mais, globalement, pour les célibataires aussi, la baisse des impôts sera significative.
M. HEES .- Une autre question : Alix d'Ivry. Le Premier ministre vous écoute.
ALIX.- Bonjour à toute l'équipe de France-Inter et merci beaucoup à monsieur le Premier ministre de répondre à nos questions.
M. JUPPE.- Bonjour, monsieur.
ALIX.- Ma question est la suivante : les faits suivants que je cite : Crédit Lyonnais : perte 2 milliards de francs. C'est le contribuable qui paie. On nous annonce une baisse d'impôt, elle est évidente mais elle est insignifiante compte tenu qu'elle est étalée sur plusieurs années. Et en même temps on assiste à une augmentation de la T.V.A., de la taxe sur les carburants, de la C.S.G., en d'autres termes c'est le contribuable qui paie.
Par ailleurs, on nous parle de performances économiques. Ces performances existent mais des millions de Français souffrent. Alors on a perdu confiance dans les hommes politiques. Il existe même une défiance.
Ma question est la suivante : Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour enrayer cette tendance ?
M. HEES .- Une vaste question !
M. JUPPE.- Une vaste question comme dit Jean-Luc Hees. Ce que je compte faire, c'est faire ce que je crois tout simplement. Si l'on veut convaincre, il faut soi-même avoir quelques convictions et essayer de les expliquer. J'ai essayé de le faire tout récemment, vous le savez. Je n'ai pas le temps, ici, de développer les choses. Je crois qu'après le travail d'assainissement de nos finances publiques, que nous avons réalisé, qui a été - je le sais - douloureux, mais qui a été utile et qui est en train de donner des résultats, nous avons maintenant une grande perspective.
Je disais tout à l'heure : il faut nous qualifier - comme l'on dit au rugby et au football - pour la monnaie européenne. Pourquoi faut-il se qualifier ? Il faut se qualifier parce que c'est notre intérêt, parce que, en étant groupés avec d'autres, nous serons plus forts sur la scène mondiale, et que ceci profitera à chaque Française et à chaque Français, j'en suis convaincu.
Un mot sur le Crédit Lyonnais, vous me dites : c'est le contribuable qui paie. Pourquoi est-ce le contribuable qui paie ? Parce que ce sont les Français qui sont propriétaires du Crédit Lyonnais. Cette entreprise a été nationalisée, ce qui veut dire que c'est l'Etat qui en est propriétaire.....
M. HEES .- On ne leur demande pas leur avis quand il s'agit de le gérer, aussi, monsieur le Premier ministre ?
M. JUPPE.- Non, bien sûr ! C'est bien la raison pour laquelle il faut que la Justice tire les conséquences. Mais je voulais dire par là que le fait de nationaliser des entreprises aboutit à ce résultat, quand ces entreprises font des bêtises. Et donc la privatisation est un moyen de ne pas faire porter par le contribuable les conséquences de décisions désastreuses et qui relèvent des Tribunaux. J'espère que les procédures judiciaires, que nous avons engagées, pourront dégager les responsabilités.
M. HEES .- Une dernière question, elle vient de Saquinas. Ce sera la dernière question puisque, je vous le rappelle, le Premier ministre doit nous quitter dans 3 minutes.
Auditrice.- Merci France Inter de nous donner la parole parce que ce ne sont pas les syndicats qui nous la donnent en principe.
Monsieur Juppé, jusqu'à quand allons-nous être gouvernés par des Enarques qui n'ont strictement rien compris au problème du chômage, qui nous parlent du chômage comme il y a 20 ans, comme si nous n'étions que 500.000, alors que nous sommes plus de 3 millions ? Vous n'osez même pas donner les vrais chiffres, puisque ne sont pas comptabilisées, comme moi, les personnes qui effectuent 78 heures, les C.E.S., vous savez ce sous-prolétariat dont on fait partie, alors que tout le monde sait qu'il y a des besoins partout, dans les hôpitaux, l'enseignement, et qu'en fait on nous prend et l'on nous jette passé un an.
Au nom de quels principes humains instaurez-vous une politique qui nous coupe les vivres, ou au nom d'une idéologie libérale, financière, boursière ? Quel crime avons-nous commis ou ai-je commis, monsieur Juppé, pour être pénalisée à ce point ?
En conclusion, monsieur Juppé, faut-il aller murer l'ENA et le Patronat pour cause d'inutilité sociale ? On en crève, monsieur Juppé !
M. HEES .- Question personnelle, puisque vous êtes Enarque, si je ne m'abuse !
M. JUPPE.- Ecoutez, chère madame, si j'avais comme vous la conviction qu'il suffise de supprimer l'ENA pour régler le problème du chômage, je vous le dis sans ironie et vraiment avec sincérité : je n'hésiterais pas à la supprimer du jour au lendemain. Ce serait trop simple !
Il y a beaucoup d'Enarques dans l'Administration, pourquoi ? Parce que l'ENA est faite pour former les gens qui sont dans l'Administration. C'est un peu comme si l'on s'étonnait de voir autant de Saint-Cyriens dans l'Armée. Refermons la parenthèse de l'ENA, je crois que le problème n'est pas là.
En revanche, je l'ai déjà dit, le problème du chômage est un peu la "croix" de tous les gouvernements et, en particulier, mon obsession personnelle.
Je voulais simplement vous demander : "Pourquoi imaginez-vous, madame, que nous sommes insensibles et que nous essayons de vous pénaliser ?", c'est cela que je n'arrive pas à comprendre ! Je voudrais vous convaincre que j'essaie de faire le contraire. D'abord parce que cela me fait de la peine de savoir qu'il y a des gens au chômage, mais parce que, ensuite, j'ai tout intérêt à réussir. Donc, sortez-vous de l'esprit qu'il y a à Paris des gens qui vous veulent du mal et qui cherchent à vous pénaliser. Nous essayons de vous aider et nous essayons de nous battre sur tous les plans.
Alors qu'avons-nous fait depuis maintenant un an et demi ?
Nous avons d'abord essayé de doper l'apprentissage, parce que c'est une formule pour nos jeunes, et nous avons, en la matière, obtenu des résultats très importants.
Nous avons ensuite essayé de partager le travail, de réduire le temps de travail là où c'était nécessaire pour permettre l'embauche de salariés supplémentaires, et cela commence à marcher.
Nous avons, en troisième lieu, essayé de développer les emplois de proximité, la loi sur la dépendance entre en vigueur au 1er janvier de cette année et nous allons pouvoir créer des emplois pour aider nos anciens.
Enfin, nous avons essayé d'aider nos P.M.E. parce que c'est là que l'on pourra créer des emplois.
Je vois le temps qui s'écoule, monsieur Hees qui me fait signe. Je ne peux pas développer. Mais je voudrais simplement vous dire que nous essayons de nous battre sur tous les fronts.
Un bon résultat en décembre, cela ne suffit pas ! Et je pense que la tendance est maintenant amorcée. Et si nous avions la poursuite de cette évolution au cours des prochains mois, j'espère, madame, que vous pourriez réviser, et je l'espère en tout cas, un peu votre jugement sévère mais compréhensible.
M. HEES .- Je vous remercie, Alain Juppé, de vous être livré au jeu des questions/réponses avec les auditeurs de France Inter pour ce Radio Com exceptionnel. Merci encore.
M. JUPPE.- Merci.
(Source http://www.archives.premier-ministre.gouv.fr, 14 mai 2002)