Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, accordée à "Radio J" le 14 novembre 1999, sur l'avancement du processus de paix au Proche-Orient, l'évolution du régime marocain, les relations franco-algériennes, la situation en Tchétchénie et sur le différend franco-britannique relatif à la sécurité du consommateur de viande bovine, Paris le 14 novembre 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Radio J

Texte intégral

Q - La situation au Proche-Orient et l'évolution du processus de paix ont été au centre de vos préoccupations de ces tout derniers jours puisque vous n'êtes rentré qu'hier soir d'une tournée de trois jours en Syrie, au Liban et en Egypte. Une occasion qui vous a permis de constater sur place que les conditions d'une reprise de négociations entre Israël et la Syrie n'étaient pas encore réunies et un contexte qui va nous conduire à vous interroger, pour commencer, sur la manière dont vous envisagez l'évolution du processus de paix. Qu'est-ce qui peut permettre un redémarrage rapide des pourparlers israélo-syriens ? Quel rôle entend jouer la France dans cette perspective et comment percevez-vous les initiatives de M. Ehud Barak et les revendications du président Assad ? Puis, nous en viendrons ensuite à d'autres sujets de politique internationale, l'évolution du régime marocain, aux relations franco-algériennes, à la situation en Tchétchénie, à la crise du boeuf franco-britannique
Vous avez jeté un peu d'eau froide sur l'optimisme qui régnait au Proche-Orient à l'issue de votre visite à Damas en disant que les conditions n'étaient pas remplies pour la reprise du dialogue. Quelles sont les conditions ou les dispositions qui permettraient de sortir de ce blocage actuel et de relancer, y compris sur le front syro-libanais le processus de paix ?
R - Ce que j'ai dit exactement, c'est que j'avais constaté que les conditions n'étaient pas encore réunies pour que les négociations israélo-syriennes repartent. J'avais d'ailleurs dit, à l'issue de ma visite précédente en Israël et dans les territoires palestiniens qu'il me semblait qu'il serait relativement aisé de reprendre la discussion entre les Israéliens et Palestiniens mais extraordinairement difficile de conclure et qu'en revanche, il serait très difficile de reprendre les négociations entre les Israéliens et les Syriens et sans doute, peut-être plus facile d'aboutir ensuite. Car, lorsque l'on examine les problèmes précis qu'il faudrait résoudre pour que le problème du Golan soit réglé, cela ne me paraît pas insurmontable. Les Israéliens et les Syriens ne sont toujours pas d'accord sur la base à partir de laquelle ils pourraient reprendre les négociations. On sait qu'il y a un différend à propos de ce que M. Rabin aurait promis ou simplement envisagé concernant l'ampleur du retrait des Israéliens du Golan jusqu'à la ligne de 67. Les Syriens disent que les Israéliens doivent confirmer avant même que la négociation ne reprenne cette promesse de M. Rabin et M. Barak dit que ce n'était pas une promesse mais un élément dans un ensemble plus général qui n'a pas été acté parce que l'accord ne s'est pas fait. C'est un des sujets dont on doit parler dans les négociations, il ne peut pas être réglé avant. On voit les deux approches différentes et le travail fait par les uns et les autres, notamment par les Américains consistant à dire qu'il ne fallait pas rester bloquer sur ce point, essayer de dépasser ce désaccord sur la ligne par une négociation qui commencerait déjà sur le contenu.
Q - C'est ce que vous avez dit au président lorsque vous l'avez rencontré à Damas ?
R - Ce que nous disons au président Assad, ce que nous disons aux Israéliens, mais j'ai pu constater que cette question n'était pas surmontée. Mais, je n'en ai pas déduit que c'était insurmontable. Nous continuons à penser globalement que l'arrivée au pouvoir de M. Barak à créer une situation nouvelle au Proche-Orient et on voit bien que nous sommes dans une phase d'espérance, même si les espérances ne sont pas encore satisfaites. C'est le contexte général.
Q - Il y a plusieurs échos qui arrivent de Damas indiquant le fait que la Syrie n'est pas pressée, que l'importance relative du Golan à long terme n'est pas énorme, excluez-vous complètement dans vos hypothèses la possibilité que le président Assad aurait décidé de ne pas régler cette question, de rester dans une logique de confrontation, au moins à moyen terme.
R - Je pense que ce que vous dites décrit assez bien ce qu'a été sa ligne depuis longtemps. En effet, les Syriens, d'après ce que l'on peut observer, voudraient récupérer le Golan, terre syrienne incontestée, ils préféreraient sans doute être dans une situation de paix plutôt que le contraire, mais ce besoin n'est pas suffisamment impérieux pour les amener à accepter n'importe quel arrangement. On voit donc bien que du côté de la Syrie, il y a une hésitation, une comparaison des avantages et des inconvénients entre la situation actuelle et un accord éventuel. Cela décrit bien la position des Syriens depuis longtemps mais ce qui s'est passé, c'est que depuis quelques semaines, l'idée s'était répandue, dans les pays qui s'intéressent à la paix au Proche-Orient, que le président Assad avait sans doute changé de position et qu'il était sans doute, maintenant plus intéressé par un règlement à plus court terme. C'est peut-être vrai, ce que j'ai constaté à Damas lorsqu'il m'a reçu et durant les heures que j'ai passé avec le ministre M. El-Charaa, c'est que cela ne les amenait pas à renoncer à ce préalable.
Q - La nouvelle position israélienne n'ai pas non plus eu finalement d'effet sur la façon dont la nouvelle position syrienne se met en place.
R - Disons pas encore mais il n'empêche que lorsque M. Barak est arrivé au pouvoir, les dirigeants syriens ont fait des déclarations exceptionnellement positives, ouvertes.
Q - Avez-vous le sentiment, puisque vous avez vu tous les acteurs que M. Barak est pressé lui-même, ou ne l'est-il pas non plus ?
R - Il me semble que M. Barak veut vraiment une solution.
Q - Vite ?
R - Aussi vite que possible, mais il veut une solution à sa façon et lorsqu'on l'écoute, lorsque je vais sur place, ce qu'il a dit au président Chirac récemment ou au Premier ministre M. Jospin montre qu'il veut une solution. Ce qui fait une grande différence entre un ministre israélien qui ne veut pas de solution et un autre qui en cherche.
Q - Sa solution ou une solution ?
R - Pour le moment, c'est sa solution et on voit bien que l'idée qu'il se fait de la solution sur la question palestinienne ne coïncide pas encore, et de loin, avec l'idée que les Palestiniens s'en font. L'idée qu'il se fait de la solution avec la Syrie n'est pas la même, en tout cas au point de départ, que l'idée que s'en font les Syriens. Il n'y a pas de doute sur le fait qu'ils recherchent une solution, et on a vu d'ailleurs que les Israéliens, l'opinion publique, le corps électoral a tranché pour lui et il a été amené au pouvoir pour trouver une solution à ce conflit dont il dit lui-même que c'est un conflit de 100 ans. On imagine aussi que cela ne se traite pas en quelques semaines, mais nous n'avons pas de doute sur sa volonté.
Q - Qu'est-ce qui caractérise fondamentalement la différence de méthodes entre M. Barak et son prédécesseur ?
R - Je crois pouvoir dire que d'un point de vue général, son prédécesseur ne donnait pas le sentiment de rechercher vraiment une solution. Il donnait le sentiment de vouloir se délier des engagements pris antérieurement, d'en prendre lui-même le moins possible, lorsqu'il en prenait, il essayait de s'en délier sous différents artifices, il y a un changement considérable. Mais il n'empêche que la solution que recherche, certainement, sincèrement et activement M. Barak ne coïncide pas encore avec la solution que les autres parites seraient prêtes à accepter. On en revient donc à un problème de négociation, de travail politique et diplomatique.
Q - Vous avez entendu les dirigeants libanais indiquer leurs inquiétudes quant à un retrait unilatéral des Israéliens du sud-Liban, partagez-vous ces inquiétudes ? Pensez-vous que ce retrait unilatéral sera effectif et s'il y a une possibilité, pourquoi maintenant et pourquoi les dirigeants israéliens ne l'ont-ils pas fait avant ? Pouvez-vous nous indiquer la position de la France ?
R - Le dernier point est le plus simple, avant M. Barak, les dirigeants israéliens ne pensaient pas sérieusement à ce retrait, sauf l'ancien ministre de la Défense, qui y avait fait allusion. On sentait que c'était une question qui commençait d'être débattue à l'intérieur d'Israël, soit au sein de l'armée, soit dans les milieux des familles de militaires, dans une partie de l'opinion publique. Mais, avant M. Barak, personne n'en a fait un véritable objectif du gouvernement israélien. Il faut quand même rajouter certaines choses : on ne peut pas parler de l'éventuel retrait de l'armée israélienne du sud-Liban uniquement en terme de préoccupations, en terme de risques. Il serait souhaitable évidemment que l'armée israélienne puisse se retirer du Sud-Liban, mais il est encore plus souhaitable qu'elle puisse le faire dans de bonnes conditions, en créant une situation stable. Lorsque M. Barak envisage pour le 7 juillet un retrait unilatéral du Sud-Liban, il exprime quelque chose de fort, qui correspond à une attente d'une partie importante de l'opinion publique israélienne. A certains moments, il a dit qu'il préférerait que ce soit dans le cadre d'un accord, nous le pensons également. Il serait préférable qu'il y ait un accord israélo-libanais, un accord israélo-syrien, ce sont deux choses distinctes mais liées en fait parce que non seulement il y aurait un retrait mais une stabilité nouvelle, la situation dans la région serait améliorée. Mais on ne peut pas complètement exclure que M. Barak retire ses troupes unilatéralement, même s'il n'a pas obtenu d'accord, car il y a un vrai désir israélien sur ce plan. Voilà où nous en sommes et il y a encore un certain temps avant le 7 juillet et on peut espérer que, d'ici là, les choses se seront débloquées entre Israël et la Syrie et donc entre Israël et le Liban, que lorsque des négociations auront eu lieu et que les choses auront été préparées.
Q - Vous avez dit durant votre voyage que la France était prête à participer à des garanties internationales en cas d'accord, à quelle condition la France est-elle prête à s'engager ? Et notamment, s'il y a un déblocage par une action unilatérale israélienne de retrait du Sud-Liban, la France serait-elle prête à jouer un rôle dans la sécurisation de la région ?
R - La réponse est contenue dans votre question puisque vous rappeliez que cela a été dit par le président Chirac il y a quelques années déjà et c'est en cas d'accord. Pour nous, cela suppose qu'il y ait un accord entre les Israéliens et les Libanais à propos des modalités, du calendrier de ce retrait pour que la France accepte de donner des garanties, si on lui demande. C'est cela que le président Chirac avait évoqué, ces garanties pourraient prendre la forme d'une présence au sol, pacifique, de préservation et de maintien de la paix, dans l'esprit de ce que nous faisons diplomatiquement à l'intérieur du groupe de surveillance des accords au Sud-Liban, mais il faut un accord pour cela, il faut qu'on nous le demande et nous ne serions sans doute pas les seuls à être sollicités sur ce plan.
Q - L'analyse que vous venez de faire concernant les différentes possibilités de M. Barak par rapport à l'armée israélienne au Sud-Liban correspond-elle à votre avis à celle de Damas car on a l'impression que la partie syrienne regarde cela uniquement en terme d'un grand jeu de poker, qui s'approche vers le 7 juillet, et attendant qui bougera le premier. Avez-vous trouvé, chez vos interlocuteurs à Damas, une compréhension semblable à celle que vous venez de décrire devant nous ?
R - Pas tout à fait, à mon sens, les autorités syriennes en effet sous-estiment l'intérêt pour Israël d'un retrait, y compris un retrait unilatéral, s'il n'y avait pas d'autre choix. Les autorités syriennes pensent que ce sont des attitudes tactiques pour provoquer un mouvement concernant les négociations, mais je crois que ce n'est pas entièrement vrai d'après ce que je comprends de la position israélienne.
Q - Certains diplomates occidentaux pensent que, s'il y a un retrait unilatéral au Sud-Liban, ce serait une victoire pour le Hezbollah, comment voyez-vous cela et que pensez-vous de l'avenir du Hezbollah au Liban sud dans ce cas ?
R - Je ne sais pas qui sont les diplomates dont vous parlez mais ceux qui avancent cette thèse sont en général des gens qui ne croient pas à un retrait unilatéral. Ils cherchent donc à dresser la liste des arguments qui montrent que cela ne peut pas arriver parce que c'est une perspective perturbante. Je ne peux que reprendre mon analyse, je suis convaincu que M. Barak voudrait dégager l'armée israélienne de cette situation, tout en laissant ensuite une situation de sécurité pour la frontière nord d'Israël, il préférerait que cela se fasse dans le cadre d'un accord avec le Liban et la Syrie, mais que, même s'il n'y a pas d'accord, il sera peut-être amené à procéder à ce retrait quand même en estimant qu'il aurait malgré tout, les moyens d'assurer cette sécurité. Quant à l'avenir du Hezbollah, cela nous ramène à l'avenir du Liban et du Sud-Liban, s'il y a un accord, que nous allons vers la paix, et que cet accord est vraiment solide, avec les volets syriens,, toutes les forces de la région reviendront sur le terrain politique progressivement.
Q - Vous parliez de perspectives perturbantes, pour le Liban et pour la Syrie, justement, un retrait d'Israël du Sud-Liban ne serait pas une perspective perturbante, d'où les réactions des Syriens et des Libanais telles que vous les avez entendues à Damas et à Beyrouth ?
R - Oui, tout le monde préférerait que cela se passe dans le cadre d'un accord, les Israéliens aussi, mais ils ne sont pas contraints de n'agir que comme cela. Le travail diplomatique consiste maintenant à transformer cette préférence en une solution constructive avant le mois de juillet.
Q - Il y a un problème qui intéresse le monde entier qui est le statut de Jérusalem. On sent que l'on est encore loin d'une discussion sur ce problème clef et pour vous, dans une optique française, Jérusalem peut-elle être à la fois une capitale de l'Etat hébreu et au moins politiquement aussi, la capitale palestinienne ?
R - Jérusalem fait partie des questions dont les Israéliens et les Palestiniens doivent débattre.
Q - Ils n'en débattent pas encore ?
R - Non, mais ils doivent en débattre et cela fait partie des questions que les Palestiniens vont poser dans le cadre de la négociation sur le statut final qui vient de commencer. C'est une discussion compliquée, plus facile à commencer qu'à conclure parce que, sur chacun des points, les positions sont tellement éloignées que l'on n'aperçoit pas encore l'esquisse de la solution. Jérusalem, la question des réfugiés, la question des colonies de peuplement les frontières et les attributions du futur Etat palestinien, le problème de l'eau qui serait peut-être la question la moins compliquée à résoudre si tout le monde faisait preuve de bonne volonté. La question de la souveraineté doit faire partie à notre avis de cette négociation car à nos yeux, elle n'est pas tranchée. Vous savez que sur le plan de la légalité internationale, à part des Israéliens qui ont pris des décisions mais qui les engagent eux, aucun pays n'a reconnu la légalité de ces décisions. Cette question reste donc ouverte en droit international, elle doit faire l'objet d'une négociation.
Q - Avez-vous une idée de ce que pourrait être le statut définitif de Jérusalem ?
R - Encore une fois, sur le plan de la souveraineté, cela doit relever de la négociation, nous n'intervenons pas comme négociateurs à la place des négociateurs, nous ne pouvons pas nous substituer aux protagonistes du conflit. Nous sommes amis, partenaires, facilitateurs, nous fournirons des garanties si on nous le demande, nous intervenons un peu autrement. Mais la souveraineté n'épuise pas la question de Jérusalem, il y a une tension religieuse importante et d'une façon ou d'une autre, que les points de vue des autres qui sont intéressés par cette question de Jérusalem soient entendus, une question d'accès, une question de liberté de culte, concernant la vieille ville de Jérusalem et les lieux où sont implantés des sanctuaires qui ont de l'importance pour tel fidèle, il faudra à un moment, un élargissement de cette discussion. Nous n'en sommes pas là, il faut que la négociation commence.
Q - Ce sera un statut international ?
R - Je n'emploie pas de mot précis parce que chacun est connoté politiquement et juridiquement, c'est compliqué, cela donne lieu à une interprétation échevelée ensuite. Simplement, je sais que pour arriver à une bonne solution sur Jérusalem, je pense que la discussion israélo-palestinienne ne sera pas suffisante et qu'il faudra la compléter par un dispositif concernant notamment les questions des cultes.
Q - Comprenez-vous cette sensibilité particulière des Juifs à l'égard de Jérusalem ?
R - Bien sûr, je la comprends, c'est une évidence mais à partir de cette sensibilité extrême qui s'explique pour toutes les raisons religieuses, historiques, politiques, identitaires, on ne peut pas considérer que cela suffise à tout régler. C'est un élément fondamental et très important qui doit être pris en compte mais cela ne fournit pas automatiquement une réponse aux autres questions : quelle sera la capitale du futur état palestinien ? Quelles seront les conditions dans lesquelles s'exerceront l'ensemble des cultes chrétiens et musulmans ?
Q - Les Etats-Unis, ce n'est un secret pour personne cherchent une formule pour surmonter l'obstacle de la condition préalable pour relancer les négociations entre la Syrie et Israël, je suis sûre que la France qui connaît bien la région a réfléchi à une formule qui pourrait surmonter cet obstacle. Je crois que vous avez essayé de convaincre le président Assad de quelque chose pour lâcher cette condition préalable. Quelle est la formule française ?
R - Vous savez, nous sommes en train de travailler là-dessus à chaud, vous me permettrez de ne pas donner trop de détails sur ce que nous faisons en ce moment parce que cela pourrait ne pas faciliter les choses.
Q - Mais, vous faites quelque chose ?
R - Nos efforts sont coordonnés, complémentaires et convergents avec ceux des Américains, il n'y a ni rivalité ni compétition, cela n'est souhaité par personne. Il faut trouver une formule qui permette au président Assad et à M. Barak d'évoluer sur certains points, de commencer à travailler à préparer l'avenir sans être bloqués sur le fond par ce dont nous avons parlé tout à l'heure, nous cherchons à surmonter ces obstacles, nous y travaillons en ce moment même
Q - Pour un complément d'information concernant la question de Jérusalem, mais c'est un complément de taille, je me souviens d'une action du président de la République il y a quelques semaines, je crois que c'était juste après avoir reçu le président Arafat à l'Elysée, parlant du moment prévu où l'on ne pourra pas envisager que la communauté internationale ne s'intéressera pas à la question de Jérusalem. J'ai cru ne pas avoir décelé des déclarations de ce type dans la bouche de M. Jospin. D'après votre analyse, la communauté internationale pourrait ou devrait-elle être présente dans des négociations éventuelles autour de la question de Jérusalem ?
R - Les autorités françaises ont la même position sur cette question. Il ne faut pas figer à l'excès les déclarations des uns et des autres. Il y a une négociation israélo-palestinienne qui commence maintenant, qui ne peut pas ne pas porter sur ce sujet de Jérusalem, à un moment donné. Lorsqu'elle aura avancée, il faudra tenir compte de ce qu'auront à dire un certain nombre d'acteurs de la communauté internationale, un certain nombre d'autres Etats ou d'autres organisations pour aboutir à une solution qui soit vraiment consensuelle, qui ne règle pas que la question de la souveraineté. Il se trouve que Jérusalem est une ville exceptionnelle, qui a une signification unique et exceptionnelle pour les Juifs mais qui a une très grande signification également pour les Chrétiens et pour les Musulmans. Il faudra intégrer ces éléments-là.
Q - Verriez-vous le Vatican par exemple comme partie prenante ?
R - Pas forcément partie prenante, il ne faut pas donner un sens juridique, technique à chaque mot, je ne suis pas en train de dire qu'il faut que dans la salle de négociation il y ait tel ou tel participant. Je dis simplement que, pour que la solution soit pleinement satisfaisante et soit reconnue comme telle, qu'elle soit consensuelle pour les Israéliens et les Palestiniens et pour l'ensemble des autres intéressés, il faudra que le point de vue ait été entendu, que l'on en ait tenu compte pour que tout le monde soit satisfait. Il n'y a rien de caché dans ce que je dis. L'arrangement sur Jérusalem doit être convainquant pour tout le monde et doit ensuite pouvoir être appliqué dans de bonnes conditions pour tout le monde, y compris pour tous les fidèles de tous les cultes pour qui Jérusalem représente quelque chose de particulier puisque c'est une ville exceptionnelle. C'est une remarque que je crois tout simplement de bon sens.
Q - Une visite Lionel Jospin en Israël est évoquée ? En a-t-on une confirmation ? Que peut-on en attendre ?
R - Le Premier ministre a été invité par M. Barak et par ailleurs par le président Arafat. Il ira au début de l'année mais les dates exactes ne sont pas encore fixées. Et ce qu'il fera s'inscrira dans ce travail que mène la France en permanence pour faire avancer la cause de la paix. Le Premier ministre de la France cherchera à faire avancer la paix et à la faciliter.
Q - Vous recevez demain le roi de Jordanie en visite d'Etat, concevez-vous toujours l'idée d'un Etat palestinien qui soit une confédération palestino-jordanienne à l'avenir comment voyez-vous l'avenir de la Jordanie dans ce contexte ?
R - Ce n'est pas nous de le concevoir. A l'heure actuelle, la négociation entre les Israéliens et les Palestiniens traite du type d'Etat palestinien auquel on va aboutir. Dans la discussion, il y a la question des frontières, des attributions, des compétences. Quand cet Etat palestinien existera, c'est à lui de développer telle ou telle coopération avec tel ou tel Etat. Nous n'avons pas à dire qui doit avoir des relations de coopérations plus étroites encore avec la Jordanie. C'est aux Jordaniens de le dire le moment venu. Mais les Israéliens sont également partie prenante puisque dans la négociation, ils apprécient si l'Etat palestinien est compatible avec leur sécurité, c'est même à cet égard une solution, à condition que cet état ne puisse pas entrer dans des configurations qui leur soient hostiles. Les Palestiniens veulent un Etat avec une souveraineté, toutes ses prérogatives, les Israéliens l'accepteraient mais pas à leur détriment. Une discussion va s'entamer et je pense que la question des relations futures avec la Jordanie entrera en ligne de compte dans la négociation entre eux, on ne peut pas négocier ni conclure à leur place, ce n'est pas nous qui avons la responsabilité historique devant leurs peuples. Nous ne sommes pas directement concernés, je crois simplement qu'il faut que l'Etat palestinien soit viable. Les dirigeants israéliens ont finalement admis ce que la France dit depuis une quinzaine d'années qui est que l'Etat palestinien n'est pas un problème mais une solution y compris par rapport aux droits légitimes et par rapport à la sécurité d'Israël et je crois qu'il faudra aller au bout du raisonnement qui est que l'intérêt d'Israël est que cet Etat palestinien soit viable.
Q - Peut-il être viable sans passer par une confédération jordano-palestinienne ?
R - Oui, il n'y a aucune raison de faire d'une confédération jordano-palestinienne un préalable à quoi que ce soit, les choses sont assez compliquées comme cela.
Q - Pour parler d'un autre jeune roi, Mohamed VI du Maroc qui semble prendre très rapidement des initiatives, la dernière étant le limogeage du ministre de l'Intérieur. Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle du Maroc, à la fois sur le plan intérieur avec ces changements à vitesse accélérés mais aussi de l'enjeu régional avec la question du Sahara et des relations très délicates avec l'Algérie ?
R - Nous constatons que, d'une part, les premiers mois du règne de Mohamed VI sont marqués par des gestes spectaculaires qui montrent une ouverture. Il y a une différence de style, et même de fond sur un certain nombre de sujets. Cela a l'air de provoquer dans l'opinion publique marocaine une réaction très positive, beaucoup d'enthousiasme et en même temps de grandes attentes.
Nous constatons aussi et cela découle des contacts fréquents entre le président de la République et le Roi du Maroc, entre le Premier ministre et le Roi qui l'a reçu il y a quelques jours à Marrakech, les contacts de travail entre les Premiers ministres de part et d'autre, entre les deux gouvernements et l'ensemble de cette analyse amène à montrer aussi que cette entente englobe et le roi et le gouvernement. Ce n'est pas une cohabitation au sens français. C'est une configuration originale, et c'est une alternance que le roi Hassan II avait voulu mais on a le sentiment qu'elle prend tout son sens aujourd'hui avec Mohamed VI et M. Youssoufi, le Premier ministre et qu'ils sont ensemble pour travailler, répondre aux espérances et aux aspirations de la population marocaine qui sont encore plus fortes que jamais car beaucoup de choses paraissent possibles aujourd'hui. C'est très positif, et la relation entre la France et le Maroc dans ce contexte, comme vous l'imaginez, est plus étroite, amicale et confiante que jamais. Mais, la question du Sahara n'est pas réglée. L'ONU a annoncé il y a quelque temps que, compte tenu du nombre de recours déposés, les calendriers envisagés pour le référendum ne pourraient pas être tenus.
Quant aux relations algéro-marocaines, c'est un peu compliqué : elles semblaient être sur le point de redémarrer très positivement entre le président Bouteflika et le roi Hassan II, celui-ci est mort, il y a eu ensuite des incidents aux frontières, difficiles à démêler, la situation s'est de nouveau tendue, tout cela est tout à fait regrettable et nous espérons que les autorités marocaines et algériennes vont très vite surmonter cela car nous avons tous besoin qu'ils résolvent vite ce problème.
Q - Hassan II avait fait un début d'ouverture, il avait identifié le problème majeur que tout le monde connaît au Maroc qui est un problème de jeunesse, avec une situation démographique explosive, concrètement, que peut la France pour aider aujourd'hui le Maroc à éviter cette grosse explosion ?
R - Ce que peut la France, c'est de répondre aux demandes du Maroc. Ce n'est pas à la France de décider à la place des Marocains ce qu'il faut faire, quel type de politique économique il faut mener.
Q - Pour une aide financière au Maroc, concrètement, que pouvons-nous faire ?
R - Avec le Maroc, nous ne sommes pas dans la situation d'un pays qui serait parmi les pays les moins avancés. C'est un pays qui a une économie devenue forte, il est encore très dépendant de l'agriculture, ce qui fait que les années où il y a ces pluies, la croissance de l'économie atteint 5 ou 6 % et lorsqu'il n'y a pas de pluie, l'économie stagne. Dans la mesure où les Marocains le demandent, il faut que la France coopère plus pour les aider à une diversification qui est souhaitable. C'est un grand pays responsable. Il a des choses à demander à la France, d'autres à l'Europe et c'est à travers une coopération moderne que nous pouvons les aider. Mais, encore une fois, il faut partir de leur demande, de leur politique, et donc des choix de politique économique et sociale qui vont être peut-être, soit confirmé, complété, réadapté par le gouvernement marocain dans le nouveau contexte politique dont nous venons de parler.
Q - Faut-il aider davantage un pays qui fait un réel effort démocratique, ce qui est le cas au Maroc, y a-t-il un plus à apporter dans l'aide à ces pays ?
R - Le terme d'aide évoque trop la charité. C'est un grand pays, comme l'Algérie, ce sont des pays qui se développent, ils cherchent des partenaires qui acceptent de travailler avec eux, qui respectent leur choix, qui ne leur dictent pas leur choix mais qui leur apportent un certain nombre d'éléments de technologie, de transfert de savoir-faire, de partenaires financiers et cela ne prend pas uniquement la forme de coopérations publiques avec des aides publiques à l'ancienne. Cela prend aussi la forme d'une réflexion ensemble sur le développement de la France et de ces pays, de la France et du Maghreb, de l'Europe et du Maghreb et cela prend la forme de l'investissement des entreprises qui viennent, pas seulement des françaises. Il y a beaucoup d'entreprises espagnoles ou autres. Il y a une combinaison dans ces pays entre ce qui relève de la coopération selon le sens classique du terme et simplement du développement économique, comme on le voit dans l'économie mondiale. Il faut répondre de façon plus adaptée et plus affinée à leurs demandes qui, elles-mêmes, évoluent.
Q - Après vos rencontres avec le président Bouteflika, après celle de M. Chevènement et de M. Jospin, on avait l'impression qu'il y avait beaucoup d'enthousiasme quant à ce nouveau pouvoir en Algérie. Cet enthousiasme subsiste-t-il ? Sera-t-il suivi par une visite du président algérien en France ou par une visite du président Chirac en Algérie ? Les problèmes franco-algériens, notamment Air France qui ne revient pas alors que le président Algérien le souhaite absolument et qu'un consulat ouvre à Annaba mais pas à Alger, sont encore nombreux
R - Après l'arrivée au pouvoir du président Bouteflika, la France a montré, à travers un certain nombre de gestes, de visites de rencontres que vous avez rappelés qu'elle était consciente de l'importance de l'événement, consciente des attentes qu'avaient exprimés les Algériens et les Algériennes par rapport au président Bouteflika et que la France, dans ce moment historique de redémarrage souhaité pour l'Algérie, la France était là, comme un partenaire qui répondrait à la main tendue. Nous avons exprimé notre disponibilité d'abord en montrant que, sur toutes les questions issues des dernières années, au pire moment de la tragédie, notamment en matière de sécurité, nous avions travaillé ensemble pour surmonter ces questions. Les discussions se poursuivent sur le retour d'Air France, cela finira par aboutir de nouveau, les choses se préparent concernant la réouverture du centre culturel, en matière de demandes de visa, les choses ont déjà beaucoup changé, M. Chevènement et moi avons fait sensiblement évoluer les conditions dans lesquelles elles étaient traitées et augmenter le nombre de visas délivrés et, d'autre part, les consulats vont rouvrir. Nous sommes devenus beaucoup plus exigeants sur la façon humaine dans lesquelles les gens doivent être accueillis, conseillés etc.. Tout cela est à l'oeuvre.
Les visites auront lieu, les calendriers exacts ne sont pas arrêtés parce que le président Bouteflika est dans une phase dans laquelle il est en priorité concentré, sur la préparation du futur gouvernement, l'élaboration de son programme, de ses priorités, mais cela ne change rien aux perspectives qui ont été avancées.
Q - Concernant le conflit qui se déroule en Tchétchénie et qui provoque une catastrophe humanitaire de grande ampleur. Nous avons commencé l'année avec l'affaire du Kosovo et le droit d'ingérence qui semblait progressé et qui a été salué partout, y compris par les dirigeants français, aujourd'hui, on a l'impression que, malgré une petite escalade verbale dans la condamnation de ce qui se passe, le monde occidental est un peu démuni de moyens d'interventions ou de pressions ou même de positionnement sur un conflit comme celui-là. Est-ce que le droit d'ingérence s'arrête lorsqu'il s'agit d'un pays membre permanent du Conseil de sécurité ? Quelle est l'équation compliquée à laquelle vous avez à faire aujourd'hui ?
R - Je crois que " comparaison n'est pas raison ". On ne peut pas dire " Eltsine égale Milosevic ". Cette comparaison n'a pas de sens. Et d'autre part, vous ne rendez pas service à ce que vous appelez droit d'ingérence en parlant du monde occidental, parce que, précisément, ce à quoi nous avons beaucoup tenu dans l'affaire du Kosovo, c'est de montrer que nous étions dans la légalité internationale, dans le cadre de la charte des Nations Unies, nous avons dû agir alors que les résolutions du Conseil de sécurité n'étaient pas tout à fait explicite, pas entièrement, mais il existait deux résolutions, au titre du chapitre 7 qui condamnaient les agissements de la Serbie, et cela remontait à des années. Il y avait déjà eu à l'époque un nombre considérable d'efforts politiques et diplomatiques, et finalement, la solution pour le Kosovo a été bâtie, non pas sur ce que l'on appelle en langage courant, le droit d'ingérence qui est une expression que l'on emploie lorsque précisément, les mécanismes normaux de l'ONU ne marchent pas, mais sur le chapitre 7 de la charte qui précise les conditions dans lesquelles on peut imposer par la force une solution lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen. Et c'est à ce titre que nous avons voté la résolution 1244, à ce titre que M. Kofi Annan a nommé Bernard Kouchner Haut-Représentant et que celui-ci s'emploie tous les jours, avec courage et mérite, à essayer de faire appliquer cette résolution, à donner un contenu à l'autonomie substantielle du Kosovo, à préparer l'administration locale etc.
En Tchétchénie, j'ai eu l'occasion de le dire avec beaucoup de clarté, nous pensons que les Russes se trompent. J'ai dit à l'Assemblée : " les Russes sont en train de se fourvoyer dans le Caucase du nord et en Tchétchénie". Nous ne contestons pas, personne ne conteste d'ailleurs le fait que cela fasse partie de la souveraineté russe et donc l'intégrité territoriale russe n'est pas remise en cause par quelque pays que ce soient, dans le monde occidental ou ailleurs.
Nous ne contestons pas le fait que, la lutte contre le terrorisme soit légitime, nous le savons, nous l'avons éprouvé dans notre chair, il y a eu partout dans le monde des drames en matière de terrorisme et au Caucase du nord, il y a eu beaucoup d'actions, y compris des prises d'otages, des centaines voire des milliers concernant d'habitants du Caucase ou des Russes et aussi beaucoup d'Occidentaux. Ce que nous disons, c'est qu'à partir de ce deux éléments, cette escalade militaire, massive, aveugle, avec ces conséquences tragiques concernant les populations, vous parliez de catastrophe humanitaire, le rapport de l'un à l'autre n'est pas acceptable. Les Russes eux-mêmes parlent d'erreurs tragiques à propos de certaines actions de leur armée. Je ne sais pas si ce sont des décisions politiques ou si c'est un enchaînement militaire, en tout cas, cela ne peut pas conduire à la solution. Le problème de la Tchétchénie ne peut pas être ramené à un problème de terrorisme et ne peut pas être traité par des procédés purement militaires. Il faut donc qu'il soit traité politiquement, il faut que les Russes admettent d'une façon ou d'une autre qu'il y a un problème politique tchétchène. Il faut en urgence qu'ils respectent les conventions de Genève, il faut qu'ils acceptent le libre accès des organisations humanitaires et des organisations internationales spécialisées pour porter le secours aux réfugiés qui sont en Ingouchie, et surtout qu'ils acceptent de reprendre le fil d'une solution politique, cela avait été fait dans le passé en 1996, en s'inspirant d'ailleurs un peu de ce qu'avait fait la France en Nouvelle Calédonie, une perspective de solution, et puis, ni les uns ni les autres n'ont joué le jeu, cela a tourné cours.
Q - N'est-ce pas un test majeur des institutions ou du climat de l'après- guerre froide ? Le Conseil de l'Europe chargé de faire respecter la démocratie en Europe va-t-il rester silencieux face à ce qui se passe en Tchétchénie ?
L'OSCE qui réunit son sommet cette semaine en Turquie ne va-t-elle pas être l'objet d'une crise majeure et finalement d'un constat d'échec de son fonctionnement lorsqu'il y a une crise qui affecte l'un de ses membres importants ?
R - L'OSCE est un peu comme l'ONU. Il faut qu'il y ait un endroit dans lequel tous les pays du monde sont présents, même lorsqu'il y a des désaccords majeurs entre eux, des crises qui les opposent. Si une crise grave remet en cause des organisations et le fait que différents pays puissent être ensemble dans les mêmes lieux pour parler, au moment où cela est le plus nécessaire, nous avons plus d'outil pour travailler. En revanche, nous espérons que cette réunion de l'OSCE à Istanbul qui n'est pas faite pour la Tchétchénie, qui est faite pour adopter une charte de sécurité dans la zone couverte par l'OSCE, pour préciser la situation des différentes forces conventionnelles dans cette zone, nous espérons très vivement qu'à cette occasion, la Russie, les dirigeants russes, M. Poutine et sans doute le président Eltsine comprendront qu'ils ne peuvent pas plus longtemps rester sourds à la façon dont la communauté internationale perçoit le problème et qu'ils doivent à leur façon, comme ils le veulent, mais sans attendre, trouver un moyen pour revenir sur le terrain politique.
Q - S'ils ne le comprennent pas ?
R - Nous poursuivrons ce travail, nous verrons à Istanbul, par des concertations avec des dirigeants présents comment nous traiterons la suite.
Q - Il y a une crise d'une toute autre nature mais qui intéresse directement les consommateurs qui est la crise du boeuf, je vous demanderai un pronostic, sommes-nous à quelques heures d'un blocage majeur ou à quelques heures d'un déblocage sur ce dossier très sensible ?
R - Ni l'un ni l'autre, je ne peux pas faire un pronostic si schématique.
Q - Un espoir ?
R - Un espoir certainement puisque nous continuons à travailler avec la Commission, les autorités britanniques, les experts. Jean Glavany sera à Bruxelles demain, de nombreux experts y seront aussi. Je pense que nous progressons. D'un côté, il y a les Britanniques qui voudraient pouvoir exporter leur boeuf qui est d'une grande qualité lorsque ne pèsent pas sur lui de soupçons de maladie. Mais, nous demandons des garanties supplémentaires pour le consommateur.
Q - (...)
R - Pour débloquer, il faut avoir obtenu ces garanties précisément. Je voudrais rappeler que lorsque nous demandons des contrôles supplémentaires sur les viandes exportées, lorsque nous demandons des tests plus sûrs, concernant les risques de présence de maladies, lorsque nous demandons que le consommateur puisse être informé par un étiquetage approprié de l'origine de la viande, lorsque nous demandons le parcours des troupeaux, la traçabilité, nous demandons que le consommateur soit mieux protégé et comme il peut toujours rester des doutes, qu'en tout cas, il soit mieux informé. C'est une demande logique.
En soi, cela ne peut pas être contesté, même par les Britanniques et d'ailleurs, les consommateurs britanniques ont des exigences de ce type qui se portent sur d'autres produits. Nous allons donc dans le bon sens, mais comment allons-nous négocier point par point ? Je ne peux pas vous le dire. C'est le travail du ministre de l'Agriculture, des experts, je ne peux pas conclure avant que cela n'ait eu lieu.
Q - Quelle conséquence peut avoir cette crise sur les relations entre Tony Blair et Lionel Jospin ?
R - C'est un problème. Ce sont deux Premiers ministres, de deux pays importants d'Europe qui ont des liens politiques particuliers. En plus, ils ont des relations d'amitié, d'estime et de confiance mutuelle, cela devrait nous aider à limiter les conséquences de cette crise que personne n'a souhaitée. Ni Tony Blair ni Lionel Jospin n'ont souhaité cette affaire. Ils doivent trouver la meilleure sortie possible pour tout le monde. Je pense que la qualité de leurs relations personnelles devrait nous aider à une bonne gestion de cette crise et une issue qui soit consensuelle.
Q - N'est-ce pas un handicap pour la France sa présidence européenne de l'année prochaine avec une poursuite éventuelle par la Grande-Bretagne devant les instances juridiques européennes et dans laquelle finalement, la France se met aujourd'hui en défaut par rapport à des décisions ? Il y a eu une décision scientifique européenne qui n'a pas donné raison à la position française. La France ne se met-elle par dans une position jusqu'au-boutiste, y compris par rapport à cette légalité européenne ?
R - Oui, iriez-vous jusqu'à dire que le problème n'existe pas qu'il a été inventé, que les scientifiques français ne sont pas compétents ? Non, on ne peut pas dire cela.
Il y a une situation objective que personne n'a souhaitée. La présidence française de l'Europe commence le 1er juillet prochain et j'espère bien que nous aurons résolu tous ces problèmes. Cette question des scientifiques est délicate, il y avait beaucoup plus de spécialistes du Prion dans le comité français que dans le comité européen. On ne peut pas traiter à la légère cette question de précaution, il faut la traiter avec le sens des proportions et des réalités, mais on ne peut pas dire uniquement pour des raisons de mécanismes ou de décisions européennes, le problème ne se pose plus, puisqu'il continue à se poser. Il doit être réglé au fond.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 1999)