Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur le bilan du travail législatif de la majorité, la politique de l'emploi et la volonté de réforme du gouvernement (proximité, simplicité et participation), Paris le 14 janvier 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réception des députés de la majorité, Paris le 14 janvier 1997

Texte intégral

Bonne année, bonne année à tous.
Et puisque nous sommes entre nous, vous l'avez observé, contrairement à une manifestation plus élargie qui aura lieu demain, je voudrais donner à ces vux le caractère personnel, amical et chaleureux qui convient entre membres de la même majorité. Je voudrais donc souhaiter, au nom d'Isabelle, en mon nom, à chacune et à chacun d'entre vous, pour vous, pour tous ceux que vous aimez, pour vos épouses ou époux, pour vos enfants, une très heureuse année 1997 avec beaucoup de satisfactions, beaucoup de progrès et d'espérances réalisés. Je vous souhaite aussi une bonne année pour chacune de vos circonscriptions - vous y tenez et, heureusement d'ailleurs, nous y tenons tous - et à tous les amis qui vous aident dans votre tâche ayez la gentillesse de dire aussi mes vux les plus personnels et les plus directs.
Pour rester dans cette tonalité un peu personnelle, je pense qu'il serait bon que nous puissions manifester tout particulièrement notre amitié à trois d'entre nous qui, hélas, vivent une journée difficile, puisqu'ils ont pris un an de plus que l'année dernière. C'est leur anniversaire. Il s'agit de J.-F. Mattei, G. Deblock et P. Hellier. Bon anniversaire à tous les trois.
Je voudrais aussi, au delà de ces vux très sincères, croyez le bien, vous dire merci et vous dire plusieurs fois merci. D'abord merci pour la qualité du travail législatif qui a été accompli tout au long de l'année 1996. Ce travail, ça a été d'abord l'adoption des projets de lois que le Gouvernement vous a soumis, que vous avez discutés dans le meilleur esprit en amendant ces textes comme il convient, en les améliorant chaque fois que c'était nécessaire. Je pourrais citer de multiples exemples : celui du pacte de relance pour la ville, ou cette première qu'a constituée la loi de financement de la Sécurité sociale où la discussion parlementaire a été, je crois aussi, un grand moment de travail parlementaire. Je voudrais remercier tout particulièrement les présidents de commission, les présidents de délégation, les rapporteurs, dans ce travail qu'ils ont fait avec les ministres et l'ensemble du Gouvernement.
Qualité du travail législatif aussi par les propositions de loi qui viennent maintenant se nicher - comme on dit - dans les moments de l'ordre du jour réservés à l'initiative parlementaire. Il y a eu des textes importants. J'en cite quelques-uns uns : celui qui a amélioré le système de déduction pour les dons aux associations, celui qui porte sur l'aménagement du temps de travail, sur la protection des acquéreurs de logement ancien ou, en ce moment même, sur l'épargne-retraite puisque ce texte fondamental est une proposition d'origine parlementaire. Travail aussi grâce à toutes les missions d'information que vous avez entreprises et qui ont permis d'aider le Gouvernement, de lui faire mieux donner au pays pour le sortir de cette morosité prétendue ou réelle dans laquelle il se trouvait l'année dernière, c'est la cohérence, c'est la cohésion, c'est l'unité de notre majorité. Nous avons là vraiment une responsabilité devant les Français, une responsabilité devant le pays.
Mon rôle, c'est d'essayer de montrer des directions et de définir des objectifs, je l'ai fait tout au long des semaines passées, je l'ai refait dans cette période de vux. Je les rappelle brièvement : premier objectif bien sûr, la mobilisation pour l'emploi, encore l'emploi, toujours l'emploi. Nous n'avons pas atteint dans ce domaine les objectifs que nous nous étions fixés. Ce n'est pas une raison pour se décourager, au contraire, c'est une raison pour aller davantage de l'avant. Nous préparons pour les premiers jours de février la rencontre avec les organisations syndicales et les forces vives du pays pour essayer de lancer de nouvelles actions et de nouvelles idées. Je tiens aussi beaucoup à une idée que beaucoup d'entre vous partagent - je le sais - et qui consiste à rapprocher la politique de l'emploi du terrain, à la déconcentrer, à la décentraliser, à la faire reposer davantage sur les initiatives et les expériences locales. Beaucoup de choses se font dans ce domaine. Il faut aller plus loin, et ce sera l'une des dominantes de notre action en 1997.
Deuxième grand objectif : tenir nos engagements européens. Nous n'avons pas fait tout ce que nous avons fait depuis des décennies et tout particulièrement depuis deux ou trois ans pour rester au milieu du gué au moment où la rive se dessine de plus en plus proche. Nous allons y arriver. Ca va demander encore un certain nombre d'efforts en 1997 et en 1998. Et ce qui me renforce encore dans ma conviction c'est de voir évoluer l'opinion publique. Dieu sait si on nous a dit que l'euro c'était du volapük - si je puis dire - que ça n'intéressait personne. Eh bien ce n'est pas tout à fait vrai, et on voit petit à petit l'opinion se dire qu'après tout, lorsqu'on fait l'union on est plus fort, que lorsqu'on ne la fait pas, et que disposer d'une monnaie commune, ce sera peut-être un atout dans la compétition internationale. Il faut que nous arrivions à réussir cela et à relever le défi avec toutes nos précautions qui s'imposent. Il faut être vigilant, mais il faut que l'on réussisse.
Troisième objectif : poursuivre l'action réformatrice. Quand on regarde un peu l'image que nous donnons, que donne le Gouvernement, et finalement que donne la majorité - parce que c'est la même chose -, il y a un point qui est positif : c'est que l'on nous crédite du courage pour avoir fait bouger les choses et avoir engagé des réformes qui avaient un peu trop tardé - je ne vais pas en refaire toute la liste, vous la connaissez très bien. Eh bien je crois que ce serait une grave erreur que de se dire que le temps des réformes est derrière nous. Il est devant nous. Il faut continuer sur cette voie là, calmement, sereinement, aussi adroitement que possible, mais il faut aller de l'avant. D'abord parce que les réformes que nous avons lancées ne sont pas achevées - je pense tout particulièrement à celle de la protection sociale, ou à celle de l'éducation nationale, ou à celle de l'État. Et puis il y en a d'autres qu'il faut porter sur les fonts baptismaux, si je puis dire. Le Président de la République nous a tracé la voie s'agissant de la Justice. Mais il y a aussi des réformes dont nous avons déjà parlé et qu'il faut concrétiser. Comment imaginer, par exemple, quelle que soit la difficulté de la tâche, que nous renoncions à réformer la SNCF. Voila une très brande entreprise nationale à laquelle nous sommes attachés. Si nous ne faisons rien, elle va petit à petit perdre sa substance. Il faut que nous la réformions pour la sauver, pour la conforter, et je crois que si on prend la peine de l'expliquer avec un peu de cur et de conviction à ses cheminots, ils le comprendront. Il faut la faire, et nous allons la faire ensemble. De même que nous avons beaucoup de choses à faire, je le disais tout à l'heure, s'agissant des jeunes, en matière d'alternance - François travaille actuellement d'arrache-pied avec J. Barrot -, nous avons de nouveaux systèmes à mettre en uvre.
J'ai souhaité, en m'adressant aux membres du Gouvernement, qu'ils aient, dans ce travail de réforme, trois préoccupations en tête. Je vous les redis parce que je vous propose de les partager avec les ministres. La préoccupation de proximité nous donnons encore trop souvent le sentiment d'être éloignés des préoccupations des Françaises et des Français et d'une coupure entre ceux qui gouvernent et ceux pour qui ils gouvernent. Alors il faut réduire cette distance. C'est tout le travail de décentralisation, de concentration - ce sont des noms un peu techniques et un peu barbares -, et tout simplement de comportement. Je suis très heureux de savoir que certains des mes ministres ont décidé d'amener leur administration centrale dans les départements. Je vais d'ailleurs participer à l'un de ces exercices avec J. P. Raffarin dans l'Aisne où il se propulse avec tous ses directeurs. Il passe plusieurs jours dans un département à rencontrer les chefs d'entreprise, les patrons de PME, pour dégrossir un peu ces directeurs d'administrations centrales et leur montrer ce que c'est que le terrain. Donc proximité.
Deuxième souci la simplicité, dans tous les domaines. Au fur et à mesure que nous légiférons nous augmentons les complexités et les tracasseries, et de plus en plus ça devient insupportable pour nos concitoyens. Donc ayons ceci en tête.
Et enfin, la participation. J'ai été heureux de trouver sous la plume de quelqu'un qui ne se rattache pas tout à fait à la famille gaulliste, un concept qui nous est cher à nous gaullistes, la majorité est pluraliste - je parle de F. Bayrou -, qui est ce concept de " démocratie de participation ". Je crois que ce mot est porteur pour l'avenir et quand je vous parlais, au mois d'octobre dernier, d'une nouvelle démocratie, c'était ça aussi que j'avais un peu en tête. Les gens ont changé, ils veulent participer à l'élaboration de décisions qui les concernent. Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas un moment où il faut décider; ça c'est notre rôle à nous bien sûr. Mais avant de décider, il faut que nous ayons ce souci de les faire participer à l'élaboration de nos décisions. Donc proximité, simplicité, participation. C'est un peu cela qui devrait marquer la façon de poursuivre notre action réformatrice l'an prochain.
Je terminerai en vous demandant encore quelque chose de plus - vous voyez que c'est peut-être beaucoup -, c'est la mobilisation et c'est la cohésion. Je ne vais pas vous parler des échéances. Je crois que les Français n'attendent pas de nous que nous leur parlions aujourd'hui des élections. Ils attendent de nous que nous leur parlions de leurs problèmes, et des solutions à apporter. Mais enfin, nous avons ça, bien sûr, en tête. Il faut s'y préparer et nous ne pouvons nous y préparer que dans la cohésion et dans l'union. F. Léotard disait récemment, je crois, que le Premier ministre est le garant de l'union de la majorité ; je me sens pleinement investi de cette responsabilité. C'est vrai que je suis le garant de la bonne entente entre nous, de l'union de la majorité. Croyez que je ferai tout, sous mes différentes casquettes, pour qu'au fur et à mesure que nous nous rapprocherons de ces fameuses échéances, cette union de la majorité, cette bonne entente entre nous, cet équilibre entre les forces qui composent la majorité, entre les familles politiques qui la constituent soient respectés.
Je souhaite donc, et ce sera le mot de la fin, que nous donnions, tous ensemble, durant ces douze mois qui sont devant nous, l'exemple de la confiance et de l'espérance parce que nous avons à être exemplaires afin que la France et les Français vivent aussi une année 1997 qui soit une année de confiance et d'espérance.