Texte intégral
A un moment où chacun a pu mesurer ce que peuvent être les conséquences, par exemple, de l'exclusion, des inégalités, de l'échec scolaire, du sentiment d'insécurité, nous avons à coup sûr besoin de services publics plus efficaces, qui répondent mieux à ce qu'attendent nos concitoyens.
Ils peuvent et doivent jouer un rôle pivot dans la lutte contre ces phénomènes, donner confiance dans l'avenir et les valeurs de solidarité et de justice et contribuer à une société bâtie sur ces valeurs. On a trop tendance - et c'est un discours qui revient en force - à n'en voir que le coût, à n'en parler qu'en termes de dépenses sans assez s'interroger sur leur rôle et leur apport au développement non seulement social mais aussi économique et en oubliant que leur efficacité en remontre souvent aux entreprises privées.
Dans cette période où se débat la question des moyens des services publics et où le thème de leur réforme revient de façon récurrente, je veux souligner quelques unes des questions immédiates qui nous semblent centrales pour l'avenir des services publics.
La première est celle de l'emploi public. De manière tantôt larvée, tantôt ouvertement provocatrice revient une idée : comme le rappelle le rapport annuel sur la Fonction publique "à l'horizon 2010 les départs à la retraite dans la Fonction publique vont s'accélérer", passant de 50 000 par an à plus de 64 000 ; à partir de là, on trouverait les marges de manoeuvre nécessaires pour réduire les coûts : il suffirait de ne pas remplacer poste par poste. S'il s'agissait simplement de dire que la structure des emplois, y compris en termes de qualifications, doit évoluer et que les départs et les recrutements nouveaux peuvent et doivent y aider, l'on ne pourrait qu'approuver. Mais c'est autre chose qui se cache souvent derrière ce discours : l'idée que c'est une occasion pour réduire l'effectif global des fonctionnaires.
A notre avis, il est illusoire de penser pouvoir faire jouer aux services publics tout leur rôle tout en diminuant globalement les effectifs de la Fonction publique sauf à réduire considérablement leur champ.
A cela, plusieurs raisons. D'abord, lorsqu'on regarde la courbe des emplois de titulaires dans la Fonction Publique d'Etat, on voit sur dix ans une progression tout à fait limitée (de l'indice 100 à 104 environ) dont une partie correspond d'ailleurs à des titularisations de personnels précaires : si les services publics répondent aujourd'hui aux besoins, c'est d'abord par le travail et l'engagement de leurs agents et par un développement de la précarité en leur sein.
Le nombre de précaires est sans nul doute un indicateur de la différence entre la réalité des besoins et l'évolution des emplois créés. Et n'oublions pas que répondent aussi à ces besoins, les emplois de droit privé qui se sont développés massivement : les 62 000 emplois-jeunes des établissements d'enseignement, par exemple ne sont pas payés à rien faire ; ils ont mis en lumière des besoins nouveaux ou mal satisfaits.
La résorption de la précarité est un impératif pour un bon fonctionnement des services et c'est là la seconde raison que je veux évoquer. Des engagements ont été pris, nous demandons clairement que le gouvernement s'engage à ce qu'ils soient tenus et complétés. C'est d'autant plus important par exemple que celui-ci met en place un " contrat jeune " pour les entreprises privées et entend simultanément amorcer une sorte de dispositif des emplois-jeunes dans les services publics : il faut assurer l'avenir des jeunes qui occupent ces emplois et en même temps répondre aux besoins auxquels ils aspirent en créant des emplois et en faisant naître les métiers nécessaires.
L'examen des besoins
Une troisième raison réside dans l'examen plus précis de ce qu'a été l'évolution de l'emploi public secteur par secteur au regard des besoins ; les secteurs qui ont le plus augmenté (justice, intérieur, éducation) sont ceux où, pour faire face aux besoins, il faut d'abord plus d'hommes et de femmes sur le terrain, au contact des usagers : alors que ceux qui sont souvent présentés comme susceptibles de " gains de productivité " sont ceux qui ont déjà soit réduit, soit stabilisé leurs effectifs. Dans ce cadre, où trouvera-t-on les sources d'économie sinon dans les secteurs qui justement ont le plus besoin d'emplois ?
Nous ne voulons pas fuir le débat autour des besoins et des emplois mais c'est en partant d'une analyse fine et précise des besoins que ce débat doit être mené et non à partir d'a priori budgétaires extérieurs.
Si l'on procède autrement, on peut aller à l'encontre des impératifs d'une gestion prévisionnelle intelligente. En effet, la question à laquelle la réalité risque de nous confronter n'est pas de savoir s'il est opportun de profiter des départs pour limiter les effectifs, mais plutôt si l'on pourra recruter à la hauteur des départs dans un contexte de forte concurrence sur le marché du travail. C'est pour nous une question clé pour l'avenir : si l'on n'y répond pas, le risque est que les services publics n'aient pas les personnels qualifiés nécessaires (rappelons par exemple que pour remplacer les départs d'enseignants, il faudra recruter deux tiers des licenciés sortant de nos universités) et n'ont le choix qu'entre ne pas répondre aux besoins ou y répondre à travers une précarité accrue. Le défi nécessite à la fois une gestion prévisionnelle analysant la réalité des effectifs et les besoins, des instruments de recrutements adaptés, mais surtout des pré recrutements, un effort considérable de formation ; une politique d'attractivité des métiers de la FP. L'on pourra toujours débattre des réformes et des "marges de manoeuvre", nos services publics seront dans l'incapacité de répondre et d'évoluer si nous ratons ce défi.
Politique salariale et droits des fonctionnaires
C'est dans cette perspective que je veux aborder la seconde question, celle d'une politique salariale ambitieuse. Celle-ci nous semble une urgence avec un quadruple objectif : d'abord, contribuer à une politique des revenus dans notre pays qui doit être un des axes de la lutte contre les inégalités et la précarité. La relance doit passer par une politique des salaires avec une priorité pour les plus faibles. Ensuite, rendre attractive la Fonction publique. Je n'insiste pas mais chacun comprendra que la question du pouvoir d'achat est majeure dans cette problématique : il s'agit non seulement de maintenir le pouvoir d'achat pour tous, mais aussi de le faire progresser pour rattraper peu à peu le recul qu'il a connu au fil des années. Troisièmement la Fonction publique connaît aujourd'hui des bas salaires indignes des services publics et cette question s'articule étroitement avec celle du SMIC ; il faut une politique volontariste pour en sortir avec des gestes forts. Enfin, il faut traiter la question des qualifications et de leur reconnaissance : c'est à notre avis un des instruments d'une vraie réforme et d'une amélioration de la qualité ; la grille actuelle ne peut rester en l'état, pas plus que les qualifications et leur répartition ; nous souhaitons à la fois des mesures immédiates pour la faire bouger et l'ouverture d'une négociation.
Je reviendrai plus brièvement sur une troisième question : nous pensons en effet important aussi pour l'attractivité de nos métiers et pour l'intérêt des agents comme des services de pouvoir négocier sur tout un ensemble de droits nouveaux que ce soit en termes de mobilité volontaire, de formation, de conditions de travail, de droits au départ. Des dispositifs existent, il faut à la fois les améliorer, faire preuve de plus d'ambition et innover en la matière. Nous avons quelques idées et quelques propositions en ce domaine ; nous souhaitons vivement pouvoir en débattre. Plutôt que la course à des formes de management inspirées du privé qui viseraient à individualiser les carrières pour mieux peser sur le travail des fonctionnaires ; il serait largement préférable de s'appuyer sur leur sens du service public et développer des droits collectifs.
Depuis des années, les fonctionnaires portent à bout de bras la survie du Service public dans des quartiers en perdition, ils refusent de se résigner à la ségrégation sociale, ils traduisent par leur engagement quotidien leur conviction de la nécessité des services publics pour garantir la démocratie et les solidarités, ils portent l'exigence de profondes réformes, avancent propositions et revendications pour les promouvoir. Répondre à leurs aspirations c'est aussi répondre aux besoins du Service public.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 octobre 2002)
Ils peuvent et doivent jouer un rôle pivot dans la lutte contre ces phénomènes, donner confiance dans l'avenir et les valeurs de solidarité et de justice et contribuer à une société bâtie sur ces valeurs. On a trop tendance - et c'est un discours qui revient en force - à n'en voir que le coût, à n'en parler qu'en termes de dépenses sans assez s'interroger sur leur rôle et leur apport au développement non seulement social mais aussi économique et en oubliant que leur efficacité en remontre souvent aux entreprises privées.
Dans cette période où se débat la question des moyens des services publics et où le thème de leur réforme revient de façon récurrente, je veux souligner quelques unes des questions immédiates qui nous semblent centrales pour l'avenir des services publics.
La première est celle de l'emploi public. De manière tantôt larvée, tantôt ouvertement provocatrice revient une idée : comme le rappelle le rapport annuel sur la Fonction publique "à l'horizon 2010 les départs à la retraite dans la Fonction publique vont s'accélérer", passant de 50 000 par an à plus de 64 000 ; à partir de là, on trouverait les marges de manoeuvre nécessaires pour réduire les coûts : il suffirait de ne pas remplacer poste par poste. S'il s'agissait simplement de dire que la structure des emplois, y compris en termes de qualifications, doit évoluer et que les départs et les recrutements nouveaux peuvent et doivent y aider, l'on ne pourrait qu'approuver. Mais c'est autre chose qui se cache souvent derrière ce discours : l'idée que c'est une occasion pour réduire l'effectif global des fonctionnaires.
A notre avis, il est illusoire de penser pouvoir faire jouer aux services publics tout leur rôle tout en diminuant globalement les effectifs de la Fonction publique sauf à réduire considérablement leur champ.
A cela, plusieurs raisons. D'abord, lorsqu'on regarde la courbe des emplois de titulaires dans la Fonction Publique d'Etat, on voit sur dix ans une progression tout à fait limitée (de l'indice 100 à 104 environ) dont une partie correspond d'ailleurs à des titularisations de personnels précaires : si les services publics répondent aujourd'hui aux besoins, c'est d'abord par le travail et l'engagement de leurs agents et par un développement de la précarité en leur sein.
Le nombre de précaires est sans nul doute un indicateur de la différence entre la réalité des besoins et l'évolution des emplois créés. Et n'oublions pas que répondent aussi à ces besoins, les emplois de droit privé qui se sont développés massivement : les 62 000 emplois-jeunes des établissements d'enseignement, par exemple ne sont pas payés à rien faire ; ils ont mis en lumière des besoins nouveaux ou mal satisfaits.
La résorption de la précarité est un impératif pour un bon fonctionnement des services et c'est là la seconde raison que je veux évoquer. Des engagements ont été pris, nous demandons clairement que le gouvernement s'engage à ce qu'ils soient tenus et complétés. C'est d'autant plus important par exemple que celui-ci met en place un " contrat jeune " pour les entreprises privées et entend simultanément amorcer une sorte de dispositif des emplois-jeunes dans les services publics : il faut assurer l'avenir des jeunes qui occupent ces emplois et en même temps répondre aux besoins auxquels ils aspirent en créant des emplois et en faisant naître les métiers nécessaires.
L'examen des besoins
Une troisième raison réside dans l'examen plus précis de ce qu'a été l'évolution de l'emploi public secteur par secteur au regard des besoins ; les secteurs qui ont le plus augmenté (justice, intérieur, éducation) sont ceux où, pour faire face aux besoins, il faut d'abord plus d'hommes et de femmes sur le terrain, au contact des usagers : alors que ceux qui sont souvent présentés comme susceptibles de " gains de productivité " sont ceux qui ont déjà soit réduit, soit stabilisé leurs effectifs. Dans ce cadre, où trouvera-t-on les sources d'économie sinon dans les secteurs qui justement ont le plus besoin d'emplois ?
Nous ne voulons pas fuir le débat autour des besoins et des emplois mais c'est en partant d'une analyse fine et précise des besoins que ce débat doit être mené et non à partir d'a priori budgétaires extérieurs.
Si l'on procède autrement, on peut aller à l'encontre des impératifs d'une gestion prévisionnelle intelligente. En effet, la question à laquelle la réalité risque de nous confronter n'est pas de savoir s'il est opportun de profiter des départs pour limiter les effectifs, mais plutôt si l'on pourra recruter à la hauteur des départs dans un contexte de forte concurrence sur le marché du travail. C'est pour nous une question clé pour l'avenir : si l'on n'y répond pas, le risque est que les services publics n'aient pas les personnels qualifiés nécessaires (rappelons par exemple que pour remplacer les départs d'enseignants, il faudra recruter deux tiers des licenciés sortant de nos universités) et n'ont le choix qu'entre ne pas répondre aux besoins ou y répondre à travers une précarité accrue. Le défi nécessite à la fois une gestion prévisionnelle analysant la réalité des effectifs et les besoins, des instruments de recrutements adaptés, mais surtout des pré recrutements, un effort considérable de formation ; une politique d'attractivité des métiers de la FP. L'on pourra toujours débattre des réformes et des "marges de manoeuvre", nos services publics seront dans l'incapacité de répondre et d'évoluer si nous ratons ce défi.
Politique salariale et droits des fonctionnaires
C'est dans cette perspective que je veux aborder la seconde question, celle d'une politique salariale ambitieuse. Celle-ci nous semble une urgence avec un quadruple objectif : d'abord, contribuer à une politique des revenus dans notre pays qui doit être un des axes de la lutte contre les inégalités et la précarité. La relance doit passer par une politique des salaires avec une priorité pour les plus faibles. Ensuite, rendre attractive la Fonction publique. Je n'insiste pas mais chacun comprendra que la question du pouvoir d'achat est majeure dans cette problématique : il s'agit non seulement de maintenir le pouvoir d'achat pour tous, mais aussi de le faire progresser pour rattraper peu à peu le recul qu'il a connu au fil des années. Troisièmement la Fonction publique connaît aujourd'hui des bas salaires indignes des services publics et cette question s'articule étroitement avec celle du SMIC ; il faut une politique volontariste pour en sortir avec des gestes forts. Enfin, il faut traiter la question des qualifications et de leur reconnaissance : c'est à notre avis un des instruments d'une vraie réforme et d'une amélioration de la qualité ; la grille actuelle ne peut rester en l'état, pas plus que les qualifications et leur répartition ; nous souhaitons à la fois des mesures immédiates pour la faire bouger et l'ouverture d'une négociation.
Je reviendrai plus brièvement sur une troisième question : nous pensons en effet important aussi pour l'attractivité de nos métiers et pour l'intérêt des agents comme des services de pouvoir négocier sur tout un ensemble de droits nouveaux que ce soit en termes de mobilité volontaire, de formation, de conditions de travail, de droits au départ. Des dispositifs existent, il faut à la fois les améliorer, faire preuve de plus d'ambition et innover en la matière. Nous avons quelques idées et quelques propositions en ce domaine ; nous souhaitons vivement pouvoir en débattre. Plutôt que la course à des formes de management inspirées du privé qui viseraient à individualiser les carrières pour mieux peser sur le travail des fonctionnaires ; il serait largement préférable de s'appuyer sur leur sens du service public et développer des droits collectifs.
Depuis des années, les fonctionnaires portent à bout de bras la survie du Service public dans des quartiers en perdition, ils refusent de se résigner à la ségrégation sociale, ils traduisent par leur engagement quotidien leur conviction de la nécessité des services publics pour garantir la démocratie et les solidarités, ils portent l'exigence de profondes réformes, avancent propositions et revendications pour les promouvoir. Répondre à leurs aspirations c'est aussi répondre aux besoins du Service public.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 octobre 2002)