Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, portant sur le projet de loi relatif à l'organisation de la réserve militaire et du service de défense, Paris le 30 juin 1999.

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Circonstance : Présentation du projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, à l'Assemblée nationale le 30 juin 1999

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,
J'ai l'honneur de vous soumettre, au nom du gouvernement, le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002, de la loi d'accompagnement de la professionnalisation, et de la loi portant réforme du service national. Il constitue le dernier volet du programme législatif global de réforme de notre défense nationale.
Il vise à renforcer la capacité des pouvoirs publics à utiliser de manière souple l'ensemble de nos moyens militaires.
Il traduit concrètement notre volonté de renforcer le lien qui unit la nation à son armée. Vous connaissez l'attachement du gouvernement à un dialogue constant entre le monde de la Défense et la société civile, dans le respect de nos principes républicains.
Ce texte vise enfin à pérenniser la possibilité, pour l'Etat, d'assurer en toutes circonstances le fonctionnement régulier des services dont dépend la vie de la nation.
Il est le fruit d'une concertation large et méthodique, qui a été considérée comme exemplaire par les associations de réservistes. Il s'appuie sur une volonté d'équilibre que le gouvernement s'est attaché à réaliser dès les premières phases d'élaboration du texte. Les aménagements votés au Sénat à l'occasion de son passage en première lecture en ont, en outre, largement enrichi le contenu.
Je souhaite également saluer la qualité du travail de votre rapporteur Michel DASSEUX. Son action me conforte dans l'idée que lorsque les élus de la nation, en charge de rapporter les projets du gouvernement, ont la volonté d'aller au contact des citoyens dans un esprit de dialogue et avec le sens de l'écoute, notre démocratie progresse.
La nécessité d'une réforme - la réserve opérationnelle
Les évolutions géostratégiques profondes que nous connaissons nous ont amenés à revoir en profondeur les axes fondamentaux de notre politique de défense. C'est ainsi, en particulier, que la décision de professionnaliser nos forces a été prise. Nous avons suspendu l'appel sous les drapeaux et renouvelé la participation des jeunes à la défense. Dans cette phase de transition, les structures de nos armées connaissent ainsi des transformations radicales. La réforme de notre dispositif de réserve constitue l'ultime étape de ce processus profond de réorganisation.
Le texte qui vous est aujourd'hui soumis permettra de constituer une réserve opérationnelle, comprenant au terme de la loi de programmation 100 000 réservistes, dont 50 000 gendarmes. Cette nouvelle réserve sera une réserve d'emploi, pleinement intégrée à l'armée d'active, agissant dans le cadre d'un unique concept d'emploi des forces. A ce titre, les réservistes serviront concrètement au sein des unités dans lesquelles ils seront mêlés. Ils constitueront de véritables unités de combat, entraînées, disposant du même équipement que les unités d'active, et aptes à participer à toutes les missions opérationnelles, y compris à l'extérieur.
En matière de sécurité publique et de protection du territoire, notre volonté d'unir les compétences du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Défense se traduira, enfin, par l'affectation de réservistes dans les cellules des états-majors civils de département et de zone et du réseau national d'alerte.
Le lien nation-armées et la contribution de la réserve citoyenne
La réorganisation de la réserve n'est pas seulement une nécessité opérationnelle pour nos armées. Elle constitue un élément fondamental de la politique du gouvernement en faveur de l'affermissement du lien nation-armées. Dans cette même perspective, nous avons été conduits à réorganiser le ministère de la Défense. A mes côtés, Jean-Pierre MASSERET, secrétaire d'Etat à la Défense, sera chargé en particulier de renforcer la cohésion de l'action des pouvoirs publics dans ce domaine.
La loi portant réforme du service national a constitué une première étape fondamentale. Elle s'est, en effet, attachée à renouveler le lien entre la jeunesse et l'armée, en instituant un parcours de citoyenneté universel qui équilibre obligations et choix personnels. L'enseignement de défense à l'école, le recensement et l'appel de préparation à la défense sont maintenant autant d'étapes dans l'accession à une citoyenneté responsable et bien comprise. L'accès aux préparations militaires, au volontariat dans les forces armées et bien sûr à la réserve, ouvrent en outre à des espaces laissés à la prise de responsabilité de chacune et de chacun.
Dans ce même esprit, le projet de loi qui vous est soumis a l'ambition d'aller au-delà de l'adaptation technique de nos forces et de leurs moyens. Il confère aux réservistes et à leurs associations reconnues une place essentielle dans l'échange permanent entre la société et sa défense qui doit être la marque d'une démocratie moderne.
La réserve citoyenne, formée de réservistes non affectés et de réservistes honoraires, viendra soutenir cette ambition. Aux côtés des forces armées et de la réserve opérationnelle, elle uvrera plus spécialement au profit de la diffusion de l'esprit de défense. Elle offrira à nos concitoyens un cadre propice à son expression. Par leur rayonnement propre dans la vie civile, la vie professionnelle et associative, les membres de la réserve citoyenne contribueront à diversifier et à enrichir les liens unissant nos concitoyens et la défense.
Parce que la réserve contribue au renforcement du lien nation-armées, le gouvernement a souhaité qu'il n'y ait, en matière de recrutement, aucune exclusive liée à telle ou telle expérience militaire. Outre l'aptitude, ne sont requis qu'un âge minimum, 18 ans, la satisfaction aux obligations du service national, et un profil judiciaire minimum. Cette volonté de large ouverture de l'accès à la réserve opérationnelle et à la réserve citoyenne nous permettra également de relever dans les meilleures conditions le défi majeur que représente le recrutement de jeunes réservistes.
Prolongeant ces facilités, le projet permet enfin à chaque citoyen, en fonction de ses convenances personnelles, de quitter la réserve opérationnelle pour rejoindre la réserve citoyenne et, selon les besoins des armées, de revenir dans la première dès lors qu'il en aura réuni les conditions et qu'il le souhaitera.
Une réforme cohérente et équilibrée, qui garantit l'intérêt
de toutes les parties prenantes
Le succès d'une telle réforme ne peut être assuré que s'il réunit les conditions d'un intérêt mutuel de toutes les parties prenantes, réservistes, employeur, et armées. C'est pourquoi le gouvernement a favorisé lors de la phase d'élaboration du texte une très large concertation. L'essentiel des propositions formulées par les associations de réservistes, par le biais du conseil supérieur d'études et des réserves, a été pris en compte. Les grandes organisations d'employeurs, partenaires essentiels de la défense, ont rappelé leurs contraintes propres.
Ainsi, le projet qui vous est présenté me semble cohérent et équilibré. Il n'a pas cherché à favoriser l'une ou l'autre des parties, ce qui aurait rendu plus délicate sa mise en pratique. Au contraire, le texte concilie les intérêts légitimes de chacun en offrant les garanties nécessaires, et au-delà, en érigeant un partenariat renouvelé entre l'Etat et l'employeur. Il favorise la conclusion systématique de conventions qui permettront de prévoir en amont les conditions de service dans la réserve en respectant les besoins opérationnels des armées, les souhaits de nos concitoyens réservistes, et les contraintes légitimes de l'employeur.
C'est ainsi que le projet établit un délai de prévenance de l'employeur d'un mois pour les activités militaires ne dépassant pas cinq jours ouvrables par an. Pour les activités d'une durée supérieure à cinq jours, l'accord de l'employeur est requis après un délai de prévenance porté à deux mois.
De la même manière, aux termes des dispositions du texte qui modifient le Code du travail, l'appartenance à la réserve ne pourra, en aucun cas, constituer un motif de licenciement. Le contrat de travail sera suspendu pendant les périodes d'activité. Celles-ci seront considérées comme travail effectif chez l'employeur donnant accès aux droits sociaux tels que l'avancement, les primes et les avantages liés à l'ancienneté, les congés payés et le droit aux prestations sociales.
Elément fondamental du nouveau statut, le réserviste sera un militaire à part entière pendant ses périodes d'activité. Il percevra une solde et des indemnités identiques à celles des militaires d'active placés dans la même situation que lui quant au grade, à l'affectation et à l'emploi. Il sera maintenu dans son système de protection sociale habituel, et il bénéficiera des soins gratuits du service de santé des armées et de la couverture offerte par le Code des pensions militaires d'invalidité, en cas d'invalidité permanente ou temporaire résultant de l'activité militaire.
Cependant, la recherche de conventions particulières entre l'Etat et l'employeur, pierre angulaire du nouveau système, pourra permettre d'établir dispositions plus favorables au réserviste et ainsi déroger aux dispositions du projet de loi. La qualité de " partenaire de la défense " viendra distinguer les entreprises qui participeront à la mise en uvre harmonieuse de la réforme.
Enfin, les conditions de volontariat dans la réserve opérationnelle seront consignées dans un engagement à y servir, liant le réserviste et l'armée. D'une durée de cinq ans renouvelable, il organisera les modalités de convocation pour recevoir une formation ou un entraînement, pour dispenser un enseignement de défense ou apporter un renfort temporaire aux forces armées.
La disponibilité
Pour assurer aux forces de remplir l'intégralité de leurs missions, le projet prévoit que les anciens militaires ou volontaires qui quitteront le service actif seront soumis à une obligation de disponibilité. Cette obligation est volontairement allégée pour ne pénaliser ni la reconversion du personnel militaire, ni les entreprises qui les emploient : ainsi, les disponibles peuvent être convoqués à des fins de vérification d'aptitude pour une durée qui ne peut excéder cinq jours sur cinq ans. Hors ces cas, ils ne peuvent être appelés dans la réserve opérationnelle qu'en cas de mise en uvre de l'article 17 en application de l'ordonnance de 1959 ou de l'article 17 bis relatif à l'appel de réservistes de la gendarmerie en cas de troubles graves. Bien entendu, les disponibles, à l'instar de tous les Français, auront la possibilité d'exercer, à leur choix, dans la réserve opérationnelle ou la réserve citoyenne.
Les moyens financiers
Je veux souligner notre volonté de donner à la réserve les moyens de jouer tout son rôle. La dimension financière a été prise en compte dans les travaux d'élaboration et de mise à niveau de la loi de programmation.
Les budgets qui seront soumis à votre approbation au cours des prochaines années seront en progression pour atteindre en 2002 un montant d'environ 580 millions de francs, soit une augmentation de 140 % par rapport à 1996. Une nouvelle répartition des crédits permettra de renforcer la cohérence de l'emploi des réservistes.
Le service de défense
Le projet réforme également le Service de défense. Son organisation était en partie définie par des dispositions du Code du service national qui seront suspendues au 1er janvier 2003. Il faut donc adapter notre législation pour assurer la continuité du service public dans les domaines essentiels à la vie des populations, nationaux et territoriaux.
Le projet est conforme aux principes fondateurs énoncés dans l'ordonnance de 1959. Il permet d'assurer, en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population. Il le fait en maintenant à leur poste des personnels qui concourent à la continuité de l'action gouvernementale, à la protection des populations et à l'accomplissement de tâches vitales pour la nation.
Diverses dispositions
Le projet de loi comporte, enfin, un certain nombre de dispositions diverses d'accompagnement de la professionnalisation ; il s'agit de modifications apportées au statut général des militaires en vue de la création d'un corps des chirurgiens-dentistes et d'un corps de soutien de la gendarmerie nationale.
Par ailleurs, la préparation militaire, qui s'inscrit dans le parcours de citoyenneté et qui contribuera au recrutement de réservistes parmi nos jeunes concitoyens, trouve dans ce texte un fondement législatif nouveau.
Conclusion
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi a l'ambition d'organiser une réserve disponible et rayonnante au service des forces armées mais aussi de la nation toute entière.
Il crée, pour la première fois, un véritable statut pour les réservistes, qui était attendu depuis de longues années. Il est le fruit d'une concertation approfondie avec les organisations professionnelles d'employeur et les associations de réservistes les plus représentatives au niveau national. Il constitue, ainsi, un équilibre accepté et salué par tous nos interlocuteurs. J'y voie réunies les conditions utiles du succès de la réforme des armées que nous devons maintenant réaliser.
L'adoption rapide de ce texte par le Parlement nous permettra ainsi d'aborder avec confiance cette nouvelle étape de la réforme des armées.
Dans le contexte de notre engagement au KOSOVO, la discussion de ce projet de loi vient nous rappeler l'importance pour la France de pouvoir disposer d'un outil militaire efficace, modernisé et cohérent. Ce texte y contribue.
La réforme de la réserve militaire et du service de défense que le gouvernement vous propose est aussi le moyen pour la représentation nationale d'affirmer une nouvelle fois que la défense est l'affaire de tous. Je suis ainsi persuadé que vous saurez mener ce débat avec la hauteur de vue qu'il mérite.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 03 janvier 2000).