Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les députés,
La France connaît des blocages structurels. Ils résultent, pour une part, d'une relation ancienne, trop exclusive et trop hiérarchique, entre la puissance publique et les citoyens, ceci aux dépens des corps intermédiaires et de la société civile. Cette particularité française est à l'origine d'une forme d'anémie du corps social, accentuant les phénomènes d'uniformisation, de démobilisation et d'atomisation qu'engendre trop fréquemment le monde contemporain.
Cette situation n'est pas propice à l'épanouissement de la société française, à sa nécessaire mise en mouvement. Elle contrarie la quête de dialogue et de consensus qui parcourt le pays. Elle freine l'aspiration grandissante de nos concitoyens pour un militantisme plus marqué. Bref, cette situation ne facilite pas l'émergence d'une citoyenneté engagée.
Malgré ces pesanteurs historiques et ces obstacles culturels, la société civile est désormais en marche et semble de moins en moins disposée à une dépendante passivité Dès lors, chacun voit bien que l'organisation des pouvoirs, la gestion des décisions, les instruments de la régulation sociale, ne peuvent plus, ne doivent plus, être orchestrés comme par le passé.
C'est pourquoi, le gouvernement souhaite, dans un même élan, développer la démocratie locale et la démocratie sociale. Redistribuer le pouvoir d'imagination, d'initiative et de décision vers les élus locaux, vers les représentants professionnels, en somme vers les Français, voilà notre objectif !
Cet objectif s'inscrit dans une perspective plus large encore : poser les bases d'une société participative. Une société créative, trouvant en elle-même les ressorts de l'action collective, découvrant les mérites du dialogue, de la compréhension mutuelle et de la solidarité quotidienne, une société, en définitive, plus citoyenne, animée, par elle-même et pour elle-même, par les vertus de la responsabilité et de la fraternité.
Cette société de la participation rime avec celle de l'association.
S 'inscrivant dans cette perspective, la proposition de loi de Jean-Pierre Decool se veut utile au développement du monde associatif ; ce monde au sein duquel s'expriment les passions et le dévouement de nos concitoyens.
Chaque année se créent dans notre pays plus de 60 000 associations. Cette vitalité du monde associatif, le gouvernement y est attaché. Il entend la stimuler et l'épauler car elle alimente ce lien citoyen - cette " sociabilité " disent les universitaires ! - dont notre pays à plus que jamais besoin pour retisser son pacte social et républicain. C'est notamment dans cet esprit qu'il travaille à la création du Contrat d'Insertion dans la Vie Sociale ( CIVIS ) ; contrat qui devra permettre de donner un élan à tout projet individuel d'engagement exprimé par celles et ceux qui souhaitent se vouer à une tâche d'intérêt commun.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Sur plus de 880 000 associations en activité, 700.000 n'emploient aucun salarié et misent exclusivement sur l'énergie et le dévouement de plusieurs millions de bénévoles qui consacrent une partie de leur temps au seul bénéfice d'une cause qu'ils estiment juste ou utile.
Vous le savez, nombre de ces associations éprouvent le besoin de s'attacher le concours de salariés quelques heures par semaine ou par mois pour accomplir les tâches de natures diverses : secrétariat, animation, formation Elles en sont aujourd'hui bien souvent dissuadées par la lourdeur et la complexité de notre réglementation. Etablissement d'un contrat de travail, établissement de fiches de paye, de déclarations trimestrielles, correspondances avec les organismes sociaux sont autant de tâches auxquelles les bénévoles sont généralement peu préparés et qu'ils peinent à accomplir.
C'est pour répondre aux besoins de ces petites associations que cette proposition de loi est envisagée.
Le gouvernement est favorable à l'idée d'une simplification administrative pour ces petites associations. L'institution d'un chèque emploi est l'un des moyens d'y parvenir. Il peut répondre aux difficultés de fonctionnement rencontrées par de très nombreuses associations. Il peut leur permettre de bénéficier des concours occasionnels dont elles ont besoin en garantissant à leurs collaborateurs une protection sociale et des droits à la retraite.
La proposition formulée par votre assemblée est donc, dans son principe, séduisante, innovante et motivante. Il faut lui offrir toutes les chances de réussite !
Pour cela il convient de ne pas sous-estimer ses modalités d'application, ni minorer les difficultés éventuelles qu'elles peuvent receler.
Le dispositif doit être bien encadré et sa mise en oeuvre doit être accompagnée par les partenaires sociaux.
Cet encadrement est nécessaire afin de respecter les dispositions relatives aux organismes de protection sociale et celles relatives aux droits des salariés.
C'est pourquoi, il est très important que le recours au chèque emploi associatif soit facultatif pour le salarié.
En relation étroite avec les partenaires sociaux, plusieurs préalables doivent être résolus avant la mise en oeuvre de ce nouveau chèque emploi.
Celui tout d'abord relatif à la convention collective à laquelle ce chèque emploi associatif devra s'attacher. C'est elle, vous le savez, qui détermine les cotisations sociales et patronales. Le chèque emploi service fonctionne ainsi sur la convention collective des employés de maison. Pour le chèque emploi associatif, deux solutions existent : soit désigner une convention de référence en fonction de la population ciblée, soit trouver des modalités qui permettront sur le chèque, lui-même, de préciser la convention qui doit être respectée. J'ai compris que votre préoccupation d'élargir au maximum le spectre des catégories de salariés exigibles vous conduisait à privilégier un système d'inscription sur le chèque. Cette formule devra, en collaboration avec toutes les parties concernées, être rigoureusement définie.
Parallèlement, il conviendra de préciser les organismes compétents de retraite complémentaire et de prévoyance. En ce qui concerne le chèque emploi service, la question ne se posait pas puisqu'il n'y a qu'un organisme. En revanche, il en existe, à l'évidence, plusieurs pour les salariés des associations. Dès lors un choix doit être fait.
Enfin et principalement, la question du recouvrement des cotisations doit être résolue. Aujourd'hui les cotisations sociales sont collectées par les ASSEDIC, l'URSSAF et les organismes de retraite complémentaire. Pour que le système fonctionne de façon satisfaisante, il conviendrait de désigner un guichet unique. Le chèque emploi service a pu être mis en place grâce à un accord entre organismes préexistants. Il faut que ces même organismes se mettent d'accord pour le monde associatif.
Cette adhésion des partenaires sociaux, gestionnaires des organismes de sécurité sociale, constitue une condition sine qua non de la réussite de ce projet.
Parallèlement, la proposition de loi envisage de favoriser l'utilisation de ce nouveau dispositif par un abattement de charges sociales. Tout en comprenant la logique dynamique qui anime le législateur, le gouvernement ne peut, sur ce point, le suivre.
Une telle disposition créerait, selon nous, une distorsion.
Distorsion entre associations, qui, selon leur taille seraient éligibles ou non aux abattements de charges ; distorsion par rapport aux entreprises, qui, pour certaines d'entre elles, développent une activité identique à celle d'associations.
Au demeurant, je souhaite souligner à l'Assemblée que les associations vont bénéficier des baisses de charges, compensées par le budget de l'Etat, dans le cadre du projet de loi en cours de discussion sur les salaires, les baisses de charge et le développement de l'emploi. Elles pourront aussi bénéficier des abattements de charges pour les jeunes à faible qualification ; abattements prévus dans la loi adoptée par votre assemblée au mois de Juillet.
Notre politique globale d'allègements de charges augmentera de 6 milliards d'euros d'ici 2005. C'est dire combien notre effort est, en la matière, soutenu et ceci malgré les contraintes de la conjoncture économique. Nous ne pouvons aujourd'hui aller plus loin !
C'est pourquoi, même si je comprends l'intention louable d'avantager les associations dont le rôle mérite d'être encouragé, je ne peux souscrire à une démarche d'allégements de charges susceptibles de créer des distorsions, et qui, au surplus et dans l'immédiat, heurtent les marges de manoeuvres financières dont nous disposons.
Tels sont les éléments de clarification que je souhaitais soumettre, en toute franchise, à votre assemblée afin de voir ce projet emprunter une voie prometteuse et réaliste.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La solution du chèque emploi associatif devrait permettre, vous l'aurez compris, d'apporter un plus à ces centaines de milliers de petites associations. Mais je tiens à insister sur le fait qu'elle ne doit pas nous dédouaner des efforts de simplification des relations entre l'administration au sens large et les citoyens, et en particulier celle qui régit les organismes de sécurité sociale.
Les complexités qui persistent constituent un frein à l'emploi, dans les associations et dans les PME, c'est aussi un frein à la création d'entreprise et une charge pour celles existantes. Il est donc indispensable que l'Etat et les partenaires sociaux puissent progresser ensemble sur ce sujet.
Le chèque emploi associatif contribue à cette démarche de clarification ; il participe au développement de la société participative que nous appelons de nos voeux.
C'est pourquoi, fort des quelques réserves et clarifications énoncées, le gouvernement est favorable à l'esprit pratique et généreux qui inspire cette proposition de loi.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 11 octobre 2002)
Mesdames, Messieurs les députés,
La France connaît des blocages structurels. Ils résultent, pour une part, d'une relation ancienne, trop exclusive et trop hiérarchique, entre la puissance publique et les citoyens, ceci aux dépens des corps intermédiaires et de la société civile. Cette particularité française est à l'origine d'une forme d'anémie du corps social, accentuant les phénomènes d'uniformisation, de démobilisation et d'atomisation qu'engendre trop fréquemment le monde contemporain.
Cette situation n'est pas propice à l'épanouissement de la société française, à sa nécessaire mise en mouvement. Elle contrarie la quête de dialogue et de consensus qui parcourt le pays. Elle freine l'aspiration grandissante de nos concitoyens pour un militantisme plus marqué. Bref, cette situation ne facilite pas l'émergence d'une citoyenneté engagée.
Malgré ces pesanteurs historiques et ces obstacles culturels, la société civile est désormais en marche et semble de moins en moins disposée à une dépendante passivité Dès lors, chacun voit bien que l'organisation des pouvoirs, la gestion des décisions, les instruments de la régulation sociale, ne peuvent plus, ne doivent plus, être orchestrés comme par le passé.
C'est pourquoi, le gouvernement souhaite, dans un même élan, développer la démocratie locale et la démocratie sociale. Redistribuer le pouvoir d'imagination, d'initiative et de décision vers les élus locaux, vers les représentants professionnels, en somme vers les Français, voilà notre objectif !
Cet objectif s'inscrit dans une perspective plus large encore : poser les bases d'une société participative. Une société créative, trouvant en elle-même les ressorts de l'action collective, découvrant les mérites du dialogue, de la compréhension mutuelle et de la solidarité quotidienne, une société, en définitive, plus citoyenne, animée, par elle-même et pour elle-même, par les vertus de la responsabilité et de la fraternité.
Cette société de la participation rime avec celle de l'association.
S 'inscrivant dans cette perspective, la proposition de loi de Jean-Pierre Decool se veut utile au développement du monde associatif ; ce monde au sein duquel s'expriment les passions et le dévouement de nos concitoyens.
Chaque année se créent dans notre pays plus de 60 000 associations. Cette vitalité du monde associatif, le gouvernement y est attaché. Il entend la stimuler et l'épauler car elle alimente ce lien citoyen - cette " sociabilité " disent les universitaires ! - dont notre pays à plus que jamais besoin pour retisser son pacte social et républicain. C'est notamment dans cet esprit qu'il travaille à la création du Contrat d'Insertion dans la Vie Sociale ( CIVIS ) ; contrat qui devra permettre de donner un élan à tout projet individuel d'engagement exprimé par celles et ceux qui souhaitent se vouer à une tâche d'intérêt commun.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Sur plus de 880 000 associations en activité, 700.000 n'emploient aucun salarié et misent exclusivement sur l'énergie et le dévouement de plusieurs millions de bénévoles qui consacrent une partie de leur temps au seul bénéfice d'une cause qu'ils estiment juste ou utile.
Vous le savez, nombre de ces associations éprouvent le besoin de s'attacher le concours de salariés quelques heures par semaine ou par mois pour accomplir les tâches de natures diverses : secrétariat, animation, formation Elles en sont aujourd'hui bien souvent dissuadées par la lourdeur et la complexité de notre réglementation. Etablissement d'un contrat de travail, établissement de fiches de paye, de déclarations trimestrielles, correspondances avec les organismes sociaux sont autant de tâches auxquelles les bénévoles sont généralement peu préparés et qu'ils peinent à accomplir.
C'est pour répondre aux besoins de ces petites associations que cette proposition de loi est envisagée.
Le gouvernement est favorable à l'idée d'une simplification administrative pour ces petites associations. L'institution d'un chèque emploi est l'un des moyens d'y parvenir. Il peut répondre aux difficultés de fonctionnement rencontrées par de très nombreuses associations. Il peut leur permettre de bénéficier des concours occasionnels dont elles ont besoin en garantissant à leurs collaborateurs une protection sociale et des droits à la retraite.
La proposition formulée par votre assemblée est donc, dans son principe, séduisante, innovante et motivante. Il faut lui offrir toutes les chances de réussite !
Pour cela il convient de ne pas sous-estimer ses modalités d'application, ni minorer les difficultés éventuelles qu'elles peuvent receler.
Le dispositif doit être bien encadré et sa mise en oeuvre doit être accompagnée par les partenaires sociaux.
Cet encadrement est nécessaire afin de respecter les dispositions relatives aux organismes de protection sociale et celles relatives aux droits des salariés.
C'est pourquoi, il est très important que le recours au chèque emploi associatif soit facultatif pour le salarié.
En relation étroite avec les partenaires sociaux, plusieurs préalables doivent être résolus avant la mise en oeuvre de ce nouveau chèque emploi.
Celui tout d'abord relatif à la convention collective à laquelle ce chèque emploi associatif devra s'attacher. C'est elle, vous le savez, qui détermine les cotisations sociales et patronales. Le chèque emploi service fonctionne ainsi sur la convention collective des employés de maison. Pour le chèque emploi associatif, deux solutions existent : soit désigner une convention de référence en fonction de la population ciblée, soit trouver des modalités qui permettront sur le chèque, lui-même, de préciser la convention qui doit être respectée. J'ai compris que votre préoccupation d'élargir au maximum le spectre des catégories de salariés exigibles vous conduisait à privilégier un système d'inscription sur le chèque. Cette formule devra, en collaboration avec toutes les parties concernées, être rigoureusement définie.
Parallèlement, il conviendra de préciser les organismes compétents de retraite complémentaire et de prévoyance. En ce qui concerne le chèque emploi service, la question ne se posait pas puisqu'il n'y a qu'un organisme. En revanche, il en existe, à l'évidence, plusieurs pour les salariés des associations. Dès lors un choix doit être fait.
Enfin et principalement, la question du recouvrement des cotisations doit être résolue. Aujourd'hui les cotisations sociales sont collectées par les ASSEDIC, l'URSSAF et les organismes de retraite complémentaire. Pour que le système fonctionne de façon satisfaisante, il conviendrait de désigner un guichet unique. Le chèque emploi service a pu être mis en place grâce à un accord entre organismes préexistants. Il faut que ces même organismes se mettent d'accord pour le monde associatif.
Cette adhésion des partenaires sociaux, gestionnaires des organismes de sécurité sociale, constitue une condition sine qua non de la réussite de ce projet.
Parallèlement, la proposition de loi envisage de favoriser l'utilisation de ce nouveau dispositif par un abattement de charges sociales. Tout en comprenant la logique dynamique qui anime le législateur, le gouvernement ne peut, sur ce point, le suivre.
Une telle disposition créerait, selon nous, une distorsion.
Distorsion entre associations, qui, selon leur taille seraient éligibles ou non aux abattements de charges ; distorsion par rapport aux entreprises, qui, pour certaines d'entre elles, développent une activité identique à celle d'associations.
Au demeurant, je souhaite souligner à l'Assemblée que les associations vont bénéficier des baisses de charges, compensées par le budget de l'Etat, dans le cadre du projet de loi en cours de discussion sur les salaires, les baisses de charge et le développement de l'emploi. Elles pourront aussi bénéficier des abattements de charges pour les jeunes à faible qualification ; abattements prévus dans la loi adoptée par votre assemblée au mois de Juillet.
Notre politique globale d'allègements de charges augmentera de 6 milliards d'euros d'ici 2005. C'est dire combien notre effort est, en la matière, soutenu et ceci malgré les contraintes de la conjoncture économique. Nous ne pouvons aujourd'hui aller plus loin !
C'est pourquoi, même si je comprends l'intention louable d'avantager les associations dont le rôle mérite d'être encouragé, je ne peux souscrire à une démarche d'allégements de charges susceptibles de créer des distorsions, et qui, au surplus et dans l'immédiat, heurtent les marges de manoeuvres financières dont nous disposons.
Tels sont les éléments de clarification que je souhaitais soumettre, en toute franchise, à votre assemblée afin de voir ce projet emprunter une voie prometteuse et réaliste.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La solution du chèque emploi associatif devrait permettre, vous l'aurez compris, d'apporter un plus à ces centaines de milliers de petites associations. Mais je tiens à insister sur le fait qu'elle ne doit pas nous dédouaner des efforts de simplification des relations entre l'administration au sens large et les citoyens, et en particulier celle qui régit les organismes de sécurité sociale.
Les complexités qui persistent constituent un frein à l'emploi, dans les associations et dans les PME, c'est aussi un frein à la création d'entreprise et une charge pour celles existantes. Il est donc indispensable que l'Etat et les partenaires sociaux puissent progresser ensemble sur ce sujet.
Le chèque emploi associatif contribue à cette démarche de clarification ; il participe au développement de la société participative que nous appelons de nos voeux.
C'est pourquoi, fort des quelques réserves et clarifications énoncées, le gouvernement est favorable à l'esprit pratique et généreux qui inspire cette proposition de loi.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 11 octobre 2002)