Texte intégral
S. Paoli.-La justice espagnole qui multiplie les demandes d'extradition pour les militants basques détenus en France accélérera-t-elle la procédure d'extradition de P. Henry ? Encore faudra-t-il que celui-ci en accepte le principe, faute de quoi de nombreux recours possibles pourraient lui permettre d'empêcher son retour en France avant plusieurs mois. Il y a une étroite collaboration entre les justices françaises et espagnoles, on le voit sur la question basque. Diriez-vous que, désormais, tout dépend de P. Henry ?
- "Non. Nous avons été, comme beaucoup de Français, extrêmement choqués par cette affaire, puisque nous avons, au fond, tous espéré que P. Henry aurait saisi la deuxième chance que la société lui avait donnée en le libérant de façon conditionnelle. Lorsque nous avons appris son aventure espagnole, où il a été arrêté avec 10 kilos de haschisch, on a compris qu'il allait retourner en prison et qu'il avait "raté" sa deuxième tentative de vivre comme tout le monde. A partir de là, j'ai demandé, en ce qui me concerne, l'extradition à l'Espagne, sous la forme d'un mandat d'arrêt international qui a été envoyé dès mardi matin. A partir de ce mandat d'arrêt international, deux solutions : soit P. Henry, j'allais dire, accepte l'extradition à l'amiable sachant que, de toute façon, il restera en prison qu'il s'agisse de l'Espagne ou de la France et il peut être, là, d'ici huit jours ; soit il refuse cette extradition, peut-être conseillé par son avocat, je ne sais pas, et à ce moment-là ce sera la procédure classique qui, vous le savez, peut être longue, dans la mesure où au sein de la justice espagnole il y a - comme c'est le cas d'ailleurs en France - des possibilités de recours, d'examens du dossier. Cela peut prendre jusqu'à plusieurs mois."
Certains disent jusqu'à deux ans ? C'est vrai ou pas ?
- "Peut-être en multipliant les incidents de procédure, mais l'issue est inéluctable. Il sera rendu à la justice française. Cela ne fait absolument aucun doute compte tenu de la nature du dossier. Les Espagnols sont tout à fait coopératifs vis-à-vis de la France et P. Henry restera en prison. Il recommencera peut-être ce retour en prison par l'Espagne mais, ensuite, il sera remis à la France et il rentrera en prison. Alors, comment les choses se passent s'il rentre en France ? Il passera devant la juridiction régionale compétente en matière de libération conditionnelle, qui donc révoquera cette libération conditionnelle et il reprendra sa peine qui, je le rappelle, est une peine de prison à vie."
Vous maintenez que cet épisode navrant ne remet pas en cause le principe des libérations conditionnelles ?
- "Sur 100 libérations conditionnelles, il y a quatre révocations en général. C'est à peu près la même moyenne depuis un certain nombre d'années. Cela veut dire que dans 96 % des cas, c'est une réussite et dans 4 %, il faut revenir sur la décision et réincarcérer la personne. Je crois que ce dispositif de libération conditionnelle, à condition qu'il soit suivi de très près et que les juges, aidés par les collaborateurs des services pénitentiaires, soient très attentifs à la situation de chacun, me paraît une formule tout à fait positive, dans la mesure où elle pousse le prisonnier à se bien conduire, à se préparer à sa sortie, à travailler en prison et éventuellement à faire des études. Je parle bien sûr, là, de ceux qui ont de peines les plus longues. Par contre, ce que je veux développer, c'est une meilleure écoute des victimes de ces anciens criminels. Je pense qu'à l'avenir, il faut que, dans la procédure qui mène à une libération conditionnelle, on puisse entendre les familles des victimes ou les victimes elles-mêmes, pour qu'il y ait une sorte de discussion, non pas contradictoire, mais, en tout cas, que la décision soit éclairée aussi par le point de vue de la victime. Je pense que c'est maintenant devenu une nécessité. Cela fait partie du "plan victime" que je veux développer au cours des prochains mois."
Mais pour bien comprendre le sort qui est réservé à P. Henry : vous dites qu'il va retourner en prison. Il retourne en prison pour quoi ? Pour le crime dont il a déjà purgé 25 années de prison ou retournera-t-il en prison pour l'affaire qui le concerne maintenant, c'est-à-dire la saisie de drogue dans sa voiture en Espagne ?
- "Il retourne en prison pour le crime qu'il a commis en 1976, puisque vous savez qu'il a été condamné à la prison à vie, à perpétuité et donc il n'a été libéré que du fait de sa conduite en prison, parce qu'il avait fait des études, et préparé un métier. Pour ce seul fait, il retourne en prison. Alors, l'affaire des 10 kilos de cannabis, j'allais dire, peut venir s'ajouter, mais c'est un peu une affaire espagnole. C'est une affaire qui n'est pas du tout du même niveau ni de même ampleur. Un tout petit détail : le mandat d'arrêt international, dont je vous parlais tout à l'heure, avait été lancé par le juge d'application des peines de Caen, avant même que nous sachions que P. Henry avait été arrêté avec 10 kilos de haschisch en Espagne. Parce que nous savions, depuis le lundi matin, que P. Henry ne s'était pas présenté au contrôle normal auquel il devait se présenter. Donc, nous savions que P. Henry était peut-être en fuite et donc le mandat d'arrêt a été lancé mardi matin et, c'est seulement quelques heures après, que le mandat d'arrêt ait été lancé que nous avons su qu'il avait été arrêté en Espagne avec de la drogue. D'ailleurs, au cours d'un contrôle un peu banal, qui a été fait dans la ville de Valence, en Espagne, par la police espagnole."
Je vous posais la question, parce qu'on dit qu'en France que le principe de la perpétuité n'est jamais vraiment appliqué.
- "Il n'est jamais vraiment appliqué quand il y a, comme on vient de le voir, une libération conditionnelle. C'était le cas de P. Henry qui après, 22 ou 23 ans de prison, avait été libéré conditionnellement. Là, il a failli, puisqu'il n'a pas respecté les règles. Il va donc retourner en prison et on peut penser qu'il y restera longtemps."
Un mot du projet de loi Sarkozy. Apparemment, il faut beaucoup réagir dans l'univers des magistrats et notamment l'USM, l'Union syndicale de magistrats qui est très critique, par la voie de son secrétaire général, et qui dit en substance que le ministère de la Justice, aujourd'hui, est devenu une sorte de secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'Intérieur ? Que répondez-vous ?
- "Je réponds que cette façon de voir les choses ait totalement grotesque. Le texte que N. Sarkozy va présenter - avec tout à fait mon accord, parce que vous imaginez bien que ce texte a été élaboré en étroite concertation avec nous - va concerner ce qu'on appelle les délits de voie publique, c'est-à-dire les questions liées à la prostitution, les questions liées à la circulation des nomades ou encore les questions d'occupation des entrées d'immeuble. C'est ce qu'on appelle un peu la délinquance de voie publique, qui est traditionnellement une affaire traitée, au niveau parlementaire, par le ministre de l'Intérieur. A cela s'ajoute dans le texte un certain nombre d'articles, qui portent sur l'organisation des officiers de police judiciaire, qui est également une affaire qui concerne directement la police. C'est donc tout à fait naturel que N. Sarkozy présente ce texte, encore une fois qui a été vu par nous. Au départ, ce texte comprenait un certain nombre d'autres articles sur des sujets différents qui, eux, étaient beaucoup plus spécifiquement de la compétence habituelle du ministère de la Justice. Ces articles ont été enlevés de ce texte."
A votre demande ?
- "Bien entendu, mais dans le cadre d'un travail de collaboration qui est naturel. Nous travaillons tous les jours ensemble, vous l'imaginez bien. La répartition s'est faite naturellement : Sarkozy, la délinquance de voie publique et puis les questions de procédures pénales, les questions de lutte contre la grande criminalité et les questions de lutte contre le blanchiment, la délinquance financière etc., c'est moi qui commence à préparer ce texte, qui viendra au début de l'année 2003 et que je souhaite pouvoir mettre au point avec une très large concertation avec les professionnels. Car c'est un texte assez complexe que nous voulons élaborer, pour donner à la justice davantage d'efficacité dans la lutte contre le crime organisé, contre les mafias internationales. J'ai besoin de discuter en prenant le temps de le faire avec les juges d'instruction spécialisés, avec des avocats et avec des experts, avec un certain nombre de professionnels de la police pour élaborer le texte le plus efficace possible."
Que dites-vous de la méthode ? Certains disent, au fond, que tout ce qui a été dit de ce texte, avant même qu'il ne soit officiellement présenté, consistait à organiser un peu des fuites pour le tester sur l'opinion publique. Cela vous paraît crédible cette approche-là ?
- "J'ai lu quand j'étais jeune les aventures de Bibi Fricotin, mais j'ai un peu oublié depuis. Je crois qu'il faut vivre dans le réel. Je le dis avec le sourire. Je crois qu'on va chercher des explications extrêmement élaborées, qui me paraissent bien superficielles. Nous avons travaillé en étroite collaboration. Nous avons fait le choix, sous l'arbitrage du Premier ministre, d'une répartition des tâches : la délinquance de voie publique sera traitée par M. Sarkozy, la lutte contre la grande criminalité et les problèmes de procédure pénale seront traités par le Garde des sceaux, ministre de la Justice. Voilà, les choses sont tout à fait simples."
Le budget dont vous disposez à la justice constitue la hausse la plus importante.
- "En pourcentage malheureusement seulement !"
Est-ce que ce budget va vous permettre au moins de répondre à l'une des demandes les plus fortes des citoyens, c'est-à-dire une justice plus juste mais aussi plus rapide ?
- "C'est un des objectifs au coeur de la politique que le président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de mettre en oeuvre. C'est vrai que les crédits qui vont augmenter dans mon ministère d'un peu plus de 7 % vont me permettre, avec les créations d'emplois que j'ai obtenues, de créer des emplois de magistrats, de créer des emplois de greffiers. D'augmenter, par exemple, le nombre de juges des enfants pendant l'année 2003 de 20 %, ce qui va nous permettre d'équiper ces tribunaux pour enfants qui voient arriver souvent toute cette première délinquance, cette petite délinquance. Cela permettra aux juges de suivre beaucoup mieux ces jeunes, de les accompagner, de les sanctionner, de les corriger et de les ramener dans le bon chemin. Je veux également développer nos structures d'exécution des peines, non seulement en améliorant la situation des prisons, en construisant des places, mais aussi en améliorant les autres modalités d'exécution de peines, comme tout ce qui est centre d'hébergement pour les jeunes délinquants, avec la mise en place du réseau des centres éducatifs fermés. Et enfin, je n'oublie pas, parce que c'est très important en terme de rapidité de la justice, la mise en place de la justice de proximité, c'est-à-dire ces juges venus de la société civile qui vont venir nous aider pour traiter les petits litiges de la vie quotidienne. Par exemple, vous avez un conflit avec le pressing qui a esquinté votre costume et vous n'arrivez pas à obtenir réparation, eh bien, vous allez devant ce juge de proximité ; ou en matière pénale un jeune qui commet un petit délit, qui normalement est de la compétence du tribunal de simple police - on sait que ces tribunaux sont embouteillés -, alors il pourra être transféré par le parquet devant le juge de proximité. Tous ces éléments devraient concourir à une accélération - dans la sérénité mais une vraie accélération - du processus de justice et une capacité pour la justice de traiter beaucoup de petites affaires qui, aujourd'hui, sont laissées de côté."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 octobre 2002)
- "Non. Nous avons été, comme beaucoup de Français, extrêmement choqués par cette affaire, puisque nous avons, au fond, tous espéré que P. Henry aurait saisi la deuxième chance que la société lui avait donnée en le libérant de façon conditionnelle. Lorsque nous avons appris son aventure espagnole, où il a été arrêté avec 10 kilos de haschisch, on a compris qu'il allait retourner en prison et qu'il avait "raté" sa deuxième tentative de vivre comme tout le monde. A partir de là, j'ai demandé, en ce qui me concerne, l'extradition à l'Espagne, sous la forme d'un mandat d'arrêt international qui a été envoyé dès mardi matin. A partir de ce mandat d'arrêt international, deux solutions : soit P. Henry, j'allais dire, accepte l'extradition à l'amiable sachant que, de toute façon, il restera en prison qu'il s'agisse de l'Espagne ou de la France et il peut être, là, d'ici huit jours ; soit il refuse cette extradition, peut-être conseillé par son avocat, je ne sais pas, et à ce moment-là ce sera la procédure classique qui, vous le savez, peut être longue, dans la mesure où au sein de la justice espagnole il y a - comme c'est le cas d'ailleurs en France - des possibilités de recours, d'examens du dossier. Cela peut prendre jusqu'à plusieurs mois."
Certains disent jusqu'à deux ans ? C'est vrai ou pas ?
- "Peut-être en multipliant les incidents de procédure, mais l'issue est inéluctable. Il sera rendu à la justice française. Cela ne fait absolument aucun doute compte tenu de la nature du dossier. Les Espagnols sont tout à fait coopératifs vis-à-vis de la France et P. Henry restera en prison. Il recommencera peut-être ce retour en prison par l'Espagne mais, ensuite, il sera remis à la France et il rentrera en prison. Alors, comment les choses se passent s'il rentre en France ? Il passera devant la juridiction régionale compétente en matière de libération conditionnelle, qui donc révoquera cette libération conditionnelle et il reprendra sa peine qui, je le rappelle, est une peine de prison à vie."
Vous maintenez que cet épisode navrant ne remet pas en cause le principe des libérations conditionnelles ?
- "Sur 100 libérations conditionnelles, il y a quatre révocations en général. C'est à peu près la même moyenne depuis un certain nombre d'années. Cela veut dire que dans 96 % des cas, c'est une réussite et dans 4 %, il faut revenir sur la décision et réincarcérer la personne. Je crois que ce dispositif de libération conditionnelle, à condition qu'il soit suivi de très près et que les juges, aidés par les collaborateurs des services pénitentiaires, soient très attentifs à la situation de chacun, me paraît une formule tout à fait positive, dans la mesure où elle pousse le prisonnier à se bien conduire, à se préparer à sa sortie, à travailler en prison et éventuellement à faire des études. Je parle bien sûr, là, de ceux qui ont de peines les plus longues. Par contre, ce que je veux développer, c'est une meilleure écoute des victimes de ces anciens criminels. Je pense qu'à l'avenir, il faut que, dans la procédure qui mène à une libération conditionnelle, on puisse entendre les familles des victimes ou les victimes elles-mêmes, pour qu'il y ait une sorte de discussion, non pas contradictoire, mais, en tout cas, que la décision soit éclairée aussi par le point de vue de la victime. Je pense que c'est maintenant devenu une nécessité. Cela fait partie du "plan victime" que je veux développer au cours des prochains mois."
Mais pour bien comprendre le sort qui est réservé à P. Henry : vous dites qu'il va retourner en prison. Il retourne en prison pour quoi ? Pour le crime dont il a déjà purgé 25 années de prison ou retournera-t-il en prison pour l'affaire qui le concerne maintenant, c'est-à-dire la saisie de drogue dans sa voiture en Espagne ?
- "Il retourne en prison pour le crime qu'il a commis en 1976, puisque vous savez qu'il a été condamné à la prison à vie, à perpétuité et donc il n'a été libéré que du fait de sa conduite en prison, parce qu'il avait fait des études, et préparé un métier. Pour ce seul fait, il retourne en prison. Alors, l'affaire des 10 kilos de cannabis, j'allais dire, peut venir s'ajouter, mais c'est un peu une affaire espagnole. C'est une affaire qui n'est pas du tout du même niveau ni de même ampleur. Un tout petit détail : le mandat d'arrêt international, dont je vous parlais tout à l'heure, avait été lancé par le juge d'application des peines de Caen, avant même que nous sachions que P. Henry avait été arrêté avec 10 kilos de haschisch en Espagne. Parce que nous savions, depuis le lundi matin, que P. Henry ne s'était pas présenté au contrôle normal auquel il devait se présenter. Donc, nous savions que P. Henry était peut-être en fuite et donc le mandat d'arrêt a été lancé mardi matin et, c'est seulement quelques heures après, que le mandat d'arrêt ait été lancé que nous avons su qu'il avait été arrêté en Espagne avec de la drogue. D'ailleurs, au cours d'un contrôle un peu banal, qui a été fait dans la ville de Valence, en Espagne, par la police espagnole."
Je vous posais la question, parce qu'on dit qu'en France que le principe de la perpétuité n'est jamais vraiment appliqué.
- "Il n'est jamais vraiment appliqué quand il y a, comme on vient de le voir, une libération conditionnelle. C'était le cas de P. Henry qui après, 22 ou 23 ans de prison, avait été libéré conditionnellement. Là, il a failli, puisqu'il n'a pas respecté les règles. Il va donc retourner en prison et on peut penser qu'il y restera longtemps."
Un mot du projet de loi Sarkozy. Apparemment, il faut beaucoup réagir dans l'univers des magistrats et notamment l'USM, l'Union syndicale de magistrats qui est très critique, par la voie de son secrétaire général, et qui dit en substance que le ministère de la Justice, aujourd'hui, est devenu une sorte de secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'Intérieur ? Que répondez-vous ?
- "Je réponds que cette façon de voir les choses ait totalement grotesque. Le texte que N. Sarkozy va présenter - avec tout à fait mon accord, parce que vous imaginez bien que ce texte a été élaboré en étroite concertation avec nous - va concerner ce qu'on appelle les délits de voie publique, c'est-à-dire les questions liées à la prostitution, les questions liées à la circulation des nomades ou encore les questions d'occupation des entrées d'immeuble. C'est ce qu'on appelle un peu la délinquance de voie publique, qui est traditionnellement une affaire traitée, au niveau parlementaire, par le ministre de l'Intérieur. A cela s'ajoute dans le texte un certain nombre d'articles, qui portent sur l'organisation des officiers de police judiciaire, qui est également une affaire qui concerne directement la police. C'est donc tout à fait naturel que N. Sarkozy présente ce texte, encore une fois qui a été vu par nous. Au départ, ce texte comprenait un certain nombre d'autres articles sur des sujets différents qui, eux, étaient beaucoup plus spécifiquement de la compétence habituelle du ministère de la Justice. Ces articles ont été enlevés de ce texte."
A votre demande ?
- "Bien entendu, mais dans le cadre d'un travail de collaboration qui est naturel. Nous travaillons tous les jours ensemble, vous l'imaginez bien. La répartition s'est faite naturellement : Sarkozy, la délinquance de voie publique et puis les questions de procédures pénales, les questions de lutte contre la grande criminalité et les questions de lutte contre le blanchiment, la délinquance financière etc., c'est moi qui commence à préparer ce texte, qui viendra au début de l'année 2003 et que je souhaite pouvoir mettre au point avec une très large concertation avec les professionnels. Car c'est un texte assez complexe que nous voulons élaborer, pour donner à la justice davantage d'efficacité dans la lutte contre le crime organisé, contre les mafias internationales. J'ai besoin de discuter en prenant le temps de le faire avec les juges d'instruction spécialisés, avec des avocats et avec des experts, avec un certain nombre de professionnels de la police pour élaborer le texte le plus efficace possible."
Que dites-vous de la méthode ? Certains disent, au fond, que tout ce qui a été dit de ce texte, avant même qu'il ne soit officiellement présenté, consistait à organiser un peu des fuites pour le tester sur l'opinion publique. Cela vous paraît crédible cette approche-là ?
- "J'ai lu quand j'étais jeune les aventures de Bibi Fricotin, mais j'ai un peu oublié depuis. Je crois qu'il faut vivre dans le réel. Je le dis avec le sourire. Je crois qu'on va chercher des explications extrêmement élaborées, qui me paraissent bien superficielles. Nous avons travaillé en étroite collaboration. Nous avons fait le choix, sous l'arbitrage du Premier ministre, d'une répartition des tâches : la délinquance de voie publique sera traitée par M. Sarkozy, la lutte contre la grande criminalité et les problèmes de procédure pénale seront traités par le Garde des sceaux, ministre de la Justice. Voilà, les choses sont tout à fait simples."
Le budget dont vous disposez à la justice constitue la hausse la plus importante.
- "En pourcentage malheureusement seulement !"
Est-ce que ce budget va vous permettre au moins de répondre à l'une des demandes les plus fortes des citoyens, c'est-à-dire une justice plus juste mais aussi plus rapide ?
- "C'est un des objectifs au coeur de la politique que le président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de mettre en oeuvre. C'est vrai que les crédits qui vont augmenter dans mon ministère d'un peu plus de 7 % vont me permettre, avec les créations d'emplois que j'ai obtenues, de créer des emplois de magistrats, de créer des emplois de greffiers. D'augmenter, par exemple, le nombre de juges des enfants pendant l'année 2003 de 20 %, ce qui va nous permettre d'équiper ces tribunaux pour enfants qui voient arriver souvent toute cette première délinquance, cette petite délinquance. Cela permettra aux juges de suivre beaucoup mieux ces jeunes, de les accompagner, de les sanctionner, de les corriger et de les ramener dans le bon chemin. Je veux également développer nos structures d'exécution des peines, non seulement en améliorant la situation des prisons, en construisant des places, mais aussi en améliorant les autres modalités d'exécution de peines, comme tout ce qui est centre d'hébergement pour les jeunes délinquants, avec la mise en place du réseau des centres éducatifs fermés. Et enfin, je n'oublie pas, parce que c'est très important en terme de rapidité de la justice, la mise en place de la justice de proximité, c'est-à-dire ces juges venus de la société civile qui vont venir nous aider pour traiter les petits litiges de la vie quotidienne. Par exemple, vous avez un conflit avec le pressing qui a esquinté votre costume et vous n'arrivez pas à obtenir réparation, eh bien, vous allez devant ce juge de proximité ; ou en matière pénale un jeune qui commet un petit délit, qui normalement est de la compétence du tribunal de simple police - on sait que ces tribunaux sont embouteillés -, alors il pourra être transféré par le parquet devant le juge de proximité. Tous ces éléments devraient concourir à une accélération - dans la sérénité mais une vraie accélération - du processus de justice et une capacité pour la justice de traiter beaucoup de petites affaires qui, aujourd'hui, sont laissées de côté."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 octobre 2002)