Texte intégral
Monsieur le Président d'EXPOSIUM, cher Peter HAZELZET,
Monsieur le Président du SIMA, cher Michel SIBERT,
Monsieur le Président du SECIMA, cher Philippe LAGACHE,
Madame le Commissaire Général, chère Maryse BAUR,
Madame le Directeur, chère Laurice PECHBERTY,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens inaugurer aujourd'hui l'édition 2003 de ce Salon International du Machinisme Agricole.
Permettez-moi, Madame le Commissaire général, de vous remercier très sincèrement pour votre accueil et de vous dire combien j'ai été sensible à vos propos chaleureux.
Ce salon constitue, vous l'avez relevé, Madame le Commissaire général, un rendez-vous international exceptionnel pour les professionnels du machinisme, et plus largement pour l'ensemble des fournisseurs et des opérateurs du monde agricole.
Alors que la motorisation de l'agriculture balbutiait, la Chambre syndicale des constructeurs et des vendeurs de machine agricoles et les "services agricoles des compagnies de chemin de fer" fondaient une société anonyme qui parvenait à organiser au grand Palais le Premier Salon de la Machine agricole. A cette "exposition générale de machine agricole de toutes nature" était jointe une "foire aux semences de printemps".
Depuis, ce salon s'est développé à la mesure des transformations de notre agriculture. Pendant quelques jours, ces centaines d'exposants venus de plusieurs dizaines de pays, et ses 130 000 visiteurs font de ce salon un carrefour d'affaires majeur et la plus importante manifestation biennale pour le machinisme et la fourniture de l'agriculture et de l'élevage.
Le succès de ce salon, sa notoriété à l'étranger témoignent de l'importance de ce secteur, qui - j'en suis conscient - traverse actuellement d'importantes mutations.
Au sein des industries mécaniques, l'industrie du machinisme agricole constitue, en effet, une composante majeure des biens d'équipements. Sait-on assez que ses 250 constructeurs emploient dans notre pays plus de 20 000 salariés, auxquels on doit ajouter 10 000 autres travaillant dans les entreprises de sous-traitance. On oublie également trop souvent qu'avec un chiffre d'affaires de 3,37 milliards d'euros en 2001, le marché français est le tout premier en Europe et le deuxième dans le monde. Après une année 2001 en régression, le premier semestre 2002 marque, avec une progression de près de 8 %, un redressement bienvenu.
Ce salon montre à la fois l'ouverture internationale et la capacité exportatrice de votre branche, dont je sais que le montant marque une progression constante depuis sept ans.
Votre atout essentiel - tous les stands ici le montrent - réside dans votre capacité d'innovation, pour proposer aux agriculteurs des moyens de production en progrès constant. L'effort accompli pour intégrer de nouvelles technologies - électronique, automatique, informatique embarquée - et pour améliorer l'ergonomie des matériels est particulièrement remarquable. Comme professionnels du machinisme agricole, vous aidez les agriculteurs et les entreprises de travaux agricoles à maîtriser leurs coûts de production, à mieux préserver l'environnement, à contrôler la qualité de leurs produits, et à améliorer leurs conditions de travail. Et vous jouez ainsi un rôle essentiel dans la capacité de l'agriculture à s'adapter à des contraintes économiques et environnementales toujours plus fortes.
L'agriculture européenne est, d'ailleurs, à un tournant historique. Tout en préservant sa compétitivité, elle doit désormais répondre à des exigences accrues en terme de sécurité, de qualité et de protection de l'environnement. Ces nouvelles "règles du jeu", qui paraissent draconiennes et handicapantes à certains, semblent trop laxistes à d'autres. Tous s'accordent cependant sur la nécessité d'assurer la pérennité des exploitations et la progression du revenu des agriculteurs, de proposer des produits de qualité, de préserver un environnement rural dynamique et "écologiquement responsable", de conserver ses parts de marché et d'en conquérir de nouvelles. Voilà des objectifs que l'agriculture durable doit savoir concilier.
Cette meilleure prise en compte du développement durable passe par des objectifs précis et des actions pragmatiques.
L'agriculture durable repose, d'abord, sur une démarche volontaire de reconnaissance, d'accompagnement et de valorisation des savoir-faire du métier d'agriculteur.
La mise en oeuvre de l'agriculture raisonnée - à laquelle vous avez choisi de consacrer vos travaux - devrait donner un nouvel élan à cette politique. Je sais combien les associations, les professionnels, les militants ont accompli avec les pouvoirs publics un travail important, auquel je veux ici rendre hommage. Mais l'élaboration progressive de ce socle de bonnes pratiques agricoles résulte d'une négociation approfondie, à laquelle une très large majorité des agriculteurs et des agricultrices françaises ont vocation à prendre part.
L'agriculture - vous le savez - fera de plus en plus appel à des techniques de précision, pour tout à la fois réduire les intrants, mieux préserver l'environnement et améliorer la qualité de vie dans le monde rural.
Protéger nos sols est également essentiel si nous voulons inscrire notre agriculture dans cette logique du développement durable. Les techniques de semis direct et de conservation des sols contribuent à favoriser leur fertilité et préservent, plus largement, l'environnement. Le développement des équipements de conservation des sols - certains sont exposés ici - laisse présager combien ces techniques sont appelées à une large diffusion. Le renouvellement et l'amélioration des ressources par des techniques éprouvées, sûres et rentables constituera un des principaux moteurs de l'agriculture durable.
Mais cette démarche d'agriculture est trop ambitieuse pour se résumer à des considérations techniques. La simplification jouera également un rôle important : aux exigences multiples et complexes, nous préférerons des objectifs simples et susceptibles de recueillir le soutien d'une large part de la population.
Enfin, l'usage agricole des produits phytosanitaires soulève - vous le savez - de profondes interrogations dans l'opinion. Ces derniers jours, les médias ont accordé une large couverture à ces questions, et vous comprendrez que je veuille vous en dire quelques mots. Nos deux Ministères de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales, d'une part, de l'Ecologie et du Développement durable, d'autre part, ont décidé de mettre en oeuvre un plan national de lutte contre les pollutions liées à ces produits. Avec la participation des organisations professionnelles agricoles, des actions d'information et de sensibilisation sont conduites sur le terrain. Des diagnostics des risques sont conduits au niveau régional, tandis que de meilleures pratiques sont mises en oeuvre à celui de l'exploitation.
Ainsi, la connaissance progresse, et il nous appartient d'en tirer les conséquences. Déjà, l'utilisation de l'atrazine et d'autres produits similaires sera interdite à partir de septembre 2003. Des expertises portant sur d'autres molécules se poursuivent, par ailleurs. Enfin, un dispositif de collecte des emballages de produits phytosanitaires non utilisés devrait être étendu à tout le territoire dès cette année.
Mesdames, Messieurs,
Cette forme d'agriculture correspond à une préoccupation croissante de nos concitoyens, en France, bien sûr, mais aussi en Europe. Je sais que plus de la moitié des exposants de votre salon et le quart de ses visiteurs viennent d'au-delà de nos frontières. J'ai observé que celui-ci s'ouvrait également très largement aux Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO), qui s'apprêtent à rejoindre l'Union Européenne. Les négociations agricoles ouvertes au sein de l'Union Européenne et de l'Organisation Mondiale du Commerce dessineront durablement le visage de notre agriculture, et vous comprendrez que je veuille vous parler de façon un peu détaillée.
L'Europe est en mouvement. Elle s'élargit à dix nouveaux Etats, dont l'Histoire du XXème siècle nous avait douloureusement séparés. Elle réfléchit à son fonctionnement, pour être plus proche des aspirations des peuples. Elle s'adapte aux évolutions du monde et aux attentes de la société, pour être protectrice face aux risques de la mondialisation et solidaire des pays les plus pauvres.
Même si tout n'est pas parfait, loin de là, cette Europe entreprend et réussit. Elle assure la sécurité des approvisionnements de ses citoyens. Elle met à leur disposition des produits de qualité offrant des garanties sanitaires, environnementales et sociales. Elle fait vivre ses terroirs et entretient ses paysages. Elle importe plus des pays en développement que tous les autres grandes pays développés réunis.
Et cela, par le fait d'une politique, la PAC, qui conjugue à l'échelle de l'Europe l'efficacité économique et la solidarité.
L'efficacité économique, parce que les exploitants agricoles sont des entrepreneurs qui doivent pouvoir vivre du produit de leur travail.
La solidarité, parce que l'agriculture ne se résume pas à la production et à la distribution de marchandises, mais touche au coeur de la relation que chacune et chacun d'entre nous entretient avec le terroir, avec les paysages, avec le monde rural.
C'est pourquoi une des missions essentielles de la PAC est de garantir une présence équilibrée sur tout le territoire français et européen des différentes formes d'agriculture, qui en font sa richesse.
Et, en ce début d'année 2003, jalonnée d'importantes négociations européennes et internationales, j'entends offrir des perspectives à nos agriculteurs, notamment aux jeunes qui s'installent, et rendre l'espoir à nos concitoyens, qui craignent que nos espaces ruraux soient sacrifiés, au nom d'une idéologie ultra-libérale qui nous serait imposée à l'OMC.
Pour cela, permettez-moi de vous présenter très brièvement le chemin que la France propose dans le cadre de ces négociations.
l Tout d'abord, promouvoir efficacement le modèle européen d'une agriculture, qui, selon les mots du chef de l'Etat, se veut "économiquement forte et écologiquement responsable".
Comme elle a toujours su le faire par le passé, la PAC doit s'adapter par étapes aux évolutions de notre monde. Mais elle ne peut être changée de fond en comble tous les trois ans, comme la Commission nous le suggérait encore l'an dernier.
En reprenant en octobre dernier l'initiative à Bruxelles, le Président de la République a rejeté cette méthode du changement permanent et rendu une visibilité jusqu'en 2013 au budget de la PAC.
Dans le cadre de la revue à mi-parcours, l'année 2003 peut nous permettre d'améliorer nos dispositifs de développement rural et d'en simplifier les mécanismes. C'est la raison d'être de ce rendez-vous, prévu par les chefs d'Etat et de Gouvernement en 1999.
En revanche, cette année 2003 ne sera pas - et j'en prends l'engagement devant vous - l'année du découplage des aides, telle que la propose la Commission, car une telle mesure ouvrirait la voie au démantèlement de la PAC. L'heure n'est pas à des décisions hâtives et idéologiques mais à une réflexion sereine et pragmatique, conduites avec les futurs Etats membres, sur l'avenir de la PAC après 2006.
Tout au long de cette année, je serai à l'écoute de vos suggestions et de vos propositions en ce domaine, afin que l'avenir de la PAC soit décidé à Bruxelles, en toute connaissance de cause, selon les aspirations des agriculteurs et les attentes de nos citoyens.
l Dans les négociations de l'OMC, et notamment dans la perspective de la Conférence ministérielle qui se tiendra à Cancun, au Mexique, en septembre prochain, nous poursuivons deux autres objectifs :
- D'une part, faire reconnaître dans la durée le droit des Etats à conduire des politiques agricoles ;
La libéralisation complète des échanges agricoles et le démantèlement des politiques de soutien à l'agriculture ne doivent pas constituer des objectifs poursuivis à l'OMC. Il faut maintenant le dire en ces termes, et sortir de l'ambiguïté et de l'hypocrisie qui entourent trop souvent ces questions, auxquelles personne ne comprend rien.
- Consacrer, d'autre part, le droit des Etats à accorder des préférences dans leurs politiques agricoles.
Les préférences de l'Europe doivent aller aux futurs Etats membres, avec lesquels nous allons désormais commercer librement, parce que nous obéirons tous aux mêmes règles sanitaires, sociales et environnementales. C'est la raison pour laquelle nous devons maintenir une préférence communautaire aux nouvelles frontières extérieures de l'Europe.
Les préférences de l'Europe doivent également aller aux pays les plus pauvres, et notamment aux pays d'Afrique. Nous souhaitons pouvoir aider le Burkina-Faso, pas l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.
Le droit d'accorder des préférences spécifiques aux pays les plus pauvres doit désormais être pleinement reconnu à l'OMC, comme l'a demandé vendredi le Président de la République Jacques Chirac lors de la Conférence France - Afrique. L'expérience a montré que les règles actuelles de l'OMC ont très largement bénéficié aux grandes puissances exportatrices agricoles et trop peu aux pays les plus pauvres.
Lorsque la règle n'est pas adaptée, il faut avoir le courage de le dire et la volonté politique de la changer. C'est ce que la France propose aujourd'hui.
Les positions dans le domaine de l'agriculture, que l'Europe a récemment présentées à l'OMC, sont compatibles avec ces objectifs, même si elles doivent encore être développées, pour apporter une meilleure réponses aux besoins des pays les plus pauvres.
La proposition que l'OMC a mise sur la table est, en revanche, incompatible avec ces objectifs. Car elle entend abolir les politiques agricoles et persiste dans l'erreur qui consiste à placer le Mali sur le même plan que l'Argentine.
Cette proposition n'est pas acceptable et ne peut constituer le point de départ d'une négociation équilibrée.
L'Europe doit maintenant reprendre l'initiative, afin que la négociation ne soit pas conduite sous l'impulsion de la structure administrative de l'OMC, qui tend naturellement à privilégier une vision exclusivement commerciale de l'agriculture, mais sous l'impulsion politique des Etats membres de l'OMC, à qui il reviendra, le moment venu, de décider unanimement de la conclusion du cycle de négociations.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Il y a vingt ans, le Professeur TREFOUEL écrivait que "la motoculture peut aider à lutter contre la fin dans le monde", une de nos obligations alors "les plus urgentes", et qui - j'ajouterai - le demeure alors que nous nous engageons dans le "cycle du développement" de l'OMC.
Le champ de votre activité est ainsi immense ; l'enjeu de mon action est également exaltant : s'efforcer dans notre pays de réconcilier les Français avec leurs agricultures et sauvegarder dans les négociations communautaires et internationales un modèle de civilisation, auquel nous sommes attachés. Dans cette mission difficile, je sais pouvoir compter sur votre soutien ; vous pouvez, en retour, compter sur mon écoute attentive et mon attention la plus vigilante aux préoccupations dont vous me ferez part.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 26 février 2003)