Déclaration de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le bilan de la politique économique de 1999 et les trois objectifs à atteindre en 2000 : expansion de la croissance, régulation nationale et internationale de l'économie et modernisation du ministère de l'économie des finances et de l'industrie, Paris, le 13 janvier 2000.

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Circonstance : Voeux à la presse à Paris, le 13 janvier 2000

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
Loin de constituer un rite auquel il faudrait, bon gré, mal gré, se soumettre, cette cérémonie des voeux marque un moment important :
- pour moi, parce que c'est la première année que je m'adresse à vous dans ces fonctions - en ayant une pensée amicale et affectueuse pour Dominique Strauss-Kahn ;
- pour nous tous, parce qu'elle offre l'occasion de parler de ce qui fait nos professions (à la fois de dresser un bilan de l'année écoulée et de tracer quelques perspectives pour l'année qui commence) mais de ne pas oublier ce qui constitue aussi la trame de nos vies.
Je tiens donc à remercier le président Moatti pour ses voeux. Et je veux, à mon tour, en mon nom et au nom des quatre secrétaires d'Etat de Bercy, vous adresser mes voeux très sincères.
Voeux pour vos personnes et vos proches.
Voeux pour vos organes de presse :
- je mesure l'importance de votre rôle : vous suivez des questions qui suscitent un fort intérêt chez nos concitoyens, qui confrontent des intérêts divergents, qui sont techniques, donc complexes. Votre travail d'explication, d'analyse est donc précieux. Il l'est pour vos lecteurs. Il l'est pour nous, au travers de ce dialogue implicite et continu que nous entretenons.
- j'ai également entendu vos inquiétudes : elles concernent - et ce n'est pas nouveau - votre indépendance, mais elles portent - et c'est nouveau - sur des questions juridiques et non plus seulement économiques. Elles méritent réflexion.
- j'aimerais enfin profiter de ces voeux pour remercier les agences internationales et les correspondants de la presse étrangère de leur fidélité au cours de l'année écoulée. Vous êtes les grands témoins d'une France qui change très vite. Vos articles, votre jugement sont importants pour nous. Ils sont importants aussi pour que les autres pays connaissent et comprennent ce qui se passent en France. Vous êtes les bienvenus à Bercy.1999
Je ne reviendrais pas longuement sur 1999 : vous avez parlé de la " cagnotte ", vous venez de voir la " cassette " !
Je retirerai néanmoins trois invitations de cette année de forts changements : à la modestie, à la volonté et à la réforme.
1) L'année 1999 a été une invitation à la modestie, et pour chacun d'entre nous.
- la prévision de croissance a été vivement brocardée, davantage encore qu'en 1998 où elle avait été seulement très critiquée : elle sera pourtant respectée ;
- le chômage a continué, mois après mois, de baisser : il demeure très élevé - trop élevé ;
- la tempête a témoigné de la solidarité des Français et de l'efficacité des services publics : elle a apporté une preuve supplémentaire de la force et de l'imprévisibilité des éléments.
2) L'année 1999 a été aussi une invitation à la volonté.
- ce n'est pas le fruit du hasard si notre croissance a été supérieure - et nettement supérieure - à celle de nos principaux partenaires : c'est le fruit de la volonté ;
- la même remarque vaut, je le crois, pour notre stratégie industrielle - avec notamment la constitution de EADS - ou pour notre stratégie fiscale - avec notamment la baisse de la TVA.
3) L'année 1999 a été enfin une invitation à la réforme.
Quel l'on songe à la vague de restructurations ou au déferlement des nouvelles technologies, il est possible que jamais l'Europe, et jamais la France, n'aient connu des mutations économiques d'une telle ampleur et d'un tel rythme.
Dans ce monde nouveau, nous devons toujours essayer de trouver le meilleur équilibre entre le temps - de plus en plus court - de l'économie et le temps - nécessairement plus long - de la démocratie.2000
Forts de ces leçons, nous abordons l'année 2000. Avec des objectifs. Avec des projets. Avec une méthode.
1) Les objectifs
Pour 2000, et au-delà pour les prochaines années, un objectif prime tous les autres et structure l'action du gouvernement comme de notre ministère : c'est la recherche du plein emploi sans les inégalités.
S'agissant du plein emploi, vous avez sans doute été, comme moi, sensible à ce paradoxe : hier, cet objectif n'était quasiment pas audible pour l'opinion, ni pensable pour les responsables publics. Aujourd'hui, il est présenté par certains presque comme naturel ou mécanique.
Durant cette dernière décennie, des choix implicites ont été faits par les pays développés : plus d'emplois mais plus d'inégalités aux Etats-Unis ; moins d'inégalités mais moins d'emplois en Europe ; notre défi, c'est de rechercher le plein emploi sans les inégalités.
2) Les projets
Il sont structurés autour de trois idées : l'expansion ; la régulation ; la modernisation.
L'expansion
Si l'année 2000 se présente bien, il nous revient de tout faire pour que cette croissance forte se transforme en croissance longue :
- par la programmation triennale de nos finances publiques, que nous transmettrons à Bruxelles d'ici la fin du mois et qui permettra aux agents économiques de disposer d'une plus grande visibilité sur notre action. Elle illustrera la philosophie budgétaire que je crois partager avec Florence Parly : maîtriser les dépenses, baisser les déficits, baisser les impôts ; il va être temps de récolter les fruits fiscaux de notre sagesse budgétaire.
- par la poursuite de nos efforts, avec Christian Pierret, sur les nouvelles technologies - notamment par le vote de la loi sur la société de l'information - qui doit contribuer à élever notre potentiel de croissance ;
- par la meilleure coordination des politiques économiques, qui doit garantir le plein effet de la création de l'euro ;
- par la réforme de la fiscalité directe - impôt sur le revenu et taxe d'habitation - qui doit permettre la baisse des prélèvements obligatoires et, plus largement, contribuer à la recherche de ce " plein emploi sans les inégalités " que j'évoquais il y a un instant.
Pour atteindre ces objectifs, il faudra sans doute adapter nos instruments et notamment, à côté de ce qui doit continuer d'être fait pour la demande, porter l'attention que mérite davantage aujourd'hui l'offre, afin d'élever notre potentiel de croissance.
La régulation
Là aussi, de nombreux rendez-vous nous attendent.
Certains sont nationaux : je pense aux assises de la distribution qui se tiennent aujourd'hui ou à la loi sur les régulations économiques et notamment sur l'épargne salariale.
Entre l'économie administrée d'hier et l'impuissance publique des ultra-libéraux, il y a l'économie régulée.
D'autres sont internationaux :
- je pense notamment à la concrétisation de nos propositions sur le contrôle des hedge funds ou des paradis bancaires et fiscaux et à l'accentuation de la lutte contre le blanchiment d'argent ;
- je pense aussi à la relance des négociations commerciales, avec François Huwart, pour que la croissance mondiale soit mieux partagée avec les pays moins avancés et plus respectueuse de notre patrimoine naturel ;
- je pense enfin à la présidence française de l'Union européenne au second semestre qui, à la suite de la présidence portugaise, fera avancer l'Europe vers une croissance forte et durable
La modernisation.
Pour le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, cette année se présente sous le signe de la poursuite et de l'amplification de la réforme.
1999 aura marqué le début d'une remise en ordre du budget de cette maison et, en particulier, une clarification de ses régimes indemnitaires. Des engagements ont été pris, notamment devant la représentation nationale, dont la mise en uvre constitue maintenant une des tâches essentielles de notre administration pour l'année qui commence.
Mais l'année 2000 sera surtout celle de l'engagement concret des réformes qui seront décidées dans les jours qui viennent sur la base du rapport que Dominique Strauss-Kahn et moi avions demandé à Thierry Bert et Paul Champsaur.
Nous avons, à Bercy, une responsabilité particulière dans la gestion des affaires de l'Etat. La réforme de l'Etat et la modernisation de la gestion publique passent par la modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous entrons dans le XXIème siècle, et nous devons y entrer de plain-pied, avec un Etat efficace et moderne et un service public ouvert et transparent. Nous devons être davantage à l'écoute de la société.
Je porterai jusqu'à son terme le dossier de la réforme du ministère. Nous progresserons dans le domaine de la gestion publique et de la procédure budgétaire. Nous nous acharnerons à simplifier radicalement notre organisation et nos procédures.
La Mission 2003 nous a rendu, à Florence Parly et à moi, son rapport. Après le temps de la réflexion, et du travail préparatoire, vient le temps de la décision. Celle-ci interviendra d'ici la fin du mois. Elle portera sur les chantiers abordés par la mission : le service public fiscal, et l'aide aux PME. Mais elle ne pourra pas laisser de côté les autres dimensions de la modernisation du ministère, qui inclut la gestion publique au sens large, ou le fonctionnement des administrations centrales.
Ces décisions seront prises en fonction des trois critères que j'ai toujours mis en avant : les usagers, les agents, et le service public. Bref, une réforme " gagnant-gagnant-gagnant ". C'est un chantier majeur, pour les quatre secrétaires d'Etat et pour moi.
J'y consacrerai avec eux tout le temps qui sera nécessaire.
3) Une méthode
Un dernier mot sur la méthode.
Pour tous les chantiers que j'ai évoqué, il y a d'abord eu une phase de diagnostic : le rapport Champsaur-Bert pour la réforme du ministère ; le rapport Balligand-De Foucauld pour l'épargne salariale ; le rapport de Christian Paul pour la société de l'information.
Il y a eu aussi une phase de dialogue : soit à l'occasion de ces rapports - il faut souligner la concertation peut-être sans précédent dans toute l'administration et certainement sans précédent à Bercy qui a été menée à l'occasion du rapport de Thierry Bert et Paul Champaur, - soit après, avec la majorité plurielle, avec les forces syndicales, avec les professionnels.
Mais il y a toujours eu une phase de décision. Nous avons montré depuis juin 1997 que le diagnostic et le dialogue ne constituaient pas des substituts à la décision - contrairement à une idée communément reçue qui fleure bon la IVème République et le docteur Queuille mais ne reflète pas le XXIème siècle et le gouvernement Jospin - mais un outil pour de bonnes décisions.
Nous continuerons dans cette voie cette année, notamment s'agissant de la réforme des impôts directs - taxe d'habitation et impôt sur le revenu - dont le Premier ministre a rappelé hier encore le champ et les objectifs.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 21 janvier 2000)