Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite bienvenue à cette conférence, et en particulier à ceux qui ont traversé l'Atlantique, en espérant que ces deux jours vous donneront une vision claire de la situation économique et financière de la France, point essentiel de la zone Euro, largement insérée dans l'économie mondiale et vous permettront de juger de l'opportunité d'investir en France.
Je voudrais pour ma part dresser un rapide tableau de la situation économique française, de ses perspectives et des réformes structurelles mises en oeuvre. Puis, je vous montrerai combien l'insertion internationale de la France a progressé au cours de ces dernières années et insisterai sur les nouveaux enjeux auxquels la France est maintenant confrontée.
I. L'économie française : situation, perspectives et réformes
1.1. L'économie française a retrouvé une croissance forte et durable
La croissance de l'économie française s'est maintenue sur un rythme annuel de 3% en 1998 et 1999, malgré le ralentissement du commerce mondial induit par la crise des pays émergents. Avec le redémarrage de l'économie mondiale, cette croissance devrait se situer dans une fourchette de 3,4 à 3,8% cette année, et d'environ 3% l'an prochain. Les niveaux historiques récemment atteints par les indicateurs de confiance auprès des ménages et des entreprises attestent, de façon éclatante, de la vigueur des perspectives conjoncturelles.
Ce dynamisme s'inscrit désormais dans un mouvement général de reprise robuste en Europe. Mais, avec une croissance qui reste sensiblement supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Italie, l'économie française continue à jouer un rôle important de locomotive au sein de la zone euro. Ses perspectives à court terme la placent aussi parmi les économies les plus dynamiques du G7, une situation qui contraste avec la performance médiocre de la première moitié des années 90.
L'économie française a bénéficié d'une moindre exposition de ses échanges vis à vis des pays émergents récemment en crise ; grâce à une maîtrise prolongée des salaires et des prix, elle bénéficie aussi d'une bonne compétitivité extérieure, qui tranche avec celle de l'industrie allemande et que l'introduction de l'euro a permis de conforter. Mais la performance récente de l'économie française repose avant tout sur le dynamisme particulier de sa demande intérieure, alors que la consommation des ménages et l'investissement des entreprises ont, à l'inverse, quelque peu tardé à redémarrer en Allemagne et en Italie.
La reprise en cours s'appuie sur des créations d'emplois particulièrement vigoureuses. Après des niveaux records en 1998 et 1999, les créations nettes d'emplois dans le secteur privé concurrentiel devraient encore accélérer, pour s'élever à environ 400 000 et 250 000 en 2000 et 2001. Avec un total de 1,6 million d'emplois supplémentaires sur la période 1998-2001, le taux de chômage, en forte baisse, est d'ores et déjà au seuil de 10%, alors que nous pensions franchir ce cap seulement au second semestre.
Depuis 1997, l'économie française a enclenché, de fait, un cercle vertueux, dans lequel les créations d'emplois alimentent le revenu et la confiance des ménages, ce qui stimule la demande intérieure et l'activité, et favorise en retour les créations d'emploi.
1.2. Cette bonne performance résulte d'un rééquilibrage des politiques macro-économiques et de la mise en oeuvre de politiques structurelles au service de la croissance et l'emploi.
En Europe, et en France en particulier, la reprise en cours doit beaucoup au rééquilibrage des politiques macro-économiques. Nous sommes passés d'un policy-mix, caractérisé par une politique monétaire restrictive et une politique budgétaire trop accommodante, au début des années 90, à un policy-mix où la consolidation des finances publiques autorise un assouplissement des conditions monétaires et financières au cours des dernières années. De fait, malgré le resserrement monétaire récemment engagé par la BCE, ces conditions continuent de soutenir l'activité.
La France a fortement assaini ses finances publiques depuis la crise de 1992-93. Après avoir qualifié notre pays pour l'euro en 1997, le gouvernement a poursuivi la consolidation budgétaire de manière ferme, mais à un rythme adapté afin de ne pas compromettre la reprise et avec le souci de promouvoir une croissance solidaire et riche en emplois. Le déficit public a été ramené de 2,7 points de PIB en 1998 à 1,8 points de PIB en 1999, un niveau sensiblement inférieur à ce qui était initialement escompté. Reposant initialement sur une hausse des prélèvements obligatoires, la consolidation a davantage reposé sur la maîtrise des dépenses publiques au cours des dernières années qui ont baissé de deux points de PIB de 1996 à 1999, tendance qui est appelée à se poursuivre.
Une des clefs de la performance française récente réside dans l'enrichissement de la croissance en emploi. Tandis qu'il se situait aux alentours de 2-2½% au cours des années 80, le seuil de croissance au delà duquel l'économie dégage des créations nettes d'emploi a été abaissé à 1-1½% au cours des années 90. Sur la période 1993-99, nous avons créé plus de 600 000 emplois privés de plus que ce que suggérait la relation historique entre activité et croissance. Favorable à l'emploi, ce mouvement ne s'est en outre pas traduit par un ralentissement du progrès technique, dans la mesure où la décélération de la productivité apparente du travail s'est accompagnée d'un redressement de la productivité du capital.
Cet enrichissement de la croissance en emploi résulte des réformes structurelles mises en uvre sur le marché du travail, notamment la réduction ciblée des charges sociales sur les bas salaires et l'encouragement à une meilleure gestion du temps de travail. Représentant près de point de PIB sur les dernières années, les mesures de réduction des charges sociales sur les bas salaires ont permis de réduire le coût du travail pour les entreprises d'environ 12% au niveau du salaire minimum. Ces allègements ont permis de stimuler fortement la demande en travailleurs peu qualifiés ; ils sont confortés avec la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Parallèlement, le marché du travail français s'est aussi sensiblement assoupli avec le développement du travail à temps partiel, des contrats à durée déterminée, et la progression spectaculaire de l'emploi dans le secteur de l'intérim.
Il ne faut pas non plus sous estimer l'impact des réformes de structure qui ont été récemment mises en uvre sur les marchés de produits et des capitaux en Europe. La mise en place du Marché Unique et l'introduction récente de l'euro ont constitué des réformes radicales, avec d'importantes retombées en matière d'efficacité économique. Au cours de sa première année d'existence, l'euro a sensiblement renforcé l'intégration des marchés financiers européens; il a également suscité une forte intensification de la concurrence et une explosion des investissement directs ou de portefeuille au sein de la zone. Ce mouvement semble amorcer une transformation profonde de notre appareil productif. Les réformes engagées depuis le début des années 90 sur les marchés de produits en Europe, avec l'ouverture à la concurrence des industries de réseaux sont elles aussi importantes. L'intensification récente de la concurrence et les modifications de prix relatifs en témoignent.
Comme ses partenaires européens l'économie française a commencé enfin à tirer pleinement parti du développement et de la diffusion des nouvelles technologies de l'information et des communication. Les progrès récents sont spectaculaires : sur les années récentes, les dépôts de brevets et les créations d'entreprises ont progressé en France à des rythmes supérieurs à 10% ; les fonds levés sur le Nouveau Marché ont atteint 575 milliards d'euro en 1999, tandis que le secteur du capital risque explosait ; la progression du nombre d'internautes, de 1 à 6 millions de 1997 à 1999, soit 10% de la population, illustre, de manière emblématique, la vigueur du rattrapage dans ce domaine. Tandis qu'il ne représentait encore qu'environ 5% de l'économie, le secteur des nouvelles technologies serait à l'origine de près d'un demi-point de croissance par an sur les deux dernières années.
1.3. La priorité est désormais d'accroître le potentiel de croissance de l'économie
Avec le dynamisme actuel de l'activité, on peut penser que notre retard de demande sera quasiment comblé à l'horizon de l'année prochaine. Les perspectives d'inflation restent pour l'heure très modérées, nettement en deçà de l'objectif de la BCE, mais certains signes de tensions localisées sur notre appareil productif, notamment des difficultés de recrutement dans certains secteurs, commencent à poindre. Pour maintenir une croissance forte et équilibrée, il nous faut donc, plus que jamais, rehausser notre potentiel de croissance non-inflationniste, que l'on estime généralement aux alentours de 2¼-2½% par an sur la période récente.
Accélérer la réduction des prélèvements obligatoires
Le gouvernement entend accélérer la réduction des prélèvements obligatoires, tout en poursuivant la réduction du déficit public. L'objectif est de réduire la pression fiscale afin d'encourager davantage le travail et l'initiative. Dans un premier temps, le gouvernement entend ainsi réduire le taux des prélèvements obligatoires de 45,7 points de PIB en 1999 à 44,2 points de PIB en 2001, un niveau proche du niveau qui prévalait au milieu des années 90.
Dans ce contexte, la fiscalité qui pèse sur le travail ou ses revenus devrait être singulièrement allégée, dans un souci de justice sociale. La fiscalité devrait être également simplifiée.
Ce double objectif, de réduction du déficit et d'allègement des prélèvements obligatoires, est rendu possible par une maîtrise rigoureuse des dépenses publiques. Depuis l'établissement de notre premier programme pluri-annuel de finances publiques, notre stratégie s'appuie sur une norme de progression stricte des dépenses publiques. Le gouvernement prévoit ainsi de limiter la progression en volume des dépenses publiques à 1,3% en moyenne par an sur la période 2001-2003, l'objectif étant de 0,3% seulement par an pour les dépenses de l'Etat. De fait, le poids des dépenses publiques devrait être réduit de 2 points de PIB en 2000-2001.
Stimuler l'offre et la qualité de la main d'oeuvre
Les politiques qui ont été menées au cours des dernières années ont permis de stimuler la demande d'emploi des entreprises, notamment pour les travailleurs peu qualifiés. En cette phase de reprise, il convient désormais de mettre davantage l'accent sur l'offre et la qualité de la main d'oeuvre.
Sur le long terme, les politiques d'éducation et de formation sont évidemment fondamentales pour élever le niveau de connaissances et les qualifications professionnelles. Cette priorité se traduit dans nos choix budgétaires.
A court ou moyen terme, des mécanismes d'intéressement pourraient également contribuer à stimuler l'offre de travail des peu qualifiés et atténuer ainsi les situations de "trappes à inactivité" et de "trappes à pauvreté" qui résultent de notre système fiscalo-social. Des mesures dans ce sens ont déjà été prises. La réduction envisagé des prélèvements obligatoires devrait permettre d'avance dans ce sens.
Renforcer la concurrence et moderniser le secteur public
Le secteur public français a considérablement évolué sur le passé récent, en réponse aux nouveaux impératifs techniques et commerciaux. Son poids dans l'économie a reculé :
l'Etat s'est progressivement désengagé du secteur industriel, et, avec la privatisation récente du Crédit Lyonnais, il s'est désormais presque entièrement retiré du secteur bancaire. De nombreux dossiers ont été réglés depuis 1997 pour solder définitivement les séquelles de la crise de l'immobilier du milieu de la décennie. Dans le même temps, nos entreprises publiques ont porté une attention accrue aux principes reconnus de bonne gouvernance (" corporate governance "). Les ouvertures récentes de capital devraient consolider les progrès réalisés; elles devraient aussi permettre d'augmenter les alliances transfrontalières.
Nous avons franchi aussi des étapes importantes dans la réforme des industries de réseaux. L'Etat reconnaît qu'il n'a plus vocation à intervenir que lorsque des défaillances du marché ont été clairement identifiées, qu'il s'agisse de monopoles naturels ou d'externalités, ou quand il convient de garantir un accès équitable à des services d'intérêt général. Secteur par secteur, ce principe est désormais appliqué avec pragmatisme.
La France a ainsi ouvert à la concurrence depuis 1998 le marché des télécommunications. Celui-ci s'est développé depuis à un rythme rapide (baisse des prix, expansion de la téléphonie mobile). Il va bientôt connaître de nouvelles transformations : après la cession par France Télécom de ses réseaux câblés en 1999, et grâce au développement de nouvelles technologies d'accès, la concurrence sur la boucle locale devrait rapidement devenir effective .
La loi transposant la directive européenne sur le marché intérieur de l'électricité a été adoptée par le Parlement français le 1er février 2000. Elle impose la séparation fonctionnelle et comptable des activités de production et de transport de l'électricité au sein de l'opérateur public Electricité de France (EDF). Une commission de régulation indépendante, la Commission de Régulation de l'Electricité (CRE), est chargée de veiller aux bonnes conditions de fonctionnement du marché.
Enfin, le projet de loi sur les nouvelles régulations, qui vient d'être voté par l'Assemblée Nationale, comprend un volet sur la politique de la concurrence, avec des applications particulières au secteur de la distribution. Cette activité, déjà caractérisée en France par un haut niveau d'efficacité (horaires d'ouverture importants, marges peu élevées), connaît actuellement une phase de restructuration; qui a semblé au gouvernement devoir appeler une clarification des règles qui s'appliquent entre producteurs et distributeurs, afin de réduire les abus de position dominante.
Accélérer l'innovation et la diffusion des nouvelles technologies
Depuis 1997, nous avons mis en place une politique ambitieuse dans ce domaine, avec le souci de tirer les leçons du passé. Cette politique s'articule autour de deux grandes lignes directrices: (i) mieux valoriser "la culture du risque et de l'innovation" dans notre pays et (ii) faciliter le financement des PME et des jeunes entreprises innovantes:
(i) Le premier volet vise à favoriser les vocations entrepreneuriales et développer les pratiques " d'essaimage " en provenance du monde de la recherche. Il s'est traduit, en particulier, par: la création de Bons de Souscription de Parts de créateurs d'Entreprise); l'adoption, en juillet 1999, d'une loi sur l'innovation et la recherche, qui facilite la création d'entreprise par les chercheurs ou l'exercice par ceux-ci d'une responsabilité dans le secteur privé ; le lancement en mars 1999 d'un appel à projets doté de 100MF et aidant à la création d'incubateurs ; et davantage de couplages entre laboratoires de recherche et entreprises
(ii) Le second volet a consisté pour sa part à encourager le développement du capital-risque. Il s'est traduit, en particulier, par la création de Fonds Communs de Placements à Risques (FCPR), de contrats d'assurance vie investis en actions, d'un Fonds public pour le capital risque ; la création et l'essor du Nouveau Marché ( près de 110 sociétés y sont désormais cotées) et l'émergence de " business angels " par des incitations fiscales (report d'imposition des plus-values de cessions réinvesties dans des entreprises crées depuis moins de 7 ans, étendu par la loi de finances 1999 aux entreprises de moins de 15 ans).
Les résultats de cette politique s'expriment en particulier dans l'insertion internationale de notre économie
II. L'insertion internationale réussie de la France
Au cours des vingt dernières années, l'intégration économique internationale sur le marché des biens s'est accélérée. Simultanément, des modalités nouvelles d'interdépendance sont apparues : développement des échanges de services, essor des investissements à l'étranger . Par ailleurs, de nouveaux participants à l'économie mondiale sont entrés en scène, tant en Asie qu'en Amérique latine, et dans les pays d'Europe centrale et orientale.
2.1 Dans ce contexte d'interpénétration croissante des économies, la France a su s'ouvrir avec succès sur l'extérieur
a) Cette ouverture de l'économie française s'est observée à l'importation comme à l'exportation. Le volume des échanges de biens et services a ainsi été multiplié par 9,7 depuis 1960 et celui du PIB par 3,3. Sur les vingt dernières années, le taux d'ouverture de la France a globalement suivi l'évolution de la moyenne européenne. Son niveau est toutefois légèrement inférieur à celui de nos grands voisins européens (le taux d'ouverture est de 25% en France contre 29,5% en Allemagne, en 1999, pour les biens et services), ce qui s'explique en particulier par une plus faible dépendance énergétique.
Pour le seul secteur manufacturier, le degré d'ouverture de l'Union européenne est comparable à celui des Etats-Unis, et celui de la France est similaire, voire légèrement plus élevé que celui de ses principaux partenaires. Ce résultat recouvre des évolutions très voisines à l'exportation et à l'importation. La part du volume de production consacrée à l'exportation et le taux de pénétration en volume ont doublé depuis 1980 et approchent respectivement 40% et 30% en 1999.
b) La France bénéficie par ailleurs d'une bonne compétitivité structurelle : une spécialisation dans des branches où elle possède des avantages comparatifs, les produits de haute et moyenne technologie, tels l'espace, les transports, l'automobile et la pharmacie, et des produits non technologiques de haut de gamme, notamment dans les secteurs de l'alimentation, des boissons et des articles de mode ; une compétitivité hors prix liée à la diversification des produits, l'amélioration de la qualité et l'étendue des gammes proposées.
c) Cette forte insertion commerciale de la France et sa compétitivité structurelle lui ont permis de largement profiter de l'accélération observée du commerce mondial en 1999, impulsée par le redressement économique des pays d'Asie émergente et bénéficiant de la vigoureuse croissance de l'économie américaine et de sa demande intérieure. Les échanges extérieurs de la France ont ainsi retrouvé un large dynamisme au cors de l'année. Même si en moyenne annuelle, leur progression s'est limitée à environ 2,5%, le taux de croissance de nos ventes à l'étranger a atteint plus de 9% au second semestre de l'année. Nos importations quant à elles, ont progressé à un rythme plus soutenu d'environ 4% grâce au dynamisme de la demande intérieure. En 2000, la croissance mondiale dépasserait 4% en volume selon les dernières prévisions du FMI. Le commerce mondial devrait s'accélérer en 2000, avec une progression en volume aux environs de 10% en moyenne annuelle, rythme connu en 1997, qui fut une année exceptionnelle en termes de commerce mondial. Dans ce contexte, nos échanges extérieurs, nos exportations comme nos importations, seraient très dynamiques et progresseraient à des rythmes supérieurs à ceux connus durant les années 90.
d) Les échanges de services se sont également fortement développés ce qui permet à la France d'occuper le troisième rang mondial en 1999. Ce bon résultat ne tient pas uniquement aux performances françaises en matière de tourisme. Les services aux entreprises et particulièrement les services liés aux nouvelles technologies ont en effet connu une vigoureuse croissance à l'exportation depuis les cinq dernières années : entre 1996 et 1999, les exportations de services de communications par exemple ont augmenté de 90% et, dans le secteur informatique, le taux de croissance a atteint 73%.
L'activité exportatrice sur le territoire français demeure néanmoins concentrée: les 15 premiers groupes réalisent à eux seuls le quart des exportations de nos marchandises. Cependant, si de nombreuses PME n'ont pas vocation à exporter directement, leur internationalisation passe largement par les liens qu'elles établissent, notamment par des activités de sous-traitance, avec des firmes directement impliquées dans la compétition internationale.
2.2 La France est devenue à la fois un des principaux investisseurs à l'étranger au niveau mondial et un des premiers pays récepteurs d'investissements directs.
L'investissement direct à l'étranger est également au coeur de l'internationalisation. Depuis le milieu des années 80, ce phénomène connaît une phase d'expansion très importante : le stock mondial d'investissement direct étranger a été multiplié par 6 entre 1985 et 1998. Les ventes réalisées par les filiales des multinationales installées à l'étranger sont désormais supérieures aux exportations directes de leurs maisons-mères. Théoriquement, de tels investissements sont susceptibles de ses substituer directement aux échanges, les exportations se trouvant remplacées par les ventes sur place des filiales implantées à l'étranger. Mais, ils peuvent également accroître la compétitivité des firmes concernées sur le marché d'accueil, contribuant ainsi à favoriser les exportations en provenance du pays investisseur. L'effet de substitution serait prédominant au niveau micro-économique de la firme ; en revanche, l'effet de complémentarité l'emporterait au niveau macro-économique, lorsqu'on prend en compte l'effet d'entraînement sur les différents secteurs d'activité et c'est notamment le cas pour la France.
La France a su participer à cet essor des investissements directs. La part dans le stock mondial des investissements français à l'étranger est passé de 4.6% à 5.9% entre 1985 et 1998. Les investissements français à l'étranger, particulièrement dynamiques, ont progressé en 1999 pour la quatrième année consécutive et ont atteint le montant record de 83 milliards d'euros (543 milliards de francs), soit 6,1% du PIB, ce qui correspond à une hausse de 127% par rapport à l'année précédente. Parmi les grands pays industrialisés, la France devrait être à la 3ème place en 1999, devancée par le Royaume-Uni, les Etats-Unis. Cette dynamique trouve en grande partie son origine dans l'intensification des opérations de fusions-acquisitions transfrontalières menées par les entreprises françaises, comme l'acquisition de 42% de Gucci par PPR, l'augmentation du capital de Carrefour au sein du groupe Nederland BV, l'opération Vivendi-US Filters ou encore l'opération de Renault-Nissan (et plus récemment mais non encore comptabilisée l'opération de Renault avec Samsung Motors). Elle est la preuve que nos entreprises jouent un rôle actif dans le développement des échanges internationaux et dans la recomposition du paysage économique international. Le même phénomène est à l'uvre au niveau de la zone euro : en 1999, les entreprises européennes ont multiplié les investissements en dehors de la zone et particulièrement aux Etats-Unis.
Symétriquement , la France affirme son rôle de terre d'accueil des investissements directs étrangers. Notre pays devrait être au 6ème rang des destinations industrialisées et ainsi une des premières destinations d'investissement au sein de la zone euro. Les pays de l'Union européenne sont à l'origine de près de 80% des flux, ceux de la zone euro de 76% ; les Etats-Unis conservent enfin leur rang de premier investisseur non européen en France. Les entreprises étrangères reconnaissent ainsi la compétitivité de notre économie, qui ne tient pas seulement à une question de coût salarial mais bien , comme je vous l'ai dit tout à l'heure, à la mise en oeuvre de politiques structurelles visant à renforcer la concurrence, moderniser notre secteur public et stimuler l'offre et la qualité de la main d'uvre.
2.3. Cette internationalisation est en cours de réorientation vers des zones dynamiques.
L'échange est avant tout affaire de proximité. Il n'est donc pas étonnant que le commerce extérieur français tout comme les flux d'investissements directs des entreprises françaises manifestent un tropisme européen. Son ampleur traduit l'influence déterminante de la construction communautaire, qui fait aujourd'hui la base de l'insertion internationale de la France. Nos échanges commerciaux restent ainsi concentrés sur l'Union européenne qui reprèsente 64% de nos exportations et dont provient 62% de nos importations. Parallèlement, l'Union européenne est la zone d'accueil de la moitié de notre stock d'investissement à l'étranger et à l'origine de deux tiers du stock d'investissements étrangers en France, alors que l'Union européenne ne représente que 30% du PIB et 40% des échanges mondiaux.
Nos échanges sont néanmoins en train de se réorganiser autour de zones qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne à plus ou moins long terme ou vers des zones à fort potentiel de croissance, mais plus lointaines, d'Asie émergente ou d'Amérique latine.
Conclusion
La mise en uvre de réformes structurelles visant à renforcer la concurrence et accélérer la diffusion des innovations, de même que le développement du commerce international dans lequel la France est largement insérée devraient permettre d'accroître le potentiel de croissance de notre économie. C'est vrai pour la France, mais aussi pour les autres économies. Nous savons néanmoins que ces gains de croissance sont et seront inégalement répartis entre les pays. C'est pourquoi l'Union européenne et notamment la France plaident pour une mondialisation maîtrisée. Les négociations commerciales à l'OMC en matière de tarifs et de libéralisation ont repris dans les secteurs de l'agriculture et des services : il ne s'agit pas là d'un nouveau cycle mais simplement des suites de l'Uruguay round. La vision européenne du prochain cycle de négociations se caractérise principalement par la volonté d'aborder de nouveaux sujets : les normes sociales, l'environnement, l'investissement et la concurrence. Je voudrais juste conclure sur ces deux derniers thèmes qui certainement sont aussi au coeur de vos préoccupations.
Commerce de biens et services et investissement sont étroitement liés et une large partie du commerce international est le fait des échanges entre sociétés mères et filiales à l'étranger. C'est déjà la première raison qui justifierait l'inclusion de ce sujet dans les négociations commerciales. De plus, un cadre de règles véritablement multilatérales dans ce domaine permettraient de créer les conditions nécessaires pour que les investissements internationaux, par leur apport de technologie et de savoir faire et non seulement de capital, favorisent le développement durable des pays en développement.
Le développement des fusions et acquisitions transfrontalières peut dans certains secteurs mettre à mal la concurrence en facilitant les abus de positions dominantes tant à l'échelle du pays, de la région en développement qu'au plan mondial. L'établissement d'un cadre de règles sur la concurrence dans le contexte des principes de l'OMC de non discrimination et de transparence pourrait être ainsi une base pour la coopération internationale en matière de concurrence et de règles antitrust à l'échelle mondiale. Il me semble enfin que les réflexions sur commerce électronique et concurrence doivent être menées dans des enceintes internationales. Si le commerce électronique doit théoriquement renforcer l'efficacité de l'économie en donnant notamment une dimension plus large à la concurrence, il peut conduire à l'exclusion de certains du marché et avoir un impact dommageable sur le respect de la vie privée des consommateurs.
Nous voulons aussi restaurer la confiance des pays en développement et améliorer les procédures et le fonctionnement de l'OMC, afin de la rendre plus efficace, plus transparente et plus démocratique.
*
Je concluerai sur ce point. Réformes économiques et dialogue avec la société doivent progresser ensemble, aussi bien au niveau de l'économie mondiale que de l'économie française. Je voudrais que vous reteniez finalement que la méthode du gouvernement Lionel Jospin, qui consiste à favoriser la concertation plutôt que les décisions imposées d'en haut n'est pas un facteur de ralentissement des réformes, mais au contraire la garantie de leur avancée et de leur mise en uvre réelle.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 19 mai 2000)
Je vous souhaite bienvenue à cette conférence, et en particulier à ceux qui ont traversé l'Atlantique, en espérant que ces deux jours vous donneront une vision claire de la situation économique et financière de la France, point essentiel de la zone Euro, largement insérée dans l'économie mondiale et vous permettront de juger de l'opportunité d'investir en France.
Je voudrais pour ma part dresser un rapide tableau de la situation économique française, de ses perspectives et des réformes structurelles mises en oeuvre. Puis, je vous montrerai combien l'insertion internationale de la France a progressé au cours de ces dernières années et insisterai sur les nouveaux enjeux auxquels la France est maintenant confrontée.
I. L'économie française : situation, perspectives et réformes
1.1. L'économie française a retrouvé une croissance forte et durable
La croissance de l'économie française s'est maintenue sur un rythme annuel de 3% en 1998 et 1999, malgré le ralentissement du commerce mondial induit par la crise des pays émergents. Avec le redémarrage de l'économie mondiale, cette croissance devrait se situer dans une fourchette de 3,4 à 3,8% cette année, et d'environ 3% l'an prochain. Les niveaux historiques récemment atteints par les indicateurs de confiance auprès des ménages et des entreprises attestent, de façon éclatante, de la vigueur des perspectives conjoncturelles.
Ce dynamisme s'inscrit désormais dans un mouvement général de reprise robuste en Europe. Mais, avec une croissance qui reste sensiblement supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Italie, l'économie française continue à jouer un rôle important de locomotive au sein de la zone euro. Ses perspectives à court terme la placent aussi parmi les économies les plus dynamiques du G7, une situation qui contraste avec la performance médiocre de la première moitié des années 90.
L'économie française a bénéficié d'une moindre exposition de ses échanges vis à vis des pays émergents récemment en crise ; grâce à une maîtrise prolongée des salaires et des prix, elle bénéficie aussi d'une bonne compétitivité extérieure, qui tranche avec celle de l'industrie allemande et que l'introduction de l'euro a permis de conforter. Mais la performance récente de l'économie française repose avant tout sur le dynamisme particulier de sa demande intérieure, alors que la consommation des ménages et l'investissement des entreprises ont, à l'inverse, quelque peu tardé à redémarrer en Allemagne et en Italie.
La reprise en cours s'appuie sur des créations d'emplois particulièrement vigoureuses. Après des niveaux records en 1998 et 1999, les créations nettes d'emplois dans le secteur privé concurrentiel devraient encore accélérer, pour s'élever à environ 400 000 et 250 000 en 2000 et 2001. Avec un total de 1,6 million d'emplois supplémentaires sur la période 1998-2001, le taux de chômage, en forte baisse, est d'ores et déjà au seuil de 10%, alors que nous pensions franchir ce cap seulement au second semestre.
Depuis 1997, l'économie française a enclenché, de fait, un cercle vertueux, dans lequel les créations d'emplois alimentent le revenu et la confiance des ménages, ce qui stimule la demande intérieure et l'activité, et favorise en retour les créations d'emploi.
1.2. Cette bonne performance résulte d'un rééquilibrage des politiques macro-économiques et de la mise en oeuvre de politiques structurelles au service de la croissance et l'emploi.
En Europe, et en France en particulier, la reprise en cours doit beaucoup au rééquilibrage des politiques macro-économiques. Nous sommes passés d'un policy-mix, caractérisé par une politique monétaire restrictive et une politique budgétaire trop accommodante, au début des années 90, à un policy-mix où la consolidation des finances publiques autorise un assouplissement des conditions monétaires et financières au cours des dernières années. De fait, malgré le resserrement monétaire récemment engagé par la BCE, ces conditions continuent de soutenir l'activité.
La France a fortement assaini ses finances publiques depuis la crise de 1992-93. Après avoir qualifié notre pays pour l'euro en 1997, le gouvernement a poursuivi la consolidation budgétaire de manière ferme, mais à un rythme adapté afin de ne pas compromettre la reprise et avec le souci de promouvoir une croissance solidaire et riche en emplois. Le déficit public a été ramené de 2,7 points de PIB en 1998 à 1,8 points de PIB en 1999, un niveau sensiblement inférieur à ce qui était initialement escompté. Reposant initialement sur une hausse des prélèvements obligatoires, la consolidation a davantage reposé sur la maîtrise des dépenses publiques au cours des dernières années qui ont baissé de deux points de PIB de 1996 à 1999, tendance qui est appelée à se poursuivre.
Une des clefs de la performance française récente réside dans l'enrichissement de la croissance en emploi. Tandis qu'il se situait aux alentours de 2-2½% au cours des années 80, le seuil de croissance au delà duquel l'économie dégage des créations nettes d'emploi a été abaissé à 1-1½% au cours des années 90. Sur la période 1993-99, nous avons créé plus de 600 000 emplois privés de plus que ce que suggérait la relation historique entre activité et croissance. Favorable à l'emploi, ce mouvement ne s'est en outre pas traduit par un ralentissement du progrès technique, dans la mesure où la décélération de la productivité apparente du travail s'est accompagnée d'un redressement de la productivité du capital.
Cet enrichissement de la croissance en emploi résulte des réformes structurelles mises en uvre sur le marché du travail, notamment la réduction ciblée des charges sociales sur les bas salaires et l'encouragement à une meilleure gestion du temps de travail. Représentant près de point de PIB sur les dernières années, les mesures de réduction des charges sociales sur les bas salaires ont permis de réduire le coût du travail pour les entreprises d'environ 12% au niveau du salaire minimum. Ces allègements ont permis de stimuler fortement la demande en travailleurs peu qualifiés ; ils sont confortés avec la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Parallèlement, le marché du travail français s'est aussi sensiblement assoupli avec le développement du travail à temps partiel, des contrats à durée déterminée, et la progression spectaculaire de l'emploi dans le secteur de l'intérim.
Il ne faut pas non plus sous estimer l'impact des réformes de structure qui ont été récemment mises en uvre sur les marchés de produits et des capitaux en Europe. La mise en place du Marché Unique et l'introduction récente de l'euro ont constitué des réformes radicales, avec d'importantes retombées en matière d'efficacité économique. Au cours de sa première année d'existence, l'euro a sensiblement renforcé l'intégration des marchés financiers européens; il a également suscité une forte intensification de la concurrence et une explosion des investissement directs ou de portefeuille au sein de la zone. Ce mouvement semble amorcer une transformation profonde de notre appareil productif. Les réformes engagées depuis le début des années 90 sur les marchés de produits en Europe, avec l'ouverture à la concurrence des industries de réseaux sont elles aussi importantes. L'intensification récente de la concurrence et les modifications de prix relatifs en témoignent.
Comme ses partenaires européens l'économie française a commencé enfin à tirer pleinement parti du développement et de la diffusion des nouvelles technologies de l'information et des communication. Les progrès récents sont spectaculaires : sur les années récentes, les dépôts de brevets et les créations d'entreprises ont progressé en France à des rythmes supérieurs à 10% ; les fonds levés sur le Nouveau Marché ont atteint 575 milliards d'euro en 1999, tandis que le secteur du capital risque explosait ; la progression du nombre d'internautes, de 1 à 6 millions de 1997 à 1999, soit 10% de la population, illustre, de manière emblématique, la vigueur du rattrapage dans ce domaine. Tandis qu'il ne représentait encore qu'environ 5% de l'économie, le secteur des nouvelles technologies serait à l'origine de près d'un demi-point de croissance par an sur les deux dernières années.
1.3. La priorité est désormais d'accroître le potentiel de croissance de l'économie
Avec le dynamisme actuel de l'activité, on peut penser que notre retard de demande sera quasiment comblé à l'horizon de l'année prochaine. Les perspectives d'inflation restent pour l'heure très modérées, nettement en deçà de l'objectif de la BCE, mais certains signes de tensions localisées sur notre appareil productif, notamment des difficultés de recrutement dans certains secteurs, commencent à poindre. Pour maintenir une croissance forte et équilibrée, il nous faut donc, plus que jamais, rehausser notre potentiel de croissance non-inflationniste, que l'on estime généralement aux alentours de 2¼-2½% par an sur la période récente.
Accélérer la réduction des prélèvements obligatoires
Le gouvernement entend accélérer la réduction des prélèvements obligatoires, tout en poursuivant la réduction du déficit public. L'objectif est de réduire la pression fiscale afin d'encourager davantage le travail et l'initiative. Dans un premier temps, le gouvernement entend ainsi réduire le taux des prélèvements obligatoires de 45,7 points de PIB en 1999 à 44,2 points de PIB en 2001, un niveau proche du niveau qui prévalait au milieu des années 90.
Dans ce contexte, la fiscalité qui pèse sur le travail ou ses revenus devrait être singulièrement allégée, dans un souci de justice sociale. La fiscalité devrait être également simplifiée.
Ce double objectif, de réduction du déficit et d'allègement des prélèvements obligatoires, est rendu possible par une maîtrise rigoureuse des dépenses publiques. Depuis l'établissement de notre premier programme pluri-annuel de finances publiques, notre stratégie s'appuie sur une norme de progression stricte des dépenses publiques. Le gouvernement prévoit ainsi de limiter la progression en volume des dépenses publiques à 1,3% en moyenne par an sur la période 2001-2003, l'objectif étant de 0,3% seulement par an pour les dépenses de l'Etat. De fait, le poids des dépenses publiques devrait être réduit de 2 points de PIB en 2000-2001.
Stimuler l'offre et la qualité de la main d'oeuvre
Les politiques qui ont été menées au cours des dernières années ont permis de stimuler la demande d'emploi des entreprises, notamment pour les travailleurs peu qualifiés. En cette phase de reprise, il convient désormais de mettre davantage l'accent sur l'offre et la qualité de la main d'oeuvre.
Sur le long terme, les politiques d'éducation et de formation sont évidemment fondamentales pour élever le niveau de connaissances et les qualifications professionnelles. Cette priorité se traduit dans nos choix budgétaires.
A court ou moyen terme, des mécanismes d'intéressement pourraient également contribuer à stimuler l'offre de travail des peu qualifiés et atténuer ainsi les situations de "trappes à inactivité" et de "trappes à pauvreté" qui résultent de notre système fiscalo-social. Des mesures dans ce sens ont déjà été prises. La réduction envisagé des prélèvements obligatoires devrait permettre d'avance dans ce sens.
Renforcer la concurrence et moderniser le secteur public
Le secteur public français a considérablement évolué sur le passé récent, en réponse aux nouveaux impératifs techniques et commerciaux. Son poids dans l'économie a reculé :
l'Etat s'est progressivement désengagé du secteur industriel, et, avec la privatisation récente du Crédit Lyonnais, il s'est désormais presque entièrement retiré du secteur bancaire. De nombreux dossiers ont été réglés depuis 1997 pour solder définitivement les séquelles de la crise de l'immobilier du milieu de la décennie. Dans le même temps, nos entreprises publiques ont porté une attention accrue aux principes reconnus de bonne gouvernance (" corporate governance "). Les ouvertures récentes de capital devraient consolider les progrès réalisés; elles devraient aussi permettre d'augmenter les alliances transfrontalières.
Nous avons franchi aussi des étapes importantes dans la réforme des industries de réseaux. L'Etat reconnaît qu'il n'a plus vocation à intervenir que lorsque des défaillances du marché ont été clairement identifiées, qu'il s'agisse de monopoles naturels ou d'externalités, ou quand il convient de garantir un accès équitable à des services d'intérêt général. Secteur par secteur, ce principe est désormais appliqué avec pragmatisme.
La France a ainsi ouvert à la concurrence depuis 1998 le marché des télécommunications. Celui-ci s'est développé depuis à un rythme rapide (baisse des prix, expansion de la téléphonie mobile). Il va bientôt connaître de nouvelles transformations : après la cession par France Télécom de ses réseaux câblés en 1999, et grâce au développement de nouvelles technologies d'accès, la concurrence sur la boucle locale devrait rapidement devenir effective .
La loi transposant la directive européenne sur le marché intérieur de l'électricité a été adoptée par le Parlement français le 1er février 2000. Elle impose la séparation fonctionnelle et comptable des activités de production et de transport de l'électricité au sein de l'opérateur public Electricité de France (EDF). Une commission de régulation indépendante, la Commission de Régulation de l'Electricité (CRE), est chargée de veiller aux bonnes conditions de fonctionnement du marché.
Enfin, le projet de loi sur les nouvelles régulations, qui vient d'être voté par l'Assemblée Nationale, comprend un volet sur la politique de la concurrence, avec des applications particulières au secteur de la distribution. Cette activité, déjà caractérisée en France par un haut niveau d'efficacité (horaires d'ouverture importants, marges peu élevées), connaît actuellement une phase de restructuration; qui a semblé au gouvernement devoir appeler une clarification des règles qui s'appliquent entre producteurs et distributeurs, afin de réduire les abus de position dominante.
Accélérer l'innovation et la diffusion des nouvelles technologies
Depuis 1997, nous avons mis en place une politique ambitieuse dans ce domaine, avec le souci de tirer les leçons du passé. Cette politique s'articule autour de deux grandes lignes directrices: (i) mieux valoriser "la culture du risque et de l'innovation" dans notre pays et (ii) faciliter le financement des PME et des jeunes entreprises innovantes:
(i) Le premier volet vise à favoriser les vocations entrepreneuriales et développer les pratiques " d'essaimage " en provenance du monde de la recherche. Il s'est traduit, en particulier, par: la création de Bons de Souscription de Parts de créateurs d'Entreprise); l'adoption, en juillet 1999, d'une loi sur l'innovation et la recherche, qui facilite la création d'entreprise par les chercheurs ou l'exercice par ceux-ci d'une responsabilité dans le secteur privé ; le lancement en mars 1999 d'un appel à projets doté de 100MF et aidant à la création d'incubateurs ; et davantage de couplages entre laboratoires de recherche et entreprises
(ii) Le second volet a consisté pour sa part à encourager le développement du capital-risque. Il s'est traduit, en particulier, par la création de Fonds Communs de Placements à Risques (FCPR), de contrats d'assurance vie investis en actions, d'un Fonds public pour le capital risque ; la création et l'essor du Nouveau Marché ( près de 110 sociétés y sont désormais cotées) et l'émergence de " business angels " par des incitations fiscales (report d'imposition des plus-values de cessions réinvesties dans des entreprises crées depuis moins de 7 ans, étendu par la loi de finances 1999 aux entreprises de moins de 15 ans).
Les résultats de cette politique s'expriment en particulier dans l'insertion internationale de notre économie
II. L'insertion internationale réussie de la France
Au cours des vingt dernières années, l'intégration économique internationale sur le marché des biens s'est accélérée. Simultanément, des modalités nouvelles d'interdépendance sont apparues : développement des échanges de services, essor des investissements à l'étranger . Par ailleurs, de nouveaux participants à l'économie mondiale sont entrés en scène, tant en Asie qu'en Amérique latine, et dans les pays d'Europe centrale et orientale.
2.1 Dans ce contexte d'interpénétration croissante des économies, la France a su s'ouvrir avec succès sur l'extérieur
a) Cette ouverture de l'économie française s'est observée à l'importation comme à l'exportation. Le volume des échanges de biens et services a ainsi été multiplié par 9,7 depuis 1960 et celui du PIB par 3,3. Sur les vingt dernières années, le taux d'ouverture de la France a globalement suivi l'évolution de la moyenne européenne. Son niveau est toutefois légèrement inférieur à celui de nos grands voisins européens (le taux d'ouverture est de 25% en France contre 29,5% en Allemagne, en 1999, pour les biens et services), ce qui s'explique en particulier par une plus faible dépendance énergétique.
Pour le seul secteur manufacturier, le degré d'ouverture de l'Union européenne est comparable à celui des Etats-Unis, et celui de la France est similaire, voire légèrement plus élevé que celui de ses principaux partenaires. Ce résultat recouvre des évolutions très voisines à l'exportation et à l'importation. La part du volume de production consacrée à l'exportation et le taux de pénétration en volume ont doublé depuis 1980 et approchent respectivement 40% et 30% en 1999.
b) La France bénéficie par ailleurs d'une bonne compétitivité structurelle : une spécialisation dans des branches où elle possède des avantages comparatifs, les produits de haute et moyenne technologie, tels l'espace, les transports, l'automobile et la pharmacie, et des produits non technologiques de haut de gamme, notamment dans les secteurs de l'alimentation, des boissons et des articles de mode ; une compétitivité hors prix liée à la diversification des produits, l'amélioration de la qualité et l'étendue des gammes proposées.
c) Cette forte insertion commerciale de la France et sa compétitivité structurelle lui ont permis de largement profiter de l'accélération observée du commerce mondial en 1999, impulsée par le redressement économique des pays d'Asie émergente et bénéficiant de la vigoureuse croissance de l'économie américaine et de sa demande intérieure. Les échanges extérieurs de la France ont ainsi retrouvé un large dynamisme au cors de l'année. Même si en moyenne annuelle, leur progression s'est limitée à environ 2,5%, le taux de croissance de nos ventes à l'étranger a atteint plus de 9% au second semestre de l'année. Nos importations quant à elles, ont progressé à un rythme plus soutenu d'environ 4% grâce au dynamisme de la demande intérieure. En 2000, la croissance mondiale dépasserait 4% en volume selon les dernières prévisions du FMI. Le commerce mondial devrait s'accélérer en 2000, avec une progression en volume aux environs de 10% en moyenne annuelle, rythme connu en 1997, qui fut une année exceptionnelle en termes de commerce mondial. Dans ce contexte, nos échanges extérieurs, nos exportations comme nos importations, seraient très dynamiques et progresseraient à des rythmes supérieurs à ceux connus durant les années 90.
d) Les échanges de services se sont également fortement développés ce qui permet à la France d'occuper le troisième rang mondial en 1999. Ce bon résultat ne tient pas uniquement aux performances françaises en matière de tourisme. Les services aux entreprises et particulièrement les services liés aux nouvelles technologies ont en effet connu une vigoureuse croissance à l'exportation depuis les cinq dernières années : entre 1996 et 1999, les exportations de services de communications par exemple ont augmenté de 90% et, dans le secteur informatique, le taux de croissance a atteint 73%.
L'activité exportatrice sur le territoire français demeure néanmoins concentrée: les 15 premiers groupes réalisent à eux seuls le quart des exportations de nos marchandises. Cependant, si de nombreuses PME n'ont pas vocation à exporter directement, leur internationalisation passe largement par les liens qu'elles établissent, notamment par des activités de sous-traitance, avec des firmes directement impliquées dans la compétition internationale.
2.2 La France est devenue à la fois un des principaux investisseurs à l'étranger au niveau mondial et un des premiers pays récepteurs d'investissements directs.
L'investissement direct à l'étranger est également au coeur de l'internationalisation. Depuis le milieu des années 80, ce phénomène connaît une phase d'expansion très importante : le stock mondial d'investissement direct étranger a été multiplié par 6 entre 1985 et 1998. Les ventes réalisées par les filiales des multinationales installées à l'étranger sont désormais supérieures aux exportations directes de leurs maisons-mères. Théoriquement, de tels investissements sont susceptibles de ses substituer directement aux échanges, les exportations se trouvant remplacées par les ventes sur place des filiales implantées à l'étranger. Mais, ils peuvent également accroître la compétitivité des firmes concernées sur le marché d'accueil, contribuant ainsi à favoriser les exportations en provenance du pays investisseur. L'effet de substitution serait prédominant au niveau micro-économique de la firme ; en revanche, l'effet de complémentarité l'emporterait au niveau macro-économique, lorsqu'on prend en compte l'effet d'entraînement sur les différents secteurs d'activité et c'est notamment le cas pour la France.
La France a su participer à cet essor des investissements directs. La part dans le stock mondial des investissements français à l'étranger est passé de 4.6% à 5.9% entre 1985 et 1998. Les investissements français à l'étranger, particulièrement dynamiques, ont progressé en 1999 pour la quatrième année consécutive et ont atteint le montant record de 83 milliards d'euros (543 milliards de francs), soit 6,1% du PIB, ce qui correspond à une hausse de 127% par rapport à l'année précédente. Parmi les grands pays industrialisés, la France devrait être à la 3ème place en 1999, devancée par le Royaume-Uni, les Etats-Unis. Cette dynamique trouve en grande partie son origine dans l'intensification des opérations de fusions-acquisitions transfrontalières menées par les entreprises françaises, comme l'acquisition de 42% de Gucci par PPR, l'augmentation du capital de Carrefour au sein du groupe Nederland BV, l'opération Vivendi-US Filters ou encore l'opération de Renault-Nissan (et plus récemment mais non encore comptabilisée l'opération de Renault avec Samsung Motors). Elle est la preuve que nos entreprises jouent un rôle actif dans le développement des échanges internationaux et dans la recomposition du paysage économique international. Le même phénomène est à l'uvre au niveau de la zone euro : en 1999, les entreprises européennes ont multiplié les investissements en dehors de la zone et particulièrement aux Etats-Unis.
Symétriquement , la France affirme son rôle de terre d'accueil des investissements directs étrangers. Notre pays devrait être au 6ème rang des destinations industrialisées et ainsi une des premières destinations d'investissement au sein de la zone euro. Les pays de l'Union européenne sont à l'origine de près de 80% des flux, ceux de la zone euro de 76% ; les Etats-Unis conservent enfin leur rang de premier investisseur non européen en France. Les entreprises étrangères reconnaissent ainsi la compétitivité de notre économie, qui ne tient pas seulement à une question de coût salarial mais bien , comme je vous l'ai dit tout à l'heure, à la mise en oeuvre de politiques structurelles visant à renforcer la concurrence, moderniser notre secteur public et stimuler l'offre et la qualité de la main d'uvre.
2.3. Cette internationalisation est en cours de réorientation vers des zones dynamiques.
L'échange est avant tout affaire de proximité. Il n'est donc pas étonnant que le commerce extérieur français tout comme les flux d'investissements directs des entreprises françaises manifestent un tropisme européen. Son ampleur traduit l'influence déterminante de la construction communautaire, qui fait aujourd'hui la base de l'insertion internationale de la France. Nos échanges commerciaux restent ainsi concentrés sur l'Union européenne qui reprèsente 64% de nos exportations et dont provient 62% de nos importations. Parallèlement, l'Union européenne est la zone d'accueil de la moitié de notre stock d'investissement à l'étranger et à l'origine de deux tiers du stock d'investissements étrangers en France, alors que l'Union européenne ne représente que 30% du PIB et 40% des échanges mondiaux.
Nos échanges sont néanmoins en train de se réorganiser autour de zones qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne à plus ou moins long terme ou vers des zones à fort potentiel de croissance, mais plus lointaines, d'Asie émergente ou d'Amérique latine.
Conclusion
La mise en uvre de réformes structurelles visant à renforcer la concurrence et accélérer la diffusion des innovations, de même que le développement du commerce international dans lequel la France est largement insérée devraient permettre d'accroître le potentiel de croissance de notre économie. C'est vrai pour la France, mais aussi pour les autres économies. Nous savons néanmoins que ces gains de croissance sont et seront inégalement répartis entre les pays. C'est pourquoi l'Union européenne et notamment la France plaident pour une mondialisation maîtrisée. Les négociations commerciales à l'OMC en matière de tarifs et de libéralisation ont repris dans les secteurs de l'agriculture et des services : il ne s'agit pas là d'un nouveau cycle mais simplement des suites de l'Uruguay round. La vision européenne du prochain cycle de négociations se caractérise principalement par la volonté d'aborder de nouveaux sujets : les normes sociales, l'environnement, l'investissement et la concurrence. Je voudrais juste conclure sur ces deux derniers thèmes qui certainement sont aussi au coeur de vos préoccupations.
Commerce de biens et services et investissement sont étroitement liés et une large partie du commerce international est le fait des échanges entre sociétés mères et filiales à l'étranger. C'est déjà la première raison qui justifierait l'inclusion de ce sujet dans les négociations commerciales. De plus, un cadre de règles véritablement multilatérales dans ce domaine permettraient de créer les conditions nécessaires pour que les investissements internationaux, par leur apport de technologie et de savoir faire et non seulement de capital, favorisent le développement durable des pays en développement.
Le développement des fusions et acquisitions transfrontalières peut dans certains secteurs mettre à mal la concurrence en facilitant les abus de positions dominantes tant à l'échelle du pays, de la région en développement qu'au plan mondial. L'établissement d'un cadre de règles sur la concurrence dans le contexte des principes de l'OMC de non discrimination et de transparence pourrait être ainsi une base pour la coopération internationale en matière de concurrence et de règles antitrust à l'échelle mondiale. Il me semble enfin que les réflexions sur commerce électronique et concurrence doivent être menées dans des enceintes internationales. Si le commerce électronique doit théoriquement renforcer l'efficacité de l'économie en donnant notamment une dimension plus large à la concurrence, il peut conduire à l'exclusion de certains du marché et avoir un impact dommageable sur le respect de la vie privée des consommateurs.
Nous voulons aussi restaurer la confiance des pays en développement et améliorer les procédures et le fonctionnement de l'OMC, afin de la rendre plus efficace, plus transparente et plus démocratique.
*
Je concluerai sur ce point. Réformes économiques et dialogue avec la société doivent progresser ensemble, aussi bien au niveau de l'économie mondiale que de l'économie française. Je voudrais que vous reteniez finalement que la méthode du gouvernement Lionel Jospin, qui consiste à favoriser la concertation plutôt que les décisions imposées d'en haut n'est pas un facteur de ralentissement des réformes, mais au contraire la garantie de leur avancée et de leur mise en uvre réelle.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 19 mai 2000)