Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur l'importance de l'agriculture à La Réunion, l'aménagement d'un parc naturel, la simplification administrative et la position française sur la situation en Irak, Le Tampon, le 22 février 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement à La Réunion les 21 et 22 février 2003-discours au Tampon le 226

Texte intégral

- " Je suis très heureux d'être avec vous et de votre accueil chaleureux je voudrais vous remercier. Je sais qu'il y a des problèmes à La Réunion, mais je sais aussi qu'il y a beaucoup de femmes et d'hommes qui se battent pour leur île, qui se battent pour créer des richesses, qui se battent par attachement à leur territoire et aussi par confiance dans l'avenir. Alors je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui et je vous remercie beaucoup de la qualité de votre accueil.
J'ai entendu dans les propos d'A. Thien-Ah-Koon tout à l'heure, une ou deux références au gouvernement précédent. Je ne vais pas m'attarder parce que je ne veux pas m'enfermer dans des statuts de critiqueur. Les Français veulent du positif, donc je ne regarde pas vers le passé, je regarde vers l'avenir et quand je vois les résultats des critiqueurs, je me dis quand même qu'à La Réunion, on a multiplié par trois notre nombre de députés et vous avez réussi à gagner 19 municipalités sur 24. Cela veut dire qu'au fond, en profondeur, les Réunionnais sont avec vous. Et s'ils sont avec vous, c'est qu'ils sont avec nous parce qu'on est ensemble.
Je connais l'importance de l'agriculture ici et je voudrais saluer tous les représentants des activités agricoles qui sont ici présents. C'est un grand honneur pour nous d'avoir cette rencontre, pour B. Girardin et pour P. Devedjian pour les parlementaires, le président du conseil général, le préfet, l'ensemble des personnalités qui sont ici présents, je suis heureux de pouvoir avec vous évoquer, dans cette commune du Tampon, les questions agricoles qui sont importantes et dont vous savez que le président de la République n'est pas indifférent - il doit en être en ce moment d'ailleurs encore au salon de l'agriculture -. Je suis frappé par l'imagination, par la détermination dont vous avez fait preuve. On a dit tout à l'heure combien vous avez réussi, malgré l'insularité, malgré la distance, malgré l'exiguïté du marché, malgré la concurrence des productions des pays voisins, malgré de nombreuses difficultés, en peu d'années, vous avez réussi à construire une agriculture performante, en jouant de tous les atouts, avec intelligence, y compris ce formidable dénivelé de 3.000 mètres qui vous permet d'avoir des productions graduées et qui vous permet de profiter de toutes les circonstances ; les productions qui ont le soleil elles ont ce qu'il faut, celles qui veulent de la pluie - on l'a vu tout à l'heure -, elles n'en sont pas dépourvues elles aussi.
Je voudrais dire à monsieur le maire que j'ai apprécié le travail remarquable qui est fait ici, notamment par l'ensemble de ceux qui se battent à partir de petites surfaces et qui exploitent avec art la moindre parcelle, repoussant les andains, diversifiant les productions, cherchant à augmenter la valeur ajoutée par tous les moyens. Et que dire de cette croissance soutenue et régulière, pendant 25 ans de vos filières animales parties de rien. Je crois qu'il y a là beaucoup d'initiatives qui ont été engagées, ici dans votre commune et dans l'ensemble de votre île et je voudrais saluer cette dynamique rurale et cette réussite agricole. Je salue les Réunionnais qui ont su relever ces défis avec imagination et originalité, en créant des institutions de qualité. J'ai vu un certain nombre de responsables ici, et je crois que c'est très important notamment pour tout le secteur interprofessionnel ; on voit bien aujourd'hui que, face au marché, face aux distributeurs, il faut que les agriculteurs se structurent et c'est l'organisation interprofessionnelle qui est la bonne voie pour l'avenir. Vous vous êtes dotés des bonnes structures et je pense notamment aux structures coopératives, ces structures coopératives qui sont à mon avis des structures d'avenir. J'entends ici ou là que la coopération agricole, c'est la nostalgie du 20ème siècle, parce qu'elle permet de rassembler tous les agriculteurs et de décider ensemble - un homme, une voix - dans des structures où on peut se faire entendre mais où on dégage une vraie force. Je crois que la coopération a de l'avenir, que ce la coopération en général ou les SICA en particulier. C'est pour cela, mon cher André, que pour ton amendement, tu pourras compter sur le soutien de B. Girardin, de P. Devedjian et de moi.
Je voudrais dire aussi que dans ce contexte vous avez affronté un grand nombre de difficultés. Je pense au passage de Dina il n'y a pas si longtemps, un peu plus d'un an, qui est encore dans toutes les mémoires et qui a fait tant de dégâts et qui a cassé tant de personnes, qui ont du rester debout dans les difficultés pour faire face à l'avenir et relancer la production dans l'île. Je voudrais aussi vous dire combien l'effort qui est fait pour la qualité des produits est très important. Je vois qu'avec cette Europe qui s'ouvre, avec ces dix nouveaux pays qui vont adhérer, votre stratégie de production de qualité doit pouvoir faire en sorte que ce marché doit pouvoir être ouvert. Mais il n'y a de l'avenir qu'aux productions de qualité. La bataille de l'avenir, c'est la bataille de la qualité. C'est pour cela que vous êtes engagés sur la bonne voie, c'est pour ça qu'il faut se mobiliser pour faire en sorte que l'on puisse dégager ces appellations, ces démarches commerciales et de production qui sont labellisées et qui permettront dans une Organisation mondiale du commerce toujours plus exigeante, de faire passer la priorité sur la qualité. Cela veut dire aussi des efforts considérables sur la formation des jeunes, la formation des agriculteurs, et vous avez là la possibilité de montrer aussi votre qualité.
Je sais que pour ces débats, il y a beaucoup de défis à gagner. Je pense au défi de 2006, de la nouvelle politique agricole commune. Vous savez qu'aujourd'hui, nous sommes soumis à une pression désagréable de la Commission européenne pour revenir sur les accords de Berlin et pour nous imposer à mi parcours une réforme de la politique agricole commune. Nous n'apprécions pas cet entêtement de la commission européenne sur les accords de Berlin ; nous l'avons dit avec le président de la République : nous voulons l'application des accords de Berlin, tous les accords de Berlin. Nous sommes d'accord pour réfléchir, avec l'ensemble de nos partenaires, à la définition d'une nouvelle politique agricole commune pour 2007 ; mais d'ici là, nous voulons que la politique agricole commune puisse être appliquée et faire en sorte que les règles du jeu soit ainsi stabilisées. Vous pouvez compter sur notre soutien, à la fois pour ce qui relève de la politique agricole commune, mais aussi pour ce qui concerne la politique régionale avec les régions ultrapériphériques qui, elles aussi, doivent rester dans la préoccupation de l'Union européenne.
L'agriculture réunionnaise s'articule autour de trois composantes dont je voudrais dire quelques mots : l'élevage, la viande et le lait, la canne à sucre, les fruits et légumes. Il faut veiller, je crois -et c'est très important pour vous qui avez soufferts de catastrophes naturelles - à la diversité des productions. C'est un élément important. Je connais trop de régions françaises aujourd'hui qui sont des régions de mono productions et qui sont ainsi fragilisées par les aléas ou des marchés ou des conditions climatiques. Il faut donc veiller à la diversité pour un développement équilibré et donc faire en sorte que vous puissez, autour de vos trois filières, maintenir la qualité de votre production. Le secteur des fruits et légumes : je voudrais souligner la mobilisation forte de l'Etat, des services de l'Etat ici, au niveau local comme au niveau national, pour que les indemnisations puissent parvenir aux bénéficiaires - je pense aux conséquences de Dina - dans les délais les plus rapides, en l'occurrence moins de six mois, ce qui ne s'était jamais vu auparavant. Je crois que ça c'est très important. Nous nous battons ; on a inventé un certain nombre de procédures, avec le ministre de l'Intérieur, avec le ministre de l'Agriculture. Nous avons l'occasion hélas d'avoir à faire face très souvent à des inondations, dans le sud-est de la France récemment. Nous avons l'obligation d'inventer des nouvelles procédures pour que les indemnisations soient beaucoup plus rapides. Elles participent en étant plus rapides à la reconquête et à la remoralisation des acteurs économiques. C'est un élément très important et c'est pour ça que je voudrais vous dire que nous sommes très déterminés dans ce sujet.
Dans le contexte particulier de La Réunion, les producteurs de fruits et légumes ou de produits spéciaux, comme la vanille ou les plantes aromatiques, sont plus que d'autres soumis aux aléas de la conjoncture et des marchés. C'est pour ça que je crois utile, qu'il faut être très attentif, à ces secteurs et c'est pour ça que nous voulons nous inspirer de ce qui a été fait dans d'autres filières pour soutenir les initiatives que vous prenez pour une organisation économique des producteurs. C'est un élément très important que je veux souligner parce que c'est cette organisation des producteurs qui permet de gérer collectivement les excédents ou les déficits de production et qui permet ainsi la régularité des marchés. Il est clair qu'un monde agricole organisé, tel que nous le voyons dans l'avenir, fera de la régularité de l'approvisionnement, un élément essentiel. Et donc c'est l'organisation des producteurs qui peut permettre cette régularité des marchés. La création et le renforcement d'organisations de producteurs reconnues par Bruxelles imposent évidemment transparence et engagements à moyen terme. C'est un élément aussi très important et c'est aussi, pour le secteur fruits et légumes, l'occasion de mieux s'intégrer dans le dispositif d'aides européennes..
Sur la canne à sucre, je voudrais vous dire qu'évidemment nous y portons une attention particulière. Depuis quelques années cette production qui représente plus de la moitié de la surface agricole de l'île semble se stabiliser à 1,8 - 1,9 millions de tonnes de cannes, ce qui reste en deçà donc de cet objectif de 2 millions de tonnes qui est celui que nous avons les uns et les autres. Derrière cette apparente stabilité se cache une sorte de vigilance de la profession pour le maintien de la sole cannière qui n'a cessé de diminuer. Je pense qu'il y a un point stratégique très important parce que finalement le total semble stabilisé mais la sol cannière, elle, est en véritable déclin. C'est un point important qui impose la vigilance. Des efforts colossaux illustrent parfaitement ce projet que vous avez de transfert des eaux d'est en ouest parce que c'est un des éléments qui peut permettre la compensation de l'extension de l'urbanisation et l'utilisation du foncier agricole qui est, je le sais, très important et je crois qu'il y a un certain nombre de bonnes terres qu'il vaut mieux utiliser pour les cannes que pour les prisons.
C'est juste une petite parenthèse sur le gouvernement précédent, mais il n'est pas interdit, quand même, de corriger quelques erreurs ; on n'est pas obligé systématiquement de mettre les prisons sur les meilleures terres agricoles. Ce n'est pas une nécessité absolue si on veut défendre la production agricole. Je crois de ce point de vue là, il était nécessaire que nous puissions faire en sorte qu'on puisse dégager On envisage une autre perspective pour un autre site pour cet établissement pénitentiaire. Je pense que vous êtes là sur un sujet très important pour lequel nous sommes à vos côtés. Je sais que grâce à la reconquête des terres en friche et grâce à l'accroissement des rendements avec l'aide de l'irrigation, vous avez pu obtenir des performances qui sont importantes malgré, justement, cette situation foncière très limitée. Et je voudrais vous dire que le Gouvernement est à vos cotés pour tout ce qui peu vous aider, à la fois dans cette mobilisation pour la préservation et la valorisation du foncier, pour tout ce qui peut vous conduire à intégrer dans vos productions davantage les bonnes pratiques pour le développement durable, et aussi pour une gestion durable de l'eau. Le problème de l'eau est le grand problème de l'agriculture française ; sous des formes différentes et quelles que soient les régions de France, c'est un problème majeur qu'il nous faut traiter. Je souhaite vraiment ,qu'on puisse comme vous en avez le projet, bâtir ces solutions d'avenir. Je souhaite que tous les acteurs du développement, prennent vraiment complètement en compte la protection de la sol cannière et plus largement des surfaces agricoles. Pour sa part, l'Etat y veillera. Ainsi, c'est donc dans cette orientation là, comme on l'a montré avec le terrain de Beauséjour, que nous voulons vous aider à valoriser les bonnes terres. Avec les bonnes terres, avec les bons professionnels, nous avons les bonnes productions qui font face à l'enjeu de compétition auquel vous devez faire face. Je voudrais vous dire que nous sommes tout à fait vigilants pour défendre les intérêts des planteurs et de l'industrie sucrière et rhumière dont on connaît l'importance économique pour votre île, mais aussi pour l'ensemble de notre pays. Cette filière je le sais, est aujourd'hui dépendante des aides publiques. Celles-ci me paraissent justifiées par l'exécuté des exploitations. Quand je vois aujourd'hui la dimension par rapport aux moyennes nationales et la productivité à laquelle vous êtes arrivés, je vois là des performances très fortes et je vois donc la nécessité aussi de protéger l'aménagement du territoire. Et c'est en gardant à l'esprit les engagements qui sont les nôtres, dans le cadre des instances internationales que je puis vous assurer, comme vous me l'avez demandé monsieur le député maire, de soutenir les différents projets qui sont les nôtres, notamment pour faire en sorte que dans les instances internationales, on puisse tenir compte des handicaps réels que rencontre la filière "canne réunionnaise" avec des nécessaires évolutions. Je pense qu'il faudra faire bouger un certain nombre de règles de cofinancements de la communauté européenne, qu'il s'agisse de l'indemnité compensatoire d'handicaps naturels ou les futurs contrats que nous sommes en train de mettre en place, les contrats d'agriculture durable qui seront très importants et qui devront être adaptés à votre production.
Je pense que les contrats d'agriculture durable devront permettre justement, ce qui n'était pas dans les contrats précédents, de tenir compte de la logique interprofessionnelle et de la logique des professions pour pouvoir intégrer des objectifs communs. Je pense par exemple à la qualité de l'eau et à ce que vous avez en projet c'est l'occasion d'avoir là un contrat développement durable qui pourra être passé avec chacun des exploitants, mais dans le cadre d'une logique professionnelle organisée. C'est je pense le "plus" qu'apporte cette démarche que construit actuellement H. Gaymard.
Je voudrais dire quelques mots de votre dynamisme en ce qui concerne l'élevage qui m'impressionne même au-delà du chabichou et de quelques références à l'agneau du Poitou auquel je ne suis pas, vous le savez bien sûr, indifférent. Cependant quand je regarde l'ensemble des efforts, vos performances vont bien au-delà. Partie de peu, l'île de La Réunion est devenue quasiment auto suffisante en viande de porc et à plus de 60% en viande de volailles et la filière bovine, tant pour le lait que pour la viande est en pleine croissance malgré les aléas de la conjoncture que nous connaissons bien, ici comme ailleurs. Cette situation on la doit aux organisations professionnelles parmi lesquelles l'Arimev et l'Ariv. Je voudrais les saluer parce que ça fait de nombreuses années qu'ils se battent pour valoriser des productions animales ici dans le paysage local et c'est ainsi que La Réunion, non seulement est devenue autonome, mais a pu gagner ses galons d'exportateur. Je crois que, sur ce sujet, à un moment où dans l'élevage français, tout le monde doute, il y a un exemple, un modèle réunionnais qu'il faut pouvoir souligner. Pour cela des efforts conséquents ont été fait en terme de productivité et d'organisation de la production et je pense que ceci concerne autant d'ailleurs l'amont pour l'alimentation animale, où des progrès ont été faits, que l'aval pour l'aménagement des abattoirs. Je pense que l'ensemble des filières évidemment doit aujourd'hui, pour les exigences de sécurité du consommateur, mettre tous leurs efforts, non seulement sur la production mais sur l'amont, l'alimentation animale et l'aval les conditions d'abattage.
L'utilisation d'outils industriels performants - vous en avez plusieurs - ainsi que le maintien des dispositifs liés à la continuité territoriale - c'est un élément important qui permet de ramener les coûts des intrants à des niveaux comparables, là aussi il y a un problème de compétitivité dans les écarts des coûts des intrants - et tout ceci nous permet de valoriser le régime spécial d'approvisionnement RSA ou Aide communautaire aux transports qui est un des facteurs qui permet à la production d'aliments de bétail de qualité de pouvoir être sur votre territoire compétitifs. Je pense qu'il y a sur l'ensemble de ces questions-là, des dossiers très importants qu'il faudra défendre naturellement au niveau national, dans nos textes nationaux - je pense à la sécurité des aliments - mais aussi au niveau européen dans le cadre de ce qui se prépare pour les régions ultrapériphériques, conformément à l'ensemble du dispositif du traité d'Amsterdam. C'est un point très très important. Les nouvelles ne sont pas mauvaises, mais quand je vois l'état d'esprit quelquefois des nouveaux pays qui veulent entrer dans l'Union européenne, je me dis qu'il va falloir défendre notre originalité ultra marine. Parce que je vois bien qu'il y a toujours en Europe une tendance, et notamment à la Commission, qui est le fameux transfert des fonds qui quittent les logiques de la production pour aller vers des logiques du territoire ; et tout ceci viendrait ruiner les efforts qualitatifs et quantitatifs que font les producteurs et qui, sur des territoires fragiles comme les vôtres mais finalement au total d'une géographie assez limitée, se verraient extraordinairement pénalisés si tout l'argent allait au développement rural et pas à la qualité agricole. Et on voit très bien l'évolution qui est devant nous : si tout l'argent va au développement rural il y a des pays, qui n'achètent pas nos avions mais qui pourraient avoir des territoires ruraux plus grands que les nôtres, pourraient avoir accès à des crédits alors qu'il faut soutenir - je ne dis pas toutes les régions françaises parce que quand on compare dans l'Union européenne, il y a un certain nombre de régions françaises qui en effet ont moins besoin de soutien de l'Union européenne que certaines régions des nouveaux pays de l'Est qu'il faut accueillir avec générosité, ça je le reconnais - Mais bien évidemment, il faut que tous les efforts de productivité qui ont été faits pour la qualité de la production agricole dans nos territoires d'Outre Mer, puissent garder leur statut de région ultra marine avec leur programme dans l'Union européenne pour qu'il puisse y avoir véritablement là une poursuite, dans la durée, de votre développement.
C'est pour ça qu'avec B. Girardin, nous nous battons sur cette loi de programme en parallèle avec la logique agricole. Parce que finalement, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'essayer d'y voir clair sur les quinze ans qui viennent. Ce qu'on peut reprocher au passé, à droite comme à gauche, c'est qu'au fond on a eu des systèmes, en agriculture comme ailleurs, qui changent tous les ans, tous les deux ans, tous les trois ans. Et finalement les jeunes agriculteurs qui veulent s'installer ou les jeunes acteurs de la vie professionnelle n'ont pas de visibilité sur leur avenir. Comment s'engager dans des professions si on n'a pas de visibilité ? Ce que nous voulons avec la loi de programme, ce que nous voulons avec l'organisation nouvelle européenne, c'est avoir ces quinze années de visibilité des grands sujets et notamment une visibilité sur la politique agricole commune, pour que les acteurs puissent avoir des choix économiques qu'ils font dans leur exploitation qui sont validés de manière durable et pas ce pilotage à vue que vous connaissez et qui a fragilisé un grand nombre d'exploitations. C'est pour ça que je crois que nous avons là un travail qui est très important à faire et vous pouvez compter sur le soutien du gouvernement :je le disais pour les fruits et légumes, je le dis pour la canne, je le dis pour l'élevage, pour faire en sorte que non seulement les exploitants, mais aussi les coopératives puissent trouver un certain nombre de soutiens, que ce soit pour la qualité, la diversification ou les éléments que j'ai évoqué.
Je peux aussi vous dire que ce qui me paraît très important pour valoriser les terres des Hauts, c'est le plan d'aménagement. Je pense qu'il est là très important qu'il y ait cette logique de schéma d'aménagement régional de La Réunion. C'est un point très important parce que ça vous donnera aussi de la visibilité et je pense que l'idée du schéma régional c'est au fond ce qui va avec la décentralisation, cette logique de schéma c'est que les acteurs de terrain puissent participer à cette vision prospective car outre son rôle dans la diversification des activités et le développement équilibré des hauts je pense notamment, ce plan peut contribuer à faire en sorte qu'il puisse y avoir une prévention des risques naturels et puis, puisse aussi aider au développement d'un certain nombre d'activités, je pense au tourisme vert par exemple. Il y a là, sur un certain nombre de perspectives, un développement complémentaire à l'agriculture, mais je crois que compte tenu de la logique des aspirations des habitants des Hauts, il y a la possibilité là de développer avec les gîtes ruraux, avec les tables d'hôtes, avec le logis à la ferme, un certain nombre d'activités qui font la promotion touristique. Tout le monde annonce que La Réunion est un grand pays touristique d'avenir. Pour être un grand pays touristique d'avenir, il faut valoriser tous les atouts, les atouts de la mer, mais aussi les atouts des Hauts, les atouts de la montagne et les atouts du monde rural, c'est un élément très important.
J'ai entendu parlé déjà du parc national des Hauts. Donc je voudrais vous dire une chose claire : j'ai un goût naturel pour la concertation. Un parc naturel qui est fait contre les élus, les territoires, il ne faut pas le faire ; Il faut le faire dans la concertation, il faut le faire si les acteurs le souhaitent. Un parc, c'est quelque chose qu'on fait pour soi, on ne le fait pas pour Paris, il faut le faire pour le territoire, donc il faut veiller à ce que ce genre de dynamique... Je connais bien cette logique là, j'ai vécu des parcs nationaux, j'ai vécu des parcs régionaux et je vois très bien que au début, on commence à tolérer un certain nombre d'activités et puis au bout d'un certain temps, on voit que les activités ont du mal à persister, donc il faut être attentifs et donc je ne suis pas hostile à la méthode, mais il faut bien définir auparavant ce qu'on entend parce que j'ai vu un certain nombre d'activités qui font qu'à un moment, on transforme un territoire en musée. Mais les territoires, c'est fait pour faire vivre des femmes, des hommes, qui veulent vivre de leur travail, qui veulent pouvoir vivre avec leur attachement à leur profession, et leur attachement à leur région. C'est cela qu'il faut intégrer. Alors quand il faut protéger le territoire, protégeons-le, mais rendons le territoire compatible avec les activités humaines. La préservation de l'environnement, ce n'est pas l'expulsion de l'homme pour la nature, c'est au contraire mettre bien l'homme au sein de la nature avec les activités humaines qui sont compatibles avec le développement durable. Je pense qu'il y a là beaucoup de choses qu'il nous faut développer sur cette question directement du parc. Il est hors de question qu'il n'y ait pas concertation pour ce type de sujet et qu'il n'y ait pas accord des acteurs locaux.
J'ai entendu, monsieur le député-maire, l'appel sur les retards administratifs et sur la paperasserie, sur tout cela. Je me bas là-dessus, contre cela. C'est difficile parce que derrière les formulaires, il y a toujours un bureau, et quand vous voulez supprimer un formulaire, il y a toujours quelqu'un qui dit : il ne faut pas supprimer mon bureau. Et donc c'est très difficile. On est en train d'essayer de résoudre le problème mais c'est difficile. Même quelquefois les parlementaires, pas ceux qui sont ici, naturellement, mais d'autres, j'en vois qui ajoutent toujours leur petit amendement, leur petite suggestion qui fait que dans un texte de loi, on part avec 50 pages - c'est déjà beaucoup trop - mais cela se termine avec 300. Et après, on sort des décrets d'applications, on en rajoute 150 et on envoie le tout après aux professionnels qui trouvent cela un peu compliqué ; je les comprend. Je peux vous dire qu'on a pris une décision. On a pris une décision grave, c'est qu'on va procéder à la simplification d'un certain nombre de procédures. Mais on va le faire par ordonnance parce que si on ne le fait pas par ordonnance, on ne le fera pas. Cela fait trente ans qu'on en parle parce que je veux bien qu'on me mette toutes les responsabilités de la terre sur les épaules, je veux bien qu'on puisse dire que tout ce qui va mal dans ce pays, c'est de la faute du gouvernement, en neuf mois quand même c'est un peu sévère, mais enfin, j'assume tout. Mais sur la simplification, cela fait un moment qu'on en entend parler et on ne la voit pas venir. Et pour la voir venir, il n'y a qu'une seule solution, c'est les ordonnances, des pratiques simplifiées et notamment, je pense que le domaine de l'agriculture, mais aussi de l'artisanat mais aussi de tout ce qui touche au commerce et tout ce qui touche finalement à la vie des petites et moyennes entreprises, des gens qui préfèrent être dans leur exploitation plutôt que d'être dans leur bureau, pour faire en sorte que l'on puisse leur simplifier la vie et leur permettre d'avoir un développement renforcé de ce qui peut être aujourd'hui la vie d'un acteur économique qui cherche à créer des richesses plutôt qu'à remplir des papiers. C'est donc dans ce dispositif qu'on va traiter des questions importantes qui vous concernent. Je pense notamment à l'emploi saisonnier, je pense notamment au fonctionnement des offices de l'eau, je pense notamment aux exonérations des charges sociales dans la fameuse limite des 40 hectares. Il y a un certain nombre de sujets pour lesquels il nous faut trouver là des systèmes simplifiés et qui permettent d'agir dans la rapidité, notamment aussi pour le secteur agroalimentaire. Je pense que là, à la fois dans la loi-programme, préparée par B. Girardin mais aussi dans le texte qui va être préparé par H. Gaymard, la loi de développement rural, on pourra développer des activités avec des méthodes simplifiées.
J'ai confiance dans la capacité des agriculteurs de l'Outre-mer pour aller conquérir, au nom de la France mais pour les producteurs de La Réunion, des marchés nouveaux. Vous avez fait les choix de l'avenir, vous avez fait les choix de la qualité et de l'organisation professionnelle, vous êtes dans bien des cas avec une longueur d'avance sur un certain nombre de territoires européens. Aujourd'hui, La Réunion a de l'avance. Pour elle, le problème c'est de ne pas perdre cette avance dans la nouvelle Europe qui se construit. Et c'est pour cela que vous pourrez compter sur notre mobilisation. J'ai bien entendu cette ouverture au monde, ce mi-chemin entre l'Asie, la Chine, l'Inde et l'Europe pour placer La Réunion en situation de plate-forme. Il y a là évidemment une perspective très importante pour pouvoir développer le dispositif qui doit être celui de la promotion de vos produits.
Vous pouvez compter sur la détermination du gouvernement. Vous le savez, nous sommes dans une situation économique qui n'est pas facile, nous sommes face à un vrai ralentissement mondial. S'il y a des gens qui s'imaginent que la tension internationale, que le dossier de l'Irak n'a pas de conséquences sur l'économie, ceux-là se trompent. Il suffit de voir déjà depuis un certain temps comment les informations qui arrivent de Washington agissent sur la Bourse à Wall Street et ailleurs. Il suffit de voir les difficultés économiques qui sont aujourd'hui celles du monde financier, celles en plus aujourd'hui du monde de l'investissement, puisque tous les grands investissements mondiaux semblent suspendus aux hypothèques de la situation internationale. Tout ceci pose un certain nombre de difficultés évidemment. Cela n'empêchera pas le gouvernement de faire les réformes qu'il doit faire et je dirais que quelles que soient les difficultés économiques que nous devrons affronter, nous avons des bases saines économiques, nous avons un tissu d'entreprises qui est un tissu sain, nous avons une agriculture performante, nous avons un dispositif économique aujourd'hui en France qui fait que dès que les hypothèques nationales et internationales, qui sont liées naturellement, seront levées, nous pourrons retrouver le rythme de croissance qui est le nôtre.
Naturellement, aujourd'hui, qui est un rythme de croissance de 2,5%. Bien sûr qu'aujourd'hui, la tension internationale ralentit les investissements, ralentit l'ensemble de la croissance sur tous les marchés européens, mais restons bien mobilisés, notamment dans le secteur de l'agriculture, notamment dans le secteur des petites et moyennes entreprises, dans tous les secteurs qui ne sont pas toujours exposés aux rapports de force internationaux, restons bien mobilisés, car je crois vraiment que nous avons les capacités à retrouver notre rythme de croissance et à retrouver donc derrière la croissance, le chemin pour l'emploi.
C'est cela notre objectif numéro un. Nous ne sommes pas en mesure de pouvoir maîtriser les investissements du monde, mais nous sommes en mesure de mobiliser l'ensemble du tissu de PME, d'agriculteurs, l'ensemble des acteurs économiques de la France pour qu'on se prépare à faire face à ce nécessaire rebond qu'il faudra pour notre pays et pour l'emploi.
Evidemment, dans ce contexte-là, et quelles que soient les difficultés qui sont les nôtres, nous continuerons à nous battre pour la paix, nous continuerons à dire partout au monde que la solution de la guerre n'est pas la bonne solution. Nous le dirons pour l'Irak, nous le disons parce que nous pensons vraiment qu'aujourd'hui, nous vivons un monde dangereux, que partout dans le monde, il peut y avoir des dangers aujourd'hui qui viennent d'une nouvelle forme de terrorisme. Ce terrorisme qui peut se développer partout dans le monde, on l'a vu, ne menace pas particulièrement la France, mais plus nous sommes exposés dans le combat pour la paix, plus nous sentons évidemment que nous pouvons être exposés sur ces sujets-là. Cela nous demande une grande vigilance, mais nous continuons à nous battre pour expliquer au monde que la solution de la guerre ne peut être que l'extrémité, l'extrême solution qu'il faut tout tenter avant de faire la guerre, qu'il n'y a pas de guerre heureuse, qu'il n'y a pas de guerre facile, qu'il n'y a pas de guerre rapide. Une guerre, cela peut commencer quelquefois hélas sans l'ONU, mais cela ne peut pas finir sans l'ONU, parce que c'est avec l'ONU qu'on bâtit la paix, qu'on bâtit la compréhension des peuples. C'est pour cela que nous voulons que l'ONU soit le lieu du droit international ; c'est pour cela que nous voulons faire en sorte que la méthode qui a été inventée avec cette démarche-là, celle des inspections et des inspections renforcées, soit une méthode qui soit protégée pour l'Irak, éventuellement dans l'avenir pour d'autres pays, pour qu'on puisse faire en sorte que la communauté internationale se donne les moyens de lutter contre le terrorisme et contre la prolifération.
Cette logique-là évidemment, c'est celle aujourd'hui qui participe dans le monde entier au message de paix que nous voulons développer. Il va de soi que tout ceci a des conséquences économiques, il va de soi que tout ceci entraîne un certain nombre de conséquences, mais nous nous battons pour les valeurs auxquelles nous croyons, qui sont celles de la France. Alors je voudrais vous rassurer, je voudrais vous dire qu'à La Réunion... On dit souvent, dans de nombreuses régions de France, quand on s'analyse, on s'inquiète, mais quand on se compare, on se rassure. Quand je regarde La Réunion sur ces problèmes, il y a quelques sujets d'inquiétude, mais quand je compare La Réunion à d'autres régions de France, je suis rassuré. Il y a dans cette région un fort potentiel de développement, vous avez une qualité humaine, une qualité de mobilisation personnelle, une richesse humaine extraordinaire et dans cette logique-là. [...] Je voudrais vous dire donc que vous avez un fort potentiel, donc quand vous vous comparez à d'autres, il n'y a pas de complexes réunionnais : vous avez un potentiel fort, vous avez les femmes et les hommes capables d'assurer votre avenir. Je voudrais le dire avec sincérité. Je suis venu ici pour traiter les problèmes de La Réunion. C'est la première fois que je viens dans votre belle île. Je suis venu écouter, je pars aujourd'hui séduit. Je suis séduit par les projets de La Réunion, je suis séduit par les choix de l'avenir et mon cher André, monsieur le président, à tous les élus qui sont ici, je voudrais dire que j'appliquerais sur tous les projets de La Réunion qui me seront soumis, la règle de Saint-Benoît : "Incline l'oreille de ton cur pour La Réunion.""
(Source premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 mars 2003)