Interview de M. Alain Juppé, président de l'UMP, dans "Paris-Normandie" du 23 avril 2003, sur l'évolution des relations entre la France et les Etats-Unis après la fin du conflit irakien, les perspectives de l'élargissement de l'Union européenne pour les régions françaises et les ambitions de l'UMP face aux prochaines échéances électorales.

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Média : Paris Normandie

Texte intégral

Paris-Normandie : Vous avez été ministre des Affaires Etrangères de 1993 à 1995. Que souhaitez-vous désormais pour l'Irak ?
Alain Juppé : Je souhaite avant tout que l'Irak accède à la démocratie et que le peuple irakien sorte du désastre humanitaire dans lequel il se trouve. Et pour parvenir à cet objectif, je ne vois pas d'autre solution que de redonner à l'ONU un rôle central. Il est également nécessaire que l'Irak conserve son intégrité territoriale, car son démantèlement créerait dans la région des déséquilibres aux conséquences incalculables.
Comment doivent évoluer, selon vous, les relations franco-américaines ?
Nous avons eu une divergence d'appréciation. J'approuve la position de la diplomatie française, car cette guerre pouvait être évitée. Je note que l'on n'a d'ailleurs toujours pas trouvé d'armes de destructions massives. " Réunification normande : méfions nous du " Big is beautiful ". Nos partenaires américains doivent accepter l'idée que la France ait sa propre vision des choses et que cela ne remet pas en cause notre alliance et notre amitié.
Les USA ont enfoncé un coin dans l'unité européenne au moment où la communauté s'élargit. Etes vous confiant sur le moyen terme européen ?
Ce n'est pas la première crise que traverse l'Union européenne et j'ai tout a fait confiance dans le fait qu'elle la surmontera. A Athènes, d'ailleurs, la volonté d'aller de l'avant était largement partagée. Aucun Etat membre ne verrait de gaieté de coeur la remise en cause de ce que nous construisons depuis quarante ans !
Cet élargissement inquiète les petites régions françaises dont nous faisons partie. Régions qui craignent une diminution des aides. Quel est votre sentiment ?
L'élargissement est une obligation morale et historique pour la France et l'ensemble des Etats membres. Ne pas tenir cette promesse provoquerait une crise grave en Europe. L'élargissement est également une chance. Au moment de l'entrée de l'Espagne et du Portugal, on nous avait aussi expliqué que cela représentait une grande menace pour certaines régions, comme l'Aquitaine par exemple. Nous constatons aujourd'hui que cela a été une chance fantastique. Je pense que l'entrée d'une centaine de millions de consommateurs supplémentaires donnera un coup de booster indispensable, pour toutes régions, petites et grandes !
La Normandie pèserait-elle plus lourd en étant réunifiée ?
Il est bon que les régions françaises atteignent la taille européenne, encore que les situations sont très variables. Méfions nous du " Big is beautiful " ! C'est aux Normands de décider. Et grâce au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, des référendums régionaux sont désormais possibles.
Une nouvelle vague des scrutins se profile, sénatoriales, régionales, cantonales. Après la vague bleue du 21 avril ne craigniez vous pas le reflux ?
Je résume la leçon du 21 avril en deux mots : action et union. Les Français ont souhaité des gouvernants qui gouvernent. L'actuel gouvernement de Jean-Pierre Raffarin agit. En ce qui concerne l'éparpillement des forces politiques, la réponse a été l'UMP. Créée dans des délais courts, l'UMP est une réussite. " La réforme des retraites est juste ".
Quelles sont les ambitions de l'UMP en regard de ces scrutins ?
Nous allons préparer ces élections avec la volonté de répondre à l'aspiration unitaire de nos électrices et nos électeurs. Il y a certes des stratégies personnelles ici ou là, mais ce n'est pas cela qu'attendent les Français. Ils veulent une grande formation de la droite et du centre qui soit capable de porter un mouvement de réforme. Nous travaillons dans ce sens.
Et la place de l'UDF ?
Nous n'avons pas vocation à l'hégémonie. Ca ne me gène pas qu'il y ait une autre formation dans la majorité a condition que sa position par rapport au gouvernement soit claire.
Que venez-vous dire précisément aux militants de l'Eure ?
Je vais leur dire qu'ils ont voulu l'union et que nous l'avons faite. Elle grandit, se met en place. Cette union a pour vocation de soutenir sans état d'âme l'action du président de la République et du gouvernement. En particulier sur la réforme des retraites, puisqu'elle est d'actualité. Si on ne fait rien, ça explose, car il y a de moins en moins de cotisants et de plus en plus de retraités. Cette réforme est juste car elle va remettre de l'équité dans le système français.
Et la désignation d'un candidat à la présidentielle ? On dit, à droite comme à gauche, que l'union, en général, n'y résiste pas. Qu'en pensez-vous ?
2007, ce n'est pas demain. Il est vrai que c'est un sujet difficile. Je constate simplement que de grands pays arrivent à désigner leurs leaders, les grands partis anglais, allemands, espagnols, américains. Alors pourquoi désespérer ?
Propos recueillis par Jean-Pierre Boulais.
(Source http://www.u-m-p.org, le 24 avril 2003)