Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
J'ai plaisir de vous retrouver, à nouveau, et de pouvoir m'exprimer devant vous sur une priorité centrale de la politique du Gouvernement : l'emploi.
Priorité dont témoigne votre réunion d'aujourd'hui, tout entière consacrée à ce sujet. Inhabituelle par sa localisation -vous êtes pour une fois hors des murs de la place Beauvau-, inhabituelle par sa forme -puisque vous travaillerez pour partie en ateliers autour de témoignages ou d'expériences-, cette réunion est importante à mes yeux, et je me réjouis de cette initiative prise par Martine AUBRY et Jean-Pierre CHEVENEMENT.
Il s'agit d'une première. Si cette formule donne satisfaction, je souhaite qu'elle soit prolongée à l'avenir car je crois qu'il est bon que vous puissiez nouer un dialogue approfondi et direct avec les ministres en charge des grands domaines de l'action Gouvernementale, et ceci " sur leurs terres ", si vous me permettez cette image.
Prioritaire entre toutes et souvent évoquée avec vous, il était naturel que la question de l'emploi soit la première à être traitée sous cette forme.
Après Martine AUBRY et avant Jean-Pierre CHEVENEMENT, je souhaite vous dire comment je conçois l'action du Gouvernement dans ce domaine, -et par conséquent comment j'envisage votre rôle.
Vous connaissez la situation de l'emploi dans notre pays. Martine AUBRY l'a certainement évoquée et je n'y reviendrais donc que brièvement. Elle est contrastée, avec des secteurs d'activité industriels ou même tertiaires qui suppriment des emplois et d'autres qui se développent ; avec des territoires ruraux ou urbains qui connaissent des taux de chômage très élevés, dépassant les 15 à 20 %, mais aussi d'autres où il est parfois difficile de trouver des candidats pour des emplois disponibles.
Au delà de ces diversités, qui soulignent la nécessité d'une approche territoriale, le constat global demeure préoccupant. Nous avons atteint, il y a un an, le niveau historique de 12,79 % d'actifs au chômage, cette proportion concernant plus de 24 % des jeunes, avec presque 40 % des demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an.
C'est dans ce contexte que j'ai été appelé à la tête du Gouvernement, pour déterminer et conduire une politique conforme aux orientations approuvées par les Français à l'issue des élections législatives du 1er juin dernier.
Cette politique, j'ai eu l'occasion de vous en présenter les principes et les priorités dès le 24 juin dernier, quelques jours après ma déclaration de politique générale devant le Parlement.
S'agissant de l'emploi, et de la lutte contre les exclusions qui participe de la même priorité, le Gouvernement part d'abord d'un diagnostic et d'une conviction.
Le diagnostic : l'action menée jusqu'ici par les précédents Gouvernements, depuis 15 ans, n'a pas produit des résultats à la hauteur de l'enjeu, et cela malgré un grand déploiement d'énergie et de moyens, dont vous avez été souvent les acteurs essentiels.
Tout n'aura certes pas été inutile, et vous avez noté que le Gouvernement a agi de façon pragmatique, sans supprimer ou réduire brutalement, en 1998, les instruments de la politique de traitement social du chômage, par exemple, ou encore les mesures en faveur de l'allégement du coût du travail. Mais il fallait une rupture avec les méthodes classiques, faire preuve de plus d'audace, de plus de détermination et de volontarisme, pour ouvrir de nouvelles pistes susceptibles de créer davantage d'emplois et de faire reculer le chômage.
La conviction : une croissance plus forte est nécessaire pour créer plus d'emplois, mais elle ne suffira pas à résorber significativement le chômage.
J'entend dire parfois que la reprise de la croissance à laquelle nous assistons depuis plusieurs mois serait imputable aux seuls facteurs exogènes liés à la conjoncture internationale. Je n'ignore pas le poids de la conjoncture dans nos économies largement mondialisées ; mais cet effet a été amplifié grâce à une confiance retrouvée, et à la dynamique qui s'est engagée depuis. Au second semestre 1997, notre croissance a été plus forte que la croissance moyenne de nos partenaires européens, alors qu'elle avait été systématiquement inférieure au cours des 4 années passées. Et les premiers résultats sont là, au regard de la consommation, de l'investissement et de l'emploi, avec un recul de plus de 100.000 du nombre des demandeurs d'emploi depuis 8 mois.
Pourtant, un taux de croissance du PIB de 3 %, -ce qui est déjà élevé-, ne permet de créer qu'environ 200.000 emplois privés par an, ce qui compte tenu de l'accroissement de la population active ne réduit qu'assez modestement le nombre des chômeurs. Or nous ne pouvons vivre durablement avec un niveau trop élevé de chômage. Cela mine la société et sa cohésion, fragilise notre jeunesse, et au bout du compte cela freine notre développement économique. II est nécessaire d'agir pour rendre notre croissance économique plus riche en emplois.
Mais il est aussi nécessaire, dans le même temps, d'agir pour que celle ci profite à tous, et ne laisse personne au bord du chemin, Vous connaissez -ne serait-ce, par exemple, qu'au travers des demandes au fonds d'urgence sociale que vous avez mis en place depuis janvier-, les dégâts humains et sociaux qu'engendre une compétition économique dure aux faibles. Je saisis d'ailleurs l'occasion de cette rencontre pour vous remercier de la rapidité avec laquelle vous avez installé les missions d'urgence sociale, et pour vous demander de faire preuve de la même efficacité une fois cette procédure d'urgence exceptionnelle passée. Martine AUBRY vous donnera prochainement ses instructions sur ce point, dans la ligne du rapport de Marie Thérèse JOIN-LAMBERT.
A partir de l'énoncé de ce diagnostic et de l'affirmation de cette conviction, je voudrais revenir sur les grands axes de notre politique économique et sur certaines des mesures concrètes que nous avons déjà ou que nous allons prochainement mettre en place pour lutter contre le chômage.
Premier axe : il faut renforcer la croissance et le potentiel de production de l'économie française. Je mentionnais tout à l'heure la reprise de la consommation et plus récemment celle de l'investissement, reprise que nous avons encouragée et qui nous permet d'espérer un résultat de 3% de croissance cette année, en dépit de 1"impact négatif de la crise financière asiatique. Cette politique sera poursuivie, dans le contexte nouveau de mise en place de l'Union monétaire.
Je ne prendrai qu'un seul exemple pour illustrer les actions conduites pour renforcer ce potentiel de croissance : la politique de stimulation de l'innovation, dans le cadre d'un programme à moyen terme pour rattraper le retard pris par notre pays, et plus largement d'ailleurs par l'Europe, dans le domaine des nouvelles technologies de l'information. Les " assises de l'innovation " que le Gouvernement réunira le 12 mai prochain seront l'occasion, de discuter et de tracer ce programme avec les principaux acteurs du développement technologique et de la création d'entreprises innovantes.
Deuxième axe : explorer des voies nouvelles pour rendre cette croissance plus riche en emplois.
Deux grands dispositifs concourent à cet objectif : les emplois-jeunes, ou, pour être plus précis, le " programme nouveaux services- nouveaux emplois ", et la politique de réduction négociée du temps de travail. Vous allez consacrer la plus grande partie de vos travaux d'aujourd'hui à ces deux dispositifs. Pour ma part, je souhaite, pour aller à l'essentiel, vous dire ce que j'attends de vous dans ces deux registres.
Les emplois-jeunes, tout d'abord. Martine AUBRY, qui s'est souvent adressée à vous sur ce sujet, directement ou par le truchement de son cabinet et de son administration, insiste beaucoup sur l'approche sérieuse et exigeante qui doit être la vôtre pour que réussisse ce dispositif.
Nous avons en effet choisi de privilégier une approche par projets, visant à créer des emplois ne se substituant pas à des emplois existants, des emplois susceptibles de trouver une solvabilisation à terme, même si celle-ci ne peut, bien entendu, être totalement assurée à un horizon de 5 ans.
Je tiens à vous dire que je suis très attaché à cette approche qualitative qui est, j'y insiste, essentielle à la réussite de notre ambition. Vous veillerez à refuser les approches " bureaucratiques " ou "tatillonnes", tout comme les solutions de facilité. La réussite est à ce prix.
Je suis également très attaché, je le dis nettement, à ce que nous atteignions les objectifs que nous nous somme fixés en terme d'emplois créés. J'ai pris l'engagement, vous le savez, de créer 350.000 de ces emplois d'ici l'an 2000, et je considère toujours cet objectif comme raisonnable et nécessaire. Au rythme actuel, nous serions aujourd'hui un peu en dessous des 150.000 que nous visons pour la fin de l'année -sans doute plutôt 130.000. Votre effort de mobilisation doit donc être amplifié, sans remettre en cause, je le répète, votre approche qualitative.
S'agissant de la réduction du temps de travail, vous avez suivi le débat social et politique sur cette question depuis la Conférence Nationale du 10 octobre. Je sais que dans vos départements aussi ce débat est vif, et qu'en particulier beaucoup de responsables d'entreprises, surtout petites et moyennes, expriment leurs craintes et leurs oppositions.
L'examen du projet de loi d'orientation et d'incitation au Parlement a sans doute été propice à une exacerbation de ces manifestations d'hostilité, cependant que les manifestations inverses, qu'elles émanent également de chefs d'entreprises ou de syndicalistes, ont été moins entendues.
La loi sera votée dans quelques semaines, à la mi-mai sans doute. Je suis persuadé que, dès lors, nous entrerons dans une nouvelle phase, où le pragmatisme devrait reprendre ses droits. Déjà, vous l'avez noté, un changement d'attitude s'opère chez certains acteurs. Hier fermés, ils reprennent aujourd'hui le chemin du dialogue.
La partie ne sera pas facile pour autant. Au-delà des prises de position idéologiques, -qui m'intéressent moins-, il y aura des difficultés réelles à surmonter de part et d'autre, côté patronal et coté syndical, pour entrer dans une négociation " gagnant- gagnant". -je pense en particulier à la définition de nouvelles organisations du travail qui concilient une efficacité accrue pour l'entreprise et des formes de souplesse acceptables par les salariés.
Sur ce sujet aussi, mon message est simple à énoncer, mais, -j'en suis conscient-. complexe à mettre en oeuvre : la loi n'a pas pour but d'organiser elle-même le temps de travail dans l'entreprise ; elle a pour but de susciter, dès à présent, un vaste mouvement de négociation au niveau des entreprises pour une réduction rapide et importante du temps de travail, créatrice d'emplois.
Mais sans cette loi, ce mouvement de négociation ne s'engagerait pas spontanément, en tout cas pas au niveau souhaitable : telle est notre conviction. Et c'est précisément pour cette raison que nous avons voulue cette loi.
Parce que ce mouvement n'est pas spontané, et parce que certaines expressions hostiles ont brouillé les messages, il sera nécessaire dans les mois qui viennent d'accompagner la loi, et ce sera une de vos tâches, Il vous faudra faire oeuvre de pédagogie et de conviction à l'égard de tous les acteurs concernés, -deux talents que vous possédez, je le sais. La négociation sociale peut permettre de trouver un équilibre des intérêts qui soit profitable à chacun, et à la collectivité par la réduction du chômage.
Enfin, troisième et dernier axe, la prévention et la lutte contre l'exclusion.
Nous avions besoin, dans ce domaine, d'un plan d'ensemble, cohérent, comme le réclamaient, à juste titre, depuis longtemps les grandes associations caritatives ou du monde de l'insertion, Le Gouvernement a travaillé vite, pour proposer dès le mois de mars ce plan d'ensemble, dans un programme qui a été reconnu, je crois, comme ambitieux, et qui va mobiliser en 3 ans plus de 50 milliards de francs supplémentaires, dont 38 à la charge de l'Etat, Nous avons fait le choix, dans ce plan, dont Martine AUBRY a dû vous détailler le contenu, de privilégier l'insertion, le retour à l'emploi, parce que le renforcement des mécanismes de pure assistance, tel que parfois certains ont pu le revendiquer, n'est pas dans notre philosophie.
Ce dispositif et le projet de loi dont l'examen débute au Parlement à la fin du mois doivent encore être complétés. L'organisation des, secours d'urgence -que j'évoquais tout à l'heure-, ou celle de l'action d'aide sociale et d'insertion au plan local et en particulier départemental, doivent y être intégrées. De même, une réflexion doit être conduite sur l'articulation des interventions et des responsabilités des uns et des autres pour une meilleure efficacité de l'action, en métropole, et dans les DOM, où Jean-Jack QUEYRANNE a déjà des propositions.
Ce sera aussi le cas, bien que ses objectifs débordent très largement de la lutte contre les exclusions, de la réforme de la formation professionnelle que nous souhaitons engager dès cette année. Nicole PERY a rejoint le Gouvernement auprès de Marine AUBRY, pour ouvrir ce chantier important. Elle vous indiquera ses premières orientations dans les semaines à venir, et elle vous fera part certainement dès cet après-midi de ses premières réflexions.
Ce sera également le cas, là encore en débordant le cadre de la lutte contre les exclusions, de la politique de la ville que le Gouvernement entend conduire. Claude BARTOLONE s'y attachera, avec Martine AUBRY et toute l'équipe Gouvernementale,
Enfin, ces actions nationales doivent trouver leur prolongement au niveau européen. Le conseil extraordinaire de Luxembourg a marqué une rupture par rapport aux pratiques antérieures. Pour la première fois, les chefs d'Etats et de Gouvernements se sont donné des moyens et des instruments à l'image de ceux utilisés pour renforcer l'Union économique et monétaire, afin de progresser dans la voie d'une Europe sociale. Nous venons de transmettre à nos partenaires et à la Commission européenne notre plan national d'action pour l'emploi, Ce plan vous a été remis. Je vous invite à l'étudier, car il constitue pour moi un engagement de la France, que je présenterai au Conseil européen de Cardiff en juin.
Voici, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les préfets, où en sont quelques éléments essentiels de l'action gouvernementale, dans le domaine de l'emploi, dont la réussite repose en grande -partie sur vos épaules et celles des services qui vous entourent.
Cette réussite, vous l'avez compris, ne passe. pas par la simple application de procédures et de circulaires, ou par une approche quantitative, souvent à l'honneur dans le passé. Elle est plus ambitieuse et plus exigeante : elle demande que vous sachiez convaincre, entraîner dans l'action, mobiliser autour d'objectifs commun, négocier avec des partenaires et faire négocier des partenaires qui n'y sont pas toujours prêts spontanément.
J'ai conscience de la difficulté de cette mission. Mais j'ai conscience aussi de la qualité des femmes et des hommes que vous êtes. Vous avez toute ma confiance, tout mon soutien et celui de tout le Gouvernement, ainsi que l'atteste l'organisation de cette journée.
J'aurais plaisir à vous retrouver à l'heure du déjeuner à Matignon, où vous serez cette fois mes hôtes. D'ici là, bon travail.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juin 2001)
Mesdames et Messieurs les Préfets,
J'ai plaisir de vous retrouver, à nouveau, et de pouvoir m'exprimer devant vous sur une priorité centrale de la politique du Gouvernement : l'emploi.
Priorité dont témoigne votre réunion d'aujourd'hui, tout entière consacrée à ce sujet. Inhabituelle par sa localisation -vous êtes pour une fois hors des murs de la place Beauvau-, inhabituelle par sa forme -puisque vous travaillerez pour partie en ateliers autour de témoignages ou d'expériences-, cette réunion est importante à mes yeux, et je me réjouis de cette initiative prise par Martine AUBRY et Jean-Pierre CHEVENEMENT.
Il s'agit d'une première. Si cette formule donne satisfaction, je souhaite qu'elle soit prolongée à l'avenir car je crois qu'il est bon que vous puissiez nouer un dialogue approfondi et direct avec les ministres en charge des grands domaines de l'action Gouvernementale, et ceci " sur leurs terres ", si vous me permettez cette image.
Prioritaire entre toutes et souvent évoquée avec vous, il était naturel que la question de l'emploi soit la première à être traitée sous cette forme.
Après Martine AUBRY et avant Jean-Pierre CHEVENEMENT, je souhaite vous dire comment je conçois l'action du Gouvernement dans ce domaine, -et par conséquent comment j'envisage votre rôle.
Vous connaissez la situation de l'emploi dans notre pays. Martine AUBRY l'a certainement évoquée et je n'y reviendrais donc que brièvement. Elle est contrastée, avec des secteurs d'activité industriels ou même tertiaires qui suppriment des emplois et d'autres qui se développent ; avec des territoires ruraux ou urbains qui connaissent des taux de chômage très élevés, dépassant les 15 à 20 %, mais aussi d'autres où il est parfois difficile de trouver des candidats pour des emplois disponibles.
Au delà de ces diversités, qui soulignent la nécessité d'une approche territoriale, le constat global demeure préoccupant. Nous avons atteint, il y a un an, le niveau historique de 12,79 % d'actifs au chômage, cette proportion concernant plus de 24 % des jeunes, avec presque 40 % des demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an.
C'est dans ce contexte que j'ai été appelé à la tête du Gouvernement, pour déterminer et conduire une politique conforme aux orientations approuvées par les Français à l'issue des élections législatives du 1er juin dernier.
Cette politique, j'ai eu l'occasion de vous en présenter les principes et les priorités dès le 24 juin dernier, quelques jours après ma déclaration de politique générale devant le Parlement.
S'agissant de l'emploi, et de la lutte contre les exclusions qui participe de la même priorité, le Gouvernement part d'abord d'un diagnostic et d'une conviction.
Le diagnostic : l'action menée jusqu'ici par les précédents Gouvernements, depuis 15 ans, n'a pas produit des résultats à la hauteur de l'enjeu, et cela malgré un grand déploiement d'énergie et de moyens, dont vous avez été souvent les acteurs essentiels.
Tout n'aura certes pas été inutile, et vous avez noté que le Gouvernement a agi de façon pragmatique, sans supprimer ou réduire brutalement, en 1998, les instruments de la politique de traitement social du chômage, par exemple, ou encore les mesures en faveur de l'allégement du coût du travail. Mais il fallait une rupture avec les méthodes classiques, faire preuve de plus d'audace, de plus de détermination et de volontarisme, pour ouvrir de nouvelles pistes susceptibles de créer davantage d'emplois et de faire reculer le chômage.
La conviction : une croissance plus forte est nécessaire pour créer plus d'emplois, mais elle ne suffira pas à résorber significativement le chômage.
J'entend dire parfois que la reprise de la croissance à laquelle nous assistons depuis plusieurs mois serait imputable aux seuls facteurs exogènes liés à la conjoncture internationale. Je n'ignore pas le poids de la conjoncture dans nos économies largement mondialisées ; mais cet effet a été amplifié grâce à une confiance retrouvée, et à la dynamique qui s'est engagée depuis. Au second semestre 1997, notre croissance a été plus forte que la croissance moyenne de nos partenaires européens, alors qu'elle avait été systématiquement inférieure au cours des 4 années passées. Et les premiers résultats sont là, au regard de la consommation, de l'investissement et de l'emploi, avec un recul de plus de 100.000 du nombre des demandeurs d'emploi depuis 8 mois.
Pourtant, un taux de croissance du PIB de 3 %, -ce qui est déjà élevé-, ne permet de créer qu'environ 200.000 emplois privés par an, ce qui compte tenu de l'accroissement de la population active ne réduit qu'assez modestement le nombre des chômeurs. Or nous ne pouvons vivre durablement avec un niveau trop élevé de chômage. Cela mine la société et sa cohésion, fragilise notre jeunesse, et au bout du compte cela freine notre développement économique. II est nécessaire d'agir pour rendre notre croissance économique plus riche en emplois.
Mais il est aussi nécessaire, dans le même temps, d'agir pour que celle ci profite à tous, et ne laisse personne au bord du chemin, Vous connaissez -ne serait-ce, par exemple, qu'au travers des demandes au fonds d'urgence sociale que vous avez mis en place depuis janvier-, les dégâts humains et sociaux qu'engendre une compétition économique dure aux faibles. Je saisis d'ailleurs l'occasion de cette rencontre pour vous remercier de la rapidité avec laquelle vous avez installé les missions d'urgence sociale, et pour vous demander de faire preuve de la même efficacité une fois cette procédure d'urgence exceptionnelle passée. Martine AUBRY vous donnera prochainement ses instructions sur ce point, dans la ligne du rapport de Marie Thérèse JOIN-LAMBERT.
A partir de l'énoncé de ce diagnostic et de l'affirmation de cette conviction, je voudrais revenir sur les grands axes de notre politique économique et sur certaines des mesures concrètes que nous avons déjà ou que nous allons prochainement mettre en place pour lutter contre le chômage.
Premier axe : il faut renforcer la croissance et le potentiel de production de l'économie française. Je mentionnais tout à l'heure la reprise de la consommation et plus récemment celle de l'investissement, reprise que nous avons encouragée et qui nous permet d'espérer un résultat de 3% de croissance cette année, en dépit de 1"impact négatif de la crise financière asiatique. Cette politique sera poursuivie, dans le contexte nouveau de mise en place de l'Union monétaire.
Je ne prendrai qu'un seul exemple pour illustrer les actions conduites pour renforcer ce potentiel de croissance : la politique de stimulation de l'innovation, dans le cadre d'un programme à moyen terme pour rattraper le retard pris par notre pays, et plus largement d'ailleurs par l'Europe, dans le domaine des nouvelles technologies de l'information. Les " assises de l'innovation " que le Gouvernement réunira le 12 mai prochain seront l'occasion, de discuter et de tracer ce programme avec les principaux acteurs du développement technologique et de la création d'entreprises innovantes.
Deuxième axe : explorer des voies nouvelles pour rendre cette croissance plus riche en emplois.
Deux grands dispositifs concourent à cet objectif : les emplois-jeunes, ou, pour être plus précis, le " programme nouveaux services- nouveaux emplois ", et la politique de réduction négociée du temps de travail. Vous allez consacrer la plus grande partie de vos travaux d'aujourd'hui à ces deux dispositifs. Pour ma part, je souhaite, pour aller à l'essentiel, vous dire ce que j'attends de vous dans ces deux registres.
Les emplois-jeunes, tout d'abord. Martine AUBRY, qui s'est souvent adressée à vous sur ce sujet, directement ou par le truchement de son cabinet et de son administration, insiste beaucoup sur l'approche sérieuse et exigeante qui doit être la vôtre pour que réussisse ce dispositif.
Nous avons en effet choisi de privilégier une approche par projets, visant à créer des emplois ne se substituant pas à des emplois existants, des emplois susceptibles de trouver une solvabilisation à terme, même si celle-ci ne peut, bien entendu, être totalement assurée à un horizon de 5 ans.
Je tiens à vous dire que je suis très attaché à cette approche qualitative qui est, j'y insiste, essentielle à la réussite de notre ambition. Vous veillerez à refuser les approches " bureaucratiques " ou "tatillonnes", tout comme les solutions de facilité. La réussite est à ce prix.
Je suis également très attaché, je le dis nettement, à ce que nous atteignions les objectifs que nous nous somme fixés en terme d'emplois créés. J'ai pris l'engagement, vous le savez, de créer 350.000 de ces emplois d'ici l'an 2000, et je considère toujours cet objectif comme raisonnable et nécessaire. Au rythme actuel, nous serions aujourd'hui un peu en dessous des 150.000 que nous visons pour la fin de l'année -sans doute plutôt 130.000. Votre effort de mobilisation doit donc être amplifié, sans remettre en cause, je le répète, votre approche qualitative.
S'agissant de la réduction du temps de travail, vous avez suivi le débat social et politique sur cette question depuis la Conférence Nationale du 10 octobre. Je sais que dans vos départements aussi ce débat est vif, et qu'en particulier beaucoup de responsables d'entreprises, surtout petites et moyennes, expriment leurs craintes et leurs oppositions.
L'examen du projet de loi d'orientation et d'incitation au Parlement a sans doute été propice à une exacerbation de ces manifestations d'hostilité, cependant que les manifestations inverses, qu'elles émanent également de chefs d'entreprises ou de syndicalistes, ont été moins entendues.
La loi sera votée dans quelques semaines, à la mi-mai sans doute. Je suis persuadé que, dès lors, nous entrerons dans une nouvelle phase, où le pragmatisme devrait reprendre ses droits. Déjà, vous l'avez noté, un changement d'attitude s'opère chez certains acteurs. Hier fermés, ils reprennent aujourd'hui le chemin du dialogue.
La partie ne sera pas facile pour autant. Au-delà des prises de position idéologiques, -qui m'intéressent moins-, il y aura des difficultés réelles à surmonter de part et d'autre, côté patronal et coté syndical, pour entrer dans une négociation " gagnant- gagnant". -je pense en particulier à la définition de nouvelles organisations du travail qui concilient une efficacité accrue pour l'entreprise et des formes de souplesse acceptables par les salariés.
Sur ce sujet aussi, mon message est simple à énoncer, mais, -j'en suis conscient-. complexe à mettre en oeuvre : la loi n'a pas pour but d'organiser elle-même le temps de travail dans l'entreprise ; elle a pour but de susciter, dès à présent, un vaste mouvement de négociation au niveau des entreprises pour une réduction rapide et importante du temps de travail, créatrice d'emplois.
Mais sans cette loi, ce mouvement de négociation ne s'engagerait pas spontanément, en tout cas pas au niveau souhaitable : telle est notre conviction. Et c'est précisément pour cette raison que nous avons voulue cette loi.
Parce que ce mouvement n'est pas spontané, et parce que certaines expressions hostiles ont brouillé les messages, il sera nécessaire dans les mois qui viennent d'accompagner la loi, et ce sera une de vos tâches, Il vous faudra faire oeuvre de pédagogie et de conviction à l'égard de tous les acteurs concernés, -deux talents que vous possédez, je le sais. La négociation sociale peut permettre de trouver un équilibre des intérêts qui soit profitable à chacun, et à la collectivité par la réduction du chômage.
Enfin, troisième et dernier axe, la prévention et la lutte contre l'exclusion.
Nous avions besoin, dans ce domaine, d'un plan d'ensemble, cohérent, comme le réclamaient, à juste titre, depuis longtemps les grandes associations caritatives ou du monde de l'insertion, Le Gouvernement a travaillé vite, pour proposer dès le mois de mars ce plan d'ensemble, dans un programme qui a été reconnu, je crois, comme ambitieux, et qui va mobiliser en 3 ans plus de 50 milliards de francs supplémentaires, dont 38 à la charge de l'Etat, Nous avons fait le choix, dans ce plan, dont Martine AUBRY a dû vous détailler le contenu, de privilégier l'insertion, le retour à l'emploi, parce que le renforcement des mécanismes de pure assistance, tel que parfois certains ont pu le revendiquer, n'est pas dans notre philosophie.
Ce dispositif et le projet de loi dont l'examen débute au Parlement à la fin du mois doivent encore être complétés. L'organisation des, secours d'urgence -que j'évoquais tout à l'heure-, ou celle de l'action d'aide sociale et d'insertion au plan local et en particulier départemental, doivent y être intégrées. De même, une réflexion doit être conduite sur l'articulation des interventions et des responsabilités des uns et des autres pour une meilleure efficacité de l'action, en métropole, et dans les DOM, où Jean-Jack QUEYRANNE a déjà des propositions.
Ce sera aussi le cas, bien que ses objectifs débordent très largement de la lutte contre les exclusions, de la réforme de la formation professionnelle que nous souhaitons engager dès cette année. Nicole PERY a rejoint le Gouvernement auprès de Marine AUBRY, pour ouvrir ce chantier important. Elle vous indiquera ses premières orientations dans les semaines à venir, et elle vous fera part certainement dès cet après-midi de ses premières réflexions.
Ce sera également le cas, là encore en débordant le cadre de la lutte contre les exclusions, de la politique de la ville que le Gouvernement entend conduire. Claude BARTOLONE s'y attachera, avec Martine AUBRY et toute l'équipe Gouvernementale,
Enfin, ces actions nationales doivent trouver leur prolongement au niveau européen. Le conseil extraordinaire de Luxembourg a marqué une rupture par rapport aux pratiques antérieures. Pour la première fois, les chefs d'Etats et de Gouvernements se sont donné des moyens et des instruments à l'image de ceux utilisés pour renforcer l'Union économique et monétaire, afin de progresser dans la voie d'une Europe sociale. Nous venons de transmettre à nos partenaires et à la Commission européenne notre plan national d'action pour l'emploi, Ce plan vous a été remis. Je vous invite à l'étudier, car il constitue pour moi un engagement de la France, que je présenterai au Conseil européen de Cardiff en juin.
Voici, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les préfets, où en sont quelques éléments essentiels de l'action gouvernementale, dans le domaine de l'emploi, dont la réussite repose en grande -partie sur vos épaules et celles des services qui vous entourent.
Cette réussite, vous l'avez compris, ne passe. pas par la simple application de procédures et de circulaires, ou par une approche quantitative, souvent à l'honneur dans le passé. Elle est plus ambitieuse et plus exigeante : elle demande que vous sachiez convaincre, entraîner dans l'action, mobiliser autour d'objectifs commun, négocier avec des partenaires et faire négocier des partenaires qui n'y sont pas toujours prêts spontanément.
J'ai conscience de la difficulté de cette mission. Mais j'ai conscience aussi de la qualité des femmes et des hommes que vous êtes. Vous avez toute ma confiance, tout mon soutien et celui de tout le Gouvernement, ainsi que l'atteste l'organisation de cette journée.
J'aurais plaisir à vous retrouver à l'heure du déjeuner à Matignon, où vous serez cette fois mes hôtes. D'ici là, bon travail.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 juin 2001)