Texte intégral
J.-J. Bourdin -. Vous allez rencontrer tous les deux L. Ferry et X. Darcos, ce soir. Toutes les organisations syndicales seront reçues. Première question : faut-il reporter le Bac ? Allez-vous aller jusqu'au report du Bac ?
G. Aschieri : "Pour l'instant, la question ne se pose pas. Le Bac commence réellement vers le 12 juin. On a encore le temps de sortir du conflit. Mais c'est la responsabilité du Gouvernement de faire ce qu'il faut."
P. Gonthier : "Aucune fédération n'a donné ce mot d'ordre. Tout le monde est unanime."
Mais la base ?
P. Gonthier : "Ce que nous disons, c'est qu'il faut comprendre à quel degré d'exaspération sont les collègues de ne pas avoir été entendus jusqu'alors, pour en arriver là. Si le ministre est capable de bien comprendre le message et de pouvoir, comme on le dit, répondre avant le 12 juin, il n'y aura pas de problème. S'il continue à se maintenir dans un silence ou dans des propos un peu dilatoires, il y aura encore aggravation."
Mais n'êtes-vous pas débordés par la base ? J'écoutais tout à l'heure un professeur, au Havre, syndiqué au SNES, qui nous disait : "Nous, on demande déjà le report des examens"
G. Aschieri : "Je pense que le mouvement est un mouvement puissant, avec des grèves bien suivies, des manifestations extrêmement importantes et que ce mouvement, aujourd'hui, est capable d'obtenir des résultats et de faire céder le Gouvernement. Je dis à mes collègues qui pensent qu'il va falloir s'occuper des examens, que ce n'est pas une bonne méthode que de s'en prendre aux examens, parce qu'il y a les jeunes, il y a les examens eux-mêmes auxquels on est attachés, parce qu'il y a l'opinion. C'est vrai que, de ci de là, comme dans tous les conflits sociaux, quand un conflit dure, on se dit qu'on va utiliser autre chose que les moyens classiques. C'est humain, je comprends que cela se passe de ci de là, mais je pense que ce n'est pas une bonne chose."
P. Gonthier : "Pour prendre un exemple concret, il y a des collègues qui sont décentralisés, des personnels non enseignants, des personnels ouvriers, qui disent qu'ils ne vont pas installer les salles d'examen, parce qu'on ne les a pas jusqu'alors reconnus, on n'a pas négocié avec eux, qu'ils ont été transférés brutalement et que si c'est le seul moyen de se faire entendre, ils vont faire ça. Nous, nous disons que ce n'est pas une logique. C'est plutôt une logique de conflit très dur, comme avec les camionneurs, quand on est poussé à ce point-là. Pour l'instant, on n'en est pas arrivé à ce point de crispation partout. Les blocages d'examen sont localisés, dans trois ou quatre endroits en France, il faut quand même dire que ce sont des conflits minoritaires. Si cela fait tâche d'huile, encore une fois, la balle est dans le camp du ministre. Il nous reçoit ce soir séparément. Mais saura-t-il faire des propositions qui puissent enrayer la situation ?"
Qu'attendez-vous comme propositions ? Vous dites tous les deux que la semaine est décisive. Vous êtes d'accord là-dessus. Mais qu'attendez-vous des ministres ?
P. Gonthier : "Pour nous, il y a trois points, il y a trois pistes. La première, c'est sur la décentralisation. Il y a une loi qui va être débattue en septembre..."
Vous voudriez que le Gouvernement la retire ?
P. Gonthier : "Qu'il gèle la loi sur les transferts. Il la retire si c'est possible, il la gèle, on arrête sur ce dossier-là qui fait bouger tout le monde. Deuxièmement, qu'il donne quand même quelques pistes sur ce qu'il veut faire en matière budgétaire, pour le prochain budget. Et troisièmement, qu'il ouvre un vrai débat éducatif dans ce pays. Parce que cela fait un an qu'il est au Gouvernement et cela fait un an qu'on n'a pas de vraies négociations sur l'avenir du système éducatif."
G. Aschieri : "Je suis assez largement d'accord avec ce que dit P. Gonthier. Il y a des mesures dont les personnels ne veulent pas. Il faut dire : "on arrête ! on retire". Il y a par ailleurs la rentrée, avec des besoins. Je rappelle qu'il va y avoir 10 000 à 15 000 jeunes en moins, dans les écoles et les collèges, qui formaient l'encadrement éducatif. Il faut trouver des solutions, il faut des réponses à cela. Et, bien évidemment, il y a par ailleurs le dossier retraite, qui dépasse le ministre de l'Education, mais que le Gouvernement devra traiter."
A propos des retraites, on a l'impression qu'aujourdhui, ce qui intéresse avant tout les enseignants, c'est le dossier retraites, qui est venu se greffer et étouffer les autres revendications ?
P. Gonthier : "Non. Le dossier retraite s'est bien rajouté aux autres revendications, a renforcé le mouvement, mais il ne les a pas fait disparaître, au contraire. Regardez les cortèges parisiens : tous ces jeunes enseignants qui viennent de banlieue, leur préoccupation première n'est pas la retraite, ce sont les inégalités au sein de l'école. Et c'est pour cela que la décentralisation est un sujet aussi sensible pour eux. Et, en même temps, c'est vrai pour beaucoup, la question de la retraite. Mais mes collègues ont aussi conscience que la question des retraites n'est pas seulement un problème enseignant, ce ne peut pas être qu'un problème enseignant. C'est un problème de société."
Question d'un auditeur à propos des problèmes rencontrés par les parents, du fait des moyens mis en oeuvre pour les grèves (école fermée alors qu'on a des enfants etc.).
P. Gonthier : "Le droit de grève est un droit constitutionnel. S'il y a un enseignant qui ne fait pas grève dans l'école, l'école doit être ouverte et doit pouvoir garder les enfants. Si tous les enseignants sont grévistes, il faut qu'elle soit fermée. C'est malheureusement ce que l'on dit : une grève dure et longue est le seul moyen de faire pression sur le Gouvernement."
G. Aschieri : "Pourquoi en est-on arrivé à cette situation qui, effectivement, pose des problèmes à des tas de famille ? C'est qu'on a commencé par faire une grève, début octobre, très suivie ; le Gouvernement a fait comme si rien ne s'était passé. On a fait une manifestation nationale, pour ne pas faire grève justement, pour éviter d'avoir recours à la grève ; la réaction du Gouvernement ? "Oh, il n'y avait pas beaucoup de monde dans la rue ! Ce n'est pas la peine de négocier !". Et cela continue comme ça, jusqu'à un point où les gens disent qu'ils en ont assez, qu'ils font grève et qu'ils continuent la grève."
[Après une pause publicitaire]
C. Allègre était sur Europe 1 ce matin. Il a critiqué les effigies, les slogans ridiculisant le ministre de l'Education nationale. Il souhaite que les enseignants respectent leur ministre. Comment réagissez-vous ?
P. Gonthier : "Il faut d'abord que le ministre respecte les enseignants."
Parce que vous n'êtes pas respectés par le ministre, en ce moment ?
G. Aschieri : "Quand le ministre n'écoute pas, ne dialogue pas, il y a une forme de manque de respect. Les enseignants ont mal pris l'envoi du livre du ministre. Pourquoi ? Parce qu'ils ont eu le sentiment qu'ils posaient des questions et qu'on leur disait : "voilà ce que je pense" sans répondre à ces questions. Cela ne marche pas quand on veut dialoguer."
Oui mais de là à brûler et déchirer ces livres...
P. Gonthier : "L'UNSA-Education, comme le FSU, ne demande pas la démission du ministre. On ne personnalise pas une politique, ce n'est pas une bonne approche. Ce que l'on disait là, c'est quand même qu'il y a eu plusieurs couches qui ont été données. La première couche, ça a été la suppression des aides éducateurs qui a un peu déstabilisé. La décentralisation, parce que pour beaucoup, c'est perçu comme devant aggraver les inégalités..."
Plein de fantasmes aussi autour de la décentralisation, vous êtes obligés de le reconnaître...
P. Gonthier : "... Mais aussi peu de réponses de la part du Gouvernement et du ministre. Et puis par-dessus les retraites, les inquiétudes sur le budget. Cela fait qu'au bout d'un moment, cela cristallise autour de la personne du ministre. Le ministre a été excessivement maladroit dans son approche de l'école, aujourd'hui."
G. Aschieri : "Sur la décentralisation, on avait commencé par dire au ministre et au Gouvernement : "parlons-en, faisons le bilan de l'existant et voyons ce qu'on peut faire". On nous dit qu'on en parlera après. Puis un jour, il y a des décisions qui tombent du ciel, comme cela, sans discussion. Cela fait partie des choses qu'il ne faut pas faire."
[...]
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 mai 2003)
G. Aschieri : "Pour l'instant, la question ne se pose pas. Le Bac commence réellement vers le 12 juin. On a encore le temps de sortir du conflit. Mais c'est la responsabilité du Gouvernement de faire ce qu'il faut."
P. Gonthier : "Aucune fédération n'a donné ce mot d'ordre. Tout le monde est unanime."
Mais la base ?
P. Gonthier : "Ce que nous disons, c'est qu'il faut comprendre à quel degré d'exaspération sont les collègues de ne pas avoir été entendus jusqu'alors, pour en arriver là. Si le ministre est capable de bien comprendre le message et de pouvoir, comme on le dit, répondre avant le 12 juin, il n'y aura pas de problème. S'il continue à se maintenir dans un silence ou dans des propos un peu dilatoires, il y aura encore aggravation."
Mais n'êtes-vous pas débordés par la base ? J'écoutais tout à l'heure un professeur, au Havre, syndiqué au SNES, qui nous disait : "Nous, on demande déjà le report des examens"
G. Aschieri : "Je pense que le mouvement est un mouvement puissant, avec des grèves bien suivies, des manifestations extrêmement importantes et que ce mouvement, aujourd'hui, est capable d'obtenir des résultats et de faire céder le Gouvernement. Je dis à mes collègues qui pensent qu'il va falloir s'occuper des examens, que ce n'est pas une bonne méthode que de s'en prendre aux examens, parce qu'il y a les jeunes, il y a les examens eux-mêmes auxquels on est attachés, parce qu'il y a l'opinion. C'est vrai que, de ci de là, comme dans tous les conflits sociaux, quand un conflit dure, on se dit qu'on va utiliser autre chose que les moyens classiques. C'est humain, je comprends que cela se passe de ci de là, mais je pense que ce n'est pas une bonne chose."
P. Gonthier : "Pour prendre un exemple concret, il y a des collègues qui sont décentralisés, des personnels non enseignants, des personnels ouvriers, qui disent qu'ils ne vont pas installer les salles d'examen, parce qu'on ne les a pas jusqu'alors reconnus, on n'a pas négocié avec eux, qu'ils ont été transférés brutalement et que si c'est le seul moyen de se faire entendre, ils vont faire ça. Nous, nous disons que ce n'est pas une logique. C'est plutôt une logique de conflit très dur, comme avec les camionneurs, quand on est poussé à ce point-là. Pour l'instant, on n'en est pas arrivé à ce point de crispation partout. Les blocages d'examen sont localisés, dans trois ou quatre endroits en France, il faut quand même dire que ce sont des conflits minoritaires. Si cela fait tâche d'huile, encore une fois, la balle est dans le camp du ministre. Il nous reçoit ce soir séparément. Mais saura-t-il faire des propositions qui puissent enrayer la situation ?"
Qu'attendez-vous comme propositions ? Vous dites tous les deux que la semaine est décisive. Vous êtes d'accord là-dessus. Mais qu'attendez-vous des ministres ?
P. Gonthier : "Pour nous, il y a trois points, il y a trois pistes. La première, c'est sur la décentralisation. Il y a une loi qui va être débattue en septembre..."
Vous voudriez que le Gouvernement la retire ?
P. Gonthier : "Qu'il gèle la loi sur les transferts. Il la retire si c'est possible, il la gèle, on arrête sur ce dossier-là qui fait bouger tout le monde. Deuxièmement, qu'il donne quand même quelques pistes sur ce qu'il veut faire en matière budgétaire, pour le prochain budget. Et troisièmement, qu'il ouvre un vrai débat éducatif dans ce pays. Parce que cela fait un an qu'il est au Gouvernement et cela fait un an qu'on n'a pas de vraies négociations sur l'avenir du système éducatif."
G. Aschieri : "Je suis assez largement d'accord avec ce que dit P. Gonthier. Il y a des mesures dont les personnels ne veulent pas. Il faut dire : "on arrête ! on retire". Il y a par ailleurs la rentrée, avec des besoins. Je rappelle qu'il va y avoir 10 000 à 15 000 jeunes en moins, dans les écoles et les collèges, qui formaient l'encadrement éducatif. Il faut trouver des solutions, il faut des réponses à cela. Et, bien évidemment, il y a par ailleurs le dossier retraite, qui dépasse le ministre de l'Education, mais que le Gouvernement devra traiter."
A propos des retraites, on a l'impression qu'aujourdhui, ce qui intéresse avant tout les enseignants, c'est le dossier retraites, qui est venu se greffer et étouffer les autres revendications ?
P. Gonthier : "Non. Le dossier retraite s'est bien rajouté aux autres revendications, a renforcé le mouvement, mais il ne les a pas fait disparaître, au contraire. Regardez les cortèges parisiens : tous ces jeunes enseignants qui viennent de banlieue, leur préoccupation première n'est pas la retraite, ce sont les inégalités au sein de l'école. Et c'est pour cela que la décentralisation est un sujet aussi sensible pour eux. Et, en même temps, c'est vrai pour beaucoup, la question de la retraite. Mais mes collègues ont aussi conscience que la question des retraites n'est pas seulement un problème enseignant, ce ne peut pas être qu'un problème enseignant. C'est un problème de société."
Question d'un auditeur à propos des problèmes rencontrés par les parents, du fait des moyens mis en oeuvre pour les grèves (école fermée alors qu'on a des enfants etc.).
P. Gonthier : "Le droit de grève est un droit constitutionnel. S'il y a un enseignant qui ne fait pas grève dans l'école, l'école doit être ouverte et doit pouvoir garder les enfants. Si tous les enseignants sont grévistes, il faut qu'elle soit fermée. C'est malheureusement ce que l'on dit : une grève dure et longue est le seul moyen de faire pression sur le Gouvernement."
G. Aschieri : "Pourquoi en est-on arrivé à cette situation qui, effectivement, pose des problèmes à des tas de famille ? C'est qu'on a commencé par faire une grève, début octobre, très suivie ; le Gouvernement a fait comme si rien ne s'était passé. On a fait une manifestation nationale, pour ne pas faire grève justement, pour éviter d'avoir recours à la grève ; la réaction du Gouvernement ? "Oh, il n'y avait pas beaucoup de monde dans la rue ! Ce n'est pas la peine de négocier !". Et cela continue comme ça, jusqu'à un point où les gens disent qu'ils en ont assez, qu'ils font grève et qu'ils continuent la grève."
[Après une pause publicitaire]
C. Allègre était sur Europe 1 ce matin. Il a critiqué les effigies, les slogans ridiculisant le ministre de l'Education nationale. Il souhaite que les enseignants respectent leur ministre. Comment réagissez-vous ?
P. Gonthier : "Il faut d'abord que le ministre respecte les enseignants."
Parce que vous n'êtes pas respectés par le ministre, en ce moment ?
G. Aschieri : "Quand le ministre n'écoute pas, ne dialogue pas, il y a une forme de manque de respect. Les enseignants ont mal pris l'envoi du livre du ministre. Pourquoi ? Parce qu'ils ont eu le sentiment qu'ils posaient des questions et qu'on leur disait : "voilà ce que je pense" sans répondre à ces questions. Cela ne marche pas quand on veut dialoguer."
Oui mais de là à brûler et déchirer ces livres...
P. Gonthier : "L'UNSA-Education, comme le FSU, ne demande pas la démission du ministre. On ne personnalise pas une politique, ce n'est pas une bonne approche. Ce que l'on disait là, c'est quand même qu'il y a eu plusieurs couches qui ont été données. La première couche, ça a été la suppression des aides éducateurs qui a un peu déstabilisé. La décentralisation, parce que pour beaucoup, c'est perçu comme devant aggraver les inégalités..."
Plein de fantasmes aussi autour de la décentralisation, vous êtes obligés de le reconnaître...
P. Gonthier : "... Mais aussi peu de réponses de la part du Gouvernement et du ministre. Et puis par-dessus les retraites, les inquiétudes sur le budget. Cela fait qu'au bout d'un moment, cela cristallise autour de la personne du ministre. Le ministre a été excessivement maladroit dans son approche de l'école, aujourd'hui."
G. Aschieri : "Sur la décentralisation, on avait commencé par dire au ministre et au Gouvernement : "parlons-en, faisons le bilan de l'existant et voyons ce qu'on peut faire". On nous dit qu'on en parlera après. Puis un jour, il y a des décisions qui tombent du ciel, comme cela, sans discussion. Cela fait partie des choses qu'il ne faut pas faire."
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(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 mai 2003)