Texte intégral
Mesdames et Messieurs, je voulais vous dire à la fois le plaisir que j'ai d'être parmi vous et la frustration liée à un temps trop bref. Mais si j'ai fait mon profit des rapports que je viens d'entendre et rejoignaient très directement l'intérêt que nous attachons à ces rencontres annuelles qui ont à la fois révélé des attentes exprimé la mobilisation d'une équipe qui se rencontre une seule fois par an, ce qui est peu, j'en ai conscience, exprimé les attentes de la centrale mais surtout du réseau tout à fait considérable que vous représentez et c'est d'autant plus important que nous sommes en train de poursuivre, en réalité, d'approfondir une réforme entreprise, à laquelle il faut faire produire tous ces effets. Cet espace de rencontres entre les orientations que le gouvernement fixe à notre coopération et l'interprétation que vous en avez, les déclinaisons que vous en proposez c'est aussi un élément tout à fait important. Cette interaction représente en quelque sorte un creuset de ressourcement pour nous tous, une recherche de dénominateur commun qui me parait fondamentale et d'autant plus fondamentale que nos activités sont extrêmement diverses et partant nos responsabilités.
Peut-être l'an prochain, pour en revenir à l'articulation entre nos intentions et vos besoins pourrait-on souhaiter que le programme soit défini après vous avoir interrogé. Je laisse à Bruno Delay le soin de regarder si on ne pourrait pas associer d'avantage le réseau à la définition même, du programme de ces journées.
Je n'ai pas l'intention, je n'en ai pas le temps d'ailleurs de reprendre évidemment l'ensemble des conclusions qui viennent d'être présentées, j'en fais mon profit. Elles seront d'une manière ou d'une autre produites et nous pourrons continuer à y travailler. Je voudrais vous livrer quelques observations :
Le ministre Hubert Védrine vous a, hier, tracé nos perspectives sur la base des convictions qui déterminent la politique, la diplomatie françaises, globalisation, hyperpuissance américaine d'un côté, besoins de diversité et place, espace de l'offre française. Ce sont évidemment des données incontestables et vous êtes, nous sommes, le réseau est au coeur de ces problématiques. Son rôle : répondre au besoin de France quand il s'exprime et c'est souvent, susciter, créer le désir de France quand il n'est pas évident. Dans tous les cas de figure la coopération et vous êtes conseiller de coopération et d'action culturelle, c'est en effet, connaître précisément la géométrie dans laquelle on se trouve et organiser l'action en conséquence. Peut-être aussi savoir d'où l'on vient. On sait la définition parfois un peu triviale de la culture : savoir d'où on vient et savoir où on va. Je crois qu'en matière de coopération, il n'est pas mal de se rappeler ces évidences.
Trois remarques générales, nous avons fait le choix il y a deux ans d'une structure originale que nous jugions nécessaire compte tenu de l'histoire des deux ministères qui ont fusionné, c'était un signe fort que nous voulions donner à l'extérieur d'aller au plus loin dans la réunification, en quelque sorte, des deux ministères, au plus loin dans l'identification d'une politique étrangère de la France. Ce choix nous a amenés à la radicalisation de l'organigramme, en quelque sorte nous avons pleine conscience et vous avec nous, que c'est une structure exigeante telle qu'elle suscite un certain nombre de difficultés mais je crois que la force de l'idée qu'elle porte justifiait ce choix et il faut l'assumer complètement. Cette idée, donc se voulait en rupture avec un cloisonnement de notre approche du monde de ce qui était hier notre habitude, notre comportement en quelque sorte. La DGCID est une structure qui veut exprimer universalisme et continuité de nos approches et c'est bien évidemment là un peu la difficulté puisqu'il s'agit de porter le même regard sur les pays en développement, les pays riches, les pays émergents. Mais ce qui veut dire aussi que notre regard lui-même doit s'accommoder en permanence aux situations vers lesquelles il se dirige pour apporter les réponses appropriées. J'ai conscience que ce n'est pas toujours très simple et moi-même qui suis en permanence dans cet effort d'accommodation, y compris d'ailleurs au niveau de l'organisation de mon temps, je céderai volontiers la place ou à la facilité de la spécialisation - coopération d'un côté et culturelle de l'autre - alors que je sens bien qu'il faut que nous arrivions à mêler, à enrichir l'un et l'autre. Au regard de la spécificité géographique, nous avons su spécialiser les instruments, ZSP, FSP pour les pays en développement. J'ai entendu la plainte maîtrisée, quant à la difficulté qu'aurait la culture à recueillir toujours autant qu'il le faudrait l'adhésion au sein du FSP, j'ai pu parfois en effet faire le même constat : il faut que nous fassions un effort en direction des membres y compris les parlementaires, je ne vais pas les cibler mais les associer mieux peut-être à ces questions. Il faut que nous les rendions attentifs, je crois que c'est M. Garbe qui en parlait tout à l'heure.
Je voudrais observer que l'indispensable nécessité, là où on faisait du développement spécialisé, qu'on a affaire désormais à une offre concurrentielle, l'économie, l'audiovisuel, c'est vrai en Afrique, c'est vrai plus encore en Asie et là où on faisait de la diffusion stricto sensu il faut savoir aussi penser lutte contre la pauvreté. J'y reviendrai tout à l'heure, globaliser notre offre, je pense au Maghreb, je pense au Monde Arabe par exemple où il y a des demandes fortes, auxquelles il faut être attentif.
Retenez déjà donc, qu'aux reproches d'hétérogénéïté, que l'on nous fait parfois et je songe aux conclusions du cadre de l'OCDE, qui à la fois dit bravo à la réforme entreprise et nous fait un peut reproche de ne pas concentrer suffisamment les moyens en développement; il faut être capable de répondre par un souci accru de cohérence sans doute, de priorité générale et rappeler qu'il est hors de question de tout faire partout mais il faut bien faire partout où nous agissons.
C'est l'itération entre les postes et l'administration centrale qui doit permettre cet ajustement.
Deuxième observation : la DGCID gère des situations incroyablement complexes du fait en particulier du foisonnement des acteurs que nous rencontrons, je le disais rapidement hier il y a une forte préoccupation croissante pour l'international. Les autres ministères n'échappent pas à cette tendance, nombreux sont ceux qui veulent intervenir à l'international, tant mieux mais cela renvoie aussi à un travail de coordination, de cohérence aussi tout à fait indispensable et je ne vais pas là évoquer toutes les occasions qui sont presque obligatoires de rencontrer l'agriculture pour éviter un hiatus entre le discours sur le développement et la Politique agricole commune. On ne manque pas de nous le faire observer parfois, mais c'est vrai aussi avec l'éducation, avec la santé, c'est vrai aussi avec le ministère de l'Intérieur sur la question considérable des migrations. Je crois que cette interministérialité de notre travail doit être renforcée et il faut que cette cohérence vise au niveau de la centrale mais aussi au niveau des postes à resserrer les articulations. La justice, l'environnement sont d'autres ministères avec lesquels nous devons davantage coopérer et puis il y a tous ces autres acteurs, ONG, Universités, collectivités locales qu'il ne faut pas confondre. Chacune a sa spécificité. Je vous rends attentif aux besoins d'avoir avec les unes et les autres des attitudes adaptées aux réalités. Les collectivités locales que je connais bien n'ont pas dans leurs relations avec les administrations, ni avec les sujets dont nous parlons la même attitude que les ONG dont c'est à priori le quotidien. C'est extrêmement différent, déléguer, subdéléguer des opérations de jumelage, de partenariat, c'est aussi la ligne de ce que nous devons faire c'est bien parti on peut sans doute faire davantage, nos moyens sont limités il faut les conjuguer avec ceux des autres, je pense à EduFrance en particulier. D'une manière générale, toujours attentif à cette relation à la société civile qui est un concept, là aussi, qui mériterait quelques éclaircissements et c'est ailleurs le thème avec l'accord d'Hubert Védrine, que j'ai choisi de traiter lors de la conférence des Ambassadeurs car il est nécessaire que nous éclairions un peu mieux cette constellation extraordinairement diverse là aussi d'une société civile.
Coopérer c'est aussi et c'est ma troisième observation est donner à la France une plus grande visibilité dans les grands débats d'aujourd'hui. Je pense à tout ce qui tourne autour du droit, Jean-Bernard Thiant en parlait à l'instant, démocratie, transparence, bonne gouvernante, c'est un champ d'action immense. Il est travaillé fort heureusement par une somme de compétences en France tout à fait considérable, jamais pourtant le monde n'en a eu sans doute plus besoin, on sait la relation étroite entre démocratie et pauvreté mais aussi la question de la corruption, on sait que jamais les trafics illicites n'ont autant caractérisés les échanges, ils sont au coeur du débat, ils nourrissent la guerre. Autant de questions totalement actuelles dans lesquelles il faut que la France soit très présente et plus généralement la conception du droit français. On en a dit l'importance, c'est une question de culture mais je rappelle d'ailleurs que le secteur du droit est un de ceux où la francophonie peut encore trouver appui souvent et la médecine avec. Il faudrait aussi rappeler que le droit renvoie aussi aux échanges commerciaux; la définition des normes et je pense en particulier aux normes sanitaires pour l'accès aux marchés est un domaine énorme et là aussi il faut qu'on soit en mesure de pouvoir apporter notre appui si on veut être efficace. Bon, la présidence européenne vient nous donner pour les mois qui viennent une responsabilité de plus. Il est évident en présidence européenne que cette question du droit de la démocratie va intervenir très directement, d'autant que nous sommes dans l'obligation de commencer à faire vivre les nouveaux accords entre les pays ACP et l'Europe signés à Cotonou il y a quelques semaines qui font du dialogue politique un des axes forts de la relation entre l'Europe et les pays ACP. On sait que la démocratie est loin d'être apprivoisée partout.
Que dire des besoins dans ce domaine des pays candidats à l'Europe ? Je rappelle que ces pays là sont aussi en quelque sorte, les clients, que l'ensemble de notre maison est susceptible de servir, c'est important de le rappeler.
Quelques mots sur la vie de la DGCID, je crois que la période de deuil des anciennes structures est révolue. J'entends parfois encore monter quelques plaintes qui peuvent se nourrir de certains comportements ci ou là. J'appelle les uns et les autres à inscrire leurs actions et leurs relations surtout dans l'esprit d'une réforme, qui comme nous le disons hier se veut métissage, respect de l'autre, du travail fait y compris le travail fait hier, cela me paraît très important. Il faut désormais se mobiliser sur les enjeux essentiels, le développement, l'offre universitaire de recherches, y compris d'avoir davantage foi dans la relation entre la recherche et le développement, plus généralement l'investissement scientifique au sens large et parfois il y a des attitudes vacillantes à cet égard, il faut s'en prémunir. L'audiovisuel, le français dans le monde, je renvoie d'ailleurs à l'extraordinaire succès qu'a rencontré le congrès des professeurs de français réunis au Palais des Congrès justement au cours de la semaine dernière. La période des ajustements est venue pour la DGCID, le choix de la disparition de la Direction stratégique, programmation et évaluation a été fait en accord d'ailleurs j'allais dire avec les principaux acteurs de la DGCID et cette direction, François Nicoullaud et François Mimin, au profit donc des trois structures de pilotage auprès du directeur général et du nouveau directeur général adjoint. J'insiste sur l'importance reconnue du multilatéral et je le dis sciemment sachant que l'annonce hier de la suppression de la mission multilatérale pouvait donner à penser le contraire en précisant un peu solennellement et j'ai eu l'occasion d'en parler d'ailleurs avec Hubert Védrine pour être sûr qu'il n'y avait pas d'ambiguïté. Nous mesurons trop l'importance du multilatéral pour nous priver des moyens et de réfléchir par exemple aux grandes questions comme le développement et notre relation avec les grandes organisations multilatérales, FMI ou Banque mondiale, on pense à la constellation des Nations unies pour ne pas nous donner, non seulement les outils de réflexion mais les outils d'action comme par exemple ceux qui sont nécessaires pour répondre aux appels d'offres internationaux. Qu'il s'agisse des programmes "PHARE, TACIS, MEDA, ou le FED". Là aussi nous devons avoir des outils, et ce qu'il faut entendre par rapport à hier c'est que la mission dans sa forme actuelle là où elle était en effet va devoir être profondément transformer, réformer, Bruno Delaye nous fera des propositions pour renforcer et positionner donc une puissante capacité d'expertises sur le multilatéral dans la DGCID, si nous ne le faisons pas c'est le bilatéral qui perdra.
Un mot encore sur le bilatéral, notre investissement dans le bilatéral n'a de sens que si nous avons la voix suffisamment forte pour nous y faire entendre et celaa veut dire en effet que le dialogue entre le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Economie, des Finances doit être resserrer pour que la relation avec notre représentant au Fonds monétaire ou avec la Banque mondiale soit l'objet d'une vraie concertation et la seconde condition pour rentabiliser en quelque sorte cet investissement dans le multilatéral c'est qu'on est une vraie visibilité. Il ne s'agit pas de disparaître en quelque sorte dans le multilatéral, c'est très important, donc cela renvoie aussi je vous y invite, à la communication qu'il faut savoir faire au travers des opérations bi-multi puisque c'est dans cette direction que nous avons commencé là aussi à nous diriger.
J'évoquais tout à l'heure la question du développement, c'est évidemment une question très importante, la relation a été évoquée tout à l'heure entre développement et lutte contre la pauvreté est au coeur des débats que nous avons entre collègues européens. Certains ayant considéré que le développement devait être seulement la lutte contre la pauvreté, d'autres considérant que le développement devait être la ligne, l'objectif qui permettraient de réduire la pauvreté, il y a des ajustements qui sont actuellement en cours; il faut y veiller de près mais je ne suis pas de ceux non plus qui considèrent, et je m'en suis expliqué avec ma collègue britannique notamment, qui considère que la Sécurité sociale c'était seulement fait pour les plus pauvres. C'est toute la question, la solidarité internationale c'est aussi du développement et pas seulement une action exclusivement ciblée sur certains besoins fondamentaux car ça risque alors d'entretenir aussi une situation d'assistance qui n'est pas l'objectif que nous poursuivons. Dominique Boquet au sein du Cabinet est chargé plus particulièrement de ces réflexions, il le fera bien sûr en relation plus directe avec Mireille Guigaz dont je suis heureux de saluer l'arrivée parmi nous. J'ajoute, pour être un peu complet sur ces questions de développement, que nous aurons deux sujets spécifiques dans la période. La question du désendettement-développement je ne développe pas mais chacun voit l'importance que la question du désendettement a à l'échelle mondiale et singulièrement dans les opinions publiques. Il y aura aussi à faire adopter, lors du prochain Conseil développement, une déclaration de politique générale du Conseil et c'est important car il s'agit de fixer la doctrine européenne en matière de développement pour les dix ou vingt années à venir.
Yves Saint-Geours aura, dans le domaine de la coopération universitaire et de recherche, fait un travail considérable. Je pense que, dans les fonctions qui l'attendent, il saura, j'en suis sûr, non seulement faire vivre ce capital acquis, le faire partager. Il est clair que le travail tout à fait considérable qui a été fait par lui et son équipe, sur l'ex-AUPELF-UREF par exemple - gros sujet -, sur Edufrance, tout cela méritera d'être capitalisé et vitalisé.
Je n'insiste pas sur ce qui a été dit, sur le réseau dans le réseau, la question des établissements culturels, le besoin de fabriquer des instruments de pilotage de ces établissements, qui a été justement discutée je crois hier. C'est un élément important. C'est un réseau unique, considérable. Il faut éviter qu'il ne soit rogné par l'empire des moyens. Il faut passer - c'est une jolie formule que l'on me propose - à la logique du sens et il est vrai que l'on pourrait dire - c'est aussi une proposition - l'empire du sens. C'est joli ça. Je laisse à François Nicoullaud la paternité de cette expression. Cela veut dire qu'il est à la fois très attentif. Vous pouvez confier, me disait-on - et je crois que c'est une bonne idée que je suis prêt à reprendre - à Bruno Delaye, qui ne manquera pas de se tourner vers Jean Garbe et Gérard Fontaine et son équipe, l'idée peut-être de lancer une analyse d'une dizaine d'établissements types pour penser justement ou repenser des outils de pilotage efficaces pour soutenir et régénérer les missions des centres et instituts. Je sais qu'un très bon papier a été discuté hier sur le sujet. Je crois qu'il faut poursuivre cette réflexion.
Autre réseau dans le réseau, l'AEFE. C'est 160 000 élèves, je n'y insiste pas. Je veux simplement dire mon attention à la situation des personnels, la réforme du décret de 1990, les personnels résidents, rappeler l'existence d'un groupe de travail sur les recrutés locaux, remercier les conseillers pour leur très grande vigilance - ce dossier est très sensible. Le principe étant d'améliorer le confort de travail des personnels, dans un contexte budgétaire que nous savons hélas contraint. C'est tout à fait déterminant, il y a une forte attente syndicale. Je crois que c'est tout l'équilibre du système qui est en jeu, en quelque sorte.
Dernier réseau dans le réseau, l'assistance technique, les suites du rapport Naemo. Le groupe de travail DGA-DGCID là aussi est à l'uvre. Il nous faut nous préparer à la fin de l'assistance technique classique dans les pays en développement, mais pas la fin de l'assistance technique, bien au contraire. C'est une assistance technique revisitée, en quelque sorte, dont les rythmes, les spécialités, les spécificités, les qualifications, les durées devront être modifiés, mais il est tout à fait important que nous soyons en ordre de marche pour répondre là aussi aux nouveaux besoins qui apparaissent : promotion d'une expertise plus souple, plus spécialisée, favorisant aussi et surtout l'appropriation par nos partenaires de leurs projets. On n'aura pas beaucoup parlé de nos partenaires au cours de cette rencontre. Ce n'était pas sans doute l'objet, mais je ne doute pas qu'ils étaient collectivement présents dans vos préoccupations, car c'est tout de même bien par rapport à eux aussi - j'allais dire surtout - qu'il nous faut réfléchir à notre travail.
Je voudrais remercier les intervenants extérieurs qui ont apporté à notre réflexion, remercier en particulier de sa présence, le président de l'Académie des sciences, que j'ai vu à l'instant parmi nous, vous souhaiter de bonnes vacances. Je vous libère donc et je vous dis à bientôt, ici peut-être, mais sûrement au moins à quelques uns au cours de l'année qui vient, in situ, c'est-à-dire là où vous travaillez. Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 04 août 2000).