Point de presse de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur la coordination entre le Portugal et la France, dans le cadre de la présidence du l'Union européenne, pour l'agenda les objectifs et l'organisation de la conférence intergouvernementale pour la réforme des institutions communautaires, Paris le 12 janvier 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Entretien avec M. Francisco Seixas da Costa, secrétaire d'Etat portugais chargé des affaires européennes, à Paris le 12 janvier 2000

Texte intégral

Je me réjouis de la rencontre amicale que nous venons d'avoir avec M. Francisco Seixas Da Costa, secrétaire d'Etat portugais aux Affaires européennes.
Nous sommes en coordination étroite, à la fois sur des questions de méthode, d'organisation, mais aussi sur les problèmes de fond, notamment posés par cette réforme des institutions.
Nous avons une très grande facilité de travail avec le Portugal. D'abord, parce que la plupart des responsables ministériels sont des francophones parfaits. Mais aussi parce que nous avons beaucoup de connivences intellectuelles et une grande familiarité.
Nous avons eu une réunion de travail privée puis un entretien d'une demi-heure avec Hubert Védrine, qui nous a permis d'avancer, et enfin un déjeuner de travail.
Nous avons parlé essentiellement de la Conférence intergouvernementale. Je veux souligner que nous avons, au départ, le même rapport à cette Conférence. Nous voulons d'abord réformer nos institutions européennes dans des délais les plus brefs possibles pour faire en sorte que l'Union, comme elle s'y est déjà engagée à Helsinki, soit, d'ici la fin 2002, prête pour l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale. Pour respecter un tel calendrier, la logique - ce n'est pas une obligation mais c'est une logique - voudrait que nous puissions terminer cette Conférence intergouvernementale, qui va s'ouvrir en février à Bruxelles, sous la présidence française à la fin 2000.
C'est ce à quoi nous allons travailler. Pour que cela fonctionne ainsi, il ne suffira pas d'avoir une présidence française qui prendra ses responsabilités politiques - elle le fera, - il faut aussi que la présidence portugaise lance les travaux avec détermination et efficacité.
Notre objectif commun est bien celui-là : terminer d'ici la fin 2000, même si, encore une fois, pour terminer il faut que les conditions soient réunies. Nous avons une obligation de moyens davantage encore qu'une obligation de résultats.
Nous avons, par ailleurs, pu vérifier que nous partagions la même conception d'une Conférence intergouvernementale, à la fois ambitieuse et réaliste. Je lis, j'entends beaucoup, ici ou là, que nos deux pays, pour des raisons différentes, auraient des positions restrictives par rapport à cette réforme des institutions. C'est absolument faux. Nous souhaitons que la réforme des institutions européennes soit la plus vaste, la plus ambitieuse, la plus profonde possible dans ce délai. Et cela veut dire que nous souhaitons, bien sûr, partir des trois fameux "reliquats " d'Amsterdam : le nombre et le fonctionnement de la Commission européenne, l'extension du vote à la majorité qualifiée, la repondération des voix au sein du Conseil.
Mais nous souhaitons aussi que le débat soit très ouvert, c'est-à-dire qu'on puisse, là encore, aborder le plus grand nombre possible de questions connexes à ces trois grands problèmes.
J'en citerais, pour ma part, deux ou trois. D'abord, l'extension de la codécision en matière législative avec le Parlement européen, à chaque fois que nous irons vers la majorité qualifiée ; le problème de la responsabilité individuelle des Commissaires, tout ce qui concerne le fonctionnement de la Commission ; mais aussi les mécanismes de responsabilité parlementaire, qui doivent être évoqués.
Enfin, cette Conférence intergouvernementale peut être encore davantage ouverte. Des questions aujourd'hui se posent : je pense, par exemple, à la flexibilité de la décision, ou pour le dire différemment, à l'extension, à l'ouverture des mécanismes de coopération renforcée prévus par le Traité d'Amsterdam.
Ces questions doivent être abordées dans un grand esprit d'ouverture.
Nous avons cette conception ambitieuse, et en même temps réaliste.
Pourquoi réaliste ? D'abord, pour une raison simple qui tient au calendrier qui nous est fixé. Si nous voulons effectivement, dans l'année 2000, être à même de préparer la réforme institutionnelle nécessaire à l'élargissement, nous savons très bien que nous ne pouvons pas réinventer les institutions européennes, que nous ne pouvons pas nous fixer l'objectif d'un "grand soir constitutionnel" mais que nous devons avancer dans toute une série de domaines, de façon pragmatique. Forcément, cela va borner concrètement notre réflexion.
Ambition et réalisme, nous partageons je crois cette conception et nous allons adapter des méthodes de travail communes et coordonnées. La Présidence portugaise a prévu à la fois des enceintes de travail et une organisation des négociations auxquelles nous souscrivons tout à fait.
Nous avons, enfin, pris l'engagement d'être, à tout moment, en relation et d'être, à chaque fois, en consensus sur la façon de piloter cette Conférence intergouvernementale, car il va de soi qu'il n'y aurait aucun sens à ce que le Portugal démarre d'une certaine manière et que la France conclue d'une autre. Nous allons faire cela la main dans la main.
Nous espérons pour notre part, - et nous sommes tout à fait confiant dans ce fait -, que le Portugal pourra avancer considérablement pendant sa Présidence. En quelque sorte, nous espérons que le premier semestre 2000 permettra de définir, comme cela a été d'ailleurs décidé au Conseil européen d'Helsinki, ce que doit être le périmètre le plus large possible de la future Conférence intergouvernementale, qu'il permette aussi de dégager les options autour desquelles nous travaillerons. Ce sera la charge ensuite à la Présidence française de parvenir à un consensus et finalement à des décisions. C'est donc à la fois avec ces conceptions très largement communes et avec un état d'esprit tout à fait coopératif et amical que nous allons travailler pendant ces six mois sous Présidence portugaise.
Q - (inaudible)
R - Je voudrais rappeler comment les choses se sont déroulées. A Amsterdam, un traité a été conclu, signé, puis ratifié, traité dont un certain nombre de pays dont la France, l'Italie, la Belgique ont souligné d'emblée le caractère insatisfaisant, à travers les trois reliquats qui sont aujourd'hui sur la table, et en disant qu'il fallait à l'évidence réformer les institutions européennes avant l'élargissement. C'est ce que nous avons appelé pendant longtemps le "préalable institutionnel à l'élargissement", qui a fini d'ailleurs par être reconnu par tous. Ainsi, on a décidé cette CIG pour que cette réforme institutionnelle soit faite avant l'élargissement.
Lorsqu'au Conseil européen d'Helsinki, nous avons conclu qu'il fallait que l'Union européenne se mette en état d'accueillir des nouveaux membres, qu'elle se dote d'un calendrier interne, c'est ce que nous voulions dire. Concrètement, cela signifie qu'il faut avoir un nouveau traité, qui soit consécutif à une CIG, qui ait été conclu, signé et ratifié. Voilà ce que cela veut dire.
Donc, à partir de ce moment-là, au cours de cette année 2000, nous sommes en train de travailler à mettre l'Union européenne en état de fonctionner car nous savons qu'elle connaît aujourd'hui de graves problèmes de fonctionnement. Pour sortir d'une certaine paralysie, nous voulons faire en sorte que cette Union européenne soit capable d'être plus transparente, plus démocratique et nous voulons enfin que l'Union européenne soit effectivement capable de fonctionner non seulement dans ses frontières, dans son périmètre actuel à Quinze, mais aussi à 21,22, pourquoi pas à 27 ou 28 dans les années qui viennent.
Voilà ce qu'est notre ambition. Nous verrons bien quel est le résultat des travaux. Nous verrons bien ce que nous sommes en état de conclure, ou de ne pas conclure mais c'est dans cette philosophie que nous continuons à travailler : réformer les institutions européennes, de la façon la plus ambitieuse possible, de la façon la plus réaliste possible. Je ne vois pour ma part aucune contradiction dans ces termes. Il faut le faire avant la fin de l'an 2000 afin que l'élargissement apparaisse, à partir de ce moment-là, encore une fois, comme le plus proche possible.
Q - Qui va représenter les Etats membres lors de la CIG ? Est-ce que ce sera les ministres ? Par, ailleurs, j'étais un peu perplexe en lisant une de vos déclarations au quotidien " Libération " où vous dites que la volonté de réformer a disparu, que l'élan a disparu, qu'il y a un manque d'ambition générale.
R - Sur les questions de méthode, je crois que Francisco Seixas Da Costa a tout à fait raison de rappeler que nous sommes dans des système démocratiques et les réformes ne sont bonnes que si elles sont votables par les parlements, qui représentent les peuples, et acceptables par les opinions publiques. Nous devons constamment avoir cela à l'esprit et c'est d'ailleurs dans ce contexte-là que l'on doit penser le rapport entre l'Europe et la nation.
Pour le reste, le Conseil d'Helsinki a fixé une tâche fondamentale à la Présidence portugaise. Il a dit - je simplifie un peu mais c'est cela - que la Conférence intergouvernementale porterait sur les trois questions laissées sans solution à Amsterdam. Elle évoquera des questions connexes et, par ailleurs, il est possible d'élargir le champ de la Conférence. Un rapport, à cet effet, sera établi par la Présidence portugaise au Conseil européen de juin.
Contrairement à ce qu'on lit parfois, sous de bonnes plumes, nous n'avons pas une position restrictive. Nous souhaitons que l'on aille le plus loin possible. Donc, nous ne disons pas qu'il faut avoir un accord sur les trois reliquats pour commencer à discuter de quoi que ce soit d'autre. Nous disons au contraire, - et je crois que nous sommes en total accord avec la Présidence portugaise -, qu'il faut voir quel peut être le périmètre, encore une fois, le plus large possible, compte tenu des critères d'ambition, de réalisme, d'acceptabilité, que nous venons de dégager. Nous aurons une attitude tout à fait ouverte dans cet esprit-là.
Sur les méthodes de travail de la Conférence intergouvernementale, nous aurons deux modalités de travail un peu différentes, mais qui tiennent au fait que ce sont des étapes différentes. Le Portugal fait un travail important de préparation, de recensement, de définition du périmètre que nous aurons à conclure. Mais nous avons un point commun qui est le point fondamental : la CIG elle-même est une conférence évidemment où siègent des politiques, des ministres et dans, nos deux Présidences, avec des modalités peut-être un peu différentes, cela se retrouvera.
Q - Ce sera vous ?
R - Il y a plusieurs ministres dans cette "maison". Nous travaillerons, avec Hubert Védrine, en coordination, en symbiose parfaite, comme d'habitude./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2000)