Déclaration de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le développement de la production des biocarburants en France et dans l'Union européenne, Paris, le 13 mai 2003.

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Circonstance : Allocution audiovisuelle pour le colloque de l'Association pour le développement des carburants agricoles (ADECA) sur les biocarburants, à Paris le 13 mai 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord vous dire combien je regrette de ne pouvoir participer plus directement à ce colloque consacré aux biocarburants.
(Mais vous le comprendrez certainement, le Conseil " conseil Compétitivité " qui regroupe les ministres européens de l'industrie se réunit aujourd'hui à Bruxelles, et je me dois bien évidemment d'y représenter notre pays).
Je tiens à remercier l'ADECA, et en particulier à saluer le dynamisme du Président Cuypers et de monsieur Dominique Ducroquet, pour leur participation très active au Débat National sur les Energies, qui maintenant bat son plein. Compte tenu du sérieux de votre colloque, du très haut niveau de ses intervenants, et du pluralisme qu'il manifeste, il m'est apparu naturel qu'il fasse partie des " initiatives partenaires " de notre grande délibération nationale.
Les énergies renouvelables, vous le savez, représentent une piste prometteuse pour diversifier notre bouquet énergétique et réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La France s'est d'ailleurs engagée, dans le cadre de l'Union Européenne, à porter la part des ENR dans sa production totale d'électricité, de 14 % à 21 % d'ici 2010.
Or, parmi les énergies renouvelables, les biocarburants occupent une place bien spécifique, parce qu'indispensable : il est en effet bien évident que ni les éoliennes, ni l'énergie solaire ne feront avancer nos automobiles ! Il est donc nécessaire d'explorer la voie des carburants d'origine biologiques. Pour pallier l'épuisement, et le caractère polluant des énergies fossiles, les biocarburants sont une ressource précieuse.
Je voudrais aujourd'hui tracer quelques perspectives en soulignant quelques unes des conditions qui rendront possible le développement des biocarburants dans notre pays.
Je voudrais d'abord rappeler que la France est le premier producteur européen de biocarburants : sa production en 2002 atteint 500.000 tonnes, ce qui représente environ 1 % de la consommation nationale de carburants terrestres. Il existe aujourd'hui deux grandes familles de biocaburants : l'éthanol agricole et ses dérivés pour les essences, et les esters d'huiles végétales pour le gazole (EMHV). De 1992 à 2000, le volume de biocarburants à base d'éthanol commercialisé en France a ainsi été multiplié par 27 et celui des esters par 448.
Les biocarburants sont utilisés en France sous une forme banalisée, par incorporation dans les carburants, sans modification du réglage des moteurs.
Pour cela, les filières de production ont développé des produits élaborés à forte valeur ajoutée dont les caractéristiques se rapprochent de celles des carburants auxquels ils peuvent être mélangés.
Assurément, les biocarburants coûtent plus cher que les carburants d'origine fossile ; un dispositif fiscal a donc été mis en place pour favoriser leur développement. Le budget global alloué aux biocarburants s'est élevé à 180 M en 2002, montant de la part de TIPP non perçue sur ces carburants de substitution.
Ces mesures se sont avérées extrêmement efficaces en ce qui concerne les investissements et les quantités produites ; grâce à cela le programme en faveur des biocarburants est une remarquable et incontestable réussite. Ainsi, des filières industrielles se sont développées sur nos territoires : il faut en particulier noter que près de 25 % des terres mises en jachère sont aujourd'hui cultivées grâce aux biocarburants ; et l'on peut estimer à un million de tonnes les rejets de CO2 ainsi évités.
Le contexte européen
La politique menée par la France en matière de biocarburants a inspiré les projets de directives de la Commission, et nous servons d'exemple à certains de nos partenaires européens.
Deux directives, inspirées par notre expérience, doivent ainsi être adoptées en 2003 :
- la première concerne la possibilité d'appliquer un taux de taxation réduit sur certaines huiles minérales qui contiennent des biocarburants,
- la seconde concerne la promotion de l'usage des biocarburants dans les transports. Elle vise un taux global d'utilisation des biocarburants dans les transports pour l'année 2005 de 2 % et progressivement une évolution de ce taux jusqu'à 5,75 % en 2010, ces objectifs très ambitieux étant indicatifs
Comment faire pour les atteindre ? Quelles sont les conditions d'une extension de l'usage des biocarburants ?
Quel avenir pour les biocarburants ?
Je voudrais évoquer ici les conditions essentielles de leur développement.
Pour faire progresser la part de marché des biocarburants, il convient de veiller au respect des trois impératifs suivants :
- les biocarburants doivent répondre à l'évolution des exigences des carburants et des moteurs
- ils doivent s'adapter aux caractéristiques spécifiques de la demande du marché des carburants
- leur handicap de compétitivité économique doit être progressivement réduit, par une réduction des coûts unitaires. Ainsi pourra-t-on abaisser le prix de revient moyen de la tonne de CO2 évitée par l'utilisation des biocarburants en substitution des carburants pétroliers
Satisfaire à ces impératifs suppose que l'on change de dimension : d'un outil qui est principalement conçu comme un soutien agricole, la production de biocarburants doit devenir également une filière de remplacement partiel des carburants fossiles.
Cela ne peut se concevoir qu'à la condition d'une augmentation significative de la productivité des filières, afin de rendre les biocarburants compétitifs avec les carburants traditionnels.
Dans un proche avenir, seules les filières existantes peuvent être améliorées. A l'horizon 2010, le potentiel de développement des biocarburants passe donc par la rationalisation des filières et la réalisation de gains de productivité substantiels.
Car les filières existantes fonctionnent efficacement mais leur objectif (apporter un complément de revenu aux agriculteurs) induit leurs limites, principalement économiques.
Mais à plus long terme, c'est l'innovation technologique qui nous permettra de passer à l'étape supérieure, en développant une filière énergétique pérenne et moins coûteuse. Dans cette perspective, la filière thermochimique, qui permet d'utiliser toutes sortes de biomasse, pourrait être exploitée.
En bref, vous l'aurez compris, je souhaite que toutes les voies soient explorées, que les coûts et les avantages des biocarburants, les recherches les plus avancées dans ce domaine, soient mises sur la table, et que l'on avance résolument, pour inventer une politique énergétique à la fois efficace et durable. Cela n'interdit certes pas l'originalité, ni même, sous le vigilant contrôle du bon sens et de la raison un brin d'utopie !
Je vous remercie.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 12 août 2003)