Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de l'information, sur la collaboration entre la France et l'Amérique latine concernant la protection du patrimoine architectural des centres villes, Paris le 12 mai 1998.

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Circonstance : Séminaire international sur la réhabilitation des centres historiques des villes d'Amérique latine, à Paris, maison de l'Amérique latine, du 4 au 15 mai 1998

Texte intégral

Messieurs les ambassadeurs, messieurs les maires
Mesdames, Messieurs,
Ayant assumé la responsabilité de premier magistrat de Strasbourg, ville dont le centre historique, autour de sa cathédrale gothique, est bien connu pour la richesse de son patrimoine architectural et urbain qui lui ont valu d'être protégé au titre de la loi Malraux sur les secteurs sauvegardés, je ne pouvais que me sentir directement concernée par le thème de votre séminaire atelier. Hélas, les obligations de ma charge ministérielle ne m'ont permis de passer que cette seule soirée avec vous. Avec mes regrets, mais avec le plus grand plaisir, je vous accueille ce soir au siège du ministère de la culture et de la communication.
Permettez-moi, tout d'abord, de saluer la collaboration exemplaire qui a permis d'organiser cette rencontre. Si la direction de l'architecture et le département des affaires internationales de mon ministère en ont pris l'initiative, ceux-ci n'auraient pu aboutir sans le concours des autres départements ministériels français des Affaires étrangères et de l'Equipement, mais aussi sans le partenariat actif de l'UNESCO, de la Banque interaméricaine de Développement, de l'Union internationale des architectes, et sans l'accueil chaleureux de la Maison de l'Amérique latine. Qu'il me soit permis de remercier tous ceux, trop nombreux pour que je me risque à les nommer, qui ont pris une part décisive à la mise en place de cet événement. Je sais par mes collaborateurs que sa réussite dépasse déjà nos espérances et qu'il fera date dans notre collaboration avec les pays d'Amérique latine.
Cette collaboration, notre histoire comme notre présent nous la proposent comme une relation parfaitement naturelle. D'une part la richesse et la diversité de nos cultures, de part et d'autre de l'Atlantique, nous renvoient les uns aux autres, pour reprendre une expression employée lors de l'ouverture de ce séminaire par le Président Enrique IGLESIAS, une image identitaire fortement marquée par la qualité de nos patrimoines architecturaux et urbains. Nos rapports sont tissés d'admiration réciproque, presque de fascination.
Par ailleurs, son histoire propre a permis à la France de se doter très tôt d'un arsenal juridique et réglementaire très pertinents et de développer une expérience plus que centenaire dans le domaine de la protection et de la mise en valeur de son patrimoine architectural et urbain, appuyée sur une situation économique relativement favorable. Cette expérience ne constitue, certes, pas un exemple reproductible, mais elle est considérée par de nombreux pays comme une référence dont ils s'inspirent pour définir leur propre action. Ils sont plus particulièrement intéressés par la politique de protection développée en France depuis les années 1960, ainsi que par la dynamique des grands travaux d'architecture et d'urbanisme mis en oeuvre depuis presque vingt ans. C'est cette recherche d'équilibre entre la conservation et la création, la mémoire et le projet, qui est aujourd'hui encore au coeur de notre démarche et qui justifie la réunion, dont j'ai chargé François BARRE, des deux directions de l'architecture et du patrimoine.
De leur côté, les pays d'Amérique latine connaissent actuellement un essor économique servi par une stabilité politique qui fait de cette partie du monde une zone émergente. Or il est significatif d'entendre les responsables des capitales et villes de vos pays revendiquer unanimement les valeurs patrimoniales et architecturales non seulement comme les garants de leur identité culturelle, mais aussi comme le gage d'un développement dynamique d'une cité qui soit humaine à vivre pour ses habitants et accueillante pour ses visiteurs. On m'a informé que les représentants de Quito, de Cuzco, de Rio de Janeiro, de Mexico, de Lima, de Buenos Aires, de Saint-Domingue, d'Antigua, de Montevideo, de Salvador de Bahia, de Panama, de Cuenca, de Valparaiso, de Santiago, d'Ouro Preto, de Sucre, de Puebla, de Saint-Louis de Maranao, d'Oaxaca, de Granada et de la Havane, que je salue tous très chaleureusement, en ont témoigné avec passion et talent dans la première partie de ce séminaire.
On voit, dès lors, l'intérêt et la richesse de ces échanges. Intérêt pour nos amis latino-américains venus prendre davantage conscience de la parenté de leurs attentes, de leurs quêtes et de leurs expériences. Ils s'éclairent en effet mutuellement en même temps qu'ils bénéficient de l'expérience de leurs homologues français.
Mais pour ceux-ci, le bénéfice est tout aussi grand, face à la richesse des expérimentations en cours outre-Atlantique qui renouvellent, par leur ampleur et l'ardeur de leur quête, certains a priori nourris d'habitudes parfois contestables. Tant il est vrai qu'on ne se remet jamais si bien en question qu'en s'offrant au regard de l'autre, regard qui vous révèle autant vos imperfections que vos réussites.
C'est pourquoi je souhaite que cette collaboration se poursuive et s'intensifie. Je demande au directeur de l'architecture et du patrimoine, que je félicite ainsi que ses collaborateurs pour leur initiative, de garder le contact avec vous en étroite liaison avec nos partenaires de l'UNESCO et de la Banque Interaméricaine de Développement, et de tenir à votre disposition les capacités d'expertise et d'assistance technique qu'ils sont à même de mobiliser avec le concours des autres départements ministériels et de nos partenaires nationaux et internationaux.
Pour faciliter ces échanges d'expérience, j'ai décidé d'utiliser les possibilités que nous offrent aujourd'hui les moyens de communication électroniques. Un site des centres historiques en Amérique Latine sera prochainement ouvert sur le site Internet archi.fr.
Je vous confirme d'autre part mon intention de développer une collaboration déjà bien engagée avec des villes comme Quito, Mexico, Rio de Janeiro (autour du quartier du Morro de la Conceçao), et Buenos Aires très prochainement.
Je vous annonce que François Barre et Léo Orellana auront l'occasion de se rendre à Santiago du Chili et à Buenos Aires dès la fin du mois de mai pour étudier de nouveaux partenariats.
Il me paraît d'autre part très souhaitable de signer une convention entre la Banque Interaméricaine de Développement et mon Ministère pour programmer des actions communes au cours des 2 ans à venir.
J'utiliserai de la même façon la convention que j'ai signée avec Monsieur Federico Mayor pour mettre en relation des villes françaises et latino-américaines partageant des préoccupations communes, dans le cadre du Patrimoine Mondial.
D'autres moments forts nous rapprocheront, comme la Biennale d'architecture de Buenos Aires en novembre où l'architecture française sera très présente et comme les réunions de travail qui après ce séminaire atelier en France devraient se tenir prochainement dans vos pays, à commencer par Quito.
Nous avons en commun, cette rencontre en est la démonstration, un idéal et une ambition : rapprocher nos peuples par le partage d'une culture commune qui se nourrisse de l'identité, notamment patrimoniale et architecturale, reconnue et assumée, de chacun.
Aussi ai-je voulu, pour symboliser cette parenté émergente, distinguer au titre de l'ordre français des Arts et des Lettres deux d'entre vous qui ont pris une part déterminante à la mise en place de cette action commune. Ce sont Monsieur Herman CRESPO-TORAL, directeur principal du secteur de la Culture à l'UNESCO, et Madame Sara TOPELSON de GRIMBERG, présidente de l'Union internationale des architectes.
Hernan CRESPO-TORAL
Les relations d'amitié entre la France et l'Equateur sont des liens tissés de longue date et fondés sur la connaissance et la reconnaissance.
Dès 1735, la France envoie en Amérique méridionale, une première expédition scientifique géodésique, pour mesurer la longitude à l'équateur de l'arc d'un degré méridien.
Charles Marie de la Condamine, qui avait abandonné les armes pour la science, et qui fut l'un des rares survivants de cette expédition, en rapportera les faits.
150 ans plus tard, la France confiera à Monsieur Hernan CRESPO-TORAL que nous saluons ce soir, le soin de programmer et de concevoir l'exposition permanente dans le Pavillon français de la Moitié du Monde.
Cette exposition relate l'histoire de cette première expédition qui eut pour effet l'adoption, par la Convention, le 19 primaire au VIII (10 décembre 1799), de la définition du mètre comme étant la 10 millionième partie du quart du méridien terrestre, et, également l'histoire de la seconde expédition à laquelle participait Paul RIVET, initiateur des études anthropologiques en France sur l'Amérique Latine, fondateur du Musée de l'Homme et ancien résistant.
L'intensité de nos liens est tout à fait incarnée par Monsieur CRESPO-TORAL, homme de passion, natif de Cuenca.
Né le treizième fils d'un père qui avait suivi ses études de médecine à Paris, Hernan parle notre langue et s'imprègne de notre culture, avant même de connaître notre pays.
De 1958 à 1959, il bénéficie d'une bourse UNESCO qui l'amènera à son tour dans notre capitale où il étudiera la muséologie à l'Ecole du Louvre. Ce sera la toute première étape d'une carrière qui deviendra, bien plus tard, internationale, le ramenant, comme Directeur principal pour la culture à l'UNESCO, encore à Paris.
En 1973, Directeur des Musées de la Banque Centrale d'Equateur, il organise, au Petit Palais, l'exposition " Les Trésors de l'Equateur ", qui sera inaugurée par Maurice Druon.
Cette importante exposition sera le fruit d'une passion, un long travail de récupération du patrimoine équatorien. Pionnier de la restauration de l'identité de son pays, Monsieur CRESPO-TORAL a su convaincre la Banque centrale de l'Equateur de promouvoir l'archéologie et la restauration du patrimoine équatorien, à travers la création d'un réseau de musées dans les différentes villes de son pays. Il récupérera ainsi plus de 10 000 pièces archéologiques exportées illicitement et sauvegardera plus d'un million de pièces archéologiques, historiques, ethnographiques, d'art colonial et moderne dans le réseau des musées de la Banque.
Aujourd'hui et à l'occasion du séminaire-atelier sur la réhabilitation des centres historiques des villes d'Amérique Latine, c'est l'architecte que je souhaite saluer, celui qui a constitué en 1968, la Commission pour la préservation du Centre historique du Quito, " projet étoilé " comme l'a qualifié Monsieur Enrique IGLESIAS, Président de la Banque interaméricaine de développement, lors de la séance d'ouverture du séminaire.
Cher Hernan CRESPO-TORAL, pour toutes ces raisons, j'ai le grand plaisir de vous faire Officier dans l'ordre des Arts et des Lettres.
Sara TOPELSON de GRINBERG
Vous avez devant vous une personnalité marquante dans le monde de l'architecture qui rayonne tant par son professionnalisme et son dynamisme que par sa droiture. Mme Sara Topelson de Ginberg, architecte mexicaine , Présidente de l'Union Internationale des Architectes, développe une intense activité en faveur de la promotion des architectes et de l'architecture ainsi que des relations interégionales et internationales et des architectes et de leurs associations.
Ambassadrice de l'Architecture, elle renforce les relations entre les architectes des différents pays, soucieuse de la préservation et de la mise en valeur de l'identité de la profession, en particulier par l'organisation de concours internationaux.
Toujours active à protéger la qualité architecturale, elle diffuse le professionnalisme français dans la revitalisation des centres historiques urbains.
Son oeuvre d'architecte s'articule principalement autour de la problématique du logement social et de l'urbanisme avec des réalisations dans différentes villes du Mexique.
Et malgré ses multiples responsabilités qui l'obligent à voyager inlassablement à travers le monde Mme Topelson de Grinberg a su trouver le temps pour continuer à professer à l'université de Anahuac, s'attardant à transmettre aux nouvelles générations sa rigueur professionnelle.
Cette année l'U.I.A, organisation que préside Mme Topelson et dont le siège se trouve, depuis sa création à Paris, fête ses 50 ans. A cette occasion, l'U.I.A mettra l'accent sur la problématique de la "mondialisation" dans la pratique architecturale, associant à sa réflexion des ministres, des philosophes et des journalistes.
Ayant reçu la distinction de "Femme de l'année 1996" au Mexique et le "prix Zazil" pour l'accomplissement de la femme dans la culture et la science, je salue l'Académicienne Sara Topelson, la première femme Présidente de l'U.I.A, symbole de la reconnaissance de l'apport féminin à cette profession.
Chère Sara TOPELSON de GRINBERG, pour toutes ces raisons, j'ai le grand plaisir de vous faire chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.

(Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 octobre 2001)