Texte intégral
A. Chabot.- Demain soir, vous pourrez dire "ouf, ça y est" : le vote solennel de la réforme des retraites sera fait et effectué à l'Assemblée nationale. Mais on a l'impression que la joie va être gâché par le conflit persistant des intermittents du spectacle, ce qui prouve que le tissu social est toujours aussi fragile en France.
- "Je crois qu'en tout cas, c'est ni joie ni tristesse. Vous savez, on est là pour assumer les responsabilités par rapport aux engagements que nous avons pris devant les Français. Donc, les uns après les autres, nous avons, en un an, ouvert la quasi-totalité des chantiers sur lesquels J. Chirac s'était engagé pendant la campagne présidentielle. La réforme des retraites, cela fait vingt ans qu'on en parle, nous avons assumé cette réforme, après y avoir consacré beaucoup de temps de dialogue et d'écoute. Maintenant, cette réforme est derrière nous, il s'agit de s'occuper des autres grands chantiers. Mais c'est vrai que nous sommes dans un pays où l'on a beaucoup l'habitude de commencer par dire "non", avant de réfléchir au bon sens des choses. Il faut passer du temps à expliquer."
J'insiste sur le conflit des intermittents du spectacle. Vous pensez vraiment que tout cela a vraiment été très bien géré ? Un accord avant le début des festivals ? On aurait pu attendre un peu, par exemple. Vous ne l'avez pas vu venir, ce conflit, en gros ?!
- "En tout cas, ce qui est vrai, c'est qu'il y a parfois des contradictions dont il faut assumer les conséquences. Il y en a une au moins : c'est que nous avons considéré que il fallait laisser toute sa place au dialogue social. C'était sans doute un contraste par rapport aux années Jospin, où l'on n'écoutait pas les partenaires sociaux. Les partenaires sociaux sont arrivés à un accord sur un sujet qui, là encore, avait été reporté depuis quinze ans. Les intermittents du spectacle, on en a beaucoup parlé depuis un mois, mais on en parle surtout depuis quinze ans, parce que les gouvernements successifs n'ont pas assumé. Cet accord est intervenu. Il s'agit pour le Gouvernement d'entendre aussi ce qui se dit et de bien comprendre, qu'au-delà de l'accord sur l'Unedic, dont je rappelle qu'en ce qui concerne les intermittents, c'est un tiers du déficit de l'ensemble du régime d'indemnisation de un million de salariés, il faut, nous, nous occuper à la fois d'aider le spectacle vivant - et J.-J. Aillagon y travaille activement - et puis, d'autre part, regarder du côté de ces entreprises d'audiovisuel qui ont effectivement un peu contourné le système."
On a quand même l'impression, ces dernières semaines, que l'image du Premier ministre s'est modifiée. On le voit à travers un certain nombre enquête d'opinion. Le Premier ministre, apparemment ouvert au dialogue, semble de temps en temps fermé, voire même autoritaire. Vous ne pensez pas qu'il y a un risque pour J.-P. Raffarin ?
- "Dans l'exercice des responsabilités publiques, c'est un peu la loi du genre que de voir des commentaires en dents de scie. Rappelez-vous, il y a trois mois, on disait, "que fait ce Gouvernement, fait-il des réformes" et puis, aujourd'hui, on dit, "est-ce qu'il n'en fait pas trop ?" ! Le même Gouvernement, dont on disait, il y a trous ou quatre mois, qu'il "écoute beaucoup mais il ne décide pas", on dit aujourd'hui "il décide trop". C'est bien pour cela qu'il faut aussi, tout en écoutant les critiques - on est là aussi de manière attentive à cela -, il faut aussi comprendre qu'on est là pour assumer nos responsabilités. Et qu'est-ce qu'on fait tous les jours ? On entend, on fait l'état des lieux, on explique les choses aux Français, ensuite on dialogue et puis enfin on décide. C'est ainsi que doit fonctionner une démocratie moderne."
Certains se demandent si le J.-P. Raffarin, qui parlait beaucoup de la France d'en bas, il y a un an, pendant la campagne électorale, est toujours à l'écoute de cette France d'en bas. Pendant la même semaine, on baisse la rémunération du Livret A et, en même temps, on fait des exonérations sur l'impôt de solidarité sur la fortune ? On dit que c'est une coïncidence malheureuse ?
- "Non, mais, si je puis me permettre, ne vous laissez pas trop influencer par les tracts du PS ou par les déclarations de F. Hollande !"
Oui, mais tout le monde entend cela ! Il y a beaucoup de gens qui se disent qu'il est incroyable que ce soient les petits ...
- "Reprenons les choses. Cela fait partie aussi des explications de prendre les choses dans l'ordre. Attendez ! Si on regarde le détail, le Livret A, il s'agit de quoi ? Il s'agit d'abord d'une mesure de bon sens, de tellement de bon sens qu'elle a été prise aussi bien aujourd'hui, que parce que les taux de la Banque centrale baissent, que par M. Jospin en 98 et en 99, à ceci près peut-être, une petite exception, que nous, nous avons considéré qu'il ne fallait pas toucher au Livret d'épargne populaire. Jospin n'avait pas ce type de scrupules. Mais pourquoi on le fait ? Parce qu'il faut financer le logement social, parce que sinon, ce sont les loyers des logements sociaux, donc des Français les plus modestes, qui vont être pénalisés. Et enfin, je rappelle qu'il faut relativiser l'ampleur de tout cela : cela représente pour plus de la moitié des détenteurs de Livret A, moins d'un euro de perte de revenu par an. Moins d'un euro ! Donc je crois qu'il faut relativiser tout cela, aller au bon sens. Cette mesure permet de financer le logement social, les entreprises et en plus les infrastructures de transports. Donc je crois qu'elle correspond à une logique économique. Jospin ne s'était pas trompé à l'époque ; M. Hollande l'a tout simplement oublié aujourd'hui. Et puis, (...) pourquoi est-ce qu'on ne sortirait pas un jour de la caricature ? Pourquoi est-ce que lorsque M. Hollande dit que la droite fait la politique des riches, on ne se dirait pas que tout cela, c'est n'importe quoi ? Personne ne pense que M. Jospin faisait la politique des pauvres. Enfin ! On gouverne pour toute la France. De quoi parle-t-on ? C'est quoi, une politique sociale ? C'est une politique sociale qui se mesure non pas au nombre de gens qui sont aidés, mais au nombre de gens qui n'ont plus besoin d'être aidés. Qu'avons nous fait depuis un an ? Nous avons augmenté le Smic de 11 % de plus, ce qui veut dire un treizième mois pour un million de salariés d'ici trois ans. Nous avons revalorisé tout ce qui touche ou tourne autour du travail. Un exemple : nous avons créé le contrat jeune en entreprise, pour les jeunes les plus faiblement qualifiés. 100.000 contrats signés, tous des CDI en moins d'un an ! Vous connaissez beaucoup de gouvernements qui ont pu avoir un tel résultat avec une croissance aussi faible ? Pardon de dire cela, quand je dis des "résultats", c'est tout simplement parce qu'on a fait des contrats sans charges sociales, ce qui évidemment de bon sens pour permettre aux entreprises d'embaucher les jeunes les plus faiblement qualifiés. Voilà l'exercice que nous pouvons conduire et sur lequel nous allons au résultat de manière objective."
On va continuer sur les réformes. Mais globalement, quand on dit que vous êtes un gouvernement de droite et libéral, cela ne vous gêne pas ? On a l'impression que vous assumez beaucoup plus, aujourd'hui, que les gouvernements de droite précédents ?
- "Je suis de ceux qui considère qu'assumer un discours et une action d'une droite moderne, c'est-à-dire qui n'est pas dans la caricature, qui essaie de manière tout fait cohérente de regarder ce qui ce passe dans le reste du monde, d'assumer des réformes courageuses, celles qui n'ont pas été faites depuis des années - les retraites, la décentralisation, la modernisation de l'Etat -, c'est effectivement quelque chose du bon sens et qui est assumé par un gouvernement d'une droite moderne, qui a mis de côté toutes les idéologies. Vous me parliez de libéralisme ? Pardon, je n'ai rien contre telle ou telle idéologie, je dis simplement que ce sont des idéologies dépassées, tout autant d'ailleurs que le socialisme ou le collectivisme. Ce sont des trucs du XXème siècle. Aujourd'hui, nous sommes au XXIème, nous sommes pragmatiques, on va au bon sens et on va surtout à ce qui permet de créer de l'emploi, à ce qui permet de créer du pouvoir d'achat, de retrouver les chemins de la croissance et puis, enfin, de rétablir une autorité publique qui a été bafouée pendant des années."
Tout le monde a quand même remarqué, à l'occasion du 14 juillet et de son intervention, que le président de la République, à propos de l'assurance maladie, de son déficit, n'a pas parlé de "réforme" mais a dit qu'il faut "adapter" notre système. On s'est dit d'un seul coup : Oh la la, ils ont déjà peur ! Il y a eu l'expérience des retraites, maintenant on parle "d'adaptation" et non plus de réforme ?
- "Non, rassurez-vous. D'abord, première chose, dans la vie, il ne faut jamais avoir peur. Il faut assumer ce qui est nécessaire. Deuxième chose, pour ce qui concerne le discours du président de la République, il est parfaitement clair. S'il s'agissait de remettre en cause notre système de protection [inaud]. Et c'est bien de cela dont le président de la République a parlé le 14 juillet. Nous avons un système de protection sociale qu'il faut préserver. Il est un des plus modernes du monde, car il protège l'ensemble de nos concitoyens."
Mais il est très déficitaire... Comment fait-on ?
- "Reste qu'effectivement, il a été, ces dernières années, dans une logique déficitaire parce que quelques une des mesures qu'il convient de prendre pour le moderniser et le préserver n'ont pas été prises. C'est donc à cela que nous allons travailler. C'est un des grands chantiers de cette année. D'ailleurs, je m'empresse de dire qu'il y a un point de différence majeur entre la gauche et la droite aujourd'hui, entre la politique Jospin - pour aller vite - et celle que nous menons : Jospin a, me semble-t-il, commis une véritable erreur, en faisant croire aux Français que l'on pouvait préserver notre modèle social en travaillant moins. Ce que nous voulons faire, c'est remettre le travail au coeur de la société et au coeur de l'économie, parce que c'est un moyen de valoriser les gens, de rappeler aux uns et aux autres que c'est en travaillant plus, avec des conditions de travail améliorées, que l'on peut retrouver les chemins de la croissance et financer notre modèle de protection sociale. Cela concerne la santé, la retraite et cela concerne, d'une manière générale, le retour de la croissance en France."
En Allemagne, il y a eu un accord sur le système de santé entre le gouvernement et l'opposition. Après de longues semaines, de longs mois de négociations, il y a finalement un accord global, pour faire appliquer des mesures qui sont sans doute un peu dures à avaler par les Allemands. On ne peut pas imaginer quelque chose comme cela en France ?
- "Mais si. D'ailleurs, je me permets d'appeler votre attention sur le fait que c'est ce que nous avons fait sur les retraites..."
Mais pas avec les partis politiques ! Vous avez consulté les syndicats. Là, il y a une vraie négociation...
- "J'ai un grand regret : c'était difficile pour la gauche de faire des propositions... Pendant cinq ans, ils avaient tout reporté. Mais on a travaillé avec les partenaires sociaux. La méthode Raffarin, c'est une méthode en trois temps. Premier temps, on fait l'état des lieux, on explique combien la situation exige une réforme. Deuxième temps, on ouvre le dialogue, parce qu'on n'a pas d'a priori, pas de certitudes. Ce fut toute la phase du dialogue social que l'on a vu sur les retraites et que l'on verra sur la protection sociale. Et enfin, le troisième temps, c'est la décision politique car elle doit bien revenir au politique, c'est la loi du suffrage universel. Cette méthode en trois temps est essentielle. Il ne faut pas l'escamoter, il ne faut pas aller plus vite que la musique. On a vu pour les retraites que cela avait l'avantage de permettre à chacun de s'exprimer, d'être écoutés. Ensuite, au politique d'assumer ses responsabilités, donc de répondre à ce que les Français attendent d'un gouvernement."
Vous préparez le budget ; on est dans la partie dépenses. Hier, E. Balladur disait qu'il faut continuer absolument à baisser les impôts. On est toujours dans la même question : comment peut-on baisser les impôts et réduire les déficits ? Il ne faut quand même pas oublier le Pacte de stabilité, même si on a l'air de s'en soucier un peu moins. Est-il possible, oui ou non, de continuer à baisser les impôts ou alors ce sera tout petit petit ?
- "Ce n'est pas que c'est possible, c'est que c'est vital. Ce n'est pas un a priori idéologique. On baisse les impôts, parce que quand on baisse les impôts et les charges sociales, c'est bon pour le pouvoir d'achat et pour l'emploi. Tous les pays qui ont augmenté les impôts ont cassé la croissance. Tous les pays qui ont baissé les impôts ont permis de redonner de l'oxygène à l'économie. Donc, cela fait partie d'un impératif à mettre en oeuvre. Evidemment, on ne peut pas aller aussi vite quand on a beaucoup de croissance et quand on n'en a pas. Mais on le fera. De la même manière, il s'agit de maîtriser les dépenses publiques. C'est un gros paquebot, les dépenses publiques, on ne peut pas tout arrêter d'un coup. Du temps de Jospin, avec la croissance, on y est allé sur les dépenses publiques, cela dérapait dans tous les sens ! Donc l'idée, c'est de stopper le paquebot, de vérifier surtout que les dépenses publiques sont bien utilisées. Il y a des domaines où on a besoin de plus et des domaines où on a besoin de moins. Donc, ministère par ministère, on travaille à cela. Et, bien entendu, l'objectif, à terme, c'est de réduire les déficits, parce que l'on pense à l'avenir des enfants. Je peux vous dire que ce Gouvernement, s'il fallait résumer d'un mot l'esprit de son action : s'occuper de l'avenir des enfants. Nous travaillons pour la durée et pour le long terme, et pas seulement pour le sondage du jour."
Quelles seront les deux grandes réformes de l'automne ?
- "L'idée, c'est que l'on ouvre non pas deux mais quatre grands chantiers. Le premier, c'est l'école et la formation ; le second, c'est la protection sociale qu'il nous faut préserver - la santé en particulier. Troisièmement, c'est la décentralisation pour rapprocher les décisions des citoyens ; quatrièmement, ce sont nos finances publiques, parce qu'il faut effectivement continuer la baisse des impôts, maîtriser la dépense publique et faire face intelligemment au respect des engagements européens que nous avons pris devant nos partenaires."
On n'oublie pas complètement le Pacte de stabilité ?
- "On n'oublie rien, on pense à tout le monde et on veille surtout à travailler à l'intérêt de la France."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juillet 2003)
- "Je crois qu'en tout cas, c'est ni joie ni tristesse. Vous savez, on est là pour assumer les responsabilités par rapport aux engagements que nous avons pris devant les Français. Donc, les uns après les autres, nous avons, en un an, ouvert la quasi-totalité des chantiers sur lesquels J. Chirac s'était engagé pendant la campagne présidentielle. La réforme des retraites, cela fait vingt ans qu'on en parle, nous avons assumé cette réforme, après y avoir consacré beaucoup de temps de dialogue et d'écoute. Maintenant, cette réforme est derrière nous, il s'agit de s'occuper des autres grands chantiers. Mais c'est vrai que nous sommes dans un pays où l'on a beaucoup l'habitude de commencer par dire "non", avant de réfléchir au bon sens des choses. Il faut passer du temps à expliquer."
J'insiste sur le conflit des intermittents du spectacle. Vous pensez vraiment que tout cela a vraiment été très bien géré ? Un accord avant le début des festivals ? On aurait pu attendre un peu, par exemple. Vous ne l'avez pas vu venir, ce conflit, en gros ?!
- "En tout cas, ce qui est vrai, c'est qu'il y a parfois des contradictions dont il faut assumer les conséquences. Il y en a une au moins : c'est que nous avons considéré que il fallait laisser toute sa place au dialogue social. C'était sans doute un contraste par rapport aux années Jospin, où l'on n'écoutait pas les partenaires sociaux. Les partenaires sociaux sont arrivés à un accord sur un sujet qui, là encore, avait été reporté depuis quinze ans. Les intermittents du spectacle, on en a beaucoup parlé depuis un mois, mais on en parle surtout depuis quinze ans, parce que les gouvernements successifs n'ont pas assumé. Cet accord est intervenu. Il s'agit pour le Gouvernement d'entendre aussi ce qui se dit et de bien comprendre, qu'au-delà de l'accord sur l'Unedic, dont je rappelle qu'en ce qui concerne les intermittents, c'est un tiers du déficit de l'ensemble du régime d'indemnisation de un million de salariés, il faut, nous, nous occuper à la fois d'aider le spectacle vivant - et J.-J. Aillagon y travaille activement - et puis, d'autre part, regarder du côté de ces entreprises d'audiovisuel qui ont effectivement un peu contourné le système."
On a quand même l'impression, ces dernières semaines, que l'image du Premier ministre s'est modifiée. On le voit à travers un certain nombre enquête d'opinion. Le Premier ministre, apparemment ouvert au dialogue, semble de temps en temps fermé, voire même autoritaire. Vous ne pensez pas qu'il y a un risque pour J.-P. Raffarin ?
- "Dans l'exercice des responsabilités publiques, c'est un peu la loi du genre que de voir des commentaires en dents de scie. Rappelez-vous, il y a trois mois, on disait, "que fait ce Gouvernement, fait-il des réformes" et puis, aujourd'hui, on dit, "est-ce qu'il n'en fait pas trop ?" ! Le même Gouvernement, dont on disait, il y a trous ou quatre mois, qu'il "écoute beaucoup mais il ne décide pas", on dit aujourd'hui "il décide trop". C'est bien pour cela qu'il faut aussi, tout en écoutant les critiques - on est là aussi de manière attentive à cela -, il faut aussi comprendre qu'on est là pour assumer nos responsabilités. Et qu'est-ce qu'on fait tous les jours ? On entend, on fait l'état des lieux, on explique les choses aux Français, ensuite on dialogue et puis enfin on décide. C'est ainsi que doit fonctionner une démocratie moderne."
Certains se demandent si le J.-P. Raffarin, qui parlait beaucoup de la France d'en bas, il y a un an, pendant la campagne électorale, est toujours à l'écoute de cette France d'en bas. Pendant la même semaine, on baisse la rémunération du Livret A et, en même temps, on fait des exonérations sur l'impôt de solidarité sur la fortune ? On dit que c'est une coïncidence malheureuse ?
- "Non, mais, si je puis me permettre, ne vous laissez pas trop influencer par les tracts du PS ou par les déclarations de F. Hollande !"
Oui, mais tout le monde entend cela ! Il y a beaucoup de gens qui se disent qu'il est incroyable que ce soient les petits ...
- "Reprenons les choses. Cela fait partie aussi des explications de prendre les choses dans l'ordre. Attendez ! Si on regarde le détail, le Livret A, il s'agit de quoi ? Il s'agit d'abord d'une mesure de bon sens, de tellement de bon sens qu'elle a été prise aussi bien aujourd'hui, que parce que les taux de la Banque centrale baissent, que par M. Jospin en 98 et en 99, à ceci près peut-être, une petite exception, que nous, nous avons considéré qu'il ne fallait pas toucher au Livret d'épargne populaire. Jospin n'avait pas ce type de scrupules. Mais pourquoi on le fait ? Parce qu'il faut financer le logement social, parce que sinon, ce sont les loyers des logements sociaux, donc des Français les plus modestes, qui vont être pénalisés. Et enfin, je rappelle qu'il faut relativiser l'ampleur de tout cela : cela représente pour plus de la moitié des détenteurs de Livret A, moins d'un euro de perte de revenu par an. Moins d'un euro ! Donc je crois qu'il faut relativiser tout cela, aller au bon sens. Cette mesure permet de financer le logement social, les entreprises et en plus les infrastructures de transports. Donc je crois qu'elle correspond à une logique économique. Jospin ne s'était pas trompé à l'époque ; M. Hollande l'a tout simplement oublié aujourd'hui. Et puis, (...) pourquoi est-ce qu'on ne sortirait pas un jour de la caricature ? Pourquoi est-ce que lorsque M. Hollande dit que la droite fait la politique des riches, on ne se dirait pas que tout cela, c'est n'importe quoi ? Personne ne pense que M. Jospin faisait la politique des pauvres. Enfin ! On gouverne pour toute la France. De quoi parle-t-on ? C'est quoi, une politique sociale ? C'est une politique sociale qui se mesure non pas au nombre de gens qui sont aidés, mais au nombre de gens qui n'ont plus besoin d'être aidés. Qu'avons nous fait depuis un an ? Nous avons augmenté le Smic de 11 % de plus, ce qui veut dire un treizième mois pour un million de salariés d'ici trois ans. Nous avons revalorisé tout ce qui touche ou tourne autour du travail. Un exemple : nous avons créé le contrat jeune en entreprise, pour les jeunes les plus faiblement qualifiés. 100.000 contrats signés, tous des CDI en moins d'un an ! Vous connaissez beaucoup de gouvernements qui ont pu avoir un tel résultat avec une croissance aussi faible ? Pardon de dire cela, quand je dis des "résultats", c'est tout simplement parce qu'on a fait des contrats sans charges sociales, ce qui évidemment de bon sens pour permettre aux entreprises d'embaucher les jeunes les plus faiblement qualifiés. Voilà l'exercice que nous pouvons conduire et sur lequel nous allons au résultat de manière objective."
On va continuer sur les réformes. Mais globalement, quand on dit que vous êtes un gouvernement de droite et libéral, cela ne vous gêne pas ? On a l'impression que vous assumez beaucoup plus, aujourd'hui, que les gouvernements de droite précédents ?
- "Je suis de ceux qui considère qu'assumer un discours et une action d'une droite moderne, c'est-à-dire qui n'est pas dans la caricature, qui essaie de manière tout fait cohérente de regarder ce qui ce passe dans le reste du monde, d'assumer des réformes courageuses, celles qui n'ont pas été faites depuis des années - les retraites, la décentralisation, la modernisation de l'Etat -, c'est effectivement quelque chose du bon sens et qui est assumé par un gouvernement d'une droite moderne, qui a mis de côté toutes les idéologies. Vous me parliez de libéralisme ? Pardon, je n'ai rien contre telle ou telle idéologie, je dis simplement que ce sont des idéologies dépassées, tout autant d'ailleurs que le socialisme ou le collectivisme. Ce sont des trucs du XXème siècle. Aujourd'hui, nous sommes au XXIème, nous sommes pragmatiques, on va au bon sens et on va surtout à ce qui permet de créer de l'emploi, à ce qui permet de créer du pouvoir d'achat, de retrouver les chemins de la croissance et puis, enfin, de rétablir une autorité publique qui a été bafouée pendant des années."
Tout le monde a quand même remarqué, à l'occasion du 14 juillet et de son intervention, que le président de la République, à propos de l'assurance maladie, de son déficit, n'a pas parlé de "réforme" mais a dit qu'il faut "adapter" notre système. On s'est dit d'un seul coup : Oh la la, ils ont déjà peur ! Il y a eu l'expérience des retraites, maintenant on parle "d'adaptation" et non plus de réforme ?
- "Non, rassurez-vous. D'abord, première chose, dans la vie, il ne faut jamais avoir peur. Il faut assumer ce qui est nécessaire. Deuxième chose, pour ce qui concerne le discours du président de la République, il est parfaitement clair. S'il s'agissait de remettre en cause notre système de protection [inaud]. Et c'est bien de cela dont le président de la République a parlé le 14 juillet. Nous avons un système de protection sociale qu'il faut préserver. Il est un des plus modernes du monde, car il protège l'ensemble de nos concitoyens."
Mais il est très déficitaire... Comment fait-on ?
- "Reste qu'effectivement, il a été, ces dernières années, dans une logique déficitaire parce que quelques une des mesures qu'il convient de prendre pour le moderniser et le préserver n'ont pas été prises. C'est donc à cela que nous allons travailler. C'est un des grands chantiers de cette année. D'ailleurs, je m'empresse de dire qu'il y a un point de différence majeur entre la gauche et la droite aujourd'hui, entre la politique Jospin - pour aller vite - et celle que nous menons : Jospin a, me semble-t-il, commis une véritable erreur, en faisant croire aux Français que l'on pouvait préserver notre modèle social en travaillant moins. Ce que nous voulons faire, c'est remettre le travail au coeur de la société et au coeur de l'économie, parce que c'est un moyen de valoriser les gens, de rappeler aux uns et aux autres que c'est en travaillant plus, avec des conditions de travail améliorées, que l'on peut retrouver les chemins de la croissance et financer notre modèle de protection sociale. Cela concerne la santé, la retraite et cela concerne, d'une manière générale, le retour de la croissance en France."
En Allemagne, il y a eu un accord sur le système de santé entre le gouvernement et l'opposition. Après de longues semaines, de longs mois de négociations, il y a finalement un accord global, pour faire appliquer des mesures qui sont sans doute un peu dures à avaler par les Allemands. On ne peut pas imaginer quelque chose comme cela en France ?
- "Mais si. D'ailleurs, je me permets d'appeler votre attention sur le fait que c'est ce que nous avons fait sur les retraites..."
Mais pas avec les partis politiques ! Vous avez consulté les syndicats. Là, il y a une vraie négociation...
- "J'ai un grand regret : c'était difficile pour la gauche de faire des propositions... Pendant cinq ans, ils avaient tout reporté. Mais on a travaillé avec les partenaires sociaux. La méthode Raffarin, c'est une méthode en trois temps. Premier temps, on fait l'état des lieux, on explique combien la situation exige une réforme. Deuxième temps, on ouvre le dialogue, parce qu'on n'a pas d'a priori, pas de certitudes. Ce fut toute la phase du dialogue social que l'on a vu sur les retraites et que l'on verra sur la protection sociale. Et enfin, le troisième temps, c'est la décision politique car elle doit bien revenir au politique, c'est la loi du suffrage universel. Cette méthode en trois temps est essentielle. Il ne faut pas l'escamoter, il ne faut pas aller plus vite que la musique. On a vu pour les retraites que cela avait l'avantage de permettre à chacun de s'exprimer, d'être écoutés. Ensuite, au politique d'assumer ses responsabilités, donc de répondre à ce que les Français attendent d'un gouvernement."
Vous préparez le budget ; on est dans la partie dépenses. Hier, E. Balladur disait qu'il faut continuer absolument à baisser les impôts. On est toujours dans la même question : comment peut-on baisser les impôts et réduire les déficits ? Il ne faut quand même pas oublier le Pacte de stabilité, même si on a l'air de s'en soucier un peu moins. Est-il possible, oui ou non, de continuer à baisser les impôts ou alors ce sera tout petit petit ?
- "Ce n'est pas que c'est possible, c'est que c'est vital. Ce n'est pas un a priori idéologique. On baisse les impôts, parce que quand on baisse les impôts et les charges sociales, c'est bon pour le pouvoir d'achat et pour l'emploi. Tous les pays qui ont augmenté les impôts ont cassé la croissance. Tous les pays qui ont baissé les impôts ont permis de redonner de l'oxygène à l'économie. Donc, cela fait partie d'un impératif à mettre en oeuvre. Evidemment, on ne peut pas aller aussi vite quand on a beaucoup de croissance et quand on n'en a pas. Mais on le fera. De la même manière, il s'agit de maîtriser les dépenses publiques. C'est un gros paquebot, les dépenses publiques, on ne peut pas tout arrêter d'un coup. Du temps de Jospin, avec la croissance, on y est allé sur les dépenses publiques, cela dérapait dans tous les sens ! Donc l'idée, c'est de stopper le paquebot, de vérifier surtout que les dépenses publiques sont bien utilisées. Il y a des domaines où on a besoin de plus et des domaines où on a besoin de moins. Donc, ministère par ministère, on travaille à cela. Et, bien entendu, l'objectif, à terme, c'est de réduire les déficits, parce que l'on pense à l'avenir des enfants. Je peux vous dire que ce Gouvernement, s'il fallait résumer d'un mot l'esprit de son action : s'occuper de l'avenir des enfants. Nous travaillons pour la durée et pour le long terme, et pas seulement pour le sondage du jour."
Quelles seront les deux grandes réformes de l'automne ?
- "L'idée, c'est que l'on ouvre non pas deux mais quatre grands chantiers. Le premier, c'est l'école et la formation ; le second, c'est la protection sociale qu'il nous faut préserver - la santé en particulier. Troisièmement, c'est la décentralisation pour rapprocher les décisions des citoyens ; quatrièmement, ce sont nos finances publiques, parce qu'il faut effectivement continuer la baisse des impôts, maîtriser la dépense publique et faire face intelligemment au respect des engagements européens que nous avons pris devant nos partenaires."
On n'oublie pas complètement le Pacte de stabilité ?
- "On n'oublie rien, on pense à tout le monde et on veille surtout à travailler à l'intérêt de la France."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juillet 2003)