Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames et Messieurs,
La Fondation Ipsen a 20 ans et nous sommes tous réunis pour fêter cette date anniversaire. Je souhaite remercier messieurs Bélingard et Dafour de m'avoir donné l'opportunité de participer à cette manifestation, placée sous le haut patronage du Président de la République, Jacques Chirac.
Tout d'abord, c'est toujours un immense plaisir que de réunir dans ce lieu prestigieux du Collège de France, temple et symbole de la connaissance pour tous nos concitoyens, des personnalités et chercheurs éminents, venus de tous les horizons de la science et de tous pays et d'y côtoyer des Prix Nobel aussi renommés que les professeurs Wiesel et Kandel. Ce lieu, cette rencontre, c'est en soi une fête de la connaissance et du savoir qui se suffirait à elle-même ; c'est aussi une façon de participer au rayonnement de la recherche française.
Mais la seconde raison du bonheur que j'ai à participer à votre manifestation, c'est le thème scientifique et médical formidable que vous avez choisi pour cette célébration : 'Du cerveau à la pensée'.
Quel plus beau sujet, en effet, que de se pencher sur le premier instrument de la connaissance, le cerveau, et de faire de cet instrument l'objet même de sa connaissance ?
"Beaucoup se demandent s'il sera un jour possible d'atteindre une compréhension exhaustive du cerveau, cet organe infiniment complexe et puissant" : ainsi s'exprimait Torsten WIESEL en recevant son Prix Nobel. Et il lançait cette question aussi provocante qu'audacieuse :
"Can the brain really understand itself ? Le cerveau est-il réellement capable de se comprendre lui-même ?"
Je crois que cette question résume à elle seule ce que la recherche en neurosciences a de fascinant : ce saut du cerveau à la pensée, de ce qui relève du physiologique à ce qui relève de l'esprit.
Percer le mystère de la pensée, voilà, en effet, le rêve non seulement des scientifiques mais aussi des philosophes, voire de chacun d'entre nous.
Toute la richesse du comportement humain et de la culture peut-elle être expliquée en termes biologiques et physiques ?
Autant de perspectives fascinantes
Neurosciences et recherche
Les neurosciences sont devenues un domaine de recherche majeur en sciences du vivant depuis les travaux pionniers du professeur Wiesel ou du professeur Kandel, Prix Nobel de médecine en 2000.
Et vous êtes nombreux ici à avoir contribué à l'essor de cette discipline, je pense, entre autres, à celui qui fut mon directeur de thèse, Alain BERTHOZ, que je suis heureuse de saluer.
Aujourd'hui, grâce notamment aux progrès de la génétique moléculaire et de l'imagerie cérébrale, les neurosciences peuvent légitimement avoir l'ambition d'établir le lien entre une description microscopique, au niveau cellulaire, de l'activité métabolique et électrique de quelques neurones, couplés à leurs partenaires gliaux, et une interprétation globale du fonctionnement coopératif de millions, voire de milliards de cellules, pour traiter et stocker de l'information.
Peu de disciplines scientifiques sont actuellement aussi porteuses de rêve, en termes de compréhension de la complexité et d'espoir, en termes d'applications médicales que ce soit pour les maladies liées à l'âge ou les handicaps moteurs, sensoriels et psychiatriques.
Peu de disciplines, en outre, illustrent autant la fertilité de l'interdisciplinarité en matière de recherche, depuis la biologie et la chimie fondamentale jusqu'aux sciences humaines et sociales, et ce lien indissociable et puissant entre la recherche fondamentale, tournée vers l'avancée des connaissances, et les technologies au service du progrès.
Demain peut-être, les avancées des neurosciences, des nanotechnologies, des matériaux et de l'informatique permettront, sinon de reproduire les fonctions du cerveau, du moins de pallier certaines de ses insuffisances et d'apporter des réponses à des maladies ou des handicaps qui limitent les capacités de l'homme.
C'est en tout cas l'espoir que je forme et c'est une des raisons pour laquelle le gouvernement étudie des mesures pour promouvoir les biotechnologies qui constituent sans doute un des champ les plus féconds de la science mais aussi des technologies de demain.
Je me réjouis donc que vous ayez choisi ce thème pour votre colloque car ces échanges entre experts français et internationaux mais aussi entre chercheurs, médecins et industriels, contribuent activement à l'essor des neurosciences, thématique majeure qui mobilise déjà 20 % des moyens consacrés aux sciences du vivant.
Fondations
Mais je n'oublie pas que l'événement qui nous réunit aujourd'hui est un anniversaire : celui d'IPSEN qui, depuis 20 ans, participe à l'essor des connaissances médicales et scientifiques en organisant de tels colloques.
C'est pour moi également l'occasion de dire tout l'intérêt que je porte à ce statut particulier des fondations, c'est à dire à ces structures qui fédèrent autour d'un objectif ambitieux, noble, généreux et désintéressé toutes les énergies ; celle des laboratoires et des scientifiques qui trouvent là un environnement propice à leur recherche, celle des entreprises qui s'engagent sur des projets ambitieux de long terme, celle des citoyens enfin qui à travers elles participent par leurs dons au progrès de la science et de l'humanité.
Chacun connaît le rôle majeur que jouent les fondations, en particulier dans le monde scientifique et médical.
La France doit encourager ces initiatives : notre pays, en effet, ne recensait en 2001 qu'un millier de fondations dont 500 sous l'égide de la Fondation de France. C'est trop peu comparé aux 12 000 fondations américaines ou aux 3 000 "charity trusts" britanniques Et le mécénat et la philanthropie ne représentent en France que 0,1% du PIB soit 20 fois moins qu'aux Etats-Unis.
La recherche, à l'évidence, souffre de cette faiblesse et s'est trop longtemps privée d'un modèle particulièrement fructueux pour la recherche.
Le Ministère de la Recherche s'est donc préoccupé de cette situation.
Tout d'abord, la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations améliore le régime des fondations qui se rapproche désormais de celui de nos voisins européens avec des mesures qui s'appliquent directement à la recherche.
Les avantages fiscaux ont été significativement améliorés : le montant de la réduction d'impôt a été porté à 60% des dons pour les particuliers comme pour les entreprises (contre, respectivement, 50% et 33% auparavant).
Le plafond ouvrant droit à cette réduction double (passant à 20% du revenu imposable pour les particuliers et cinq pour mille du chiffre d'affaires pour les entreprises) ; l'effet de plafond est atténué par l'autorisation de report de la réduction fiscale sur 5 ans.
En outre, l'abattement au titre de l'impôt sur les sociétés consenti aux fondations d'utilité publique triple (de 15 000 à 50 000 euros). La loi autorise également les héritiers à déduire des droits de succession le montant de leurs dons aux fondations.
Enfin, les nouveaux statuts-types permettent une grande souplesse de fonctionnement.
Bref, ces mesures constituent une avancée considérable pour les fondations et un engagement déterminant de l'Etat !
Fondations et recherche
Pour donner son plein effet à cette réforme, le gouvernement souhaite encourager la création de nouvelles fondations consacrées à des thématiques de recherche qui ne sont pas encore couvertes par les fondations existantes.
Dans le cadre du budget 2004, j'ai donc l'ambition de lancer de grands programmes de recherche, sur des causes d'intérêt général comme la santé, l'alimentation, l'eau, l'air, le sol, l'énergie.
Je souhaite que des fondations comme IPSEN, viennent se joindre à ces projets et contribuer à forger leur succès.
Parallèlement mon Ministère présentera avant la fin de l'année une liste de recommandations en direction des Fondations de recherche.
J'ai surtout décidé la création d'une cellule Fondations pour apporter un accompagnement à la création de fondations, pour animer le réseau des fondations et accroître leur visibilité auprès de la communauté scientifique comme du grand public.
Enfin, nous réfléchissons à des mesures fiscales supplémentaires et spécifiques aux Fondations de recherche.
Par le rapprochement qu'elles permettent entre le public et la recherche, ces fondations de recherche sont au cur de notre politique.
Elles permettent, en un mot, de renforcer l'investissement en recherche et de pérenniser des pôles de compétence dans la recherche publique tout en fédérant les énergies autour de causes proches des préoccupations des citoyens-.
Elles sont aussi un élément important de l'attractivité de notre pays et de son rayonnement dans le monde et permettent de replacer la recherche dans la concurrence internationale.
Elles sont enfin un lieu de partage entre scientifiques, industriels et citoyens.
La Fondation IPSEN nous montre la voie par son engagement au service de la science.
Je suis donc très heureuse de fêter aujourd'hui les 20 ans de cette jeune institution et de lui souhaiter longue vie et nombreux succès
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 15 septembre 2003)