Texte intégral
Q - L'Europe est à la veille d'une année importante, on peut même dire historique, avec l'accueil de dix nouveaux pays membres le 1er mai 2004. D'ici là, il y a la mise au point de la future Constitution européenne. Il y aura un rendez-vous déjà fixé début octobre à Rome. Est-ce que la France est satisfaite des travaux de la Convention ? Le Premier ministre français a parlé d'ajustements, mais globalement les travaux de la Convention sont satisfaisants pour la France ?
R - Nous sommes très satisfaits. Parce que nous souhaitions le succès de la Convention qui a eu lieu, et parce que sur la table des 25 chefs d'Etat et de gouvernement qui vont se réunir le 4 octobre pour lancer la conférence qui adoptera la Constitution, il y aura un seul projet, alors qu'à l'origine, on pouvait craindre que, compte tenu des différences entre Etats, il y ait plusieurs options possibles ; or, la Convention propose un projet de Constitution.
Q - Il peut être modifié.
R - Bien sûr. La Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing propose, la Conférence intergouvernementale décide. Ceux qui décident ont le droit de changer le texte, mais nous souhaitons que l'équilibre du texte soit maintenu.
Q - Certains "petits pays", appelés comme tels, de l'Union européenne, et surtout les futurs membres, se sont réunis hier à Prague. Ils réclament toujours un commissaire européen par pays. Est-ce que c'est un point de blocage pour vous ?
R - Nous avons admis qu'il y ait un commissaire par pays. Il y en aura donc 25 à partir de novembre 2004 - lorsque la Commission sera renouvelée jusqu'en 2009 pour un premier mandat. Ensuite nous avons accepté, et non pas proposé, que la Commission soit resserrée, c'est-à-dire qu'il y ait uniquement quinze commissaires qui aient le droit de vote, et quinze commissaires supplémentaires qui aient un rôle d'observateur. C'est un point de focalisation. Je dois dire que je comprends leur demande, mais nous verrons s'il y a un accord pour changer ce qui a été prévu par la Convention.
Q - Nous n'allons pas passer tous les points de désaccord en revue, simplement certains redoutent aussi que le futur président du Conseil européen - c'est une volonté des grands pays -, qui sera désigné pour deux ans et demi, ne prenne trop de place et qu'il concurrence la Commission
R - Non, pas du tout. Tout le monde a compris que le président du Conseil européen était au contraire pour les Etats la garantie d'une meilleure cohésion entre eux. Que fera le président ? Ce président ira, comme le fait actuellement le président du Conseil qui change tous les six mois, visiter tous les pays. Il visitera plusieurs fois par an les 25 pays - peut-être une centaine de voyages -, il se rendra aussi à Bruxelles, à la Commission, au Parlement européen. Il servira de trait d'union, pas de négociateur. Il sera vraiment le président au sens d'animer les séances du Conseil en les préparant. Les Etats sont égaux entre eux autour de la table du Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement et dialoguent de façon très ouverte.
Q - Alors parlons des priorités françaises. Une des priorités françaises en Europe reste l'Allemagne ?
R - Notre relation avec l'Allemagne a été fondatrice de l'Europe, parce que c'est sur le fondement de la réconciliation entre les deux pays qu'a été imaginée cette construction tout à fait exceptionnelle. Elle a survécu pendant un demi-siècle et continuera, on l'espère, dans le futur. Cette relation n'est pas périmée car tous les deux ont une vraie vision politique de l'Europe. Ils ont des différences : il y a un Etat fédéral, c'est l'Allemagne, et il y a un Etat décentralisé, mais encore assez centralisé jusqu'à aujourd'hui, c'est la France. Quand on se met ensemble autour d'une table, il s'avère que ce qu'on propose est une voie médiane qui souvent est suivie par les autres.
Q - Alors il y aura des réunions de Conseils de ministres communs, des Conseils des ministres franco-allemands, et je pense qu'après il y aura une fréquence de tous les six mois ?
R - Il a été décidé de remplacer les sommets bilatéraux classiques, comme il en existe par exemple en franco-espagnol, en franco-britannique, ou en franco-italien, par de vrais Conseils des ministres.
Q - Les ministres français siégeront aux côtés des ministres allemands ?
R - Cela a déjà eu lieu, le 22 janvier dernier. Il y en aura un le 18 septembre. Les deux ministres des Affaires européennes, c'est à dire mon collègue allemand et moi, sommes chargés, comme secrétaires généraux de la Coopération franco-allemande, qui est une fonction nouvelle, de préparer ces Conseils des ministres franco-allemands.
Q - On envisageait d'avoir des ambassades communes. Est-ce que cela se fera un jour ?
R - Le projet avait déjà été imaginé. Et ce matin, lors de ma conférence de presse de rentrée, j'ai proposé qu'on relance l'idée, au moins la réflexion. Il y a quelques obstacles juridiques qui avaient été soulevés à l'époque, par la France, mais je pense qu'il faut avancer et songer à la prochaine étape de l'institutionnalisation des relations franco-allemandes en Europe.
Q - On peut espérer des propositions pour la rentrée européenne. Vous parlez de la création d'un statut européen, par exemple pour les jeunes entreprises innovantes. Vous réclamez aussi la présence privilégiée du drapeau européen sur les bâtiments publics. Est-ce que, au-delà des mots, tout cela va suffire à rapprocher l'Europe du citoyen, ce qui est quand même fondamental ?
R - Je pense que les Français savent maintenant qu'ils sont aussi des citoyens européens. Simplement, j'ai observé au cours des visites que j'ai faites dans différentes régions de France, qu'ils se plaignaient de ne pas être assez informés. Pour rapprocher la démocratie européenne de la démocratie de notre pays, puisque les deux sont conjuguées
Q - C'est de la faute de la presse, des médias, des journalistes, ou c'est plutôt
R - Je pense aussi que les responsables politiques n'ont pas suffisamment joué leur rôle de relais. Là, c'est un peu un mea culpa. Je pense que les politiques doivent pleinement reprendre en compte la construction européenne. Toutes les décisions prises à Bruxelles ne sont pas excellentes, même si nous y avons participé. Mais cela ne change rien par rapport aux décisions que l'on peut prendre au plan national. Il faut que les responsables politiques prennent le relais et expliquent aux Européens qu'ils sont les acteurs de l'Europe. Ils ne sont pas des observateurs passifs. Nous avons fait l'Europe, nous l'avons inventée, largement en franco-allemand, et six pays fondateurs l'ont façonnée en 1957. C'est de nous qu'est venue l'idée de la monnaie unique, une idée invraisemblable et demain peut-être d'un système judiciaire encore plus harmonisé, avec des poursuites, avec un procureur de la République européen. Tout cela est très audacieux. L'Europe nous permet de changer et d'aller de l'avant.
Q - Noëlle Lenoir, vous parlez de monnaie unique. Cela nous amène sur le terrain économique. La France vient d'annoncer un déficit public d'environ 4 % de son PIB, c'est-à-dire 1 % au-delà de ce que le fameux pacte de stabilité européen autorise. Est-ce qu'il n'est pas grave que la France finalement montre le mauvais exemple européen et soit le moins bon élève de la classe en terme de déficit public ?
R - Tous les pays européens, en dehors des trois pays scandinaves, ont des déficits. Il est vrai que nous avons un déficit beaucoup trop lourd qui est aussi le produit des politiques qui ont été menées. Je pense notamment à la charge des 35 heures qui n'avait sans doute pas été prise suffisamment en compte.
Q - Comment faire pour relancer la croissance française et au-delà la croissance européenne ? On parle de baisser les impôts en France. Est-ce que c'est le moment ?
R - Vous avez dit ce qu'il fallait dire si je puis m'exprimer ainsi. D'abord parce que stabilité et croissance, c'est le pacte. Faut-il casser la croissance, faire une politique déflationniste, pour accélérer le rythme qui nous permettra d'atteindre l'objectif des 3 % seulement de déficit ? Non. Nous pensons qu'il faut d'abord relancer la croissance tout en maintenant les déficits. L'action est double sur la relance de la croissance, le pouvoir d'achat, - ce sont les baisses d'impôts -, sur la relance de l'investissement - c'est ce qui va être fait sur la recherche et l'innovation, avec l'accent mis sur le financement de la recherche et du développement technologique.
Q - C'est d'autant plus important, je vous interromps, que l'Europe a un retard sur les Etats-Unis en cette matière, en matière d'équipement technologique
R - L'Europe a beaucoup de retard. Les Etats-Unis consacrent près de 3 % de leurs dépenses par rapport au PIB à la recherche, et nous nous situons à un petit peu plus de 2 % en Europe. C'est tout à fait insuffisant. Mais il faut bien entendu aller dans le sens de ce qu'exige cette monnaie unique, qui est un grand atout, mais qui exige aussi de réduire la dette parce qu'on ne veut pas que nos enfants aient une charge qu'ils ne pourraient supporter et de réduire les déficits. Ce que nous faisons, ce sont des réformes. Des réformes qui vont dans un sens positif mais dont les effets ne sont pas immédiats et ne peuvent pas être constatés à court terme. C'est un petit peu la difficulté de l'exercice actuel.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 08 septembre 2003)
R - Nous sommes très satisfaits. Parce que nous souhaitions le succès de la Convention qui a eu lieu, et parce que sur la table des 25 chefs d'Etat et de gouvernement qui vont se réunir le 4 octobre pour lancer la conférence qui adoptera la Constitution, il y aura un seul projet, alors qu'à l'origine, on pouvait craindre que, compte tenu des différences entre Etats, il y ait plusieurs options possibles ; or, la Convention propose un projet de Constitution.
Q - Il peut être modifié.
R - Bien sûr. La Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing propose, la Conférence intergouvernementale décide. Ceux qui décident ont le droit de changer le texte, mais nous souhaitons que l'équilibre du texte soit maintenu.
Q - Certains "petits pays", appelés comme tels, de l'Union européenne, et surtout les futurs membres, se sont réunis hier à Prague. Ils réclament toujours un commissaire européen par pays. Est-ce que c'est un point de blocage pour vous ?
R - Nous avons admis qu'il y ait un commissaire par pays. Il y en aura donc 25 à partir de novembre 2004 - lorsque la Commission sera renouvelée jusqu'en 2009 pour un premier mandat. Ensuite nous avons accepté, et non pas proposé, que la Commission soit resserrée, c'est-à-dire qu'il y ait uniquement quinze commissaires qui aient le droit de vote, et quinze commissaires supplémentaires qui aient un rôle d'observateur. C'est un point de focalisation. Je dois dire que je comprends leur demande, mais nous verrons s'il y a un accord pour changer ce qui a été prévu par la Convention.
Q - Nous n'allons pas passer tous les points de désaccord en revue, simplement certains redoutent aussi que le futur président du Conseil européen - c'est une volonté des grands pays -, qui sera désigné pour deux ans et demi, ne prenne trop de place et qu'il concurrence la Commission
R - Non, pas du tout. Tout le monde a compris que le président du Conseil européen était au contraire pour les Etats la garantie d'une meilleure cohésion entre eux. Que fera le président ? Ce président ira, comme le fait actuellement le président du Conseil qui change tous les six mois, visiter tous les pays. Il visitera plusieurs fois par an les 25 pays - peut-être une centaine de voyages -, il se rendra aussi à Bruxelles, à la Commission, au Parlement européen. Il servira de trait d'union, pas de négociateur. Il sera vraiment le président au sens d'animer les séances du Conseil en les préparant. Les Etats sont égaux entre eux autour de la table du Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement et dialoguent de façon très ouverte.
Q - Alors parlons des priorités françaises. Une des priorités françaises en Europe reste l'Allemagne ?
R - Notre relation avec l'Allemagne a été fondatrice de l'Europe, parce que c'est sur le fondement de la réconciliation entre les deux pays qu'a été imaginée cette construction tout à fait exceptionnelle. Elle a survécu pendant un demi-siècle et continuera, on l'espère, dans le futur. Cette relation n'est pas périmée car tous les deux ont une vraie vision politique de l'Europe. Ils ont des différences : il y a un Etat fédéral, c'est l'Allemagne, et il y a un Etat décentralisé, mais encore assez centralisé jusqu'à aujourd'hui, c'est la France. Quand on se met ensemble autour d'une table, il s'avère que ce qu'on propose est une voie médiane qui souvent est suivie par les autres.
Q - Alors il y aura des réunions de Conseils de ministres communs, des Conseils des ministres franco-allemands, et je pense qu'après il y aura une fréquence de tous les six mois ?
R - Il a été décidé de remplacer les sommets bilatéraux classiques, comme il en existe par exemple en franco-espagnol, en franco-britannique, ou en franco-italien, par de vrais Conseils des ministres.
Q - Les ministres français siégeront aux côtés des ministres allemands ?
R - Cela a déjà eu lieu, le 22 janvier dernier. Il y en aura un le 18 septembre. Les deux ministres des Affaires européennes, c'est à dire mon collègue allemand et moi, sommes chargés, comme secrétaires généraux de la Coopération franco-allemande, qui est une fonction nouvelle, de préparer ces Conseils des ministres franco-allemands.
Q - On envisageait d'avoir des ambassades communes. Est-ce que cela se fera un jour ?
R - Le projet avait déjà été imaginé. Et ce matin, lors de ma conférence de presse de rentrée, j'ai proposé qu'on relance l'idée, au moins la réflexion. Il y a quelques obstacles juridiques qui avaient été soulevés à l'époque, par la France, mais je pense qu'il faut avancer et songer à la prochaine étape de l'institutionnalisation des relations franco-allemandes en Europe.
Q - On peut espérer des propositions pour la rentrée européenne. Vous parlez de la création d'un statut européen, par exemple pour les jeunes entreprises innovantes. Vous réclamez aussi la présence privilégiée du drapeau européen sur les bâtiments publics. Est-ce que, au-delà des mots, tout cela va suffire à rapprocher l'Europe du citoyen, ce qui est quand même fondamental ?
R - Je pense que les Français savent maintenant qu'ils sont aussi des citoyens européens. Simplement, j'ai observé au cours des visites que j'ai faites dans différentes régions de France, qu'ils se plaignaient de ne pas être assez informés. Pour rapprocher la démocratie européenne de la démocratie de notre pays, puisque les deux sont conjuguées
Q - C'est de la faute de la presse, des médias, des journalistes, ou c'est plutôt
R - Je pense aussi que les responsables politiques n'ont pas suffisamment joué leur rôle de relais. Là, c'est un peu un mea culpa. Je pense que les politiques doivent pleinement reprendre en compte la construction européenne. Toutes les décisions prises à Bruxelles ne sont pas excellentes, même si nous y avons participé. Mais cela ne change rien par rapport aux décisions que l'on peut prendre au plan national. Il faut que les responsables politiques prennent le relais et expliquent aux Européens qu'ils sont les acteurs de l'Europe. Ils ne sont pas des observateurs passifs. Nous avons fait l'Europe, nous l'avons inventée, largement en franco-allemand, et six pays fondateurs l'ont façonnée en 1957. C'est de nous qu'est venue l'idée de la monnaie unique, une idée invraisemblable et demain peut-être d'un système judiciaire encore plus harmonisé, avec des poursuites, avec un procureur de la République européen. Tout cela est très audacieux. L'Europe nous permet de changer et d'aller de l'avant.
Q - Noëlle Lenoir, vous parlez de monnaie unique. Cela nous amène sur le terrain économique. La France vient d'annoncer un déficit public d'environ 4 % de son PIB, c'est-à-dire 1 % au-delà de ce que le fameux pacte de stabilité européen autorise. Est-ce qu'il n'est pas grave que la France finalement montre le mauvais exemple européen et soit le moins bon élève de la classe en terme de déficit public ?
R - Tous les pays européens, en dehors des trois pays scandinaves, ont des déficits. Il est vrai que nous avons un déficit beaucoup trop lourd qui est aussi le produit des politiques qui ont été menées. Je pense notamment à la charge des 35 heures qui n'avait sans doute pas été prise suffisamment en compte.
Q - Comment faire pour relancer la croissance française et au-delà la croissance européenne ? On parle de baisser les impôts en France. Est-ce que c'est le moment ?
R - Vous avez dit ce qu'il fallait dire si je puis m'exprimer ainsi. D'abord parce que stabilité et croissance, c'est le pacte. Faut-il casser la croissance, faire une politique déflationniste, pour accélérer le rythme qui nous permettra d'atteindre l'objectif des 3 % seulement de déficit ? Non. Nous pensons qu'il faut d'abord relancer la croissance tout en maintenant les déficits. L'action est double sur la relance de la croissance, le pouvoir d'achat, - ce sont les baisses d'impôts -, sur la relance de l'investissement - c'est ce qui va être fait sur la recherche et l'innovation, avec l'accent mis sur le financement de la recherche et du développement technologique.
Q - C'est d'autant plus important, je vous interromps, que l'Europe a un retard sur les Etats-Unis en cette matière, en matière d'équipement technologique
R - L'Europe a beaucoup de retard. Les Etats-Unis consacrent près de 3 % de leurs dépenses par rapport au PIB à la recherche, et nous nous situons à un petit peu plus de 2 % en Europe. C'est tout à fait insuffisant. Mais il faut bien entendu aller dans le sens de ce qu'exige cette monnaie unique, qui est un grand atout, mais qui exige aussi de réduire la dette parce qu'on ne veut pas que nos enfants aient une charge qu'ils ne pourraient supporter et de réduire les déficits. Ce que nous faisons, ce sont des réformes. Des réformes qui vont dans un sens positif mais dont les effets ne sont pas immédiats et ne peuvent pas être constatés à court terme. C'est un petit peu la difficulté de l'exercice actuel.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 08 septembre 2003)